La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
Monsieur le président, profitant de la présence de M. le garde des sceaux, je souhaite faire un rappel au règlement, fondé sur l'article 36 de ce dernier, au sujet de la récente déclaration du ministre de l'intérieur selon laquelle il souhaiterait « faire payer la faute » d'un juge. De tels propos sont intolérables !
Une fois de plus, le ministre de l'intérieur outrepasse ses fonctions et cette déclaration est d'autant plus choquante qu'elle intervient après d'autres propos tout aussi excessifs.
Il est donc impératif que le Président de la République, garant de l'indépendance de la justice et président du Conseil supérieur de la magistrature, rappelle à l'ordre son ministre de l'intérieur.
Nous demandons, en outre, une réunion de la commission des lois du Sénat afin que le ministre de l'intérieur puisse venir s'expliquer devant elle sur les propos tenus outrageux qu'il a tenus.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame Mathon.
La commission des lois décidera ce qu'elle doit faire et son président nous en informera.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice (nos 330, 392).
Monsieur le garde des sceaux, je voudrais tout d'abord vous saluer - je le fais d'ailleurs avec d'autant plus de plaisir que c'est un peu la Haute-Loire qui salue la Loire ! - et vous dire combien nous sommes heureux de vous retrouver ici dans vos nouvelles fonctions.
Je vous donne maintenant la parole.
Monsieur le président, je vous remercie de votre accueil amical de voisin en quelque sorte. Je suis également très heureux de retrouver le Sénat dans les circonstances actuelles. Cela fait en effet dix ans que je n'exerçais plus de fonctions ministérielles.
Le texte que j'ai l'honneur de vous présenter, mesdames, messieurs les sénateurs, porte diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice.
Bien que formulée pour la première fois en 1977, la notion d'espace judiciaire européen reste encore à construire. En effet, si l'Europe est aujourd'hui bien avancée dans le domaine de la libre circulation des hommes, des biens et des services, il n'en va pas de même en matière policière et judiciaire.
Confrontée au développement de nouvelles formes de criminalité organisée transnationale, l'Union européenne tente d'y apporter des réponses au moyen, notamment, de directives et de décisions-cadres, qui requièrent une transposition en droit interne.
L'objectif majeur du projet de loi que j'ai l'honneur de défendre ici, après son adoption par l'Assemblée nationale, est de transposer dans notre droit quatre directives et décisions-cadres du Conseil de l'Union européenne.
L'article 1er a pour finalité de transposer la directive du 27 janvier 2003 visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières.
Ces dispositions ont pour objet de permettre à une personne, quelle que soit sa nationalité, dès lors qu'elle réside habituellement et régulièrement dans un Etat membre de l'Union, d'obtenir l'aide juridictionnelle dans un autre Etat membre dans lequel elle souhaite agir.
La demande d'aide juridictionnelle pourra concerner la résolution d'un litige civil ou commercial au stade précontentieux ou juridictionnel ou l'exécution d'une décision de justice.
Cette demande sera examinée selon les critères d'admission - ressources, bien-fondé - de l'Etat dans lequel siège la juridiction compétente sur le fond du litige.
Ainsi, un Français qui veut agir au Portugal, et souhaite obtenir l'aide juridictionnelle, adressera sa demande au ministère de la justice, qui la transmettra au Portugal, où elle sera examinée selon les critères portugais.
Réciproquement, la demande d'un Portugais sollicitant l'aide juridictionnelle pour introduire une action en France sera reçue par le ministère de la justice, puis instruite par le bureau d'aide juridictionnelle de la juridiction compétente, au regard des règles françaises.
L'article 2 du projet de loi a pour objet de transposer la décision-cadre du 6 décembre 2001 visant à prendre en compte les condamnations prononcées par un autre Etat membre en matière de faux monnayage au titre de la récidive.
Cet article constitue une véritable innovation juridique.
En effet, en l'état actuel de notre droit et selon la jurisprudence de la Cour de cassation, « seule une condamnation prononcée par une juridiction française peut constituer l'un des termes de la récidive ».
Le fait de reconnaître comme premier terme de la récidive une décision étrangère représente donc une avancée juridique importante.
En effet, si nous voulons une Europe judiciaire, les décisions prises par d'autres Etats membres de l'Union européenne doivent être prises en compte par les juridictions françaises.
La reconnaissance d'une telle récidive constitue le prolongement de l'initiative que nous avons engagée en 2003 avec l'Allemagne, l'Espagne et la Belgique, visant à faciliter et à accélérer la transmission des condamnations par l'interconnexion des casiers judiciaires nationaux des Etats membres, qui sera opérationnelle à la fin de l'année.
L'introduction de la récidive considérée dans le code pénal permettra ainsi de prendre en considération l'ensemble du passé pénal d'un délinquant, fût-il condamné à l'étranger, et constituera un nouveau pas vers la mise en place d'un casier judiciaire européen.
Les articles 3 et 4 du projet de loi visent à transposer la décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé.
Cette décision-cadre a pour objet de réprimer tous les faits de corruption, active ou passive, commis « dans le cadre d'activités professionnelles », de « personnes qui exercent une fonction de direction ou un travail, à quelque titre que ce soit, pour une entité du secteur privé, à but lucratif ou non lucratif ».
En l'état actuel, l'article L. 152-6 du code du travail ne réprime que la corruption des dirigeants ou des salariés qui se trouvent en situation de subordination hiérarchique vis-à-vis des employeurs, lorsqu'il s'agit d'un acte commis à l'insu et sans l'autorisation de ces derniers.
Le projet de loi élargit la définition de la corruption en rendant cette qualification applicable au-delà de la relation entre employeur et salarié et en supprimant son caractère secret.
Le texte tend également à harmoniser les sanctions, conformément aux conclusions du Conseil européen de Tampere, en obligeant les Etats membres à prévoir, d'une part, des peines maximales d'au moins un à trois ans d'emprisonnement et, d'autre part, la possibilité de prononcer à l'encontre des personnes physiques une mesure d'interdiction temporaire d'exercer certaines activités ou de diriger une entreprise.
Enfin, l'article 5 de cette décision-cadre fait obligation aux Etats membres de prévoir un régime de responsabilité des personnes morales.
Cet élargissement des incriminations de corruption, active et passive, au secteur privé permettra d'engager des poursuites pénales à l'encontre, par exemple, d'un dirigeant non salarié ou d'un consultant d'entreprise.
Dans un souci de coordination, l'article 4 du projet de loi vise à l'abrogation du chapitre du code du travail relatif à la corruption.
L'article 5 du projet de loi a pour objet de transposer la décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve.
L'objet principal de cette décision-cadre est de fixer les règles selon lesquelles un Etat membre de l'Union européenne reconnaît et exécute sur son territoire une décision de gel émise par une autorité judiciaire d'un autre Etat membre de l'Union dans le cadre d'une procédure pénale.
Cette décision-cadre constitue une innovation majeure en matière d'entraide judiciaire dans la mesure où elle est fondée sur le principe d'une transmission directe de la décision de gel de juridiction à juridiction.
L'article 5 précité tend, à cet effet, à insérer une section 5 dans le chapitre Il du titre X du livre IV du code de procédure pénale.
Les dispositions générales regroupent les règles relatives aux conditions de fond et de forme d'une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve, émises par les autorités judiciaires françaises ou par celles des autres Etats membres de l'Union européenne.
Les dispositions relatives à l'émission d'une décision de gel par les autorités judiciaires françaises sont insérées dans les articles 696-9-7 à 696-9-9 du code de procédure pénale.
Le droit actuel prévoit que les autorités judiciaires compétentes pour ordonner une saisie de biens ou d'éléments de preuve se situant sur le territoire français sont, selon les cas, le procureur de la République, le juge d'instruction, le juge des libertés et de la détention et les juridictions de jugement.
Le projet de loi confie donc à ces mêmes autorités le soin de décider du gel de biens ou d'éléments de preuve qui se trouvent sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne, dès lors qu'elles auraient été compétentes pour le faire si le bien ou l'élément de preuve dont il s'agit avait été situé sur le territoire français.
Les dispositions relatives à l'exécution d'une décision de gel par les juridictions françaises figurent, pour leur part, aux articles 696-9-10 à 696-9-30 du code de procédure pénale.
Le projet de loi organise cette exécution dans les conditions les plus proches possible de celles qui seraient mises en oeuvre si la saisie était effectuée dans le cadre d'une procédure pénale française.
Le mécanisme prévu dans ce texte encadre la procédure d'exécution d'une décision de gel dans des délais très brefs afin de se conformer à ceux qui sont impartis aux autorités judiciaires des Etats membres de l'Union européenne par la décision-cadre.
Ces nouvelles dispositions législatives devraient ainsi réduire l'impunité dont bénéficient certains délinquants qui dissimulent, à l'étranger ou en France, les preuves ou le produit de leurs crimes ou délits.
Enfin, l'article 7 du projet de loi en rend les dispositions applicables dans les collectivités d'outre-mer.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes du projet de loi que le Gouvernement a l'honneur de soumettre à votre examen.
L'ensemble du dispositif, enrichi par les amendements introduits en première lecture à l'Assemblée nationale, est, selon moi, de nature à assurer une transposition fidèle des textes de droit européen considérés et permet à notre législation d'effectuer certaines avancées substantielles.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de quelques instants.
Monsieur le garde des sceaux, le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à neuf heures quarante-cinq, est reprise à dix heures.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice, adopté par l'Assemblée nationale le 9 mai dernier, s'inscrit dans la construction progressive d'un espace pénal européen, dont les fondements ont été posés par le traité de Maastricht en 1992, aux termes duquel la coopération judiciaire pénale devait être rangée parmi les sujets d'intérêt commun.
Le traité d'Amsterdam, conclu en 1997, a poursuivi cette démarche à travers l'intégration dans le cadre de l'Union des accords de Schengen.
Enfin, le Conseil européen extraordinaire de Tampere, réuni en octobre 1999, a établi les quatre grands axes de la construction d'un espace pénal européen : le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, le rapprochement du droit pénal des Etats membres, l'institution d'acteurs intégrés de coopération et le renforcement de la coopération internationale.
Le bilan peut être qualifié d'encourageant. Toutefois des difficultés apparaissent chaque fois que nous voulons transposer des directives ou des décisions-cadres.
Ainsi l'effectivité du droit dérivé de l'Union européenne en matière pénale demeure partielle. Les décisions-cadres sont souvent transposées tardivement. A cet égard, la France accuse un retard persistant, en dépit de la forte mobilisation du Gouvernement en faveur de la mise en conformité du droit français avec le droit communautaire et malgré des efforts significatifs pour inscrire des textes de transposition à l'ordre du jour du Parlement.
Monsieur le garde des sceaux, votre prédécesseur indiquait le 1er mars 2005 que, « depuis l'année 2000, la France a été condamnée une centaine de fois au titre de la procédure en manquement » prononcée par la Cour de justice des Communautés européennes pour sanctionner la non-application d'une norme communautaire. Etre condamné cent fois en quatre ans est une situation qui ne peut nous satisfaire.
Nous pouvons d'ailleurs observer que, dans le projet de loi qui nous est soumis, deux textes auraient dû être retranscrits plus tôt.
Il s'agit de la directive 2003/8/CE du 27 janvier 2003 visant à améliorer l'accès à la justice judiciaire dans les affaires transfrontalières. La fin du délai de transposition en était fixée au 30 novembre 2004.
Quant à la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 6 décembre 2001 visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro, la fin du délai de transposition en était bien antérieure, puisqu'elle était fixée au 31 décembre 2002. Nous avons donc en l'occurrence deux ans et demi de retard.
Le projet de loi comporte quatre séries de dispositions.
L'Assemblée nationale a voté le texte sans grand changement.
Dès maintenant, j'indique qu'elle a supprimé, à juste titre, me semble-t-il, l'article 6, qui tendait à offrir aux juridictions pénales la possibilité de prononcer des mesures conservatoires afin de garantir le paiement de l'amende ou l'exécution de la confiscation prononcée.
Les députés ont estimé que cet article anticipait sur une réforme d'ensemble des mesures d'exécution provisoire en matière pénale, qui est en cours de réflexion. Je vous propose donc de ne pas revenir sur ce point.
L'Assemblée nationale a adopté vingt-deux amendements de portée rédactionnelle, qui ont utilement précisé et clarifié certaines dispositions du texte et sur lesquels nous ne reviendrons pas.
L'article 1er du projet de loi a pour objet de mettre le droit français en conformité avec la directive 2003/8/CE du Conseil de l'Union européenne du 27 janvier 2003, visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières.
Je rappellerai qu'une affaire transfrontalière consiste en un litige dans lequel la partie qui sollicite l'aide a sa résidence habituelle ou son domicile dans un Etat membre autre que celui où siège la juridiction.
Le droit français ne restait pas muet sur cette question : la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique répond en grande partie aux objectifs de la directive. Le retard de la transposition était donc moins grave dans ce cas.
La loi du 10 juillet 1991 permet aux justiciables qui résident dans l'Union européenne d'accéder effectivement à l'aide judiciaire dans le cas d'une procédure engagée sur le territoire national.
En 2004, cent vingt-trois demandes d'aide juridictionnelle transfrontalières ont été enregistrées, ce qui nous a paru fort peu quand on rapporte ce chiffre aux huit cent mille demandes d'aide juridictionnelle.
Les nouvelles mesures sur lesquelles nous devons nous prononcer se traduiraient par une charge pour le budget de l'Etat de 70 000 euros pour 2005, cette charge étant d'ailleurs déjà inscrite dans la loi de finances.
Quelques aménagements du droit français sont nécessaires pour satisfaire aux obligations communautaires.
Le champ des frais couverts par l'aide juridictionnelle française serait étendu à deux égards.
D'une part, les ressortissants résidant régulièrement dans un autre Etat membre de l'Union européenne pourraient obtenir en France, au titre de l'aide juridictionnelle, la prise en charge des frais d'interprétation, des frais de déplacement et des frais de traduction supportés à l'occasion d'une procédure engagée sur le territoire français.
Les ressortissants résidant sur le territoire national pourraient obtenir la couverture des frais de traduction supportés à l'occasion d'une demande d'assistance judiciaire adressée à un autre Etat membre.
D'autre part, les ressortissants résidant régulièrement dans un autre Etat membre pourraient bénéficier d'un assouplissement des conditions de ressources imposées par la loi française, à condition de prouver leur impossibilité de supporter les dépenses liées au procès compte tenu des différences de coût de la vie entre la France et l'Etat dans lequel ils résident.
Enfin, ce régime aurait un caractère subsidiaire, ce qui est une très bonne chose. Il ne s'appliquerait qu'à la condition que les frais exposés ne soient pas déjà pris en charge par un autre système de protection, un contrat d'assurance par exemple.
L'article 2 du projet de loi a pour objet la transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 6 décembre 2001 visant à renforcer par des sanctions pénales la protection contre le faux monnayage.
Cette disposition très intéressante pourrait inaugurer une réforme que nous souhaitons et attendons, et sur laquelle nous nous sommes déjà prononcés, monsieur le garde des sceaux, lors de l'examen de la proposition de loi sur la récidive, dont vous étiez l'auteur en tant que président de la commission des lois de l'Assemblée nationale.
Nous étions convenus que traiter de la récidive dans le cadre français n'avait plus grand sens, dès lors que les frontières de l'Union européenne étaient absolument perméables et que nous rencontrions de plus en plus de grands criminels ayant commis des actes en Belgique, en Allemagne, en Italie ou en Espagne, puis en France.
L'article 2 du projet de loi est en ce sens intéressant : il ouvre une première brèche dans la règle édictée par la Cour de cassation dans une jurisprudence constante fondée sur le principe de territorialité de la loi pénale et selon laquelle seule une condamnation prononcée par une juridiction française pouvait être prise en compte au titre de la récidive.
La reconnaissance des faits commis dans un autre Etat membre pour une condamnation en France ou dans un autre Etat nous paraît très importante.
Les articles 3 et 4 du projet de loi visent à la transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé.
Actuellement, le droit français incrimine la corruption active et la corruption passive, qui ne visent que des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public. La corruption active désigne l'activité de la personne corruptrice et la corruption passive l'activité de la personne corrompue.
Les nouvelles dispositions proposées tendent à insérer dans le code pénal un chapitre concernant la corruption des personnes n'exerçant pas une fonction publique. Ces dispositions modifieraient le droit en vigueur à trois titres.
En premier lieu, l'ensemble des faits de corruption concernant le secteur privé seraient incriminés, y compris ceux qui seraient commis par des personnes exerçant des fonctions de direction, comme l'a dit M. le garde des sceaux : chefs d'entreprises, personnes exerçant une profession libérale ou une profession de conseil.
La responsabilité des personnes morales pourrait ensuite être mise en cause pour des faits de corruption active ou passive.
Enfin, les peines encourues ont été relevées à un niveau comparable à celui des peines prévues pour certaines infractions comme l'abus de biens sociaux ou l'escroquerie.
Ces dispositions complèteront utilement notre dispositif de lutte contre la corruption.
L'article 5 vise à transposer la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 juillet 2003 relative à l'exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve. Ainsi pas moins de trente articles seraient insérés dans le code de procédure pénale.
Rappelons-le, les demandes de saisie venant de l'étranger ou adressées à l'étranger passe par la voie d'une commission rogatoire internationale. Cette procédure est souvent lente et lourde du fait de la transmission par voie diplomatique et ne donne donc satisfaction ni aux magistrats, ni aux enquêteurs ni aux avocats, qui nous ont fait part de leur souhait de voir modifier cette procédure.
Il paraît essentiel d'agir de manière rapide. La décision-cadre apporte des progrès significatifs en la matière.
A l'avenir, la décision de gel serait en effet transmise directement de l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission à l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution.
L'exécution devrait intervenir « immédiatement », selon la terminologie retenue.
Enfin, les décisions de gel devraient désormais s'accompagner d'un certificat comportant l'ensemble des mentions pertinentes pour permettre au magistrat d'exécuter la mesure.
Aujourd'hui, les demandes sont formulées de façon très variée, parfois très floue, ce qui met les magistrats dans l'embarras pour l'exécution des mesures de saisie.
La transposition de la décision-cadre s'inscrit dans l'économie du dispositif français des saisies.
Mes chers collègues, compte tenu de ces observations, la commission des lois vous demande d'adopter le projet de loi sans modification.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est inutile de revenir sur les analyses que le Gouvernement et la commission ont très bien faites. Je vais donc limiter mon propos à l'essentiel, en souhaitant que les dispositions de ce texte soient adoptées.
Ce projet de loi vise à transposer dans notre droit quatre directives et décisions-cadres du Conseil de l'Union européenne qui contribuent à renforcer l'espace judiciaire européen.
