Intervention de Jean-Pierre Vial

Réunion du 25 février 2014 à 21h30
Transition énergétique — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Jean-Pierre VialJean-Pierre Vial :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution arrive à point nommé. Après le Grenelle de l’environnement hier et, plus récemment, le débat sur la transition énergétique, le moment est venu et attendu : où va-t-on ?

Les enjeux sont énormes et les sujets nombreux.

Pour ce qui concerne les énergies renouvelables, le convaincu de l’intérêt de la filière solaire que je suis – je prie ceux qui ne semblent pas l’être réellement de m’en excuser – espère que le futur projet de loi permettra d’aboutir à une politique s’inscrivant dans la durée d’une filière qui doit trouver sa place en France et en Europe.

Contrairement aux idées reçues et répandues, même dans cet hémicycle – j’ai pu le constater ce soir –, puis-je rappeler que, à l’échelon mondial, la filière solaire progresse de 20 % par an, pour une capacité de 35 gigawatts ? Les experts s’accordent à dire que, en 2020, la capacité de production annuelle sera de 70 à 100 gigawatts. Aujourd’hui, cette énergie est au prix du marché dans près de vingt pays à travers le monde. Elle le sera dans plus de deux cents États à l’horizon de 2020.

Alors que la qualité des équipements européens est déjà reconnue, dans ce domaine, à l’échelle internationale, le projet d’une alliance entre la France et l’Allemagne, dit « Airbus solaire », doit permettre à l’Europe de placer sa technologie au plus haut niveau du marché du solaire mondial. Ce projet dément le point de vue de ceux qui considèrent déjà que l’Europe doit déclarer forfait ou se mettre elle-même hors-jeu. Ayons la fierté de constater que notre major français, le groupe Total, est l’un des leaders mondiaux en la matière.

Cela étant, monsieur le ministre, je concentrerai mon propos sur un volet encore trop méconnu – j’en ai eu confirmation voilà un instant –, celui des industriels gros consommateurs et de leur place dans la transition énergétique.

La région Rhône-Alpes, dont je suis l’élu, est intimement liée à l’histoire de l’hydroélectricité. Aujourd’hui encore, elle regroupe plus de 50 % des industries électro-intensives. Vous comprendrez notre attention autant que notre préoccupation. La reprise récente du site d’aluminium de Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne par le groupe allemand Trimet qui a fait la une pendant quelques mois s’inscrit tout simplement dans cette réalité.

Oui, le rapport Gallois – ce constat a été rappelé fort utilement – place les énergies de l’industrie au rang de ses préoccupations.

Je ne vous cacherai pas la déception que j’ai éprouvée en constatant que l’industrie n’a pas trouvé sa place dans le débat relatif à la transition énergétique.

J’aurais pu évoquer l’agence régionale de l’environnement de Haute-Normandie, son évolution avec la prolongation des centrales nucléaires, ou l’importance de l’enjeu des concessions hydrauliques, dont le renouvellement doit être apprécié et constituer une opportunité. À cet égard, je m’inscris dans la droite ligne des propos développés par Ladislas Poniatowski et Jean-Claude Lenoir, et de ceux qu’a tenus à l’instant M. Chevènement.

À l’heure où tous les pays industriels mobilisent leurs capacités énergétiques en faveur de leur industrie, avec le charbon dans bon nombre de pays, y compris en Europe, ou le gaz de schiste aux États-Unis, la France serait bien inspirée de valoriser ses capacités de production plus vertueuses que tant d’autres.

La tentation est forte de la comparaison avec notre voisin allemand, qui a délibérément construit un modèle en faveur de son industrie.

L’excellent document de travail relatif à la comparaison des prix de l’électricité en France et en Allemagne, établi par la direction générale du Trésor, résume la situation dans son ensemble.

Oui, notre voisin allemand a clairement posé pour principe un prix attractif pour les gros consommateurs.

