Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 23 juin 2005 à 9h30
Audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité — Discussion des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Je rappellerai simplement que ce sont les droits fondamentaux des justiciables qui sont ici en jeu. Je pense notamment à ceux qui, depuis neuf mois maintenant, ont été jugés selon cette procédure. Il est difficilement admissible que des personnes aient été condamnées à des peines d'emprisonnement dans le cadre d'une procédure qui comporte des irrégularités !

Le problème, avec cette procédure, c'est que les droits des justiciables sont altérés dès le départ. En effet, si le prévenu avoue avoir commis un délit, le procureur dispose d'un formidable moyen de pression sur celui-ci : il donnera le choix au prévenu - mais un choix vicié ! - entre l'application de la procédure du « plaider-coupable », avec une peine d'emprisonnement moindre, ou l'application de la procédure de droit commun, avec une peine d'emprisonnement beaucoup plus lourde à la clé.

Il est évident que le prévenu ne prendra pas le risque d'encourir une peine de prison plus lourde, mais il est incroyable de considérer le jugement correctionnel, avec toutes les garanties qu'il comporte, comme un risque. Or c'est à ce retournement de situation que nous aboutissons avec l'introduction dans notre procédure pénale de la CRPC, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Même si vous reniez le terme, nous pouvons à juste titre parler de « négociation » entre le procureur et le prévenu. Si l'on cumule cette négociation au fait que vous souhaitiez à tout prix rendre facultative la présence du procureur lors de l'audience d'homologation, nous avons la désagréable impression de nous retrouver face à une procédure à caractère civil ou commercial, ce qui est gênant lorsque sont en cause des peines privatives de liberté.

Le procureur, dans une audience pénale, n'a pas uniquement pour rôle de requérir une peine contre un accusé. Il représente les intérêts de la société et, à ce titre, il doit prendre la responsabilité de la sanction requise par l'Etat. La question ne se pose donc pas en termes de doublon d'une audience correctionnelle classique, comme le sous-entend M. Zocchetto dans son rapport. Même si la procédure de CRPC est une procédure simplifiée, elle doit respecter les principes fondamentaux du droit pénal.

Enfin, l'argument du Gouvernement selon lequel la présence du procureur ne serait pas obligatoire étant donné que l'article 495-9 du code de procédure pénale ne l'indique pas expressément ne tient pas. En effet, le code de procédure pénale ne précise pas, pour chaque procédure, que la présence du procureur est obligatoire lors de l'audience de jugement et l'article 32 du code de procédure pénale est de portée générale.

Cet article 32 dispose de façon claire que le procureur est représenté auprès de chaque juridiction répressive ; il assiste aux débats des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence, et il assure l'exécution des décisions de justice.

La Cour de cassation a retenu le caractère de principe général de cet article, qui s'impose à toutes les juridictions répressives. Ainsi l'a-t-elle interprété dans son avis du 18 avril 2005, puisqu'elle considère que, conformément aux termes de l'article 32, le procureur est tenu d'assister aux débats de l'audience d'homologation.

Cette audience, qui fait intervenir pour la première fois dans la procédure du « plaider-coupable » un juge du siège, doit être assimilée à une audience répressive, et donc respecter l'article 32 du code de procédure pénale.

En conclusion, il est dangereux pour l'équilibre de notre justice pénale que le Gouvernement ne tienne pas compte des positions des trois juridictions suprêmes, qui ont eu l'occasion depuis plus d'un an maintenant de condamner la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Encore une fois, le Gouvernement tente de passer en force, au travers d'une proposition de loi, malgré les avis négatifs de professionnels avertis.

Nous avions déjà dénoncé les dangers de cette procédure lors de l'examen de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Les décisions des juridictions suprêmes nous ont confortés dans notre position. Nous réclamons toujours l'abrogation du plaider-coupable, ce qui a fait l'objet d'une proposition de loi déposée par notre groupe.

Au vu de tous ces éléments, nous nous opposerons fermement à cette proposition de loi, tant en raison de la méthode employée que sur le fond.

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