Intervention de François Zocchetto

Réunion du 23 juin 2005 à 9h30
Audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité — Discussion des conclusions du rapport d'une commission

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto, rapporteur :

En effet, car l'inverse de ce qui avait été annoncé a eu lieu.

Le rôle de chacun des intervenants s'est trouvé profondément modifié par cette procédure.

Le parquet, en particulier, est appelé non plus à prononcer des réquisitions lors d'une audience, mais à faire des propositions à l'auteur des faits.

Les avocats, il faut le reconnaître, nous ont un peu surpris par la façon dont ils ont « apprivoisé » cette nouvelle procédure. Sans doute certains ont-ils souligné le paradoxe qui les conduit, lors de l'audience d'homologation et en l'absence du procureur, à défendre indirectement, en tout cas à accepter la peine proposée. Quoi qu'il en soit, ce changement de rôle a, semble-t-il, été accepté par la majorité de ces professionnels.

Les clivages les plus forts se retrouvent sans doute chez les magistrats du siège. En effet, certains supportent mal de voir leur rôle restreint à un choix binaire, tandis que d'autres - nous en avons rencontré beaucoup ! - estiment que l'homologation n'est pas une simple formalité et qu'ils ont un véritable rôle, à savoir « vérifier la réalité des faits et leur qualification juridique ». De plus, l'ordonnance d'homologation qu'ils rendent doit être obligatoirement motivée. Leur nouveau rôle est donc réel.

Par ailleurs, les juges des tribunaux correctionnels nous ont également fait observer que, en termes de temps d'audience, le gain réalisé était très significatif. Pour eux, il s'agit donc d'une réelle opportunité de se décharger d'un contentieux souvent répétitif pour se consacrer davantage aux affaires les plus délicates et les plus graves.

Je crois donc réellement que la procédure de CRPC se traduit par une réelle valeur ajoutée au regard des procédures existantes. Outre l'allégement des audiences correctionnelles classiques, un traitement plus personnalisé de l'infraction pénale est favorisé, grâce à une meilleure acceptation de la peine par la personne condamnée et à une meilleure attention portée à l'affaire elle-même puisque le procureur a en face de lui la personne poursuivie.

Dans tous les cas, je crois utile de rappeler que cette procédure a contribué à améliorer le taux de réponse pénale.

Cependant, monsieur le garde des sceaux, des problèmes matériels importants subsistent dans les greffes, même s'ils ne concernent pas seulement la CRPC. Quoi qu'il en soit, tant en termes de moyens humains que d'outils informatiques, des marges de progression importantes semblent non seulement possibles mais aussi souhaitables dans un très proche avenir.

J'aborderai maintenant le sujet de la présence obligatoire du parquet à l'audience d'homologation.

En tant que rapporteur du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, il m'apparaît que, conformément à l'esprit de cette réforme, l'audience d'homologation doit se tenir en l'absence du procureur.

L'audience d'homologation doit être une alternative à l'audience correctionnelle classique et non en constituer le doublon. Il s'agit dès lors d'une audience sui generis -selon l'expression utilisée par le professeur Pradel -, qu'il est donc impossible de comparer avec d'autres audiences. Par conséquent, vouloir intégrer cette nouvelle procédure dans un cadre préexistant n'a pas de sens à mes yeux.

Cette analyse résulte tout à la fois des travaux préparatoires de la loi et de la logique même du dispositif.

Au reste, la première circulaire d'application du ministre de la justice, en date du 2 septembre 2004, n'a pas été expressément critiquée par la juridiction administrative, qui a explicitement noté que la présence du parquet demeurait facultative.

Au cours des travaux préparatoires, une autre question importante avait été abordée au Sénat, à savoir le caractère public de l'audience d'homologation. Ce sujet avait fait l'objet d'un débat assez vif entre l'Assemblée nationale, qui préférait que l'homologation se fasse en chambre du conseil, c'est-à-dire à huis clos, et le Sénat, qui était très attaché, monsieur le garde des sceaux - vous le savez, nous en avons discuté en d'autres lieux -, à ce que cette audience soit publique.

L'Assemblée nationale a pu imposer son point de vue en commission mixte paritaire, mais le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 2 mars 2004, a annulé cette disposition et a rétabli, conformément à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le principe de publicité du jugement des affaires pénales, faisant d'ailleurs observer que la question ne se discutait pas dès lors qu'une telle procédure pouvait conduire à une privation de liberté.

Au Sénat, au-delà de ce principe, nous avions pensé que la présence de la victime à l'audience et le principe d'exemplarité des peines ne pouvaient que nous conduire à opter pour le caractère public des audiences d'homologation.

Par ailleurs, la logique de la CRPC s'articule autour de deux étapes successives : le parquet propose la peine après avoir entendu l'intéressé, puis le président du tribunal contrôle la conformité de la peine au regard des critères fixés par la loi. Ces deux séquences sont complémentaires et non redondantes.

Par ailleurs, le Sénat avait rejeté, lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, un amendement présenté par notre collègue Robert Badinter tendant à permettre au juge d'inviter le procureur à formuler une proposition nouvelle.

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