… surtout quand tout part d’une simple phrase dans un discours.
Je le répète, nous pensions que la création des juridictions de proximité n’était pas une bonne chose. En revanche, il nous semblait utile de conserver des juges de proximité auprès des tribunaux d’instance ou de grande instance, car ceux-ci peuvent apporter une aide non négligeable à la justice.
Nous avons créé beaucoup de fonctions : délégué du procureur, médiateur, conciliateur, etc. Néanmoins, à mon sens, les juges de proximité, pour un certain nombre de petits litiges, pourraient être mieux utilisés. Aussi, je regretterais qu’ils soient supprimés à terme. Il me semble même qu’ils seraient susceptibles de constituer un renfort extrêmement utile pour les juridictions, surtout dans le cadre d’un vrai tribunal de première instance. Cependant, madame le garde des sceaux, avant de créer ce tribunal de première instance, il importe d’harmoniser les procédures et de procéder à une nouvelle répartition des contentieux. C’est une condition sine qua non ; à défaut, nous allons continuer à observer ce flou et ces empiétements.
Par ailleurs, je suis d’accord avec Jacques Mézard lorsqu’il met en garde contre trop de déjudiciarisation. Reste qu’il faut arrêter de créer systématiquement de nouveaux contentieux. Mes chers collègues, regardez tout ce que nous avons fait en matière de consommation : nous avons multiplié les sources de litiges judiciaires ! Il en va de même avec la loi ALUR, dont je ne sais si elle a belle allure… Et je ne parle pas des lois que nous avons votées sur le surendettement, qui nous ont vus successivement judiciariser, déjudiciariser, rejudiciariser plusieurs fois la matière ! Ce phénomène est d’autant plus infernal qu’il intervient sans aucune véritable étude d’impact sur le fonctionnement des juridictions, notamment des tribunaux d’instance, qui sont les plus sollicités.
Madame Klès, monsieur Détraigne, vous appelez de vos vœux un tribunal de première instance. Votre proposition a fait l’objet de nombreuses objections, notamment constitutionnelles, liées à l’indépendance des magistrats. À mes yeux, de tels obstacles ne sont pas avérés. Néanmoins, je crois qu’il faudrait se cantonner, dans un premier temps, à la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance. Ensuite, il faudra s’interroger sur l’étendue de la compétence des chambres détachées des TGI.
Je veux bien entendre votre proposition de créer un tribunal départemental, mais pas partout, car, dans certains cas, cela n’a pas de sens. Je le répète, il y a actuellement des TGI dans notre pays qui sont des monstres, notamment autour de Paris. Ce sont de véritables usines à justice qui n’ont plus taille humaine, sans préjuger la qualité des hommes qui les composent. Là encore, il faudrait peut-être envisager des chambres détachées pour mieux répartir l’organisation de la justice sur ces territoires.
Il y a aussi des objections fortes en ce qui concerne le risque d’éclatement du pôle de la famille, avec la dispersion des juges spécialisés dans le domaine de l’enfance, qui sont l’une des spécificités de notre système judiciaire. Il en va de même pour les conseils de prud’hommes, les tribunaux de commerce, dont la dernière réforme a été précédée de beaucoup de rapports également. Les propositions que vous faites appellent donc de notre part de la vigilance et de la prudence avant de nous lancer dans une nouvelle réorganisation de notre architecture judiciaire.
Madame le garde des sceaux, il est vrai que notre justice manque de moyens. À cet égard, les comparaisons internationales ne sont pas toutes pertinentes, le champ du contentieux n’étant pas toujours le même. Par exemple, en France, la justice consulaire est pratiquement gratuite, ou du moins coûte-t-elle beaucoup moins cher que dans d’autres pays où officient des juges professionnels ou des échevins, ce qui est forcément plus onéreux.
Or, quelles que soient vos convictions et les priorités que le Président de la République et le Gouvernement reconnaissent à la justice, je ne pense pas que ses moyens augmenteront significativement à l’avenir. Si certains crédits ministériels feront l’objet d’une réduction drastique, la justice, comme la sécurité et, je l’espère, la défense verront leurs moyens garantis, mais ils ne seront plus augmentés comme ils l’ont été durant les vingt dernières années en proportion du budget de l’État.
Il convient donc de mieux utiliser les moyens en simplifiant. À cet égard, je dis toujours que la justice concerne non seulement les juges et les justiciables, mais aussi les auxiliaires de justice, lesquels contribuent souvent autant que les magistrats à la réussite de la justice. Ce constat nous renvoie à la question de la réforme de l’aide juridictionnelle, à laquelle nous n’échapperons pas. Objectivement, le dispositif n’est plus financé : les avocats ne sont pas payés, ou avec beaucoup de retard, et les bureaux d’aide juridictionnelle font ce qu’ils peuvent. Je le répète, il faudra réformer ce système.
Il nous avait été reproché d’avoir mis en place une taxe. Aujourd’hui, tout le monde se réjouit qu’elle ait été supprimée, même si rien n’est prévu pour compenser le manque à gagner…