Intervention de Philippe Bas

Réunion du 12 février 2014 à 14h30
Accueil et prise en charge des mineurs isolés étrangers — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Pour ce qui me concerne, je souhaite souligner que nous sommes en présence d’un véritable afflux, et que le mouvement s’amplifie. Vous avez eu l’objectivité et l’honnêteté – je vous en remercie – de rappeler les chiffres, la différence entre les estimations de départ, les réalités constatées et les projections que l’on peut faire. Cependant, lorsque l’on passe de 1 500 à 4 000 nouveaux arrivants sur une année, on peut très sérieusement s’interroger sur l’existence d’un tel afflux, qui peut même être qualifié d’explosion, ce qui est évidemment de nature à nous inquiéter.

Me souvenant de l’adoption de la loi de 2007, bien sûr, mais surtout constatant les difficultés de sa mise en œuvre en tant qu’acteur dans un conseil général, je rappelle que ce texte, contrairement à ce qui a été parfois avancé, ne tranche nullement la question de savoir s’il revient à l’État ou aux départements de prendre en charge ces enfants étrangers sans famille. On cite le rapporteur de l’Assemblée nationale sur cette loi, mais elle regrette justement que ce point ne soit pas traité. C’est donc bien que le texte ne le traite pas !

Quant à l’amendement de Mme Adam auquel vous avez fait référence tout à l’heure, madame le garde des sceaux, précisément, s’il a été adopté, c’est qu’il ne prévoit pas que la charge revient aux conseils généraux. Il précise simplement ce que la Convention internationale des droits de l’enfant établit déjà, à savoir que nous avons une obligation à l’égard de ces enfants, ce que personne, je le redis avec force, ne vient contester ici !

La loi de 2007, pour tous ceux qui sont chargés de la mettre en œuvre, c’est de l’orfèvrerie, c’est une mécanique sensible et délicate, avec des équilibres précaires. Quand on me dit que ces enfants étrangers sans famille ne sont pas vraiment un problème parce qu’ils ne représentent que 4 % ou 5 % des mineurs pris en charge, sous-entendu, les départements crient avant d’avoir mal et peuvent assumer la dépense, je m’inscris en faux contre un tel raisonnement, car il méconnaît la réalité des politiques de l’enfance dans les départements.

Depuis sept ans, dans les départements, nous essayons le plus possible de redéployer nos actions de placement en famille d’accueil ou en établissement vers un accompagnement intensif en milieu ouvert. Pour les mêmes dépenses de personnel, un accompagnement intensif en milieu ouvert permet la prise en charge de cinq enfants là où l’on ne pouvait en accompagner qu’un en hébergement. Un supplément de 5 % d’enfants, si tous sont pris en charge en hébergement, représente en réalité un accroissement de charge tout à fait considérable pour les départements !

Je souhaite vous sensibiliser à cet aspect de la question, qui est pour nous un sujet de vive préoccupation. Ce n’est pas seulement une affaire de crédits – même si cette difficulté se pose avec acuité –, c’est aussi un problème de disponibilité matérielle des hébergements et des familles d’accueil. Il ne suffit pas d’un claquement de doigts pour trouver un moyen d’assumer la prise en charge de ces enfants sur une durée plus ou moins longue.

Cette situation présente donc un risque de désorganisation des politiques de l’enfance dans les départements. Si nous voulons assumer correctement ces politiques de l’enfance, nous ne pouvons pas l’accepter, madame le garde des sceaux. Aussi, c’est bien au nom de l’intérêt des enfants en général, sans opposer les enfants étrangers aux enfants français, que nous vous répondons que la solution que vous mettez en œuvre, en accord avec l’Assemblée des départements de France, n’est pas la bonne. Il est possible qu’elle desserre l’étau temporairement sur certains départements, mais elle aura surtout pour effet de diffuser le problème sur l’ensemble du territoire national, alors qu’il se posait seulement sur une partie de celui-ci.

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