Intervention de Jean-Claude Peyronnet

Réunion du 23 juin 2005 à 9h30
Adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Jean-Claude PeyronnetJean-Claude Peyronnet :

Mais on préfère quand même qu'il y ait des autoroutes !

Plusieurs indicateurs attestent de ce développement préoccupant dans des domaines aussi variés que le faux monnayage, le trafic de stupéfiants, la corruption, le terrorisme, la traite des êtres humains, l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants et toute une série d'infractions graves concernant la criminalité organisée.

Ce texte concourt à la poursuite nécessaire de l'effort déjà engagé pour faire de l'espace judiciaire européen une réalité.

L'article 1er du projet de loi qui nous est soumis a pour objet de procéder, en matière d'aide juridictionnelle, aux ajustements de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

En effet, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. » C'est à ce titre qu'il est précisé ensuite : « Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice. »

C'est en s'appuyant sur ces dispositions que le Conseil de l'Union européenne a arrêté la directive du 27 janvier 2003 qui promeut l'octroi de l'aide juridictionnelle pour les litiges transfrontaliers à toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes.

Je partage le sentiment de notre rapporteur, à savoir que l'on ne part pas de zéro dans notre propre droit, bien au contraire ! Le projet de loi étend ces dispositions à « celui dans lequel la partie qui sollicite l'aide a sa résidence habituelle ou son domicile dans un Etat membre autre que celui où siège la juridiction compétente sur le fond du litige ou que celui dans lequel la décision doit être exécutée ». Tout cela est de bon sens.

Toutefois, certaines restrictions sont apportées par le texte au droit commun de l'aide juridictionnelle. Je ne reprendrai pas l'analyse que le Gouvernement et la commission ont excellemment faite. Je retiendrai seulement la difficulté qui découle de l'une de ces restrictions : « L'aide juridictionnelle n'est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge, soit au titre d'un contrat d'assurance, soit par d'autres systèmes de protection. » Cette disposition ne manquera pas de poser des problèmes de preuve et de délai liés à l'inertie probable des compagnies d'assurances.

Cette aide est accordée, quelle que soit leur nationalité, aux personnes qui sont en situation régulière de séjour sur le territoire français. Nous nous rallions à cette disposition.

Je retiens enfin que l'aide sera accordée aux personnes qui ne peuvent faire face aux dépenses « en raison de la différence du coût de la vie entre la France et l'Etat membre où elles ont leur domicile ou leur résidence habituelle ». Là encore, il s'agit d'une disposition de bon sens.

Sans reprendre l'analyse qui a été faite sur le faux monnayage, je veux souligner seulement l'intérêt de l'évolution du droit en matière de récidive. Effectivement, monsieur le rapporteur, la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle « seule une condamnation prononcée par une juridiction française peut constituer l'un des termes de la récidive » évolue de façon positive.

Elle sera modifiée afin que les condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un Etat membre pour les infractions prévues au chapitre du code pénal relatif à la fausse monnaie soient prises en compte au titre de la récidive. Nous sommes favorables à ces dispositions, qui permettront de lutter plus efficacement contre le faux monnayage à l'échelle européenne.

Par ailleurs, les articles 3 et 4 donnent la possibilité - ce dont on ne peut que se féliciter - de s'attaquer à la corruption dans le domaine privé, phénomène qui s'intensifie. Là encore, je ne reprendrai pas les analyses parfaitement claires qui ont été développées. Je retiendrai seulement l'harmonisation des sanctions, conformément au tableau de bord établi par le Conseil européen de Tampere en octobre 1999, qui figure dans le texte et qui oblige les Etats membres à prévoir la possibilité de prononcer à l'encontre des personnes physiques, en plus des peines complémentaires existantes, une mesure de déchéance temporaire de l'exercice de certaines activités ou de direction d'une entreprise.

De plus, l'article 5 du projet de loi insère dans le code de procédure pénale trente nouveaux articles relatifs à l'émission et à l'exécution des décisions de gel de biens, ce qui est une nouveauté, ou de preuve en application de la décision-cadre du Conseil de l'Union du 22 juillet 2002.

Je me félicite que l'Assemblée nationale ait supprimé l'article 6, visant à modifier l'exécution des mesures conservatoires en matière délictuelle prévues par le code de procédure pénale. Cette mesure aurait pu avoir d'importantes conséquences sur la situation des tiers et des enjeux en termes de libertés publiques graves ; elle nécessite un débat général sur le fond.

Toutes ces dispositions qui contribuent à renforcer l'espace pénal européen vont dans le bon sens.

La coopération judiciaire dans les matières tant pénales que civiles pourrait encore être développée en renforçant la confiance mutuelle et en faisant émerger progressivement une culture judiciaire européenne fondée sur la diversité des systèmes juridiques des Etats membres et sur l'unité par le droit européen. C'est en ce sens que nous souhaitons travailler, certes avec d'autres, dans les mois et les années à venir.

Accroître la confiance mutuelle exige que l'on s'efforce expressément d'améliorer la compréhension mutuelle entre les autorités judiciaires et les différents systèmes juridiques. Dans cet espoir, le groupe socialiste votera ce texte.

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