Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, notre organisation judiciaire doit répondre à plusieurs impératifs, souvent contradictoires, il est vrai.
Premièrement, elle doit répondre aux attentes des justiciables, qu’ils viennent volontairement devant les tribunaux où qu’ils soient attraits par le parquet. L’organisation judiciaire doit donc être accessible, y compris physiquement, et lisible : le justiciable doit pouvoir savoir très exactement à qui il doit s’adresser, sans avoir à recourir à des conseils payants.
Deuxièmement, cette organisation doit prendre en compte les personnels judiciaires : les magistrats, qui sont paraît-il trop peu nombreux – je ne partage pas totalement ce point de vue –, les greffiers et les avocats.
À cet égard, on sait que les dépenses d’aide juridictionnelle vont augmenter, Jean-Jacques Hyest l’a rappelé. Il faut donc en venir à une réforme totale de ce dispositif. Il y a plusieurs dizaines d’années, un député, Michel de Grailly, décédé depuis, avait proposé un système de « sécurité sociale judiciaire », avec des avocats conventionnés, des prix à l’acte, etc. Je crois qu’il faut envisager très sérieusement d’en revenir à cette solution, car nous ne pouvons pas – nous ne pouvons plus ! – faire fonctionner l’aide juridictionnelle en laissant aux avocats le choix de pratiquer des tarifs à l’heure variant selon qu’ils sont célèbres ou non, qu’ils exercent en province ou non. Je le dis comme je le pense, c’en est fini de ce système ! Ou plutôt, il devrait en être ainsi, mais vous n’avez fait aucune annonce en ce sens, madame la garde des sceaux, malheureusement.
Troisièmement, l’organisation judiciaire doit prendre en compte les nécessités de l’aménagement du territoire, en particulier les possibilités de transport des justiciables, notamment dans les départements dits ruraux, qu’un certain nombre d’entre nous connaît bien dans cet hémicycle. À cet égard, la suppression d’un certain nombre de tribunaux d’instance a été une véritable catastrophe : je pourrais vous citer des exemples d’audiences qui se tiennent sans justiciables, y compris des audiences de tutelle de majeurs. En effet, les justiciables sont maintenant éloignés de plus de 50 kilomètres du nouveau tribunal d’instance, sans aucun moyen de transport public pour s’y rendre.
On voit bien que toutes les conditions ne sont pas réunies pour que ces grands principes soient respectés. C’est la raison pour laquelle notre collègue Yves Détraigne, avec Nicole Borvo Cohen-Seat en 2012, avec Virginie Klès aujourd’hui, produit ces rapports. C’est également la raison pour laquelle vous avez vous-même, dans le cadre de la réflexion sur la justice du XXIe siècle, demandé un certain nombre de rapports sur l’organisation judiciaire, notamment au premier président Didier Marshall.
Avec la réforme de la carte judiciaire menée à la hache par Mme Dati, les choses n’ont fait qu’empirer. Cette réforme s’est faite sans véritable vision de l’aménagement du territoire ni sans véritable concertation. Je n’aime pas beaucoup parler de moi-même, mais je n’ai été consulté par personne.