Si, en matière économique et financière, la construction européenne permet la libre circulation des biens et des personnes, on conçoit facilement qu'elle constitue aussi, pour la criminalité organisée, une opportunité qui lui permet d'étendre ses méfaits. C'est comme pour la construction d'une autoroute en Auvergne ou en Limousin, monsieur le président. Cela présente beaucoup d'avantages, mais aussi quelques petits inconvénients !
Sourires
Mais on préfère quand même qu'il y ait des autoroutes !
Plusieurs indicateurs attestent de ce développement préoccupant dans des domaines aussi variés que le faux monnayage, le trafic de stupéfiants, la corruption, le terrorisme, la traite des êtres humains, l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants et toute une série d'infractions graves concernant la criminalité organisée.
Ce texte concourt à la poursuite nécessaire de l'effort déjà engagé pour faire de l'espace judiciaire européen une réalité.
L'article 1er du projet de loi qui nous est soumis a pour objet de procéder, en matière d'aide juridictionnelle, aux ajustements de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
En effet, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. » C'est à ce titre qu'il est précisé ensuite : « Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice. »
C'est en s'appuyant sur ces dispositions que le Conseil de l'Union européenne a arrêté la directive du 27 janvier 2003 qui promeut l'octroi de l'aide juridictionnelle pour les litiges transfrontaliers à toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes.
Je partage le sentiment de notre rapporteur, à savoir que l'on ne part pas de zéro dans notre propre droit, bien au contraire ! Le projet de loi étend ces dispositions à « celui dans lequel la partie qui sollicite l'aide a sa résidence habituelle ou son domicile dans un Etat membre autre que celui où siège la juridiction compétente sur le fond du litige ou que celui dans lequel la décision doit être exécutée ». Tout cela est de bon sens.
Toutefois, certaines restrictions sont apportées par le texte au droit commun de l'aide juridictionnelle. Je ne reprendrai pas l'analyse que le Gouvernement et la commission ont excellemment faite. Je retiendrai seulement la difficulté qui découle de l'une de ces restrictions : « L'aide juridictionnelle n'est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge, soit au titre d'un contrat d'assurance, soit par d'autres systèmes de protection. » Cette disposition ne manquera pas de poser des problèmes de preuve et de délai liés à l'inertie probable des compagnies d'assurances.
Cette aide est accordée, quelle que soit leur nationalité, aux personnes qui sont en situation régulière de séjour sur le territoire français. Nous nous rallions à cette disposition.
Je retiens enfin que l'aide sera accordée aux personnes qui ne peuvent faire face aux dépenses « en raison de la différence du coût de la vie entre la France et l'Etat membre où elles ont leur domicile ou leur résidence habituelle ». Là encore, il s'agit d'une disposition de bon sens.
Sans reprendre l'analyse qui a été faite sur le faux monnayage, je veux souligner seulement l'intérêt de l'évolution du droit en matière de récidive. Effectivement, monsieur le rapporteur, la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle « seule une condamnation prononcée par une juridiction française peut constituer l'un des termes de la récidive » évolue de façon positive.
Elle sera modifiée afin que les condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un Etat membre pour les infractions prévues au chapitre du code pénal relatif à la fausse monnaie soient prises en compte au titre de la récidive. Nous sommes favorables à ces dispositions, qui permettront de lutter plus efficacement contre le faux monnayage à l'échelle européenne.
Par ailleurs, les articles 3 et 4 donnent la possibilité - ce dont on ne peut que se féliciter - de s'attaquer à la corruption dans le domaine privé, phénomène qui s'intensifie. Là encore, je ne reprendrai pas les analyses parfaitement claires qui ont été développées. Je retiendrai seulement l'harmonisation des sanctions, conformément au tableau de bord établi par le Conseil européen de Tampere en octobre 1999, qui figure dans le texte et qui oblige les Etats membres à prévoir la possibilité de prononcer à l'encontre des personnes physiques, en plus des peines complémentaires existantes, une mesure de déchéance temporaire de l'exercice de certaines activités ou de direction d'une entreprise.
De plus, l'article 5 du projet de loi insère dans le code de procédure pénale trente nouveaux articles relatifs à l'émission et à l'exécution des décisions de gel de biens, ce qui est une nouveauté, ou de preuve en application de la décision-cadre du Conseil de l'Union du 22 juillet 2002.
Je me félicite que l'Assemblée nationale ait supprimé l'article 6, visant à modifier l'exécution des mesures conservatoires en matière délictuelle prévues par le code de procédure pénale. Cette mesure aurait pu avoir d'importantes conséquences sur la situation des tiers et des enjeux en termes de libertés publiques graves ; elle nécessite un débat général sur le fond.
Toutes ces dispositions qui contribuent à renforcer l'espace pénal européen vont dans le bon sens.
La coopération judiciaire dans les matières tant pénales que civiles pourrait encore être développée en renforçant la confiance mutuelle et en faisant émerger progressivement une culture judiciaire européenne fondée sur la diversité des systèmes juridiques des Etats membres et sur l'unité par le droit européen. C'est en ce sens que nous souhaitons travailler, certes avec d'autres, dans les mois et les années à venir.
Accroître la confiance mutuelle exige que l'on s'efforce expressément d'améliorer la compréhension mutuelle entre les autorités judiciaires et les différents systèmes juridiques. Dans cet espoir, le groupe socialiste votera ce texte.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, s'il est un domaine à l'égard duquel les attentes des citoyens européens sont particulièrement fortes, c'est bien celui de l'Europe judiciaire. En effet, selon un sondage Eurobaromètre réalisé en avril 2002, plus de sept Européens sur dix sont favorables à une prise de décision au niveau européen en matière de lutte contre la criminalité organisée.
En France même, une enquête IPSOS de mai 2003 nous apprend que la création d'une justice commune arrive en tête, avec 40 % de citations, des avancées de l'Union les plus attendues.
Certaines affaires qui ont défrayé la chronique, comme celles de l'extradition de Sid Ahmed Rezala ou de Rachid Ramda vers la France, de Cesare Battisti vers l'Italie ou encore l'absence de communication entre les casiers judiciaires français et belges au sujet du tueur en série présumé Michel Fourniret - le rapporteur en a parlé à l'instant -, ont frappé l'opinion publique et illustré les insuffisances de la coopération européenne.
Force est donc de constater que la construction de l'espace pénal européen, évoquée dès 1977, est particulièrement lente. Certes, une étape décisive a été franchie avec l'adoption de la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen. Mais il a fallu les attentats du 11 septembre 2001 pour que ce projet aboutisse, et les événements tragiques du 11 mars 2004 pour que sa transposition dans le droit des Etats membres s'accélère.
Comme l'a souligné notre rapporteur, le premier bilan du mandat d'arrêt européen au cours des douze derniers mois confirme le caractère opérationnel et efficace attendu de cette procédure, 268 personnes ayant été remises par la France et 144 autres lui ayant été livrées par les autorités étrangères, résultat dont nous ne pouvons que nous réjouir.
La Constitution européenne, quant à elle, comportait des avancées déterminantes. La constitutionnalisation du principe de reconnaissance mutuelle, « pierre angulaire » de l'espace judiciaire européen, et la création d'un parquet européen, par exemple, constituaient des progrès majeurs. Le rejet du projet de loi référendaire va sans doute nous conduire à devoir nous limiter aux traités existants. Cela doit non pas nous décourager, mais, au contraire, nous inviter à nous battre encore davantage pour cette Europe à laquelle nous aspirons, à la construction de cet espace européen dans lequel la justice n'aura plus de frontières.
Il importe donc aujourd'hui d'appliquer et de tirer parti, autant que possible, des traités existants. Le traité de Maastricht a posé les fondements d'un espace pénal européen et le traité d'Amsterdam a consacré le développement d'un espace judiciaire européen « de liberté, de sécurité et de justice ». Plus que jamais, il convient de transposer les directives et décisions-cadres européennes, afin de renforcer la construction de cet espace judiciaire européen qu'il serait bien sûr inconcevable de remettre en cause.
Toutes ces directives ou décisions-cadres sont autant de pierres apportées à la construction de l'édifice communautaire, d'autant plus indispensable que l'espace pénal européen, qui procède du « troisième pilier » de l'Union européenne créé par le traité de Maastricht, se caractérise, au départ, par une logique intergouvernementale et non communautaire.
Je ne rappellerai pas - cela a été fait par les orateurs qui m'ont précédé - les grandes orientations qui ont été définies par le Conseil européen de Tampere et qui doivent présider à la construction de cet espace judiciaire européen.
Monsieur le garde des sceaux, autant dire qu'à l'aune de ces objectifs il nous reste encore du chemin à parcourir... C'est aussi la raison pour laquelle je me réjouis du projet de loi dont nous débattons aujourd'hui et qui va notamment nous permettre de rattraper notre retard s'agissant de la transposition de deux décisions-cadres.
En particulier, je tiens à mettre en exergue la disposition qu'introduirait dans notre droit pénal la transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 6 décembre 2001.
Grâce à celle-ci, pour les infractions de faux monnayage, les condamnations prononcées par une autre juridiction européenne pourraient être prises en compte par les juridictions françaises au titre de la récidive.
En l'état actuel de notre droit positif, selon une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation et citée par les orateurs, « seule une condamnation prononcée par une juridiction française peut constituer l'un des termes de la récidive ».
Il s'agirait donc d'une évolution particulièrement importante de notre droit pénal, qui nous permettrait de renforcer considérablement notre efficacité en matière de répression de la grande criminalité, laquelle se joue parfaitement des frontières, nous le savons très bien.
A l'heure où le Gouvernement s'attache résolument à combattre efficacement la récidive dans notre pays, la reconnaissance des condamnations antérieurement prononcées par les juridictions d'autres Etats membres au titre de la récidive est indissociable de la notion d'espace judiciaire européen. Ce point est particulièrement développé dans le Livre vert déposé par la Commission le 30 avril 2004.
La mise en place d'un casier judiciaire européen constitue, à cet égard, une nécessité urgente. En effet, comment peut-on justifier qu'une personne soupçonnée d'une dizaine de meurtres sur des victimes belges et françaises - ce cas est cité abondamment et c'est bien normal - ait pu s'établir en Belgique et y occuper un emploi de surveillant de cantine scolaire, sans que les autorités belges aient eu connaissance de ses condamnations antérieures ?
Par conséquent, la prise en compte par le juge des condamnations prononcées dans un autre Etat membre, pour certaines infractions harmonisées bien sûr, est souhaitable, sous réserve, évidemment, de respecter pleinement le pouvoir d'appréciation du juge et le principe d'individualisation des peines.
Au nom de l'UMP, je tiens également à souligner l'importance de la transposition de la décision-cadre du 22 juillet 2003. Cette transposition est d'autant plus importante que nos concitoyens sont très attachés - et bien leur en prend - à l'exemplarité et à la probité de leurs dirigeants, non seulement dans le secteur public - je pense en premier lieu à nous-mêmes, hommes et femmes politiques - mais aussi dans le secteur privé, sur leur lieu de travail.
En l'état actuel de notre droit, seule la corruption des dirigeants ou des salariés qui commettraient un acte à l'insu de leurs employeurs est réprimée en droit français, les autres formes de corruption étant sanctionnées au titre de l'abus de biens sociaux ou de confiance, du recel, du faux et usage de faux.
Ce texte élargit la définition de la corruption dans le secteur du travail en allant au-delà de la relation employeur - salarié et en supprimant le caractère secret de cette corruption.
Avec l'autre décision-cadre du 22 juillet 2003, qui porte sur le gel de biens ou d'éléments de preuve, ce texte présente l'avantage, outre de mieux définir le rôle de l'ensemble des magistrats en matière de gel de biens, de faire également progresser la coopération judiciaire, même si l'expression de gel s'inspire plutôt du droit anglo-saxon.
Quant à la directive du Conseil de l'Union européenne du 27 janvier 2003, elle apportera à notre législation, tardivement il est vrai, des éléments nouveaux complétant le dispositif de la loi de 1991 : les citoyens européens concernés par des juridictions qui ne sont pas celles de leur pays d'origine seront ainsi mieux défendus et pourront mieux faire valoir leur point de vue.
Cette directive permet une prise en charge de toute la procédure, de la phase précontentieuse jusqu'à l'exécution de la décision de justice, y compris sur un plan financier en tenant compte par exemple - c'est très important - des frais de déplacement. Elle doit être transposée dans notre droit positif sans modification substantielle.
Mes chers collègues, parce que toutes ces directives et décisions-cadres sont une nouvelle illustration de l'apport à la législation française que représente la construction d'un espace judiciaire européen que nous appelons tous de nos voeux, le groupe UMP votera avec conviction en faveur de ce projet de loi, tel qu'il est ressorti des travaux de l'Assemblée nationale et, conformément aux conclusions de notre commission des lois et de son excellent rapporteur, François Zocchetto, nous proposons donc de l'adopter sans modification.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le garde de sceaux, mes chers collègues, les temps sont durs pour un Européen convaincu comme moi et ce n'est ni l'échec du traité établissant une Constitution pour l'Europe ni celui du sommet de Bruxelles lors du week-end dernier qui me contrediront.
Vous connaissez mon engagement personnel, notre engagement, pour un renforcement de la coopération judiciaire en Europe, ayant été rapporteur à plusieurs reprises sur divers textes tels que l'entraide judiciaire et le mandat d'arrêt européen, pour comprendre mon inquiétude.
Je suis heureux d'intervenir aujourd'hui pour rappeler notre attachement à la poursuite de la construction d'une communauté européenne forte, pour dire que le débat européen ne doit absolument pas être abandonné et pour insister sur notre détermination à poursuivre les ambitions qui sont au coeur de notre engagement politique.
Le texte examiné aujourd'hui nous renvoie à un thème qui m'est cher, à savoir la construction d'un espace judiciaire européen qui, convenons-le, n'est en réalité qu'à l'état d'ébauche.
Aujourd'hui, vous nous proposez de faire quelques pas en transposant dans notre législation quatre textes relevant aussi bien du droit pénal matériel que de la procédure pénale.
Ainsi, les transpositions proposées permettent de compléter notre droit dans quatre domaines. On se demande d'ailleurs pourquoi ceux-là ont été retenus et non d'autres !
Il s'agit, d'abord, de l'aide juridictionnelle dans les affaires transfrontalières. Il nous a été dit tout à l'heure que, finalement, il y avait très peu d'affaires transfrontalières !
Il s'agit de la reconnaissance de la récidive en matière de faux monnayage. Pourquoi spécialement le faux monnayage ?
La récidive, comme nous le savons tous, est un problème d'une très grande étendue. Et s'il n'y avait que le faux monnayage !
Il s'agit de la lutte contre la corruption dans le secteur privé, question intéressante, mais qui aurait peut-être mérité des développements plus approfondis.
Il s'agit, enfin, de la décision de gel de biens ou d'éléments de preuve.
L'article 6, quant à lui, est passé à la trappe des choses non souhaitables, sans que l'on ait d'ailleurs très bien compris pourquoi celle-ci était moins souhaitable que d'autres.
Quoi qu'il en soit, le projet de loi va, comme on dit, dans le bon sens. Quelle belle formule ! Alors allons-y, c'est le bon sens ! Nous ne pouvons qu'approuver sa philosophie, encore que son caractère fragmentaire relève plus du bricolage que de la cohérence. Je ne suis pas contre le bricolage, je suis bricoleur moi-même, mais à mes moments perdus ! (
Sourires
Si la transposition de la décision-cadre sur l'aide juridictionnelle et celle sur le gel des biens ou d'éléments de preuve n'appellent pas de commentaires particuliers, je voudrais insister sur deux aspects qui me semblent importants, à savoir la reconnaissance de la récidive en matière de faux monnayage et la reconnaissance de la responsabilité pénale des personnes morales en matière de corruption active ou passive.
S'agissant de la reconnaissance de la récidive en matière de faux monnayage, nous sommes face à une avancée remarquable puisqu'elle revient, certes de manière ponctuelle, sur une jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation, selon laquelle seule une condamnation prononcée par une juridiction française peut être prise en compte au titre de la récidive.
Il s'agissait de l'une des vaches sacrées, si je peux m'exprimer ainsi, de notre système. Porter atteinte à ce principe est une très bonne chose ! Le sujet est important puisqu'il rejoint d'ailleurs le débat plus général que nous avons sur le casier judiciaire européen, lequel piétine fâcheusement par suite de la réunion d'un Conseil « Justice et affaires intérieures ».
À propos du casier judiciaire européen, monsieur le garde des sceaux, la France avec quelques partenaires a fait des propositions intéressantes, mais cela n'empêche qu'il faut oeuvrer à l'échelon européen. On l'a un peu oublié parce que ce que fait la France ne vaut que pour quelques Etats. Pour les autres - et nous sommes vingt-cinq maintenant -, la Commission européenne proposait donc d'établir sinon un casier judiciaire européen, ce qui est infaisable dans l'immédiat, au moins une sorte de répertoire permettant de repérer les individus qui sont sous le coup de condamnations ailleurs. C'est une idée sur laquelle il faudrait revenir.
Je me réjouis de la mise en oeuvre d'un régime de responsabilité pénale des personnes morales en matière de corruption. Vous vous souvenez peut-être, monsieur le garde des sceaux, que, lors du débat sur la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, j'ai fait voter ici un amendement tendant à généraliser la responsabilité pénale des personnes morales.
Vous avez bien voulu, quand vous étiez président de la commission des lois à l'Assemblée nationale, approuver cette démarche qui mettait fin à une espèce de patchwork dans lequel tantôt la personne morale était punissable, tantôt elle ne l'était pas. Cela finissait pas être incompréhensible. On l'a généralisée, nous la renforçons ici, je voudrais, à titre personnel, saluer cette initiative.
Toutefois, monsieur le garde sceaux, je voudrais attirer plus particulièrement votre attention sur une question qui n'est pas abordée alors qu'elle mérite d'être examinée, au moins entre juristes, tout en m'excusant de son aspect quelque peu technique.
Je suis très inquiet parce que j'ai l'impression que la législation européenne en matière pénale n'a pas de base juridique. J'ajoute immédiatement que ce n'est pas grave. Nous avons parfaitement le droit d'introduire dans notre droit des dispositions qui nous paraissent bonnes. Le Gouvernement pourrait nous proposer des dispositions en matière de faux monnayage ou d'aide juridictionnelle.
Dans ce domaine, il me semble que l'on assiste à une inflation de la part des services de Bruxelles. En réalité, le troisième pilier comporte plus d'énoncés de principe et de bonnes intentions que de normes véritablement applicables. La question est de savoir si les traités autorisent les autorités de Bruxelles à imposer de telles normes. Sans doute, de manière générale, la construction d'un espace pénal européen passe indéniablement par le développement de l'harmonisation des législations nationales du point de vue tant du droit pénal matériel que de la procédure pénale.
