Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 12 février 2014 à 14h30
Ville et cohésion urbaine — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire, amendement 63

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai eu l’occasion de le dire en première lecture, s’il y a un domaine où une réforme était attendue, c’est bien celui de la politique des quartiers populaires. Cette réforme, vous l’avez faite, monsieur le ministre.

Dix ans après la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, le texte qui nous est soumis marque la volonté du Gouvernement d’engager une nouvelle étape de la politique de la ville, surtout en direction des quartiers défavorisés.

Je ne vais pas résumer les grands axes de cette loi, tout le monde les connaît. Je vais seulement saluer le travail de nos deux rapporteurs ainsi que votre ouverture, monsieur le ministre, laquelle a permis une véritable coconstruction dans l’élaboration de ce projet de loi.

Nous nous réjouissons que l’article 1er reprenne la rédaction issue du Sénat, notamment parce que – grâce aux amendements déposés par les groupes de la majorité – le rôle et la place des habitants dans la définition et la mise en œuvre de la politique de la ville y sont reconnus dès l’alinéa 1.

Le groupe écologiste avait également défendu l’idée que le droit à un environnement sain et de qualité soit reconnu par la loi. Les objectifs environnementaux, au même titre que les objectifs sociaux, sont essentiels pour assurer le bien-être et l’amélioration des conditions de vie des habitants et doivent donc évidemment être pris en compte par la politique de la ville. Nous sommes satisfaits d’avoir été rejoints sur ce sujet par le rapporteur, Claude Dilain.

Toutefois, les propositions écologistes n’ont pas toutes été entendues et je veux revenir ici sur l’histoire de l’amendement n° 63, qui visait à améliorer le droit pénal pour rendre plus effectives les dispositions de lutte contre les discriminations en prohibant de manière explicite l’exercice abusif du droit de préemption pour des motifs discriminatoires.

Originellement conçu comme un outil permettant aux maires de défendre des projets de développement immobilier précis sur le sol de leurs communes, le droit de préemption a parfois été perverti, comme vous le savez. Il s’agissait donc de rappeler avec force qu’il n’est pas acceptable que ce droit soit utilisé à des fins discriminatoires, notamment pour des motifs ethniques ou raciaux, et qu’il est de la responsabilité du législateur de mettre fin à ces pratiques.

L’adoption de cet amendement aurait permis aux sénateurs de franchir un nouveau cap en matière de lutte contre les discriminations, alors même que vient d’être présentée la feuille de route pour la politique d’égalité républicaine et d’intégration.

Hélas, malgré le soutien du Gouvernement, le Sénat a rejeté cette proposition et s’est privé de l’occasion qu’il avait d’envoyer un signal fort à l’ensemble de nos concitoyens, notamment de ceux des quartiers populaires qui font bien souvent l’amère expérience de la discrimination.

Réjouissons-nous toutefois que le présent projet de loi ne soit pas totalement dénué de dispositions en matière de discrimination : l’article 10 A, issu d’un amendement du député socialiste Daniel Goldberg, introduit un nouveau critère de discrimination en fonction du lieu de résidence. On le sait, les habitants des quartiers populaires sont souvent discriminés, notamment en matière d’emploi, en raison de leur lieu de résidence ou de leur code postal. L’inscription dans la loi de ce vingtième critère de discrimination constitue sans aucun doute un nouveau pas vers l’égalité.

Je conclurai sur cette note optimiste et, même s’il aurait souhaité un texte encore plus ambitieux, le groupe écologiste se félicite de ce travail commun qui a abouti à un texte équilibré auquel il apportera tout son soutien.

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