Oui, il a privilégié son industrie et fait supporter prioritairement par les consommateurs la charge fiscale et l’effort de la politique en matière d’énergies renouvelables.

Oui, l’allégement du coût des transports, contrairement à notre principe dit « du timbre-poste », est mis, en Allemagne, à la charge des consommateurs.

Vous me répliquerez qu’il s’agit là d’une philosophie toute différente. C’est vrai. Mais cette question vient d’être évoquée : l’Europe s’interroge sur ces dispositions, qui peuvent être considérées comme des aides directes.

À ce stade, je limiterai mon propos à la proposition 18 de la présente proposition de résolution. Il s’agit de l’effacement et du marché capacitaire, qui répondent directement aux préoccupations des industriels gros consommateurs et leur permettraient de réduire leur facture d’électricité de 10 % à 15 % par an tout en satisfaisant aux enjeux de la transition énergétique.

Deux chiffres suffisent à planter le décor.

Voilà un peu plus de dix ans, EDF procédait à plus de 6 gigawatts d’effacement par an. Aujourd’hui, c’est moins de la moitié.

Les États-Unis, que l’on a tendance à considérer uniquement à travers le gaz de schiste, ont depuis plusieurs années engagé une politique d’effacement qui dépasse les 10 % de leur production d’électricité, soit plus de vingt fois les volumes de l’effacement en France.

Monsieur le ministre, pour obtenir une bonne illustration, examinons la situation de la France en 2013. Je note d’emblée que cette année peut être considérée comme stable, puisque la faible progression qu’elle a enregistrée concerne essentiellement les exportations. Malgré cela, la production hydraulique a crû de plus de 19 %, tandis que les moyens thermiques ont diminué de 7 %.

Las, en dépit de cette réduction des capacités thermiques, le charbon a progressé en France de plus de 14 %. Il représente aujourd’hui la moitié de la production thermique nationale. Sur les 29 millions de tonnes de CO2 correspondant à la production d’électricité en France, 19 millions sont liés au charbon.

Parallèlement, l’effacement est tombé à l’un de ses plus bas niveaux historiques, alors que les moyens dont disposent aujourd’hui les industriels sur ce front auraient permis de compenser largement la production de charbon.

Prenons la situation d’une industrie électro-intensive spécialisée dans le silicium, directement liée au marché solaire mondial de surcroît, et dont l’énergie représente plus de 20 % des coûts : la non-mobilisation de cet effacement prive l’entreprise de sa marge d’équilibre.

Je pourrais citer de nombreux autres exemples. Il se trouve que j’ai invoqué celui-ci, car j’ai le souvenir de cet entrepreneur espagnol, qui a repris cette entreprise française bien connue sous le nom de PEM – Péchiney Électrométallurgie. Voilà quelques années, celui-ci faisait clairement état de son intérêt pour le coût de l’énergie française. Il se montrait notamment désireux de concourir à la modernisation de notre parc nucléaire.

Le hasard a voulu que je reçoive, aujourd’hui même, une coupure de presse dont je ne manquerai pas de vous transmettre copie, monsieur le ministre. On y apprend qu’il y a quelques jours à peine, ce même industriel s’est vu proposer par le Québec des conditions attractives pour implanter, sur le territoire québécois, de nouvelles usines.

On mesure tout l’intérêt de relier le problème du prix de l’énergie à la situation de notre industrie !

Or, tandis que la France persiste dans sa résistance face à l’effacement, aux États-Unis, la seule Californie mobilise plus de 200 millions d’euros pour assurer une politique efficace en la matière. L’Allemagne, l’Italie et l’Espagne consacrent chacune 300 millions d’euros à l’amélioration de cette efficacité énergétique. Le Japon vient, lui aussi, de s’engager dans cette démarche. Même l’Afrique s’aperçoit du bénéfice qu’elle pourrait en tirer. Le seul Cameroun, dont la capacité électrique est cent fois inférieure à celle de la France, va procéder à un effacement du même volume que notre pays.

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