De longue date, quelques-uns d'entre nous aussi bien à la délégation du Sénat qu'à la délégation de l'Assemblée nationale ont opté clairement pour une véritable unification du droit en matière de criminalité transfrontalière - bien entendu il ne s'agit pas de toute la criminalité - et pour une véritable unification des poursuites, du moins au sommet, par la création d'un parquet européen opérationnel - je me permets de vous signaler que même le traité établissant une Constitution pour l'Europe ne le prévoyait pas formellement ; de toute façon, le traité n'a pas été accepté par la France - et par le développement, dans ce domaine pénal, du contrôle de la Cour de justice de l'Union.
Ainsi, dans un récent Livre vert sur les dispositions pénales, il apparaît que la Commission s'arroge la responsabilité de vérifier l'efficacité des mesures qui sont prises, d'en établir des statistiques et de les livrer à une appréciation critique, ce qui signifie que l'exécutif se chargerait de contrôler le judiciaire en quelque sorte. Sans vouloir évoquer les propos récemment tenus par M. le ministre de l'intérieur, je crois tout de même qu'il n'appartient pas à l'exécutif, fût-il bruxellois, de contrôler le judiciaire et je vous prie de m'excuser de cet aparté qui n'est peut-être pas injustifié. (M. le président de la commission des lois sourit).
Nous sommes très loin de tout cela. Le fondement juridique actuel - rappelons-le, puisque nous n'avons pas voulu en sortir - est le traité de Nice et il ne faut pas se bercer d'illusions.
L'article 31 E du traité de Nice pose le principe d'une harmonisation minimale en droit pénal matériel, uniquement pour la définition des incriminations et des sanctions dans des domaines particuliers comme la criminalité organisée, le terrorisme et le trafic de stupéfiants. En dehors de cela, il n'y a pas de base juridique pour édicter des décisions-cadres applicables d'office dans tous les Etats. Encore une fois, nous sommes libres de faire ce que nous voulons. Mais la décision-cadre me paraît tout à fait excessive et dépourvue de base juridique.
Cette limitation du champ de la compétence n'a pas empêché le législateur européen d'utiliser cet article comme base d'une harmonisation très généralisée des législations dans d'autres domaines aussi variés que les infractions en matière d'environnement, les fraudes, le faux monnayage, la cybercriminalité, la corruption, et j'en passe.
Parmi les explications qui nous sont fournies, il y a la suivante : à Tampere, les chefs d'Etat et de gouvernement ont pris des décisions et sont tombés d'accord pour reconnaître qu'il fallait opérer des avancées dans ce domaine. Mais les conclusions des chefs d'Etat et de gouvernement à Tampere ou ailleurs ne sont que des conclusions et des orientations. Ce ne sont pas des normes juridiques. Il y a une grande différence entre des conclusions politiques et des normes juridiques. Les normes juridiques sont inscrites dans les traités que l'on peut lire. La question de la base juridique est grave.
Bien entendu, j'approuve la légitimité des préoccupations et des objectifs que sous-tend cette législation, mais je suis le premier à dénoncer les limites du principe de la reconnaissance mutuelle et je ne peux que m'insurger contre une pratique qui outrepasse le mandat confié à Bruxelles par les traités. Comme tout Etat de droit, l'Union européenne doit respecter un certain nombre de règles fondamentales.
Je reviens d'ailleurs sur le fait que l'article 6 est passé à la trappe, sans autre forme de procès. Ou ces transpositions sont obligatoires ou elles ne le sont pas ! Si elles le sont, il fallait digérer cet article 6 ou le modifier. Nous, nous l'avons écarté.
Je rappelle à cette occasion que le traité établissant une Constitution pour l'Europe représentait, lui, une avancée considérable et permettait de combler cette lacune juridique. Son rejet fragilise encore davantage l'avenir juridique de l'Europe.
Au cours du débat auquel nous avons assisté pendant quelques mois - et je ne peux que le déplorer - personne n'a abordé cette question !
Il me semble important, monsieur le garde des sceaux, de souligner la gravité de cette situation. Sans doute est-il parfaitement loisible au législateur français d'introduire spontanément les mesures proposées dans notre droit positif. Il n'en est pas moins très douteux que les autorités européennes aient le droit de nous y obliger.
Il me semble, monsieur le garde des sceaux, que votre rôle est d'insister sur ce problème auprès de vos homologues. En effet, n'oublions pas que de nombreuses raisons expliquent le rejet de la Constitution. Parmi elles, il y a le fait que Bruxelles apparaît, à tort ou à raison, mais quelquefois à raison, comme dépassant ses compétences et imposant des normes et des directives qui ne sont pas justifiées.
Cela touche davantage les profanes quand il s'agit du lait écrémé ou des fromages, mais pour nous, juristes, et pour tous ceux qui suivent ces affaires, le sujet est sérieux et grave. En effet, dans le domaine pénal, nous pourrions avoir des annulations devant la Cour de justice des Communautés européennes. Si quelqu'un s'avisait de dire : vous avez pris une décision-cadre qui n'a pas de base juridique, comment statuerait la cour de Luxembourg ? Elle serait bien obligée de constater que, effectivement, il n'y a pas de base juridique. Dans le domaine pénal, nous sommes quelques-uns à savoir que l'on marche sur un terrain miné, qu'il suffit d'une moindre irrégularité pour flanquer par terre des procédures entières. Il y a là un rappel à faire à Bruxelles à l'occasion d'un Conseil « JAI » et cela, me semble-t-il, entre dans vos responsabilités, monsieur le garde des sceaux. C'est pourquoi je me permets d'attirer votre attention sur cette question qui me paraît de plus en plus grave.
En effet, on a renoncé à élaborer des codes, alors on essaie de les faire par petits bouts. Dans dix ans, on aura probablement construit une sorte de droit pénal européen comme on fabrique un patchwork. Encore faudrait-il qu'on le fasse sur une base qui soit solide ; je crois que ce n'est pas le cas pour le moment.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l'examen d'un projet de loi particulier, mêlant des sujets sans lien véritable entre eux.
Ce type de texte visant à adapter en droit français des dispositions européennes est toujours ambigu. Présenté comme d'importance technique plutôt que politique, il ne peut cependant être réellement neutre quant à l'orientation de la justice de notre pays.
Mes chers collègues, ce projet de loi pose également un second problème de fond. Pouvons-nous poursuivre notre tâche de législateur sans prendre en compte l'expression de nos concitoyens le 29 mai dernier ?
Personnellement, je ne le pense pas et les propos de M. Fauchon sur ce point se rapprochent un peu des miens.
Je crois qu'il existe, en effet, un rapport entre les exigences qui ont résonné au-delà des urnes du référendum et la méthode qui nous est proposé pour bâtir une Europe de la justice.
Que reprochent nos concitoyens à l'actuelle construction européenne ? Outre son contenu libéral, ce sont également la méthode, l'opacité, l'éloignement des processus de décision qui sont dénoncés avec force. Or il s'agit bien ici d'inclure dans le droit français des dispositions - au demeurant très diverses : une directive et trois décisions-cadres -, arrêtées à l'échelon européen, sans concertation avec les Parlements nationaux ni avec les professionnels et les acteurs du droit.
L'article 1er a pour objet de transposer la directive du 27 janvier 2003 en modifiant la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il s'agit d'« améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires ». Seules les affaires de nature commerciale ou civile sont concernées.
Cette proposition pourrait être saluée comme une avancée pour les justiciables. Hélas, nous devons regretter et dénoncer l'introduction, au détour de cette adaptation d'une mesure européenne, d'une notion totalement étrangère à notre modèle.
Il nous est en effet proposé d'accepter un principe jusque-là repoussé : celui du recours préférentiel aux assurances juridiques pour réaliser l'égalité de nos concitoyens devant la justice.
Le texte que vous soumettez à notre approbation, monsieur le ministre, contient explicitement cette grave entorse à notre philosophie du service public pour l'accès à la justice : « L'aide juridictionnelle n'est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge, soit au titre d'un contrat d'assurance, soit par d'autres systèmes de protection. » Le principe de subsidiarité au profit du marché assurantiel est donc inséré dans le droit français, sans véritable débat sur ce sujet, sans évaluation du dispositif actuel d'aide sociale juridique.
Qui peut croire que cette première entorse ne servira pas demain à élargir cette brèche devant laquelle les compagnies d'assurance piaffent déjà en attendant de pouvoir s'y engouffrer plus largement ? Le libéralisme dont vous vous réclamez, monsieur le ministre, et qui vient d'être rejeté souverainement par notre peuple, est donc insatiable, transformant tout domaine d'activité humaine en marché, sclérosant les relations humaines les plus élaborées, telle la société de droit.
Pour notre part, nous souhaitons qu'une loi vienne moderniser, étendre et renforcer l'aide juridique pour faire réellement progresser l'égalité de nos concitoyens devant l'accès à la loi et aux juridictions chargées de la dire.
Le projet de loi accumule des articles sans logique, l'urgence de la transposition étant sans doute le fil conducteur.
Ainsi, l'article 2 tend à transposer une décision-cadre du 6 décembre 2001 du Conseil de l'Union européenne qui a pour objet de renforcer la répression du faux monnayage. Il introduit la prise en compte au titre de la récidive des condamnations définitives prononcées en la matière dans un autre Etat membre. Il est donc contraire à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, comme l'ont rappelé les orateurs qui m'ont précédée.
Comment ce projet de loi procède-t-il ? Vous croyez de bonne foi voter pour un renforcement des sanctions contre le faux monnayage, et vous introduisez en réalité un cheval de Troie dirigé contre une jurisprudence nationale.
L'Europe de la justice ne peut pas se construire sur ce mode, à coups de transpositions, de « mesurettes » qui, subrepticement, viennent transformer le paysage judiciaire. Que deviennent les libertés individuelles, le droit de la défense, avec de telles pratiques ? Il est temps d'ouvrir ce débat aux citoyens et aux citoyennes et de remettre entre leurs mains la construction de l'Europe.
Les articles 3 et 4 visent à renforcer la lutte contre la corruption dans le secteur privé, par adaptation de la décision-cadre du 22 juillet 2003.
Dans une compétition économique caractérisée par des relations violentes de domination financière et de guerres commerciales et aiguisée par une globalisation sans limites, les risques de corruption sont d'autant plus élevés. Le projet de loi ne répond aucunement à la volonté de changer le cours inhumain de cette mondialisation ; cependant, ses auteurs proposent d'élargir le champ d'application de la corruption privée au-delà de la relation entre employeur et salarié, ce qui est une bonne chose : la corruption active s'accompagne souvent d'une corruption passive.
Nous aurions néanmoins préféré, monsieur le ministre, que les infractions créées par l'article 4 fussent insérées dans le code du travail. C'est l'objet de l'action du corps de l'inspection du travail que de veiller au respect des règles auxquelles sont astreintes les entreprises ; or vous le privez de la compétence du constat de corruption et, ce faisant, vous privez les pouvoirs publics d'un moyen efficace de contrôle. Mais il est vrai que vous n'êtes pas un ami du code du travail et de ceux qui ont mission de le faire respecter !
L'article 5, qui vise à transposer la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 juillet 2003 relative à l'exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve, suscite peu de commentaires critiques de notre part. La lutte contre le crime nécessite que l'on se dote de véritables outils pour l'investigation et la réparation.
Nous souhaiterions cependant voir pris en compte un amendement issu d'un travail spécifique des parlementaires communistes portant sur la lutte contre le proxénétisme. Les propositions de loi émanant des groupes de l'opposition, singulièrement de l'opposition communiste républicaine et citoyenne, n'étant pas considérées dignes d'un débat public par la majorité sénatoriale, ...
Si rarement ! Nous les prenons en considération quand elles sont intéressantes !
Elles le sont toujours, monsieur le président !
... nous souhaitons faire avancer vaille que vaille nos préconisations au fil des textes que vous nous soumettez. Nous défendrons donc un amendement visant à élargir le champ d'application de cet article aux personnes mises en examen pour proxénétisme.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est véritablement nécessaire que la représentation nationale entende le message adressé par nos concitoyens quant à la construction européenne. Le mode de l'harmonisation européenne de la justice doit évoluer profondément et se fonder sur les droits de la personne et sur les libertés individuelles et collectives, et non procéder par ajouts successifs dans le droit national de mesures techniques prises dans des cénacles fermés à l'intervention citoyenne.
Vous mesurez alors la force de notre vote contre le projet de loi, puisque, selon l'avis de la commission des lois, aucun amendement ne viendra l'améliorer.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la signature de la convention de Naples sur la coopération et l'assistance mutuelle entre les administrations douanières pour lutter contre la fraude marque les premiers pas de ce que l'on appelle l'« espace judiciaire européen » : c'était en 1967 et, à l'époque, l'Europe ne comptait que ses six membres fondateurs.
Depuis cette date, la mise en place d'un espace judiciaire européen n'a cessé de pendre une place croissante dans le processus de la construction européenne ; elle a même connu une très forte accélération avec l'ouverture des frontières dans l'espace Schengen.
Toutefois, cet espace judiciaire européen demeure inachevé tant sa constitution se heurte aux souverainetés nationales sur bien des questions délicates. En effet, nombreuses sont les difficultés à surmonter pour l'élaboration de règles européennes sur des questions qui touchent aux fonctions les plus régaliennes des Etats, telles que la sécurité, la justice, la liberté, trois notions qui se trouvent au coeur même du concept de souveraineté nationale.
De plus, la création d'un véritable espace judiciaire commun impose que l'on réponde aux défis que représentent la reconnaissance mutuelle des décisions de justice d'un autre Etat, l'harmonisation des législations et des sanctions, ou la production de normes juridiques communes sur des sujets où les intérêts nationaux sont identiques, comme c'est le cas en matière d'immigration, d'asile, de trafic de drogues, de blanchiment d'argent ou encore de terrorisme.
D'ailleurs, il faut souligner que c'est la lutte contre le terrorisme qui a relancé les efforts en matière d'espace judiciaire européen. Un an après les attentats du 11 septembre 2001, les débats se sont accélérés sur des questions aussi importantes que la transposition en droit interne de la décision-cadre du 13 juin 2002 sur le mandat d'arrêt européen ou que la poursuite de la mise en oeuvre des mesures décidées à Tampere en octobre 1999.
En effet, les 15 et 16 octobre 1999, le Conseil européen de Tampere décida la création d'un véritable « espace de liberté, de sécurité et de justice », qui devait se traduire par l'instauration d'un espace judiciaire européen en matière civile et pénale et par la lutte contre la criminalité et le blanchiment d'argent.
La représentation nationale est aujourd'hui appelée à faire progresser sensiblement l'espace judiciaire européen et à rendre ainsi effective une partie des engagements pris à Tampere par les chefs d'Etat et de gouvernement.
Il nous faut poursuivre ce grand chantier, qui traduira de façon très concrète et très visible une idée européenne qui devient de plus en plus floue aux yeux de nombreux citoyens ! Car, comme le rappelait Jacques Delors, les avancées réalisées « sont peu lisibles par l'opinion, qui ne comprend pas que, dans un espace unifié, l'on continue à ne pas pouvoir résoudre simplement les problèmes de couples mixtes ».
Le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice participe de cette concrétisation de l'espace judiciaire européen. La transposition dans notre droit positif des directives et des décisions-cadres contenues dans ce texte va permettre d'établir des règles communes à l'ensemble des Etats européens en matière d'accès à la justice dans les affaires transfrontalières, et d'instaurer une infraction relative à la récidive internationale en matière de faux monnayage. C'est donc du concret !
Elle permettra aussi de poser des règles relatives à la lutte contre la corruption dans le secteur privé et celles à partir desquelles un Etat de l'Union européenne reconnaît et exécute sur son territoire une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve émise par une autorité judiciaire d'un autre Etat de l'Union dans le cadre d'une procédure pénale. Là aussi, c'est du concret, toujours du concret !
Dans ces conditions, en quoi ces mesures ne constitueraient-elles pas un progrès ? Ne sont-elles pas une réalisation concrète de ce que l'Europe peut faire de mieux ? N'y a-t-il pas là une manifestation d'un bon sens européen au service du pragmatisme et de l'efficacité ?
Pour permettre ces avancées, il nous faut aujourd'hui, mes chers collègues, adopter ce projet de loi et ainsi modifier notre code pénal, notre code de procédure pénale et la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Permettez-moi de revenir maintenant sur quelques-unes des avancées contenues dans ce texte.
L'article 1er du projet de loi concerne les règles communes relatives à l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières. La conséquence concrète de la transposition de la directive du 27 janvier 2003 sera de faciliter les règlements des litiges transfrontaliers, de plus en plus nombreux en matière civile mais aussi commerciale. Cela signifie que nos concitoyens, devant des juridictions étrangères, bénéficieront des moyens de faire valoir leur point de vue et d'être correctement défendus. Cette transposition permettra aussi, par exemple, la prise en charge des frais pesant sur le justiciable durant toute la procédure, comme les frais de déplacement ou de traduction, en tenant compte bien sûr des différences de niveau de vie entre les Etats membres. La portée de cette directive est donc loin d'être négligeable !
L'article 2 du projet de loi a pour objet la transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union du 6 décembre 2001 visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro. Cette transposition permettra notamment la reconnaissance du principe de récidive par chaque Etat membre, après une condamnation définitive en matière de faux monnayage prononcée par une juridiction d'un autre Etat membre. De plus, l'interconnexion des casiers judiciaires qui en résultera aura pour effet quasi automatique de rendre plus efficace la lutte contre la criminalité organisée à l'échelle du territoire européen.
Enfin, je souhaite évoquer l'harmonisation des sanctions que rendra possible l'adoption de ce texte, conformément aux conclusions du Conseil européen de Tampere. En effet, les Etats membres devront désormais prévoir des peines minimales et harmoniser les sanctions. La transposition de la décision-cadre de juillet 2003 relative à l'exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve engendrera de substantiels progrès en matière de coopération judiciaire et de traitement pénal à l'échelle européenne. C'est ici un grand pas vers une meilleure homogénéisation de l'espace judiciaire européen.
Il n'y a pas le moindre doute, mes chers collègues : comme l'a souligné notre excellent rapporteur, François Zocchetto, les dispositions contenues dans le présent projet de loi constituent un réel progrès et rendent plus concrètes la réalisation et, surtout, la perception de l'espace judiciaire européen. En adoptant ce texte, mes chers collègues, nous ferons de l'espace judiciaire européen une réalité de tous les jours et nous renforcerons par là même l'Europe des citoyens. Ainsi, nous nous rapprocherons davantage de l'« espace de liberté, de justice et de sécurité » dont le principe a été posé par le traité d'Amsterdam.
Malgré le rejet du traité constitutionnel européen, qui aurait permis l'inscription du principe de « reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires », il faut poursuivre le grand chantier de la construction d'un espace judiciaire européen toujours plus homogène, efficient et efficace.
