Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis quelques années, la principale richesse de notre justice est le nombre de rapports qui lui sont consacrés. Il n’est qu’à voir le nombre de rapports qui ont été cités par les différents intervenants ce soir. C’est extraordinaire !
Tout le monde cherche à améliorer le fonctionnement de la justice, et il y a plusieurs manières de procéder.
On peut trancher à la hache : c’est la réforme de la carte judiciaire. On en parlait depuis vingt ou vingt-cinq ans – le Sénat y avait même consacré deux rapports –, mais rien n’était fait, car il est toujours difficile de supprimer ou de regrouper des juridictions.
On peut débattre, par exemple du tribunal départemental ou du parquet départemental. Sous toutes les majorités, on a débattu, chacun essayant de faire en sorte que les juridictions fonctionnent mieux. Il est donc normal que la commission des lois rédige, elle aussi, beaucoup de rapports sur le sujet, comme celui sur la réforme de la carte judiciaire publié il y a deux ans. La Chancellerie et d’autres acteurs mènent également leurs propres réflexions.
Nos collègues Virginie Klès et Yves Détraigne plaident, quant à eux, pour une « réforme pragmatique de la justice de première instance ». Naguère, le principal débat portait sur les décisions rendues par un juge unique, comme celles du tribunal d’instance, et les décisions rendues par une formation collégiale, comme celles du tribunal de grande instance, même si le président du TGI a des fonctions particulières. Aujourd'hui, ce débat n’est plus forcément d’actualité. On s’est rendu compte que le principe de collégialité, qui était défendu mordicus par beaucoup de nos collègues, pouvait ne pas être immuable. Du reste, le Conseil constitutionnel ne s’oppose pas à l’intervention d’un juge unique dès lors qu’il existe des procédures d’appel.
L’apport fondamental du rapport de nos collègues Virginie Klès et Yves Détraigne est le guichet universel de greffe. Cette idée me semble d’autant plus intéressante qu’elle permettrait à tout justiciable d’être orienté dans le maquis judiciaire. Pour autant, n’exagérons pas : un chef d’entreprise sait très bien qu’il doit s’adresser au tribunal de commerce ! Je rappelle d'ailleurs que la création des tribunaux de commerce est à peu près contemporaine de celle des autres juridictions. En revanche, il n’est pas toujours facile de savoir si l’on doit s’adresser au tribunal d’instance ou au tribunal de grande instance, puisque cela dépend du montant prévisible du litige. Le rapport estime qu’il faut conserver le critère du montant du litige. Pour ma part, je ne suis pas totalement convaincu. Peut-être pourrait-on trouver d’autres critères.
Le rapport évoque également les juridictions de proximité. Madame le garde des sceaux, la commission des lois du Sénat avait affirmé que la création des juridictions de proximité n’était pas une bonne idée. Nous l’avions même écrit. Malgré tout, ces juridictions ont été créées. Il faut bien faire des compromis… Quand le Président de la République se prononce en faveur d’une réforme, tout le monde dit qu’il faut la faire. Pourtant, dans certains cas, mieux vaudrait essayer de convaincre le Président de la République qu’il ne s’agit pas forcément d’une bonne idée, …