Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la procédure législative est parfois longue et complexe. Le chemin qui transforme un projet de loi examiné en conseil des ministres en loi promulguée et mise en application peut être long et ponctué de nombreuses étapes. Bref, fabriquer du droit et changer les normes en vigueur peut prendre du temps. En tout cas, il s'agit de prendre le temps nécessaire de la réflexion et de l'analyse.
Il existe donc des lois qui passent par toutes les étapes possibles de la procédure législative : la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est de celles-là. Il aura fallu plus d'un an, deux lectures, une commission mixte paritaire et une décision du Conseil constitutionnel avant que cette loi ne paraisse au Journal officiel du 10 mars 2004.
Et voilà qu'aujourd'hui cette loi, aussi appelée « loi Perben II », resurgit devant Parlement, puisque le texte de la proposition de loi déposée par notre collègue Laurent Béteille vient compléter le dispositif de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité contenue dans la loi du 9 mars 2004. Cette procédure, plus connue sous l'appellation de « plaider-coupable », a été instituée afin de diminuer les délais de jugement et de désengorger les tribunaux correctionnels, tout en garantissant les droits de la défense et en favorisant le prononcé de peines adaptées.
Faut-il rappeler, mes chers collègues, que le plaider-coupable donne la possibilité au procureur de la République de proposer une peine à une personne qui reconnaît sa culpabilité pour un délit puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement au plus ?
La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est entrée en vigueur le 1er octobre 2004, et les quelques chiffres dont nous disposons montrent son efficacité.
D'ailleurs, aujourd'hui, il n'est pas question de remettre en cause ce dispositif ; il s'agit de modifier l'article 495-9 du code de procédure pénale relatif à l'audience d'homologation afin de préciser que « la présence du procureur de la République à cette audience n'est pas obligatoire ».
Il convient de légiférer en réaction à une jurisprudence très récente. La Cour de cassation, dans un avis du 18 avril dernier, puis le Conseil d'Etat, dans deux référés du 11 mai dernier, ont annulé deux circulaires de la Chancellerie rendant facultative la présence du ministère public à l'audience d'homologation, au motif que la loi du 9 mars 2004 avait en la matière laissé inchangé le code de procédure pénale, lequel prévoit que toutes les décisions sont prononcées en présence du parquet. La Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont donc estimé que, à défaut de mention explicite dans l'article 495-9 du code de procédure pénale, la présence du procureur de la République à cette audience était requise lors de l'audience d'homologation de la CRPC. Il faut donc redonner la parole à la loi, qui est aujourd'hui muette !
Notre collègue Laurent Béteille nous propose en quelque sorte de remettre la lettre et l'esprit de la loi en conformité : il s'agit de « permettre une meilleure régulation des flux pénaux ». En adoptant ce texte, la procédure de CRPC pourra être de plus en plus fréquemment utilisée par les juridictions, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Ainsi, en rendant non obligatoire, et donc facultative, la présence du procureur de la République à l'audience d'homologation, nous permettrons une meilleure justice pénale, dans la mesure où nous accélérerons les procédures. Il s'agit de tenir compte du principe de réalité pour jouer sur les délais, et donc sur les quantités. En ce sens, c'est une bonne chose.
Toutefois, mes chers collègues, vous me permettrez de regretter que nous ne puissions coupler les justifications quantitatives et qualitatives. En effet, il serait évidemment préférable que le procureur de la République soit systématiquement présent à l'audience d'homologation. Nous touchons ici, monsieur le garde des sceaux, à la question des moyens humains et financiers qui sont à la disposition de notre justice.