C'est pourquoi je voterai le projet de loi qui nous est soumis.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
CHAPITRE IER
Transposition de la directive 2003/8/CE du Conseil de l'Union européenne, du 27 janvier 2003, visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires
La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi modifiée :
1° Après l'article 3, il est inséré un article 3-1 ainsi rédigé :
« Art. 3-1. - Par dérogation aux deuxième et troisième alinéas de l'article 2 et à l'article 3, et pour l'application de la directive 2003/8/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires, l'aide juridictionnelle est accordée dans les litiges transfrontaliers en matière civile ou commerciale, et dans cette même matière définie au titre II, aux personnes qui, quelle que soit leur nationalité, sont en situation régulière de séjour et résident habituellement dans un Etat membre de l'Union européenne, à l'exception du Danemark, ou y ont leur domicile.
« Le litige transfrontalier est celui dans lequel la partie qui sollicite l'aide a sa résidence habituelle ou son domicile dans un Etat membre autre que celui où siège la juridiction compétente sur le fond du litige ou que celui dans lequel la décision doit être exécutée. Cette situation s'apprécie au moment où la demande d'aide est présentée.
« L'aide juridictionnelle n'est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge, soit au titre d'un contrat d'assurance, soit par d'autres systèmes de protection. » ;
2° L'article 6 est complété par les mots : « ou, dans les litiges transfrontaliers mentionnés à l'article 3-1, si elles rapportent la preuve qu'elles ne pourraient faire face aux dépenses visées à l'article 24 en raison de la différence du coût de la vie entre la France et l'Etat membre où elles ont leur domicile ou leur résidence habituelle » ;
3° Au dernier alinéa de l'article 10, les mots : « d'une décision de justice ou de tout autre titre exécutoire » sont remplacés par les mots : » sur le territoire français, d'une décision de justice ou de tout autre titre exécutoire, y compris s'ils émanent d'un autre Etat membre de l'Union européenne à l'exception du Danemark » ;
4° Après l'article 40, il est inséré un article 40-1 ainsi rédigé :
« Art. 40-1. - Dans les litiges transfrontaliers mentionnés à l'article 3-1, l'aide juridictionnelle couvre les frais de traduction de sa demande et des documents exigés pour son instruction avant transmission de cette demande à l'Etat de la juridiction compétente sur le fond. En cas de rejet de cette demande, les frais de traduction peuvent être recouvrés par l'Etat.
« L'aide juridictionnelle couvre pour les mêmes litiges, lorsque l'instance se déroule en France, les frais d'interprète, les frais de traduction des documents que le juge a estimé indispensable d'examiner pour apprécier les moyens soulevés par le bénéficiaire de l'aide, ainsi que les frais de déplacement des personnes dont la présence à l'audience est requise par le juge. » ;
5° Il est rétabli un article 61 ainsi rédigé :
« Art. 61. - Dans les litiges transfrontaliers mentionnés à l'article 3-1, la consultation d'un avocat, préalablement à la réception de la demande d'aide juridictionnelle par l'Etat de la juridiction compétente sur le fond, a lieu au titre de l'aide à l'accès au droit mise en oeuvre en application de la deuxième partie de la présente loi. »
L'amendement n° 1, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article 3-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, remplacer les mots :
en matière civile ou commerciale
par les mots :
en toutes matières
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet.
L'amendement n° 3 est présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article 3-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, supprimer les mots :
sont en situation régulière de séjour et
L'amendement n° 2 n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour défendre l'amendement n° 3.
L'article 1er du projet de loi vise à insérer un article 3-1 dans la loi du l0 juillet 1990.
Alors que l'article 3 de cette loi concerne le bénéfice de l'aide juridictionnelle à l'occasion d'une procédure engagée en France, le nouvel article 3-1, qui transpose la directive de janvier 2003, a pour objet la définition du régime d'aide juridictionnelle applicable aux litiges transfrontaliers.
Cependant, les conditions de l'octroi de l'aide juridictionnelle diffèrent selon que l'on se trouve dans un cas ou dans l'autre, et cela est particulièrement vrai pour les personnes de nationalité étrangère.
En effet, à la différence du régime de droit commun, le projet de loi prévoit qu'en cas de litige transfrontalier, les étrangers en situation irrégulière ne pourraient plus bénéficier de l'aide juridictionnelle, alors que cela leur est possible en cas de procédure engagée en France.
Si la condition de la régularité du séjour était effectivement maintenue, ceux qui n'ont pas les moyens d'assurer la prise en charge des frais d'avocat ou de procédure ne seraient plus en mesure d'assurer correctement leur défense devant les tribunaux. Pouvoir assurer sa défense est pourtant un des éléments du droit à un procès équitable. C'est ce qui justifie l'existence de l'aide juridictionnelle accordée à toute personne dans l'incapacité de payer les frais afférents au litige. Comment, sans l'aide juridictionnelle, ces étrangers pourraient-ils faire valoir leurs droits ?
Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, la directive ne vise que les personnes en situation régulière sur le territoire de l'Union européenne.
Certes, comme l'a très bien dit M. Pierre Fauchon tout à l'heure, le législateur français peut décider d'aller au-delà du dispositif prévu par la directive, mais, en l'occurrence, il ne paraît pas du tout judicieux de permettre systématiquement aux personnes en situation irrégulière sur le territoire de l'Union de bénéficier de l'aide juridictionnelle.
Aux termes de la loi du 10 juillet 1991, des personnes en situation irrégulière peuvent, dans certains cas, bénéficier de l'aide juridictionnelle. Mais les conditions d'admission sont très restrictives, et l'aide juridictionnelle n'est accordée que sous réserve d'un examen au cas par cas : en règle générale, ce dispositif s'applique quand il y a un problème familial assez grave et que l'intérêt de la famille, notamment l'intérêt des enfants, est en jeu.
Je pense qu'il n'est pas du tout cohérent d'étendre automatiquement le bénéfice du nouveau dispositif aux personnes en situation irrégulière et qu'il convient d'en rester au dispositif prévu par la loi du 10 juillet 1991.
La commission émet donc un avis défavorable.
La tâche du Gouvernement est largement facilitée par M. le rapporteur, qui a rappelé, madame le sénateur, que sont bien entendu visées des personnes en situation régulière.
Vous le savez, même si la France voulait faire preuve d'une grande générosité, elle ne peut pas aller au-delà de la directive européenne. Je ne refuse donc pas votre proposition, je vous dis simplement qu'elle n'est pas opportune.
Par ailleurs, je tiens à préciser devant la Haute Assemblée que le problème de l'aide juridictionnelle et des frais de justice est le problème majeur que rencontre le ministère de la justice. Or il y a dans cette affaire une progression sinon géométrique, du moins considérable, des frais de justice, essentiellement due aux expertises, aux écoutes téléphoniques, et pas uniquement avec le problème qui nous occupe aujourd'hui : nous sommes passés en quatre ans de 280 millions d'euros à plus de 500 millions d'euros.
Nous allons, pour la première fois dans la prochaine loi de finances, expérimenter un nouveau mode budgétaire : il y aura non plus des crédits estimatifs mais des crédits limitatifs ; on ne peut pas en plus augmenter la partie variable des crédits que sont les frais de justice, qui constituent la part la plus ingérable des crédits du ministère de la justice !
Dans ces conditions, non seulement je considère qu'un tel amendement n'est pas recevable compte tenu de la directive, mais je recommande à tous la plus grande circonspection dans l'augmentation des frais de justice.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
CHAPITRE II
Transposition de la décision-cadre 2001/888/JAI du Conseil de l'Union européenne, du 6 décembre 2001, visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro
Après l'article 442-15 du code pénal, il est inséré un article 442-16 ainsi rédigé :
« Art. 442-16. - Les condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un Etat membre de l'Union européenne pour les infractions prévues au présent chapitre sont prises en compte au titre de la récidive conformément aux règles prévues par les articles 132-8 à 132-15. » -
Adopté.
CHAPITRE III
Transposition de la décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil de l'Union européenne, du 22 juillet 2003, relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé
Le titre IV du livre IV du même code est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« De la corruption des personnes n'exerçant pas une fonction publique
« Section 1
« De la corruption passive et active des personnes n'exerçant pas une fonction publique
« Art. 445-1. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait de proposer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne qui, sans être dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, ou un organisme quelconque, qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de son activité ou de sa fonction ou facilité par son activité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles.
« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles.
« Art. 445-2. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait, par une personne qui, sans être dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, ou un organisme quelconque, de solliciter ou d'agréer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de son activité ou de sa fonction, ou facilité par son activité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles.
« Section 2
« Peines complémentaires applicables aux personnes physiques et responsabilité pénale des personnes morales
« Art. 445-3. - Les personnes physiques coupables des infractions définies aux articles 445-1 et 445-2 encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-26, des droits civiques, civils et de famille ;
« 2° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;
« 3° La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;
« 4° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35.
« Art. 445-4. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions définies aux articles 445-1 et 445-2.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2° Pour une durée de cinq ans au plus, les peines mentionnées aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6° et 7° de l'article 131-39.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;
« 3° La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;
« 4° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35. » -
Adopté.
La section 6 du chapitre II du titre V du livre Ier du code du travail est abrogée. -
Adopté.
I. - L'article L. 1414-4 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Dans le a, après la référence : « 441-9 », sont insérés les mots : « , par l'article 445-1 » ;
2° A la fin du même a, les mots : « , ainsi que par le deuxième alinéa de l'article L. 152-6 du code du travail » sont supprimés.
II. - L'article 22 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières est ainsi modifié :
1° Dans le c du 1°, après la référence : « 441-8 », sont insérées les références : « , 445-1 et 445-2 » ;
2° Dans le même c, les mots : « de l'article L. 152-6 du code du travail, » sont supprimés. -
Adopté.
CHAPITRE IV
Transposition de la décision-cadre 2003/577/JAI du Conseil de l'Union européenne, du 22 juillet 2003, relative à l'exécution dans ladite Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve
L'amendement n° 4, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est inséré après l'article 225-24 du code pénal un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les personnes physiques et morales reconnues coupables des infractions prévues aux sections 2 et 2 bis du présent chapitre encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, qu'elle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ».
L'amendement n° 5, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est inséré, après l'article 706-36 du code de procédure pénale, un article ainsi rédigé :
« Art. ... - En cas d'information ouverte pour une infraction entrant dans le champ d'application de l'article 706-34 et afin de garantir le paiement des amendes encourues ainsi que, le cas échéant, la confiscation prévue par l'article additionnel après l'article 225-24 du code pénal (cf. amendement n° 4), le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République peut ordonner, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par le code de procédure civile, des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en cause.
« La condamnation vaut validation des saisies conservatoires et permet l'inscription définitive des sûretés.
« La décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement emporte de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesures ordonnées. Il en est de même en cas d'extinction de l'action publique.
« Pour l'application des dispositions du présent article, le juge des libertés et de la détention est compétent sur l'ensemble du territoire national ».
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour défendre ces deux amendements.
L'article 5 transpose la décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve.
L'occasion nous est donnée ici de reprendre certaines dispositions de notre proposition de loi relative à l'exploitation sexuelle et à la protection des victimes et qui concernent le gel des biens des proxénètes.
C'est en effet en direction de ceux qui profitent de la prostitution et de la traite des êtres humains que nous souhaitons agir : les trafiquants et les proxénètes.
Bien que nous disposions de nombreuses mesures législatives en matière de lutte contre le proxénétisme, il convient de constater que les réseaux ne sont pas démantelés. Il faut donc s'attaquer au coeur du système de la prostitution organisé de manière transnationale, et qui est constitué en priorité de l'argent des proxénètes.
Nos deux amendements offrent donc la possibilité de confiscation de tous les biens, « quelle qu'en soit la nature », du proxénète, ou l'extension de la saisie conservatoire des biens aux personnes mises en examen pour proxénétisme. Ces mesures avaient d'ailleurs été adoptées à l'unanimité à l'Assemblée nationale lors du débat relatif à la lutte contre l'esclavage.
Madame Mathon, les dispositions que vous proposez figurent déjà dans le code pénal et dans le code de procédure pénale.
Pour l'amendement n° 4, il s'agit de l'article 225-25 du code pénal, et pour l'amendement n° 5, il s'agit de l'article 706-36-1 du code de procédure pénale.
Vos amendements sont donc satisfaits et je vous demande de les retirer.
Le chapitre II du titre X du livre IV du code de procédure pénale est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« De l'émission et de l'exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve en application de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 juillet 2003
« Paragraphe 1 er
« Dispositions générales
« Art. 695-9-1. - Une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve est une décision prise par une autorité judiciaire d'un Etat membre de l'Union européenne, appelé Etat d'émission, afin d'empêcher la destruction, la transformation, le déplacement, le transfert ou l'aliénation d'un bien susceptible de faire l'objet d'une confiscation ou de constituer un élément de preuve et se trouvant sur le territoire d'un autre Etat membre, appelé Etat d'exécution.
« L'autorité judiciaire est compétente, selon les règles et dans les conditions déterminées par la présente section, pour prendre et transmettre aux autorités judiciaires des autres Etats membres de l'Union européenne ou pour exécuter, sur leur demande, une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve.
« La décision de gel de biens ou d'éléments de preuve est soumise aux mêmes règles et entraîne les mêmes effets juridiques que la saisie.
« Art. 695-9-2. - Les biens ou les éléments de preuve qui peuvent donner lieu à la prise ou à l'exécution d'une décision de gel sont les suivants :
« 1° Tout bien meuble ou immeuble, corporel ou incorporel, ainsi que tout acte juridique ou document attestant d'un titre ou d'un droit sur ce bien, dont l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission estime qu'il est le produit d'une infraction ou correspond en tout ou partie à la valeur de ce produit, ou constitue l'instrument ou l'objet d'une infraction ;
« 2° Tout objet, document ou donnée, susceptible de servir de pièce à conviction dans le cadre d'une procédure pénale dans l'Etat d'émission.
« Art. 695-9-3. - Toute décision de gel de biens ou d'éléments de preuve est accompagnée d'un certificat décerné par l'autorité judiciaire ayant ordonné la mesure et comprenant les mentions suivantes :
« 1° L'identification de l'autorité judiciaire qui a pris, validé ou confirmé la décision de gel et de l'autorité compétente pour exécuter ladite décision dans l'Etat d'émission, si celle-ci est différente de l'autorité d'émission ;
« 2° L'identification de l'autorité centrale compétente pour la transmission et la réception des décisions de gel, lorsqu'une telle autorité a été désignée ;
« 3° La date et l'objet de la décision de gel ainsi que, s'il y a lieu, les formalités procédurales à respecter pour l'exécution d'une décision de gel concernant des éléments de preuve ;
« 4° Les données permettant d'identifier les biens ou éléments de preuve faisant l'objet de la décision de gel, notamment la description précise de ces biens ou éléments, leur localisation dans l'Etat d'exécution et la désignation de leur propriétaire ou de leur gardien ;
« 5° L'identité de la ou des personnes physiques ou morales soupçonnées d'avoir commis l'infraction ou qui ont été condamnées et qui sont visées par la décision de gel ;
« 6° Les motifs de la décision de gel, le résumé des faits connus de l'autorité judiciaire qui en est l'auteur, la nature et la qualification juridique de l'infraction qui la justifie y compris, s'il y a lieu, l'indication que ladite infraction entre, en vertu de la loi de l'Etat d'émission, dans l'une des catégories d'infractions mentionnées aux troisième à trente-quatrième alinéas de l'article 695-23 et y est punie d'une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement ;
« 7° La description complète de l'infraction lorsque celle-ci n'entre pas dans l'une des catégories d'infractions visées au 6° ;
« 8° Les voies de recours contre la décision de gel pour les personnes concernées, y compris les tiers de bonne foi, ouvertes dans l'Etat d'émission, la désignation de la juridiction devant laquelle ledit recours peut être introduit et le délai dans lequel celui-ci peut être formé ;
« 9° Le cas échéant, les autres circonstances pertinentes del'espèce ;
« 10° La signature de l'autorité judiciaire d'émission ou celle de son représentant attestant l'exactitude des informations contenues dans le certificat.
« Art. 695-9-4. - La décision de gel de biens ou d'éléments de preuve est accompagnée, selon les cas :
« 1° D'une demande de transfert des éléments de preuve vers l'Etat d'émission ;
« 2° D'une demande d'exécution d'une décision de confiscation du bien.
« A défaut, le certificat contient l'instruction de conserver le bien ou l'élément de preuve dans l'Etat d'exécution jusqu'à la réception d'une des demandes visées aux 1° et 2° et mentionne la date probable à laquelle une telle demande sera présentée.
« Les demandes visées aux 1° et 2° sont transmises par l'Etat d'émission et traitées par l'Etat d'exécution conformément aux règles applicables à l'entraide judiciaire en matière pénale et à la coopération internationale en matière de confiscation.
« Art. 695-9-5. - Le certificat doit être traduit dans la langue officielle ou dans une des langues officielles de l'Etat d'exécution ou dans l'une des langues officielles des institutions des Communautés européennes acceptées par cet Etat.
« Art. 695-9-6. - La décision de gel et le certificat sont, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa, transmis directement par l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission à l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution, par tout moyen laissant une trace écrite et dans des conditions permettant à cette dernière autorité d'en vérifier l'authenticité.
« Lorsqu'un Etat membre de l'Union européenne a fait une déclaration à cet effet, la décision de gel et le certificat sont expédiés par l'intermédiaire d'une ou plusieurs autorités centrales désignées par ledit Etat.
« Paragraphe 2
« Dispositions relatives aux décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve prise par les autorités judiciaires françaises
« Art. 695-9-7. - Le procureur de la République, les juridictions d'instruction, le juge des libertés et de la détention et les juridictions de jugement compétents, en vertu des dispositions du présent code, pour ordonner une saisie de biens ou d'éléments de preuve, sont compétents pour prendre, dans les mêmes cas et conditions, des décisions de gel visant des biens ou des éléments de preuve situés sur le territoire d'un autreEtat membre de l'Union européenne et pour établir les certificats afférents à ces décisions.
« Le certificat peut préciser que la demande de gel visant des éléments de preuve devra être exécutée dans l'Etat d'exécution selon les règles du présent code.
« Art. 695-9-8. - La décision de gel prise par un juge d'instruction est transmise par celui-ci, avec son certificat, à l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution, selon les modalités prévues à l'article 695-9-6. Dans les autres cas, la décision et le certificat sont transmis par le ministère public près la juridiction qui en est l'auteur.
« Art. 695-9-9. - Les décisions qui emportent mainlevée de la décision de gel sont transmises sans délai, selon les modalités prévues à l'article 695-9-8, à l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution.
« Paragraphe 3
« Dispositions relatives à l'exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve prises par les autorités étrangères
« Art. 695-9-10. - Le juge d'instruction est compétent pour statuer sur les demandes de gel d'éléments de preuve ainsi que pour les exécuter.
« Le juge des libertés et de la détention est compétent pour statuer sur les demandes de gel de biens en vue de leur confiscation ultérieure. Le procureur de la République est compétent pour procéder à l'exécution des mesures ordonnées par ce juge.
