Intervention de Pascal Clément

Réunion du 23 juin 2005 à 9h30
Audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité — Discussion des conclusions du rapport d'une commission

Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur Béteille, qui êtes l'auteur de la présente proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, la nouvelle procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, dite de CRPC, est sans doute l'une des innovations les plus importantes de la loi du 9 mars 2004.

Cette procédure est particulièrement innovante, d'une part parce qu'elle repose sur l'adhésion du condamné à la peine prononcée, d'autre part parce qu'elle diffère très sensiblement des procédures traditionnelles de jugement pénal, avec notamment la présence obligatoire de l'avocat.

Elle permet au procureur de la République, pour des délits punis jusqu'à cinq ans d'emprisonnement, de proposer une ou plusieurs peines à une personne majeure qui reconnaît sa culpabilité et qui est assistée par un avocat.

La peine proposée peut être un emprisonnement d'une durée maximale égale à la moitié de la peine encourue, sans pouvoir dépasser un an. En cas d'accord de l'auteur des faits, donné en présence de son avocat, la ou les peines proposées doivent faire l'objet d'une homologation par le président du tribunal de grande instance ou un magistrat délégué par lui, après que celui-ci a entendu la personne et son avocat.

Cette audience d'homologation est publique, conformément à la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 2 mars 2004.

Le magistrat chargé de statuer sur l'homologation peut, par la même décision, statuer sur la demande de dommages et intérêts formée par la victime.

Si l'homologation est prononcée, la peine est alors exécutoire.

De par sa nature, la CRPC est destinée à être mise en oeuvre dans le cadre du traitement en temps réel des procédures, lorsque les faits sont simples et reconnus.

La CRPC, vous le savez, comporte deux objectifs.

Elle tend tout d'abord à alléger les audiences correctionnelles et à diminuer les délais de jugement. Elle assure une meilleure régulation des flux pénaux, permettant de consacrer les audiences correctionnelles à l'examen des dossiers les plus complexes.

Ensuite, elle conduit au prononcé de peines mieux adaptées et plus efficaces, car acceptées par l'auteur du délit et, de ce fait, mieux exécutées.

La CRPC a suscité lors de sa création des objections qui n'ont pas résisté, me semble-t-il, à l'épreuve des faits. En effet, l'application de la CRPC par les juridictions constitue d'ores et déjà, vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, un succès, d'un point de vue aussi bien quantitatif que qualitatif.

C'est un succès statistique tout d'abord : depuis le 1er octobre 2004, date de son entrée en vigueur, jusqu'au 8 juin 2005, 147 tribunaux de grande instance ont fait application de cette procédure, qui a concerné plus de 10 700 personnes, avec un taux d'homologation des propositions de peine supérieur à 87 %.

La montée en puissance progressive de cette procédure est ainsi beaucoup plus importante que celle de la composition pénale, dont la CRPC constitue une extension plus efficace et plus élaborée.

C'est aussi un succès d'un point de vue qualitatif. Les acteurs de cette procédure, malgré des débuts parfois quelque peu difficiles, sont satisfaits des conditions de sa mise en oeuvre. Il suffit pour s'en convaincre de constater une absence quasi totale d'appel, ou d'écouter les avocats qui se sont exprimés sur cette question le 9 juin dernier, lors d'un colloque.

La mise en oeuvre de la CRPC a toutefois donné lieu à des difficultés pratiques résultant de l'insuffisante précision des dispositions de l'article 395-9 du code de procédure pénale, relatif à l'audience d'homologation.

La question s'est en effet posée de savoir s'il convenait que le procureur de la République assiste ou non à cette audience, l'article 395-9 étant muet sur ce point.

Il ne fait certes pas de doute que l'intention du législateur, dont l'un des objectifs est la simplification du traitement de certains contentieux, était de réserver la présence du procureur à la première phase de cette procédure, celle de la proposition de la peine.

Toutefois, dans un avis en date du 18 avril 2005, la Cour de cassation a considéré que les dispositions générales de l'article 32 du code de procédure pénale, qui prévoient la présence du procureur de la République lors des « débats devant les juridictions de jugement », étaient applicables et que le parquet devait donc assister aux audiences d'homologation.

Dans deux décisions rendues en référé le 11 mai 2005 sur les circulaires d'application, le Conseil d'Etat en a jugé de même.

Au vu de ces décisions, les juridictions ont, dans l'attente d'une clarification législative, diversifié leurs pratiques. Lorsque les magistrats du siège exigent la présence des magistrats du ministère public, une majorité d'entre eux ont choisi d'y assister, une minorité ayant renoncé à l'utilisation de la CRPC. Dans les autres cas, les pratiques antérieures perdurent, le ministère public n'est pas présent lors de la lecture des décisions d'homologation.

Il en résulte une hétérogénéité de pratiques qui n'est pas satisfaisante, et qui appelle donc une clarification législative urgente.

La proposition de loi de M. Laurent Béteille est, dès lors, particulièrement bienvenue, et je souhaite le remercier vivement de son initiative.

Telle qu'elle est reprise par la commission des lois sur la proposition de votre rapporteur, M. François Zocchetto, elle tend à inscrire clairement dans le code de procédure pénale que la procédure d'homologation se déroule en audience publique, mais que la présence du parquet à cette audience est facultative.

La première précision consacre la décision du Conseil constitutionnel.

La seconde correspond au caractère sui generis de la procédure et à l'intention du législateur, qui apparaissait lors des débats tant devant le Sénat que devant l'Assemblée nationale.

Cette précision permettra ainsi que la procédure de CRPC conserve un intérêt pratique pour les magistrats du parquet, et qu'elle poursuive ainsi son extension au sein des juridictions dans des conditions homogènes, ce qui permettra d'accroître la célérité et la qualité de la justice répressive.

Je suis, dans ces conditions, tout à fait favorable à cette proposition de loi, que je vous demande en conséquence, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir adopter.

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