Intervention de Stéphane Mazars

Réunion du 26 février 2014 à 21h30
Lutte contre la contrefaçon — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Stéphane MazarsStéphane Mazars :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la contrefaçon est un enjeu majeur pour la France et son savoir-faire reconnu dans de multiples domaines. Le 30 janvier dernier, a été lancée une mission interministérielle de réflexion et de concertation destinée à mettre en lumière les enjeux et les moyens de mise en œuvre d’une marque « France ». Cette mission, présidée par M. Philippe Lentschener, fait suite au rapport Gallois ; elle a été annoncée dans le cadre du pacte national pour la compétitivité, la croissance et l’emploi.

Alors que l’image de marque de la France constitue une véritable manne pour notre pays, elle se voit aujourd’hui écornée par l’inadéquation de son exploitation, ainsi que par une protection lacunaire contre certains aspects dommageables de la mondialisation. Pour reprendre l’expression de M. Lentschener, il s’agit aujourd’hui de poursuivre et de consolider un « récit national économique dont on sera fier ».

C’est de cet enjeu que traite la présente proposition de loi, fruit d’une collaboration étroite et féconde entre nos deux assemblées. Elle constitue une avancée en matière de lutte contre la contrefaçon et de préservation du made in France. Par « préservation », je n’entends pas un combat peu ou prou réactionnaire ou d’arrière-garde, mais bien la valorisation de l’atout économique que représente notre savoir-faire.

La perte directe de chiffre d’affaires pour les entreprises françaises victimes de la contrefaçon est estimée à 6 milliards d’euros par an et à 4 % à 7 % pour l’ensemble du secteur du luxe français. Aux pertes d’emplois induites s’ajoutent les pertes en matière d’innovation.

Le made in France doit être un argument de vente supplémentaire et un gage de qualité. À ce titre, nous saluons l’adoption du projet de loi relatif à la consommation et l’introduction consécutive, dans le code de la propriété intellectuelle, d’une procédure nationale d’homologation des cahiers des charges des indications géographiques pour les produits manufacturés. Les consommateurs bénéficieront désormais d’une meilleure information et ne pourront plus être les victimes d’un jeu de dupes mené par certaines marques. Il s’agit même davantage, par cette loi, de mettre en place un outil de protection et de valorisation du « made in territoires de France » plutôt que du simple « made in France ».

Par ailleurs, la procédure d’alerte au bénéfice des collectivités locales en cas d’utilisation de leur nom au sein d’une marque déposée permettra à nos collectivités et à leurs élus de se prémunir contre le risque d’exploitation de leur image de marque, ainsi que contre un risque avéré de dilution et de ternissement de cette image. Je pense en particulier à la commune de Laguiole, dans le département de l’Aveyron. Désormais, ces pratiques commerciales « déceptives » tendant à instrumentaliser le consommateur, à lui faire croire à l’origine locale des produits commercialisés seront rendues difficiles.

Avec ce texte sur la contrefaçon, nous continuons dans notre choix de valoriser le tissu productif français. La proposition de loi s’inscrit en effet dans la lignée des quatre axes dégagés par la loi de 2007 : le renforcement de la spécialisation des juridictions ; le renforcement des procédures simplifiées et accélérées devant le juge civil ; la consécration d’un droit à l’information pour contraindre les personnes en possession de marchandises contrefaisantes à fournir des informations sur leur provenance ; l’amélioration de la réparation du préjudice pour les victimes.

Avec ce texte de loi, la France se dote enfin d’un arsenal juridique digne de ce nom. Les agents des douanes voient leurs moyens augmenter, afin de lutter contre tous les types de contrefaçon et dans toutes les circonstances. Nous avons notamment étendu à l’ensemble des marchandises contrefaisantes la possibilité pour un douanier de réaliser, après autorisation du procureur, la collecte d’informations sous une fausse identité et en infiltration. De même, les perquisitions douanières se trouvent facilitées par l’autorisation de l’accès aux locaux à usage d’habitation avec le seul accord de la personne concernée. Les agents des douanes disposent désormais de procédures plus souples pour la mise en œuvre des contrôles douaniers chez les opérateurs de fret.

La procédure de saisie-contrefaçon, ô combien essentielle dans la démonstration de la preuve pour ce type de litiges, a été modernisée. Nous saluons ici la précision apportée par l’Assemblée nationale concernant l’intervention d’un expert lors d’une telle saisie. Celle-ci ne constitue désormais qu’une faculté, afin d’éviter tout risque de vice de procédure que l’absence de désignation d’un expert par le demandeur pourrait entraîner.

Progrès supplémentaire apporté par ce texte : l’indemnisation des victimes de la contrefaçon se voit améliorée. L’état actuel du droit est très peu dissuasif : le contrefacteur est condamné au paiement d’une somme équivalente à celle versée par l’exploitant régulier d’un droit de propriété intellectuelle. Sans créer de dommages et intérêts punitifs, inconnus dans notre droit positif, la loi précisera désormais que le contrefacteur s’expose au paiement d’une somme plus élevée, ainsi qu’à la réparation d’un préjudice moral.

Mes chers collègues, la contrefaçon porte atteinte à notre capital matériel et immatériel, à la part palpable de notre économie comme à sa part impalpable, qui est notre image de marque. La dentelle de Calais, les santons de Provence, les mouchoirs de Cholet : comme il serait dommage de laisser à d’autres la fierté de notre capital culturel, qui est aussi notre capital économique et un réel avantage comparatif dans la mondialisation. Préservons la créativité française, elle est notre plus grande source de richesses et une solution pour une sortie durable de la crise !

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