« Art. 695-9-11. - La décision de gel et le certificat émanant de l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission sont transmis, selon les modalités prévues à l'article 695-9-6, au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention territorialement compétent, le cas échéant par l'intermédiaire du procureur de la République ou du procureur général.
« Le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention territorialement compétent est celui du lieu où se situe l'un quelconquedes biens ou des éléments de preuve faisant l'objet de la demande de gel ou, si ce lieu n'est pas précisé, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention de Paris.
« Si l'autorité judiciaire à laquelle la demande de gel a été transmise n'est pas compétente pour y donner suite, elle la transmet sans délai à l'autorité judiciaire compétente et en informe l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission.
« Art. 695-9-12. - Avant d'y statuer, le juge d'instruction oule juge des libertés et de la détention saisi directement d'une demande de gel la communique pour avis au procureur de la République.
« Le procureur de la République qui reçoit directement une demande de gel la transmet pour exécution, avec son avis, au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention, suivant l'objet de la demande.
« Dans le cas prévu à l'article 694-4, le procureur de la République saisit le procureur général.
« Art. 695-9-13. - Après s'être assuré de la régularité de la demande, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention se prononce sur l'exécution de la décision de gel dans les meilleurs délais et, si possible, dans les vingt-quatre heures suivant la réception de ladite décision.
« Il exécute ou fait exécuter immédiatement la décision de gel.
« Il informe sans délai l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission de l'exécution de la décision de gel par tout moyen laissant une trace écrite.
« Art. 695-9-14. - Les décisions de gel d'éléments de preuve sont exécutées selon les règles de procédure prévues par le présent code.
« Toutefois, si la demande ou le certificat le précise, les décisions de gel sont exécutées selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article 694-3.
« Art. 695-9-15. - Les décisions de gel de biens ordonnées à des fins de confiscation ultérieure sont exécutées, aux frais avancés du Trésor, selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution.
« Art. 695-9-16. - L'exécution d'une décision de gel peut être refusée si le certificat n'est pas produit, s'il est établi de manière incomplète ou s'il ne correspond manifestement pas à la décision de gel. Toutefois, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention peut impartir un délai à l'auteur de la décision pour que le certificat soit produit, complété ou rectifié, accepter un document équivalent ou, s'il s'estime suffisamment éclairé, dispenser l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission de toute production complémentaire.
« Art. 695-9-17. - Sans préjudice de l'application de l'article 694-4, l'exécution d'une décision de gel est refusée dans l'un des cas suivants :
« 1° Si une immunité y fait obstacle ou si le bien ou l'élément de preuveest insaisissable selon la loi française ;
« 2° S'il ressort du certificat que la décision de gel se fonde sur des infractions pour lesquelles la personne visée dans ladite décision a déjà été jugée définitivement par les autorités judiciaires françaises ou par celles d'un Etat autre que l'Etat d'émission, à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée, soit en cours d'exécution ou ne puisse plus être ramenée à exécution selon les lois de l'Etat de condamnation ;
« 3° S'il est établi que la décision de gel a été prise dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle, ou que l'exécution de ladite décision peut porter atteinte à la situation de cette personne pour l'une de ces raisons ;
« 4° Si la décision de gel a été prise à des fins de confiscation ultérieure d'un bien et que les faits qui la justifient ne constituent pas une infraction permettant, selon la loi française, d'ordonner une mesure conservatoire.
« Toutefois, le motif de refus prévu au 4° n'est pas opposable lorsque la décision de gel concerne une infraction qui, en vertu de la loi de l'Etat d'émission, entre dans l'une des catégories d'infractions mentionnées aux troisième à trente-quatrième alinéas de l'article 695-23 et y est punie d'une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement.
« Art. 695-9-18. - Nonobstant les dispositions du 4° de l'article 695-9-17, l'exécution de la décision de gel ne peut, en matière de taxes ou d'impôts, de douanes et de change, être refusée au motif que la loi française ne prévoit pas le même type de taxes ou d'impôts ou le même type de réglementation en matière de taxes ou d'impôts, de douane et de change que la loi de l'Etat d'émission.
« Art. 695-9-19. - Le refus d'exécuter une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve est motivé. Il est notifié sans délai à l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission par tout moyen laissant une trace écrite.
« Lorsqu'il est impossible d'exécuter la décision de gel parce que le bien ou les éléments de preuve ont disparu, ont été détruits, n'ont pas été retrouvés à l'endroit indiqué dans le certificat ou qu'il n'a pas été possible de les localiser, même après consultation de l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention en informe sans délai l'autorité judiciaire dudit Etat par tout moyen laissant une trace écrite.
« Art. 695-9-20. - L'exécution d'une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve peut être différée :
« 1° Lorsqu'elle risque de nuire à une enquête pénale en cours ;
« 2° Lorsque l'un quelconque des biens ou éléments de preuve en cause a déjà fait l'objet d'une mesure de gel ou de saisiedans le cadre d'une procédure pénale ;
« 3° Lorsque la décision de gel est prise en vue de la confiscation ultérieure d'un bien et que celui-ci fait déjà l'objet d'une décision de gel ou de saisiedans le cadre d'une procédure non pénale en France ;
« 4° Lorsque l'un quelconque des biens ou éléments de preuve en cause est un document ou un support protégé au titre de la défense nationale, tant que la décision de le déclassifier n'a pas été notifiée par l'autorité administrative compétente au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention en charge de l'exécution de la décision de gel.
« Le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention qui décide de différer l'exécution de la décision de gel en informe sans délai l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission par tout moyen laissant une trace écrite, en lui précisant le motif du report et, si possible, sa durée prévisible.
« Art. 695-9-21. - Dès que le motif de report n'existe plus, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention procèdeà l'exécution de la décision de gel, dans les conditions prévues à l'article 695-9-13.
« Art. 695-9-22. - Lorsque la décision de gel concerne un élément de preuve, celui qui le détient ou toute autre personne qui prétend avoir undroit sur ledit élément peut, par voie de requête remise au greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel territorialement compétente dans les dix jours à compter de la date de mise à exécution de la décision considérée, former un recours à l'encontre de cette dernière. Les dispositions de l'article 173 sont alors applicables.
« Le recours n'est pas suspensif et ne permet pas de contester les motifs de fondde la décision de gel.
« La chambre de l'instruction peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, autoriser l'Etat d'émission à intervenir à l'audience par l'intermédiaire d'une personne habilitée parledit Etat à ceteffet ou, le cas échéant, directement par l'intermédiaire des moyens de télécommunications prévus à l'article 706-71. Lorsque l'Etat d'émission est autorisé à intervenir, il ne devient pas partie à la procédure.
« Art. 695-9-23. - Lorsque la décision de gel est prise en vue de la confiscation d'un bien, les voies de recours prévues en matière de procédures civiles d'exécution sont applicables.
« Toutefois, le recours ne permet pas de contester les motifs de fond de la décision de gel.
« Art. 695-9-24. - La personne intéressée par la décision de gel peut également s'informer, auprès du greffe du juge d'instruction ou de celui du juge des libertés et de la détention, des voies de recours contre la décision de gel ouvertes dans l'Etat d'émission etmentionnées dans le certificat.
« Art. 695-9-25. - Le procureur général ou, s'il a été fait application de l'article 695-9-23, le procureurde la République, informe l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission du recours éventuellement exercé et des moyens soulevés, afin que cette autorité puisse produire ses observations, le cas échéant par l'intermédiaire des moyens de télécommunications prévus à l'article 706-71. Il l'avise des résultats de cette action.
« Art. 695-9-26. - Lorsque l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission a demandé le transfert d'un élément de preuve et que la décision d'exécution de la décision de gel revêt un caractère définitif, le juge d'instruction prend les mesures nécessaires au transfert, dans les meilleurs délais, de cet élément de preuve à ladite autorité judiciaire, selon les règles applicables à l'entraide judiciaire en matière pénale.
« Art. 695-9-27. - Lorsque l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission n'a pas demandé le transfert de l'élément de preuve faisant l'objet de la décision de gel, celui-ci est conservé sur le territoire français selon les règles du présent code.
« Si le juge d'instruction, en application de ces règles, envisage de ne pas conserver l'élément de preuve, il en avise l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission et la met à même de produire ses observations avant de prendre sa décision.
« Art. 695-9-28. - Lorsque l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission a demandé le gel d'un bien en vue de sa confiscation ultérieure, celui-ci est conservé selon les modalités prévues à l'article 695-9-15.
« Les sûretés ordonnées peuvent être renouvelées avant l'expiration du délai légal de conservation. Si le juge des libertés et de la détention n'envisage pas de renouveler ces sûretés, il en avise l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission et la met à même de produire ses observations avant l'expiration de ce délai.
« Art. 695-9-29. - Le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention informe l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission de toute autre mesure de gel ou saisie dont le bien ou l'élément de preuveconcerné par la décision de gelfait l'objet.
« Art. 695-9-30. - La mainlevée totale ou partielle de la mesure de gel peut être demandée par toute personne intéressée.
« Lorsque le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention envisage, d'office ou à la demande de toute personne intéressée, de donner mainlevée de la mesure de gel, il en avise l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission et la met à même de produire ses observations.
« La mainlevée de la décision de gel prononcée par l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission emporte de plein droit, aux frais avancés du Trésor, mainlevée des mesures d'exécution prises à la demande de cette autorité. » -
Adopté.
CHAPITRE V
[Division et intitulé supprimés]
L'article 6 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
CHAPITRE VI
Dispositions relatives à l'outre-mer
Les dispositions des articles 2, 3 et 5 sont applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.
Les dispositions des articles 2 et 3 sont applicables dans les Terres australes et antarctiques françaises. -
Adopté.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté définitivement.
Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance d'une dizaine de minutes.
Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures vingt.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de M. Laurent Béteille précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (nos 409, 358).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour reparler de ce qui constitue certainement l'une des principales, sinon la principale innovation de la loi du 9 mars 2004, à savoir la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, que j'appellerai dans la suite de mon propos la « CRPC », car il faut, à mon sens, éviter d'utiliser l'expression « plaider-coupable », qui ne s'applique pas vraiment à la procédure que nous avons adoptée.
Mais les Français la comprennent !
Même si la CRPC s'inspire des procédures anglo-saxonnes de « plaider-coupable », elle s'en distingue sur un point essentiel : tandis que le « plea bargaining » autorise le juge à abandonner certaines charges en échange d'une reconnaissance de culpabilité sur d'autres faits et de l'acceptation de la peine prononcée, le principe même d'une négociation est écarté dans le cadre de la CRPC.
Il faut observer que la CRPC se rapproche plus de la composition pénale telle qu'elle avait été instituée par la loi du 23 juin 1999. Il s'agit en quelque sorte de la concrétisation de ce dispositif, qui avait alors permis d'« entrouvrir une porte » dans ce domaine.
La CRPC présente un caractère original et novateur. Elle est définie par les articles 495-7 à 495-16 nouveaux du code de procédure pénale.
Son champ d'application doit répondre à trois conditions.
Tout d'abord, le délit doit être puni de cinq ans d'emprisonnement maximum, à l'exclusion des délits de presse, des délits d'homicide involontaire, des délits politiques ou de ceux qui sont prévus par une loi spéciale.
Ensuite, la personne concernée doit reconnaître les faits.
Enfin, le délinquant doit être majeur.
Précision importante, la CRPC est écartée pour tous les faits qui font l'objet d'une information : dès qu'il y a intervention d'un juge d'instruction, il ne peut pas y avoir de CRPC en l'état actuel des textes. Nous verrons ce qu'il en sera à l'avenir...
Le procureur peut recourir d'office à la CRPC à la demande soit de l'intéressé, c'est-à-dire l'auteur des faits, soit de son avocat.
En ce qui concerne les peines susceptibles d'être proposées, une double limite est prévue : le quantum prononcé ne peut excéder un an d'emprisonnement ni dépasser la moitié de la peine d'emprisonnement encourue. Il s'agit donc d'un régime de peines très préférentiel.
Je rappellerai en quelques mots la procédure suivie devant le procureur.
L'avocat doit être présent à chacune des étapes de cette procédure - Le Sénat y tenait beaucoup - et, a contrario, lorsqu'il n'y a pas d'avocat, il ne peut y avoir de CRPC.
Tout d'abord, les déclarations par lesquelles la personne reconnaît les faits sont recueillies par le procureur.
Ensuite, le procureur fait une proposition de peine.
Puis, dans un troisième temps, la personne peut librement s'entretenir avec son avocat, hors la présence du procureur.
Enfin, si la personne accepte la peine, elle en fait part au procureur, toujours en présence de son avocat, et est « aussitôt présentée », pour reprendre les termes de la loi, devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui, qui aura été saisi par le procureur de la République d'une requête en homologation.
S'agissant de l'audience d'homologation, sujet qui nous préoccupe ce matin, la loi a prévu un déroulement en quatre temps.
Premièrement, le juge entend la personne et son avocat.
Deuxièmement, le juge vérifie la réalité des faits et leur qualification juridique. A ce moment-là, il peut donc poser des questions au prévenu ou à son avocat.
Troisièmement, le juge statue par une ordonnance motivée soit en homologuant la peine, soit en la rejetant. Par conséquent, le juge n'a pas le pouvoir de renégocier ou de proposer autre chose. Il ne peut qu'accepter ou refuser la peine proposée par le procureur.
Enfin, quatrièmement, l'ordonnance d'homologation est lue en audience publique. Elle est immédiatement exécutoire.
Je précise que la procédure prévoit un double délai de réflexion : avant l'acceptation de la peine, il est possible de bénéficier d'un délai de réflexion de dix jours ; après le prononcé de la peine, la personne condamnée peut faire appel, avec une possibilité d'appel incident du parquet.
Evidemment, si la peine est refusée ou si elle n'est pas homologuée, l'affaire est renvoyée à l'audience du tribunal correctionnel, qui statue de façon classique.
Je crois également utile, mes chers collègues, de vous rappeler que les droits de la victime sont garantis par trois dispositions particulières.
Si la victime est identifiée, elle est informée de cette procédure sans délai et par tout moyen, et elle est invitée à comparaître à l'audience de l'homologation, accompagnée, le cas échéant, de son avocat. Elle peut alors se constituer partie civile et demander réparation.
Si la victime n'a pu exercer ce droit, le procureur de la République doit l'informer de son droit de lui demander de citer l'auteur des faits à une audience du tribunal correctionnel statuant sur les intérêts civils en cause.
En tout état de cause, la victime peut faire appel de l'ordonnance d'homologation.
Cela dit, il est probablement trop tôt pour dresser un bilan de ce que je vous ai présenté comme une modification fondamentale de la procédure pénale française.
Néanmoins, en nous rendant sur le terrain, en rencontrant des magistrats, des avocats et des greffiers, nous avons constaté, presque contre toute attente, une utilisation croissante et importante, pour ne pas dire déjà massive, de la procédure de CRPC.
A ce jour, 147 tribunaux de grande instance sur 181 utilisent cette procédure sur le territoire de la République. Et, depuis sa mise en place, c'est-à-dire depuis le mois d'octobre 2004, plus de 10 000 affaires ont été traitées par cette voie, avec un taux d'homologation de l'ordre de 85 %.
Nous constatons aussi une homogénéisation des pratiques, malgré certaines disparités. En effet, de fortes convergences se dégagent.
Tout d'abord, s'agissant du choix du contentieux, la CRPC est principalement utilisée pour les conduites en état alcoolique, généralement avec un taux supérieur à 0, 80 milligramme d'alcool par litre d'air expiré, ainsi que pour les conduites sans permis et sans assurance, généralement dans les cas de réitération ou de récidive.
Nous avons constaté que les procureurs privilégiaient cette procédure pour les infractions sans victime. Mais elle peut être retenue aussi pour les auteurs de vol ou de dégradation, de préférence toutefois lorsque ces infractions ont concerné des victimes « institutionnelles », à savoir des administrations publiques, des grandes surfaces ou des grosses sociétés.
Dans plusieurs tribunaux, la CRPC est également appliquée à certaines infractions au droit pénal du travail telles que le travail dissimulé ou les infractions aux règles d'hygiène et de sécurité, voire certaines infractions au droit pénal de la consommation.
Dans tous les cas, la procédure devant le procureur se déroule de manière similaire et le délai de réflexion n'a été utilisé que très rarement.
Les peines proposées par la grande majorité des parquets paraissent légèrement plus avantageuses que celles qui auraient été prononcées dans le cadre d'une audience correctionnelle classique. Toutefois, un double clivage persiste. D'une part, certains parquets appliquent la CRPC aux personnes déférées, c'est-à-dire aux personnes qui viennent d'être interpellées ou qui ont fait l'objet d'une garde à vue, tandis que d'autres s'y refusent et préfèrent utiliser cette procédure sur convocation. D'autre part, il s'agit de savoir si des peines d'emprisonnement ferme peuvent être prononcées à l'issue d'une telle procédure. Certains parquets, comme ceux de Paris, de Bobigny ou de Toulon, proposent des peines d'emprisonnement ferme, mais la majorité d'entre eux, semble-t-il, écartent cette possibilité.
La procédure de CRPC me semble bien acceptée aujourd'hui. Elle ne se serait d'ailleurs pas inscrite aussi rapidement dans notre paysage judiciaire si elle n'avait recueilli, en pratique, l'assentiment des acteurs de l'institution.
Il est vrai que, dans toutes les juridictions, la mise en oeuvre de la procédure a été précédée d'une concertation étroite entre le parquet, le siège et le barreau, en particulier quant au champ des infractions susceptibles de faire l'objet d'une CRPC et quant à l'éventail des sanctions proposées.
Au lendemain de l'adoption de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, cette adhésion n'allait pas de soi. En effet, la plupart des intervenants du monde judiciaire avaient indiqué leur extrême réserve à l'égard de cette nouvelle procédure, voire leur refus de participer à sa mise en place.
En effet, car l'inverse de ce qui avait été annoncé a eu lieu.
Le rôle de chacun des intervenants s'est trouvé profondément modifié par cette procédure.
Le parquet, en particulier, est appelé non plus à prononcer des réquisitions lors d'une audience, mais à faire des propositions à l'auteur des faits.
Les avocats, il faut le reconnaître, nous ont un peu surpris par la façon dont ils ont « apprivoisé » cette nouvelle procédure. Sans doute certains ont-ils souligné le paradoxe qui les conduit, lors de l'audience d'homologation et en l'absence du procureur, à défendre indirectement, en tout cas à accepter la peine proposée. Quoi qu'il en soit, ce changement de rôle a, semble-t-il, été accepté par la majorité de ces professionnels.
Les clivages les plus forts se retrouvent sans doute chez les magistrats du siège. En effet, certains supportent mal de voir leur rôle restreint à un choix binaire, tandis que d'autres - nous en avons rencontré beaucoup ! - estiment que l'homologation n'est pas une simple formalité et qu'ils ont un véritable rôle, à savoir « vérifier la réalité des faits et leur qualification juridique ». De plus, l'ordonnance d'homologation qu'ils rendent doit être obligatoirement motivée. Leur nouveau rôle est donc réel.
Par ailleurs, les juges des tribunaux correctionnels nous ont également fait observer que, en termes de temps d'audience, le gain réalisé était très significatif. Pour eux, il s'agit donc d'une réelle opportunité de se décharger d'un contentieux souvent répétitif pour se consacrer davantage aux affaires les plus délicates et les plus graves.
Je crois donc réellement que la procédure de CRPC se traduit par une réelle valeur ajoutée au regard des procédures existantes. Outre l'allégement des audiences correctionnelles classiques, un traitement plus personnalisé de l'infraction pénale est favorisé, grâce à une meilleure acceptation de la peine par la personne condamnée et à une meilleure attention portée à l'affaire elle-même puisque le procureur a en face de lui la personne poursuivie.
Dans tous les cas, je crois utile de rappeler que cette procédure a contribué à améliorer le taux de réponse pénale.
Cependant, monsieur le garde des sceaux, des problèmes matériels importants subsistent dans les greffes, même s'ils ne concernent pas seulement la CRPC. Quoi qu'il en soit, tant en termes de moyens humains que d'outils informatiques, des marges de progression importantes semblent non seulement possibles mais aussi souhaitables dans un très proche avenir.
J'aborderai maintenant le sujet de la présence obligatoire du parquet à l'audience d'homologation.
En tant que rapporteur du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, il m'apparaît que, conformément à l'esprit de cette réforme, l'audience d'homologation doit se tenir en l'absence du procureur.
L'audience d'homologation doit être une alternative à l'audience correctionnelle classique et non en constituer le doublon. Il s'agit dès lors d'une audience sui generis -selon l'expression utilisée par le professeur Pradel -, qu'il est donc impossible de comparer avec d'autres audiences. Par conséquent, vouloir intégrer cette nouvelle procédure dans un cadre préexistant n'a pas de sens à mes yeux.
Cette analyse résulte tout à la fois des travaux préparatoires de la loi et de la logique même du dispositif.
Au reste, la première circulaire d'application du ministre de la justice, en date du 2 septembre 2004, n'a pas été expressément critiquée par la juridiction administrative, qui a explicitement noté que la présence du parquet demeurait facultative.
Au cours des travaux préparatoires, une autre question importante avait été abordée au Sénat, à savoir le caractère public de l'audience d'homologation. Ce sujet avait fait l'objet d'un débat assez vif entre l'Assemblée nationale, qui préférait que l'homologation se fasse en chambre du conseil, c'est-à-dire à huis clos, et le Sénat, qui était très attaché, monsieur le garde des sceaux - vous le savez, nous en avons discuté en d'autres lieux -, à ce que cette audience soit publique.
L'Assemblée nationale a pu imposer son point de vue en commission mixte paritaire, mais le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 2 mars 2004, a annulé cette disposition et a rétabli, conformément à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le principe de publicité du jugement des affaires pénales, faisant d'ailleurs observer que la question ne se discutait pas dès lors qu'une telle procédure pouvait conduire à une privation de liberté.
Au Sénat, au-delà de ce principe, nous avions pensé que la présence de la victime à l'audience et le principe d'exemplarité des peines ne pouvaient que nous conduire à opter pour le caractère public des audiences d'homologation.
Par ailleurs, la logique de la CRPC s'articule autour de deux étapes successives : le parquet propose la peine après avoir entendu l'intéressé, puis le président du tribunal contrôle la conformité de la peine au regard des critères fixés par la loi. Ces deux séquences sont complémentaires et non redondantes.
Par ailleurs, le Sénat avait rejeté, lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, un amendement présenté par notre collègue Robert Badinter tendant à permettre au juge d'inviter le procureur à formuler une proposition nouvelle.
Nous nous étions opposés à cette proposition qui, à nos yeux, ne présentait pas d'intérêt puisque cette procédure n'autorise pas la négociation, et encore moins la renégociation.
Quels sont les inconvénients pratiques d'une présence obligatoire du parquet ?
Il paraît tout d'abord évident, comme l'indiquent tous les juges du parquet et du siège, que la participation systématique du procureur de la République allongerait le temps consacré par le ministère public à cette procédure. En effet, si le procureur devait être présent ou représenté à toutes les audiences d'homologation, il perdrait son temps : il devrait se contenter de s'en remettre à l'appréciation du tribunal, car sa proposition aura déjà été clairement exprimée dans sa requête en homologation.
Vous me répondrez, mes chers collègues, que le président peut éventuellement vouloir l'interroger. Or c'est justement ce que nous voulons éviter, puisque l'audience d'homologation n'a pas pour objet d'ouvrir un débat. Si le président pose des questions au prévenu, c'est pour s'assurer que la personne qu'il a devant lui correspond bien à son état civil, qu'elle a effectivement commis les faits, qu'elle les reconnaît librement et qu'elle accepte librement la peine proposée. Et la présence du parquet lors de l'audience d'homologation pourrait constituer un poids pour la personne qui est sur le point de reconnaître les faits.
Par ailleurs, la réouverture des débats ne présente aucun avantage, car on en reviendrait alors à une audience classique de tribunal correctionnel.
J'observe que, dans la plupart des tribunaux qui appliquent la CRPC, le parquet, jusqu'aux décisions récentes de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat, ne participait pas à l'audience d'homologation, et personne ne s'en était ému.
En revanche, certaines juridictions de taille moyenne ont fait le choix d'organiser les audiences d'homologation dans le prolongement des audiences correctionnelles classiques. Dans ce cas, le ministère public y a donc naturellement participé.
La situation dans laquelle nous nous trouvons présente des risques d'interprétations contradictoires. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de légiférer, car notre droit est aujourd'hui source d'incertitudes.
Aux termes de l'article 32 du code de procédure pénale, le ministère public « est représenté auprès de chaque juridiction répressive. Il assiste au débat des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence. » Ainsi, des dispositions spécifiques à chaque juridiction rappellent expressément la présence du ministère public et les conditions de son intervention.
Inversement, le procureur n'est pas présent lorsque aucune disposition du code pénal ou du code de procédure pénale ne le prévoit expressément. Il en est ainsi du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention lorsque celui-ci est saisi par le procureur de la République aux fins de placement du prévenu en détention provisoire dans l'attente de sa comparution devant le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate. De même, le parquet n'est pas présent lorsque le juge des enfants statue en chambre du conseil en application des articles 8 et 8-1 de l'ordonnance du 2 février 1945.
A contrario, il est vrai que le troisième alinéa de l'article 464 du code de procédure pénale prévoit explicitement que la présence du ministère public n'est pas obligatoire à l'audience correctionnelle consacrée aux seuls intérêts civils.
J'en viens à l'avis de la Cour de cassation qui a été rendu le 18 avril 2005, sur demande de juges délégués par le président du tribunal de grande instance de Nanterre.
La logique de cet avis est aisément compréhensible : la Cour de cassation a estimé que les dispositions de l'article 32 du code de procédure pénale s'appliquaient et que, en conséquence, le ministère public est « tenu d'assister aux débats de cette audience de jugement, la décision devant être prononcée en sa présence ».
Je précise que cet avis ne lie pas les juridictions. C'est en tout cas ce que considèrent certaines juridictions.
Néanmoins, en pratique, cet avis a conduit les magistrats à faire preuve d'un peu de prudence. C'est pourquoi la Chancellerie a réagi par une circulaire publiée le 21 avril 2005, qui dissociait, au sein de l'audience d'homologation, la phase au cours de laquelle le juge entend la personne et prend sa décision de celle où l'ordonnance d'homologation est lue en audience publique. Seule cette dernière phase impliquerait la présence du parquet.
En effet, et le Conseil d'Etat a souligné tous les risques d'irrégularité que ferait peser sur les procédures en cours la voie suggérée par la Chancellerie. Il a bien fait ! Sinon, nous serions revenus devant la Cour de cassation dans six mois, dans un an ou dans plusieurs années, et de nombreuses procédures auraient été annulées.
Aujourd'hui, la balle est dans le camp du législateur, et la Cour de cassation comme le Conseil d'Etat attendent qu'il se prononce.
Tel est précisément l'objet de notre discussion.
La présente proposition de loi tend en effet à apporter une double clarification à l'article 495-9 du code de procédure pénale, en précisant, en premier lieu, que la présence du procureur de la République à l'audience d'homologation n'est pas obligatoire. L'auteur de la proposition de loi, M. Béteille -j'aurais dû citer son nom plus tôt, car c'est grâce à sa perspicacité que nous sommes réunis de matin - nous propose ainsi de reprendre les termes mêmes de l'article 464 du code de procédure pénale, relatif aux audiences du tribunal correctionnel statuant sur les seuls intérêts civils.
Les membres de la commission des lois se sont toutefois interrogés, monsieur le garde des sceaux, sur la rédaction proposée par M. Béteille, même si elle introduit une certaine souplesse. Certains se demandent en effet qui décidera si le procureur doit être présent ou non.
Sourires
Pour ma part - et j'ai cru déceler que telle était aussi la position de l'auteur de la proposition de loi, mais M. Béteille nous le dira mieux que moi tout à l'heure -, j'estimais qu'il était important que le parquet puisse, soit de sa propre initiative soit à la demande du président du tribunal de grande instance, participer à l'audience d'homologation. Nous souhaitons en tout cas connaître votre opinion sur ce point, monsieur le garde des sceaux.
En second lieu, la proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille comporte une disposition intéressante en précisant expressément que l'audience au cours de laquelle le président du tribunal de grande instance statue revêt un caractère public. Aujourd'hui, en effet, nous nous trouvons dans une situation bancale, selon laquelle il est prévu que l'ordonnance est lue en audience publique. Ce n'est pas ce que nous souhaitions. Nous préférions que toute la procédure d'homologation soit publique, c'est-à-dire la phase d'audition de la personne et de son avocat, la phase de vérification des faits et de leur qualification juridique, la phase de décision d'homologation, et enfin la phase de lecture.
La proposition de loi qui vous est soumise ce matin répond à cette exigence de double clarification et, après les débats que nous avons eus, après les auditions auxquelles nous avons procédé, je suis en mesure de vous proposer de l'adopter sans modification.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur Béteille, qui êtes l'auteur de la présente proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, la nouvelle procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, dite de CRPC, est sans doute l'une des innovations les plus importantes de la loi du 9 mars 2004.
Cette procédure est particulièrement innovante, d'une part parce qu'elle repose sur l'adhésion du condamné à la peine prononcée, d'autre part parce qu'elle diffère très sensiblement des procédures traditionnelles de jugement pénal, avec notamment la présence obligatoire de l'avocat.
Elle permet au procureur de la République, pour des délits punis jusqu'à cinq ans d'emprisonnement, de proposer une ou plusieurs peines à une personne majeure qui reconnaît sa culpabilité et qui est assistée par un avocat.
La peine proposée peut être un emprisonnement d'une durée maximale égale à la moitié de la peine encourue, sans pouvoir dépasser un an. En cas d'accord de l'auteur des faits, donné en présence de son avocat, la ou les peines proposées doivent faire l'objet d'une homologation par le président du tribunal de grande instance ou un magistrat délégué par lui, après que celui-ci a entendu la personne et son avocat.
Cette audience d'homologation est publique, conformément à la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 2 mars 2004.
Le magistrat chargé de statuer sur l'homologation peut, par la même décision, statuer sur la demande de dommages et intérêts formée par la victime.
Si l'homologation est prononcée, la peine est alors exécutoire.
De par sa nature, la CRPC est destinée à être mise en oeuvre dans le cadre du traitement en temps réel des procédures, lorsque les faits sont simples et reconnus.
La CRPC, vous le savez, comporte deux objectifs.
Elle tend tout d'abord à alléger les audiences correctionnelles et à diminuer les délais de jugement. Elle assure une meilleure régulation des flux pénaux, permettant de consacrer les audiences correctionnelles à l'examen des dossiers les plus complexes.
Ensuite, elle conduit au prononcé de peines mieux adaptées et plus efficaces, car acceptées par l'auteur du délit et, de ce fait, mieux exécutées.
La CRPC a suscité lors de sa création des objections qui n'ont pas résisté, me semble-t-il, à l'épreuve des faits. En effet, l'application de la CRPC par les juridictions constitue d'ores et déjà, vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, un succès, d'un point de vue aussi bien quantitatif que qualitatif.
C'est un succès statistique tout d'abord : depuis le 1er octobre 2004, date de son entrée en vigueur, jusqu'au 8 juin 2005, 147 tribunaux de grande instance ont fait application de cette procédure, qui a concerné plus de 10 700 personnes, avec un taux d'homologation des propositions de peine supérieur à 87 %.
La montée en puissance progressive de cette procédure est ainsi beaucoup plus importante que celle de la composition pénale, dont la CRPC constitue une extension plus efficace et plus élaborée.
C'est aussi un succès d'un point de vue qualitatif. Les acteurs de cette procédure, malgré des débuts parfois quelque peu difficiles, sont satisfaits des conditions de sa mise en oeuvre. Il suffit pour s'en convaincre de constater une absence quasi totale d'appel, ou d'écouter les avocats qui se sont exprimés sur cette question le 9 juin dernier, lors d'un colloque.
La mise en oeuvre de la CRPC a toutefois donné lieu à des difficultés pratiques résultant de l'insuffisante précision des dispositions de l'article 395-9 du code de procédure pénale, relatif à l'audience d'homologation.
La question s'est en effet posée de savoir s'il convenait que le procureur de la République assiste ou non à cette audience, l'article 395-9 étant muet sur ce point.
Il ne fait certes pas de doute que l'intention du législateur, dont l'un des objectifs est la simplification du traitement de certains contentieux, était de réserver la présence du procureur à la première phase de cette procédure, celle de la proposition de la peine.
Toutefois, dans un avis en date du 18 avril 2005, la Cour de cassation a considéré que les dispositions générales de l'article 32 du code de procédure pénale, qui prévoient la présence du procureur de la République lors des « débats devant les juridictions de jugement », étaient applicables et que le parquet devait donc assister aux audiences d'homologation.
Dans deux décisions rendues en référé le 11 mai 2005 sur les circulaires d'application, le Conseil d'Etat en a jugé de même.
Au vu de ces décisions, les juridictions ont, dans l'attente d'une clarification législative, diversifié leurs pratiques. Lorsque les magistrats du siège exigent la présence des magistrats du ministère public, une majorité d'entre eux ont choisi d'y assister, une minorité ayant renoncé à l'utilisation de la CRPC. Dans les autres cas, les pratiques antérieures perdurent, le ministère public n'est pas présent lors de la lecture des décisions d'homologation.
Il en résulte une hétérogénéité de pratiques qui n'est pas satisfaisante, et qui appelle donc une clarification législative urgente.
La proposition de loi de M. Laurent Béteille est, dès lors, particulièrement bienvenue, et je souhaite le remercier vivement de son initiative.
Telle qu'elle est reprise par la commission des lois sur la proposition de votre rapporteur, M. François Zocchetto, elle tend à inscrire clairement dans le code de procédure pénale que la procédure d'homologation se déroule en audience publique, mais que la présence du parquet à cette audience est facultative.
La première précision consacre la décision du Conseil constitutionnel.
La seconde correspond au caractère sui generis de la procédure et à l'intention du législateur, qui apparaissait lors des débats tant devant le Sénat que devant l'Assemblée nationale.
Cette précision permettra ainsi que la procédure de CRPC conserve un intérêt pratique pour les magistrats du parquet, et qu'elle poursuive ainsi son extension au sein des juridictions dans des conditions homogènes, ce qui permettra d'accroître la célérité et la qualité de la justice répressive.
Je suis, dans ces conditions, tout à fait favorable à cette proposition de loi, que je vous demande en conséquence, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir adopter.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Laurent Béteille.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi « Perben II », a été adoptée par le Parlement voilà maintenant plus d'un an.
Cette loi a apporté beaucoup d'évolutions nécessaires pour adapter notre système pénal et répondre avec efficacité aux nouvelles formes et au développement de la criminalité.
Le législateur a été ambitieux dans la mesure où il a saisi cette occasion pour revoir profondément nos codes pénal et de procédure pénale afin de traiter différentes questions qui se posaient à notre système judiciaire pénal. Je pense, notamment, à la lutte contre les incendies volontaires ou à la création du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, deux dispositifs adoptés sur l'initiative de notre assemblée.
Evidemment, comme toute réforme d'envergure, cette loi s'est vue accompagnée de son cortège de critiques sur bon nombre de ses innovations.
Il en fut ainsi, par exemple, pour le fichier des délinquants sexuels, que je viens d'évoquer, mais également -c'est le sujet qui nous occupe ce matin - pour la nouvelle procédure de comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité.
En adoptant cette nouvelle procédure, le Parlement avait un objectif simple, qu'il convient de rappeler : apporter une réponse pénale rapide à la petite délinquance - celle qui agresse le quotidien de nos concitoyens - en diminuant les délais de jugement, en désengorgeant les tribunaux correctionnels, tout en garantissant les droits de la défense et en favorisant le prononcé de peines adaptées et acceptées.
Le dispositif est simple. Il permet au procureur de la République de proposer une peine à une personne majeure qui reconnaît sa culpabilité pour un délit puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement au plus.
La personne est assistée d'un avocat, la peine proposée ne peut être supérieure à un an et elle doit être au maximum fixée à la moitié de la peine encourue.
Nous avons tout entendu des détracteurs de cette procédure dite de « plaider-coupable » : qu'elle renforcerait le rôle du parquet au point de déséquilibrer notre système judiciaire fondé sur le mode inquisitoire, qu'elle porterait atteinte aux droits de la défense - c'est tout le contraire ! -, ou qu'elle serait tout simplement contraire à la Constitution.
Nous sommes bien loin aujourd'hui de ce schéma. Qu'en est-il réellement, moins d'un an seulement après l'entrée en vigueur de la loi ?
Mon propos n'est pas d'établir ici un bilan détaillé des premiers mois d'exécution de ce dispositif. Celui-ci sera fait en temps et en heure, dans le cadre de la mission d'information de la commission des lois sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, dont François Zocchetto est rapporteur et que j'ai l'honneur de présider.
Bien qu'elle ne soit entrée en vigueur que le 1er octobre dernier et que nous ne disposions pas de chiffres définitifs pour la première année d'application, il peut toutefois être constaté que la CRPC est un succès. En effet, après huit mois, 147 TGI l'ont utilisée dans plus de 10 000 affaires, avec un taux d'homologation supérieur à 80 %. Encore faut-il préciser que le taux d'homologation progresse depuis le début, pour se rapprocher à présent des 90 % !
Plus efficace que la procédure de comparution immédiate, la CRPC est également plus protectrice, en particulier pour le prévenu, car elle repose sur un accord inédit entre le parquet, les magistrats du siège et les représentants de la défense.
En ce sens, elle révèle une évolution des mentalités des professions judiciaires, qui, plutôt que l'affrontement théorique en audience, cherchent à présent le consensus. De surcroît, l'acceptation de la peine par l'auteur de l'infraction a sur lui un aspect pédagogique, puisqu'il est invité à réfléchir sur sa responsabilité. De plus, l'exécution de la peine est grandement facilitée par son acceptation.
Les premières statistiques fourniront de plus amples précisions sur la montée en puissance de cette procédure et sa capacité à désengorger les tribunaux correctionnels.
Si notre propos d'aujourd'hui n'est pas de dresser un bilan général de la CRPC, il convient toutefois de se pencher sur un problème spécifique qui s'offre au législateur. C'est l'objet de la proposition de loi que j'ai pris l'initiative de déposer.
Il s'agit de régler le point très précis et limité de la présence du parquet lors de l'audience d'homologation de la peine. En effet, lorsque les parties parviennent à un accord sur la peine, ce qui est le cas dans plus de 80 % des affaires, celle-ci doit ensuite être homologuée par le président du tribunal de grande instance, ou par un magistrat délégué, qui le fait après avoir entendu la personne et son avocat.
Contrairement au texte issu de la commission mixte paritaire, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 2 mars 2004, a notamment estimé que, pour des raisons d'exemplarité de la peine, la décision devait être lue en audience publique.
Pour bien comprendre l'enjeu du débat, il convient de bien analyser en quoi consiste précisément l'audience d'homologation.
Selon l'article 495-9 du code de procédure pénale, le président du tribunal de grande instance, ou son délégataire, vérifie la réalité des faits et leur qualification juridique. Il est en outre précisé que le président entend la personne et son avocat. En revanche, il n'est nullement indiqué - et pour cause - qu'il entend le procureur de la République.
Il n'y donc pas de débat sur l'action publique, mes chers collègues. Au cours de cette audience, il s'agit en réalité de s'assurer de la sincérité et du libre consentement du prévenu.
La présence du parquet n'est pas utile à cette vérification, qui peut se faire en dehors de lui. Je suis d'ailleurs d'accord avec M. le rapporteur pour dire qu'il n'est pas absurde de penser que l'absence du parquet pourrait même favoriser cette vérification et lever les éventuelles ambiguïtés.
Brève et sans débat sur l'action publique, cette audience peut, à l'inverse, se prolonger sur l'action civile, puisque l'article 495-13 dispose que la victime peut se constituer partie civile et demander réparation de son préjudice.
Une jurisprudence extensive récente est toutefois intervenue contre la volonté initiale du législateur. En effet, la Cour de cassation, par un avis du 18 avril 2005, puis le Conseil d'Etat, par deux ordonnances du juge des référés du 11 mai 2005, ont estimé que, à défaut de mention explicite dans l'article 495-9 du code de procédure pénale, la présence du procureur de la République était requise lors de l'audience d'homologation de la CRPC.
L'intention initiale du législateur était pourtant, je le rappelle, de simplifier et de fluidifier le traitement des affaires correctionnelles ; la présence du procureur n'était, dès lors, plus nécessaire après la phase de proposition et d'acceptation de la peine.
L'objet de cette proposition de loi est donc de préciser les dispositions de cet article et de lever les ambiguïtés consécutives aux modalités de la rédaction de la loi Perben II afin de ne pas freiner la mise en oeuvre de cette nouvelle procédure, dont les avantages seraient remis en cause si elle devait être ralentie par des formalités inutiles.
Ce texte se borne donc à un article unique ayant pour objet de préciser la rédaction de l'article 495-9 du code de procédure pénale en spécifiant tout simplement que la présence du procureur de la République à l'audience publique au cours de laquelle le juge statue sur l'homologation de la peine n'est pas obligatoire.
Cette rédaction reprend exactement la formulation, désormais traditionnelle, de l'article 464 du même code, qui prévoit également une présence facultative du parquet lors des audiences du tribunal correctionnel statuant sur les intérêts civils.
Ainsi, conformément à l'avis de la Cour de cassation, la présence du procureur de la République demeurera la règle dans les audiences publiques, mais il pourra y être dérogé afin de ne pas affaiblir l'efficacité de la justice pénale et de garantir sa rapidité.
Ce texte se limite donc au strict minimum afin de ne pas bloquer la montée en puissance de la CRPC dans les différentes juridictions.
Sur le fond, ceux qui profitent de l'examen de cette proposition de loi pour remettre en cause la CRPC elle-même ont déjà été désavoués par les faits et par la réalité vivante de nos tribunaux de grande instance.
A ceux qui, à propos de la présence du procureur de la République à l'audience d'homologation, mettent en avant des grands principes - auxquels j'adhère bien évidemment
Ah ! sur les travées du groupe socialiste
La présence du parquet à une audience où il n'a rien à dire n'est une garantie pour personne. Le parquet s'est déjà exprimé, l'accord de la victime est déjà intervenu, c'est la seule chose qu'il faille vérifier.
La seule garantie véritablement utile et tout à fait novatrice dans notre droit pénal appliqué aux majeurs est celle que le Sénat a introduite dans le dispositif, à savoir la présence de l'avocat d'un bout à l'autre de la procédure. C'est effectivement une garantie majeure de cette procédure.
En conséquence, et sous réserve d'une éventuelle modification formelle, notre groupe votera cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la loi du 9 mars 2004 a instauré la nouvelle procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité afin d'éviter de recourir à la procédure de jugement de droit commun.
L'objectif du Gouvernement était d'alléger les audiences correctionnelles, qui, il est vrai, sont engorgées. Mais le Gouvernement a fait le choix d'une procédure très particulière, qui est inadaptée à notre procédure pénale. L'ancien garde des sceaux, Dominique Perben, avouait lui-même qu'il avait souhaité s'inspirer de la procédure anglo-saxonne du « plaider-coupable ».
Ainsi, à partir du moment où le prévenu reconnaît les faits, la procédure est considérablement accélérée, puisque c'est le procureur qui propose une peine au prévenu. Une fois homologuée par le président du tribunal ou le juge délégué par lui, cette peine est exécutoire comme un jugement.
Dénoncée dès le départ par les magistrats et les avocats ainsi que par nous-mêmes lors de l'examen du projet de loi, cette procédure n'en a pas moins été adoptée. Pourtant, elle a fait l'objet de sérieux revers.
En effet, le dispositif issu du texte adopté par le Parlement prévoyait à l'origine que l'homologation aurait lieu en chambre du conseil. Or cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision du 2 mars 2004, a considéré que « le caractère non public de l'audience au cours de laquelle le président du tribunal de grande instance se prononce sur la proposition du parquet, même lorsque aucune circonstance particulière ne nécessite le huis clos, méconnaît les exigences constitutionnelles » qui résultent de la combinaison des articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789, selon lesquels « le jugement d'une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit [...] faire l'objet d'une audience publique ».
L'application du « plaider-coupable » connaissait donc des débuts difficiles et il a fallu adapter cette procédure après la censure du Conseil constitutionnel.
Dès lors, n'aurait-il pas déjà fallu considérer que la présence du procureur était obligatoire du seul fait que l'audience publique d'homologation s'apparentait aux autres audiences publiques correctionnelles ?
En effet, le Conseil constitutionnel a émis une réserve dans sa décision. II a admis la conformité à la Constitution de la nouvelle procédure, sous réserve que le président du tribunal de grande instance ne procède à l'homologation de la proposition du parquet acceptée par l'intéressé qu'après avoir vérifié la qualification juridique des faits et s'être interrogé sur la justification de la peine au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.
Ces deux conditions pourraient-elles être remplies si le président du tribunal de grande instance ne pouvait interroger le parquet sur des éléments nécessaires à son appréciation des faits ?
Le président, ou le juge délégué, doit pouvoir obtenir du prévenu, mais aussi du parquet, toutes les explications lui permettant de mesurer la pertinence des observations qu'il formule ou des irrégularités qu'il relève.
Pourtant, Dominique Perben a diffusé, le 2 septembre 2004, une première circulaire d'application de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité sans rendre obligatoire la présence du parquet lors de l'audience d'homologation.
La censure du Conseil constitutionnel n'est pas le seul revers que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité allait connaître.
La Cour de cassation, saisie pour avis par le tribunal de grande instance de Nanterre sur la présence obligatoire ou facultative du procureur à l'audience publique, s'est également prononcée sur cette question. Sa réponse est d'ailleurs à l'origine de la proposition de loi examinée aujourd'hui.
L'avis de la Cour de cassation du 18 avril 2005 est clair : « Lorsqu'il saisit le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui d'une requête en homologation de la ou des peines qu'il a proposées dans le cadre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le procureur de la République est, conformément aux termes de l'article 32 du code de procédure pénale, tenu d'assister aux débats de cette audience de jugement, la décision devant être prononcée en sa présence. »
C'est ici que nous pouvons constater l'obstination du précédent garde des sceaux, qui avait décidé de passer outre l'avis de la Cour de cassation, pourtant la mieux à même, puisqu'elle est composée de professionnels du droit, de juger de cette réforme.
En effet, dès le 19 avril 2005, le lendemain de l'avis rendu par la Cour de cassation, Dominique Perben a rédigé une deuxième circulaire précisant que, malgré l'avis négatif de la Cour de cassation, les parquets devaient continuer d'appliquer la loi selon l'interprétation de la Chancellerie.
Le Conseil d'Etat a donc été saisi afin d'ordonner la suspension de l'application des deux circulaires du 2 septembre 2004 et du 19 avril 2005.
Dans ses deux ordonnances, rendues le 11 mai 2005, le Conseil d'Etat a ordonné la suspension d'urgence de ces deux circulaires, au motif qu'elles méconnaissaient la portée réelle de l'article 32 du code de procédure pénale, qui prévoit que le ministère public assiste aux débats.
Et nous voici donc en train d'examiner une proposition de loi déposée lors de la séance du 12 mai 2005, autrement dit dès le lendemain du jour où le Conseil d'Etat a rendu ses ordonnances, et qui vise tout simplement à passer outre les décisions des juridictions suprêmes que sont la Cour de cassation et le Conseil d'Etat !
Comment ne pas imaginer que cette proposition de loi est directement commandée par la Chancellerie ? Le garde des sceaux n'arrive pas à faire appliquer sa loi, qui est manifestement entachée d'irrégularité ? Peu lui importe, un parlementaire pourra bien se charger de cette tâche !
Mais ce qui est étonnant, c'est que la proposition de loi soit signée par notre collègue Laurent Béteille, alors qu'il préside une mission d'information sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, qui n'a d'ailleurs toujours pas rendu ses conclusions. Il me semble pourtant que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité entre dans le champ des procédures accélérées de jugement ! Nous aurions donc pu attendre que cette mission d'information mette fin à la confusion dans laquelle nous nous trouvons.
Je rappellerai simplement que ce sont les droits fondamentaux des justiciables qui sont ici en jeu. Je pense notamment à ceux qui, depuis neuf mois maintenant, ont été jugés selon cette procédure. Il est difficilement admissible que des personnes aient été condamnées à des peines d'emprisonnement dans le cadre d'une procédure qui comporte des irrégularités !
Le problème, avec cette procédure, c'est que les droits des justiciables sont altérés dès le départ. En effet, si le prévenu avoue avoir commis un délit, le procureur dispose d'un formidable moyen de pression sur celui-ci : il donnera le choix au prévenu - mais un choix vicié ! - entre l'application de la procédure du « plaider-coupable », avec une peine d'emprisonnement moindre, ou l'application de la procédure de droit commun, avec une peine d'emprisonnement beaucoup plus lourde à la clé.
Il est évident que le prévenu ne prendra pas le risque d'encourir une peine de prison plus lourde, mais il est incroyable de considérer le jugement correctionnel, avec toutes les garanties qu'il comporte, comme un risque. Or c'est à ce retournement de situation que nous aboutissons avec l'introduction dans notre procédure pénale de la CRPC, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Même si vous reniez le terme, nous pouvons à juste titre parler de « négociation » entre le procureur et le prévenu. Si l'on cumule cette négociation au fait que vous souhaitiez à tout prix rendre facultative la présence du procureur lors de l'audience d'homologation, nous avons la désagréable impression de nous retrouver face à une procédure à caractère civil ou commercial, ce qui est gênant lorsque sont en cause des peines privatives de liberté.
Le procureur, dans une audience pénale, n'a pas uniquement pour rôle de requérir une peine contre un accusé. Il représente les intérêts de la société et, à ce titre, il doit prendre la responsabilité de la sanction requise par l'Etat. La question ne se pose donc pas en termes de doublon d'une audience correctionnelle classique, comme le sous-entend M. Zocchetto dans son rapport. Même si la procédure de CRPC est une procédure simplifiée, elle doit respecter les principes fondamentaux du droit pénal.
Enfin, l'argument du Gouvernement selon lequel la présence du procureur ne serait pas obligatoire étant donné que l'article 495-9 du code de procédure pénale ne l'indique pas expressément ne tient pas. En effet, le code de procédure pénale ne précise pas, pour chaque procédure, que la présence du procureur est obligatoire lors de l'audience de jugement et l'article 32 du code de procédure pénale est de portée générale.
Cet article 32 dispose de façon claire que le procureur est représenté auprès de chaque juridiction répressive ; il assiste aux débats des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence, et il assure l'exécution des décisions de justice.
La Cour de cassation a retenu le caractère de principe général de cet article, qui s'impose à toutes les juridictions répressives. Ainsi l'a-t-elle interprété dans son avis du 18 avril 2005, puisqu'elle considère que, conformément aux termes de l'article 32, le procureur est tenu d'assister aux débats de l'audience d'homologation.
Cette audience, qui fait intervenir pour la première fois dans la procédure du « plaider-coupable » un juge du siège, doit être assimilée à une audience répressive, et donc respecter l'article 32 du code de procédure pénale.
En conclusion, il est dangereux pour l'équilibre de notre justice pénale que le Gouvernement ne tienne pas compte des positions des trois juridictions suprêmes, qui ont eu l'occasion depuis plus d'un an maintenant de condamner la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Encore une fois, le Gouvernement tente de passer en force, au travers d'une proposition de loi, malgré les avis négatifs de professionnels avertis.
Nous avions déjà dénoncé les dangers de cette procédure lors de l'examen de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Les décisions des juridictions suprêmes nous ont confortés dans notre position. Nous réclamons toujours l'abrogation du plaider-coupable, ce qui a fait l'objet d'une proposition de loi déposée par notre groupe.
Au vu de tous ces éléments, nous nous opposerons fermement à cette proposition de loi, tant en raison de la méthode employée que sur le fond.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la procédure législative est parfois longue et complexe. Le chemin qui transforme un projet de loi examiné en conseil des ministres en loi promulguée et mise en application peut être long et ponctué de nombreuses étapes. Bref, fabriquer du droit et changer les normes en vigueur peut prendre du temps. En tout cas, il s'agit de prendre le temps nécessaire de la réflexion et de l'analyse.
Il existe donc des lois qui passent par toutes les étapes possibles de la procédure législative : la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est de celles-là. Il aura fallu plus d'un an, deux lectures, une commission mixte paritaire et une décision du Conseil constitutionnel avant que cette loi ne paraisse au Journal officiel du 10 mars 2004.
Et voilà qu'aujourd'hui cette loi, aussi appelée « loi Perben II », resurgit devant Parlement, puisque le texte de la proposition de loi déposée par notre collègue Laurent Béteille vient compléter le dispositif de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité contenue dans la loi du 9 mars 2004. Cette procédure, plus connue sous l'appellation de « plaider-coupable », a été instituée afin de diminuer les délais de jugement et de désengorger les tribunaux correctionnels, tout en garantissant les droits de la défense et en favorisant le prononcé de peines adaptées.
Faut-il rappeler, mes chers collègues, que le plaider-coupable donne la possibilité au procureur de la République de proposer une peine à une personne qui reconnaît sa culpabilité pour un délit puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement au plus ?
La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est entrée en vigueur le 1er octobre 2004, et les quelques chiffres dont nous disposons montrent son efficacité.
D'ailleurs, aujourd'hui, il n'est pas question de remettre en cause ce dispositif ; il s'agit de modifier l'article 495-9 du code de procédure pénale relatif à l'audience d'homologation afin de préciser que « la présence du procureur de la République à cette audience n'est pas obligatoire ».
Il convient de légiférer en réaction à une jurisprudence très récente. La Cour de cassation, dans un avis du 18 avril dernier, puis le Conseil d'Etat, dans deux référés du 11 mai dernier, ont annulé deux circulaires de la Chancellerie rendant facultative la présence du ministère public à l'audience d'homologation, au motif que la loi du 9 mars 2004 avait en la matière laissé inchangé le code de procédure pénale, lequel prévoit que toutes les décisions sont prononcées en présence du parquet. La Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont donc estimé que, à défaut de mention explicite dans l'article 495-9 du code de procédure pénale, la présence du procureur de la République à cette audience était requise lors de l'audience d'homologation de la CRPC. Il faut donc redonner la parole à la loi, qui est aujourd'hui muette !
Notre collègue Laurent Béteille nous propose en quelque sorte de remettre la lettre et l'esprit de la loi en conformité : il s'agit de « permettre une meilleure régulation des flux pénaux ». En adoptant ce texte, la procédure de CRPC pourra être de plus en plus fréquemment utilisée par les juridictions, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Ainsi, en rendant non obligatoire, et donc facultative, la présence du procureur de la République à l'audience d'homologation, nous permettrons une meilleure justice pénale, dans la mesure où nous accélérerons les procédures. Il s'agit de tenir compte du principe de réalité pour jouer sur les délais, et donc sur les quantités. En ce sens, c'est une bonne chose.
Toutefois, mes chers collègues, vous me permettrez de regretter que nous ne puissions coupler les justifications quantitatives et qualitatives. En effet, il serait évidemment préférable que le procureur de la République soit systématiquement présent à l'audience d'homologation. Nous touchons ici, monsieur le garde des sceaux, à la question des moyens humains et financiers qui sont à la disposition de notre justice.
M. Georges Othily. C'est donc dans un souci d'efficacité et de responsabilité que je soutiens cette proposition de loi, tout en espérant qu'un jour nous pourrons rendre de nouveau obligatoire la présence du procureur de la République. Cela voudra alors dire que notre justice dispose des moyens nécessaires à son efficacité, qu'elle fonctionne vite et que ses exigences les plus élevées de qualité et d'éthique sont respectées.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
M. Robert Badinter. Monsieur le garde des sceaux, je salue avec plaisir votre présence au banc du Gouvernement : cela nous ramène, comme dans le Quadrille des lanciers mais à fronts renversés, longtemps en arrière, lorsque vous étiez un jeune et ardent parlementaire ; aujourd'hui, vous êtes aux responsabilités, et je vous en félicite, tandis que je suis moi-même voué à la sérénité qu'appelle cet hémicycle, et nous allons aussitôt en apporter la démonstration !
Sourires
Si le texte qui nous est soumis est modeste par sa portée, il n'en est pas moins intéressant. Mais lorsque, tout à l'heure, notre excellent rapporteur a évoqué la loi du 9 mars 2004 et la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CRPC - procédure qui n'a rien à voir, contrairement à ce que d'aucuns s'obstinent à dire, avec le plaider-coupable -, j'ai eu parfois le sentiment que nous ne parlions pas du même texte.
Sur le texte lui-même, je me garderai de reprendre la longue description des articles qui ont fait l'objet, au Sénat, de débats soutenus et prolongés.
Toutefois, monsieur le rapporteur, si je suis d'accord avec vous pour considérer qu'il s'agit d'une novation importante de notre procédure pénale - et l'on mesure ce qu'elle apporte de singulièrement différent par rapport à ce qu'ont été jusqu'à présent les principes fondamentaux du procès pénal -, je ne la saluerai pour ma part jamais avec satisfaction. Et les motifs invoqués, qu'il s'agisse de l'accélération des procédures, de l'afflux des infractions et de la nécessité de les juger rapidement, dont je ne méconnais pas l'importance, ne suffisent pas, selon moi, à justifier ce texte.
La CRPC, quoi que l'on dise, reste marquée par l'extraordinaire prépondérance accordée à la partie poursuivante dans notre procédure pénale. C'est là une modification structurelle, tant pour la défense que pour le magistrat du siège.
Nous sommes entrés, avec cette procédure, dans une ère judiciaire où le parquet, dont je connais à la fois les prérogatives, les mérites... et plusieurs de ses excellents représentants, se voit sans cesse surchargé d'obligations. Or la nécessité de soulager le parquet ne se poserait sans doute pas de la même façon si, au fil des lois, on n'accumulait pas sur ce dernier, qui n'en peut mais, des obligations ne relevant pas fondamentalement de sa mission première, c'est-à-dire la mise en oeuvre de la loi, et particulièrement de la loi pénale.
S'agissant de la procédure pénale, le parquet a, tout d'abord, le devoir de contrôler l'enquête conduite par la police judiciaire. A l'issue de celle-ci, il détient ensuite le pouvoir essentiel de classement sans suite. Au-delà, il est celui qui, dans notre système judiciaire, a le privilège de choisir, sauf en cas d'intervention par citation directe ou de plainte avec constitution de partie civile, la voie procédurale. Et voici qu'à cet éventail - qui comporte déjà, cela va de soi puisque c'est l'essence même de sa mission, le droit de déclencher l'action publique et le pouvoir de requérir à l'audience -, il convient à présent d'ajouter la détermination de la peine proposée et, éventuellement, encourue.
Là est la véritable novation ! Jusqu'à présent, nous avons vécu dans un système où la responsabilité de la peine était, dans tous les cas, le privilège et le difficile devoir du magistrat du siège, non seulement en matière d'affirmation de la culpabilité, mais également - ce qui constitue l'essentiel de sa mission et de sa responsabilité, car l'une ne va pas sans l'autre -, de détermination de la peine prononcée.
Dans le système qui a été institué, il perd cette prérogative. Vous avez en effet rompu, si je puis dire, l'unité du procès pénal en deux temps, d'un procès pénal dont l'issue demeure fort heureusement, dans notre droit, la transaction pénale en matière d'action publique.
Premier acte, donc, le procureur reçoit l'intéressé, s'assure qu'il a reconnu les faits, puis propose une peine qui est acceptée après « négociation », même s'il est difficile de parler de négociation au regard de la différence de niveau entre les deux parties en présence. Le parquet est en effet tout-puissant et détient l'arme qui conduit inévitablement à l'acceptation : quel est celui qui acceptera, après avoir reconnu les faits, de recourir à une audience judiciaire alors qu'il sait - ce que l'avocat lui confirme - que le risque est considérable, puisqu'il a reconnu les faits, que soit prononcée à son encontre une peine forte que celle qui lui est alors proposée ? Ne parlons donc pas de négociation ! Disons plutôt : voilà la peine proposée selon des cadres qui ont été établis par le parquet - ce que je conçois, politique pénale oblige ! -, voire au cours d'entretiens avec les magistrats du siège durant lesquels sont fixés des cadres de normes répressives.
Une fois cette étape terminée, nous nous trouvons devant l'élément essentiel et décisif, à mon sens, de cette rénovation, ou plutôt de cette révolution juridictionnelle : celui qui portera la responsabilité ultime de la décision perd sa liberté et n'a plus que la possibilité de choisir entre un oui et un non.
C'est toute la différence, permettez-moi de le dire, entre le veto et la détermination. On peut dire oui, on peut dire non, mais on ne peut plus dire : voyons, au regard de ce qui s'est passé, ce qui me paraît être la juste peine ! Là, s'opère un véritable changement dans la fonction juridictionnelle et, au regard de cette exigence, j'affirme que nous sommes entrés dans un système que nous pouvions parfaitement éviter.
Pour ma part, je ne suis pas opposé aux procédures accélérées en cas de reconnaissance des faits. Après tout, vous vous en souvenez, nous avons beaucoup travaillé, en 1983, pour améliorer la procédure du flagrant délit et pour mettre sur pied, au Sénat, avec M. Rudloff, la procédure de comparution immédiate.
La composition pénale, je le conçois parfaitement, aurait dû être améliorée pour devenir une véritable procédure de comparution immédiate en deux temps. A partir du moment où la culpabilité est reconnue par le justiciable - ici prévenu en audience publique, avec toutes les garanties que ce type d'audience offre -, il est logique que l'on passe à une procédure allégée, facile à mettre en oeuvre. Elle a d'ailleurs été expérimentée du temps de M. Drai.
Donc, premièrement en transformant simplement la composition pénale, et deuxièmement en innovant en matière de comparution immédiate, la question aurait été réglée sans que l'on aboutisse pour autant à cette réduction du pouvoir du juge du siège et à cette séparation en deux du procès pénal.
Cela étant, puisque l'on a maintenant une loi, il faut la prendre telle qu'elle est.
Cela étant, vous nous avez fait part tout à l'heure avec tant de chaleur, monsieur Zocchetto, du succès rencontré par cette mesure que je n'ai pu m'empêcher de sourire. Il est curieux, en effet, que nous ayons assisté au même colloque et que nous n'y ayons pas entendu les mêmes propos : vous avez trouvé que l'accueil fait à la loi était satisfaisant ; pour ce qui me concerne, j'ai surtout entendu des critiques, notamment dans les couloirs, et je n'ai relevé que peu de motifs de satisfaction !
J'esquisse également un certain sourire lorsque l'on évoque la montée en puissance de cette procédure. En effet, qui est le maître du choix de la procédure ? L'avocat ? Le juge du siège ? Pas du tout, c'est le parquet ! Et, lorsque l'on sait que cette procédure donne tant de pouvoir au parquet, on comprend qu'il y recoure aussi volontiers : elle a été faite sur mesure pour lui ! Il est normal que le parquet entame la procédure de comparution, qui va nécessairement jusqu'à son terme.
Monsieur le sénateur, me permettez-vous de vous interrompre ?
La parole est à M. le garde des sceaux, avec l'autorisation de l'orateur.
Monsieur Badinter, nous sommes d'accord : le procureur est un magistrat et l'autorité de poursuite, c'est bien le procureur. Mais il ne s'agit pour le procureur, dans cette affaire, que de faire son métier, à savoir de poursuivre et de recommander une peine. D'une manière générale, il n'y a donc pas là de différence de nature avec l'audience !
L'observation est juste, monsieur le ministre, mais elle ne contredit en rien ce que j'ai dit ! C'est le procureur, vous le reconnaissez, qui a la maîtrise du choix de la procédure. Et, par une sorte d'entraînement naturel, il ira vers celle qui lui donnera le plus de pouvoir et qui sera la plus rapide pour lui ! En conséquence, la montée en puissance évoquée trouve son explication dans le fait que cette procédure est taillée pour le procureur et qu'il l'utilisera autant qu'il le peut.
J'ajoute par ailleurs, en ce qui concerne le taux d'homologation, que, étant donné la fonction qui est celle du juge - vérifier la légalité, et il n'y a à cet égard aucune raison que le procureur se trompe, et fixer la peine -, cela n'offre pas, on le conçoit, beaucoup de marge, dans la mesure où il n'y a pas de débat. Le juge sera alors plus enclin à approuver qu'à refuser et ce taux d'homologation s'explique donc par la dynamique de la procédure mise en place et par son mécanisme.
Quand aux avocats, vous me dites qu'ils sont satisfaits. J'ai constaté, pour ma part, qu'il n'en était pas ainsi. Disant cela, je ne pense pas simplement à certains barreaux qui refusent de s'y prêter : j'ai en effet constaté que les plus mécontents d'entre eux étaient précisément ceux qui étaient le plus appelés à pratiquer cette procédure, particulièrement ceux qui sont voués aux commissions d'office dans des affaires non essentielles.
Et qui représente les avocats au premier chef, sinon le SAF, le Syndicat des avocats de France ? Et qui a contesté avec le plus de constance la légalité des circulaires du garde des sceaux ? Le SAF ! Or ce sont bien les avocats qui portent véritablement la charge de ces procédures.
Je n'insisterai pas davantage sur l'accueil fait à la procédure et sur le succès qu'elle rencontre et je suis convaincu que le débat d'aujourd'hui se situe à un autre niveau, puisqu'il ne concerne plus que la proposition de M. Béteille.
Je serai très simple, très clair et très direct.
Nous avons assisté à un épisode à ma connaissance sans précédent. Après son adoption, la loi a bien entendu été examinée par le Conseil constitutionnel, qui a rendu une décision. Or cette décision est extrêmement importante, car elle a restitué à l'audience d'homologation sa véritable nature, laquelle avait été escamotée dans l'exposé des motifs et dans la présentation qui avait été faite du texte.
Le Conseil constitutionnel a ainsi expressément déclaré que l'homologation ou le refus d'homologation par le président du tribunal de grande instance de la peine proposée par le parquet et acceptée par la personne concernée constituait une décision juridictionnelle.
Le président du TGI, dans les limites étroites qui lui sont assignées, rend donc bien une décision juridictionnelle, qui s'inscrit dans le cadre d'une procédure pénale.
Le Conseil constitutionnel souligne également que, dans la mesure où cette homologation est susceptible de conduire à une peine d'emprisonnement d'un an, l'audience doit respecter la procédure requise pour une audience. Par conséquent, elle doit être publique.
En tout état de cause, puisqu'il s'agit d'une audience correctionnelle et puisque la décision rendue par le magistrat qui statue et qui prononce la peine - laquelle, je le rappelle, est proposée par le parquet -, est juridictionnelle, il est évident - sauf pour les services de la Chancellerie, dont je ne méconnais pourtant pas l'excellence juridique - que la présence du ministère public est obligatoire en vertu l'article 32 du code de procédure pénale.
A la lecture de la circulaire d'application qui rend facultatif pour les audiences correctionnelles ce qui, au regard dudit article 32, est obligatoire, on prend pleinement conscience de ce qui allait advenir et qui est advenu : un recours a été déposé devant le Conseil d'Etat et le tribunal de Nanterre a demandé à la Cour de cassation son avis, un avis dont nous avons tous ici reconnu le mérite puisqu'il permet d'éviter des erreurs juridiques susceptibles d'aboutir à l'annulation d'un certain nombre de procédures.
Cet avis - contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure - a été aussi clair que possible : « Lorsqu'il saisit le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui d'une requête en homologation de la ou des peines qu'il a proposées dans le cadre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le procureur de la République est, conformément aux termes de l'article 32 du code de procédure pénale, tenu d'assister aux débats de cette audience de jugement, la décision devant être prononcée en sa présence. » La présence du procureur de la République n'est pas requise uniquement à la fin à la fin des débats : il est tenu d'assister à l'intégralité de l'audience.
Les signataires de cet avis sont des magistrats qui font autorité dans ce domaine ! Et l'on ne va tout de même pas changer la logique - et elle peut être impitoyable - de la procédure correctionnelle pour des problèmes d'effectifs au sein du parquet, problèmes que l'on imagine résoudre en mettant à mal des principes fondamentaux !
Quand le ministère public demande aux magistrats du siège - et c'est ici le cas - de prononcer une peine pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement, il ne peut pas ne pas être présent. Pourquoi, me demanderez-vous ? Mais en raison de tous les aléas et de toutes les incertitudes propres à la vie judiciaire !
Le Conseil constitutionnel est clair à cet égard : le magistrat « pourra refuser l'homologation s'il estime que la nature des faits, la personnalité de l'intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire ». Avant de prendre sa décision d'homologation, il faut bien que le magistrat s'informe ! Et, s'agissant des intérêts de la société, le ministère public doit dire ce qu'il en est. Par ailleurs, si la victime est entendue, comme on le souhaite, au moment de l'audience d'homologation, ses déclarations peuvent constituer un élément sur lequel la partie poursuivante est susceptible de se prononcer.
On ne peut donc faire fi de la présence du ministère public ! On ne peut considérer que son rôle cesse à l'issue de la rencontre avec l' « intéressé » - c'est le terme utilisé -, après confirmation des aveux et acceptation, dans les conditions que je viens d'évoquer, de la proposition de peine ! Son rôle ne peut s'arrêter là : il est le ministère public, et le ministère public soutient l'accusation au cours d'une audience juridictionnelle.
En conséquence, vous nous proposez de tourner le dos à une exigence d'ordre général nécessaire à l'équilibre procédural de l'audience correctionnelle, alors que la peine prononcée peut aller jusqu'à un an de prison.
C'est la raison pour laquelle il est n'est pas possible de s'en tenir à une présence facultative du ministère public.
Une fois que la Cour de cassation a rendu son avis et le droit étant ce qu'il est, les services de la Chancellerie auraient dû - le conditionnel passé est le temps le plus cruel en politique - publier une nouvelle circulaire d'application précisant qu'il appartenait, au vu de cet avis, au parquet et au siège de prévoir les modalités de la présence du ministère public à l'audience d'homologation. Ils auraient dès lors trouvé un modus vivendi, et au moins le principe aurait-il été respecté.
Quoi qu'il en soit, on ne pouvait pas maintenir la situation en l'état, sauf à ignorer la position adoptée par la Cour de cassation, ce qui aurait abouti à la nullité de bon nombre de procédures.
Mais c'est le choix contraire qui a été fait, ce qui ne manque pas de me stupéfier. Pourquoi cette obstination ? Perseverare diabolicum !... Pourquoi, alors que la Cour de cassation a énoncé que, au regard des principes de notre procédure pénale, le ministère public doit toujours être présent à l'audience juridictionnelle entraînant le prononcé d'une telle décision, a-t-il fallu que soit publiée une nouvelle circulaire aux termes de laquelle il est dit qu'il ne sera pas tenu compte de cet avis en raison de son caractère consultatif ?
Franchement, il ne sert à rien de demander l'avis de la Cour de cassation pour n'en tenir aucun compte ensuite, en dépit de la qualité du magistrat qui l'a rendu ! C'est pourtant ce qui s'est passé.
C'est ce qui explique la seconde circulaire et la décision - parfaitement justifiée - du Conseil d'Etat statuant en référé. Tout cela est d'une logique implacable !
Plutôt que s'incliner, on a eu recours à une sorte de tempérament et notre collègue Laurent Béteille, sans doute saisi par l'inspiration nocturne qui peut s'emparer du juriste insomniaque, ...
... s'est dit que cette proposition de loi était la seule façon de s'en sortir.
Eh bien, mon cher collègue, je ne le crois pas. Vouloir inscrire dans la loi que le ministère public n'a pas à être nécessairement présent à une audience au terme de laquelle peut être prononcée une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an, c'est contrevenir à la bonne marche de la procédure pénale : le débat contradictoire est la règle de l'audience.
Une autre règle a, semble-t-il, été complètement perdue de vue, à savoir l'égalité des armes. Or celle-ci implique la présence des parties.
On tourne donc le dos à ces principes en rendant facultative la présence du ministère public. Nous en tirerons tout à l'heure toutes les conséquences.
Que signifie ce caractère facultatif ? Est-ce à dire que, quand il le veut, le procureur vient et que, quand il ne le veut pas, il ne vient pas ? Est-ce que, en matière d'audience pénale, le procureur sera présent en fonction des peines requises, en fonction de ses obligations ?
Je souhaiterais, monsieur le garde des sceaux, que vous nous éclairiez sur ce point, car je puis vous assurer que ce sujet préoccupe grandement les magistrats. Un amendement aurait d'ailleurs pu être déposé, visant à contraindre le représentant du ministère public d'assister à l'audience dès lors que le magistrat du siège le requiert. Après tout, il appartient au magistrat du siège de décider la manière dont doit se dérouler l'audience ! Cela n'empêche ni la présence volontaire ni la présence constante du magistrat du parquet.
Cependant, par commodité, par souci de productivité, par manque d'effectifs, parce que nous n'avons, hélas ! pas les moyens d'appliquer les lois votées, nous bouleversons l'ordre juridique, alors que nous aurions pu procéder d'une tout autre manière.
Je n'ai eu de cesse de le rappeler à tous les gardes des sceaux successifs, le corps judiciaire tout entier demande une pause et crie grâce : grâce aux nouvelles mesures législatives, grâce aux improvisations, grâce à la construction toujours plus ingénieuse de procédures toujours plus sommaires et plus rapides qui, toutes, vont dans le même sens. Nous devons nous arrêter, et prendre notre législation telle qu'elle est, la simplifier, la clarifier, je n'ose dire l'uniformiser.
La question ne se pose plus pour l'audience, depuis que nous avons obtenu le deuxième degré de juridiction en matière criminelle. En revanche, dans le présent domaine, il y avait mieux à faire.
Confrontés à la censure du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, vous n'admettez toujours pas que l'article 32 du code de procédure pénale vaut pour toutes les audiences juridictionnelles. Très bien ! C'est la raison pour laquelle, au moyen de ce système improvisé, vous proposez au législateur, de manière stupéfiante et pour des raisons de pure commodité ou en raison, hélas ! de l'insuffisance des effectifs - notamment dans les greffes - de contredire ces principes rappelés par la Cour de cassation.
Vous le comprendrez, nous ne vous suivrons pas sur cette voie et nous aurons l'occasion, lors de l'examen des amendements, de vous dire plus avant ce qui aurait pu être fait.
Enfin, je ne traiterai pas en cet instant les questions d'inconstitutionnalité si fortes qui se posent avec le présent texte : notre collègue Jean-Pierre Sueur évoquera quelques-uns des principes constitutionnels - fort clairement rappelés par les sages de la rue de Montpensier - auxquels ne manquera pas de contrevenir cette péripétie.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.