… et par le contenu d’un texte conforme aux préoccupations que nous avons régulièrement exprimées. Voilà qui est susceptible de répondre à ceux qui se demandent parfois à quoi sert le Sénat !
La proposition de loi s’inscrit dans la continuité des initiatives prises sous la précédente législature. Rappelons qu’une loi importante, celle du 29 octobre 2007, prévoyait déjà la spécialisation des juridictions en matière de propriété intellectuelle, le renforcement – certes insuffisant – du dédommagement civil des victimes et l’instauration d’un droit à l’information pour identifier tous les acteurs des réseaux de la contrefaçon.
Dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques, inscrite dans la Constitution depuis sa révision de 2008, nous avions examiné l’excellent rapport d’information Béteille-Yung, qui a abouti à une proposition de loi déposée par Laurent Béteille et dont Richard Yung était le rapporteur. Cette proposition de loi, à l’origine du texte que nous examinons aujourd’hui, prévoyait la spécialisation des magistrats en matière de propriété intellectuelle, la lutte contre la faute lucrative – elle permettait la restitution au titulaire du droit auquel il était porté atteinte –, la facilitation de l’établissement de la preuve de la contrefaçon, ainsi que le renforcement des moyens d’action des douanes. La commission des lois du Sénat l’avait d’ailleurs adoptée en 2011. Nous nous étions alors arrêtés là. Heureusement, Richard Yung a repris cette proposition de loi, en en modifiant quelques aspects secondaires.
M. le rapporteur l’a indiqué, beaucoup d’articles ont été adoptés conformes ; je n’y reviens donc pas. Néanmoins, je ne peux m’empêcher de citer l’article 16, qui traite des délais de prescription en matière civile. Il était important de réellement harmoniser les délais de prescription de l’action civile, tels que prévus par la loi du 17 juin 2008. Tout ce qui pourrait nous en détourner ou contribuer à remettre cela en cause ne me paraîtrait pas souhaitable, surtout qu’il s’agit là de simplifier le droit. Vous connaissez, mes chers collègues, le maquis des prescriptions en matière civile, contre lequel nous voulons lutter. Toujours est-il que l’Assemblée nationale a bien voulu rejoindre la position du Sénat sur le sujet.
Un autre point, tout aussi important à mes yeux, a été évoqué à l’occasion de la discussion du texte : je veux parler de la spécialisation des tribunaux en matière de propriété intellectuelle. Il n’est évidemment pas question que tous les tribunaux puissent traiter du sujet. Dans un certain nombre de cas, la spécialisation est nécessaire. D’ailleurs, le texte initial tendait à la renforcer. Nous avons toutefois souhaité ne pas bouleverser la répartition actuelle du contentieux de la propriété intellectuelle. Nous avons préféré clarifier la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris en la matière. L’Assemblée nationale nous a suivis, et il faut nous en réjouir. L’enjeu réside bien davantage dans le renforcement de la formation et de la spécialisation des magistrats en matière de propriété intellectuelle. Il est important que les tribunaux de grande instance compétents en la matière disposent des ressources humaines nécessaires à leur efficacité. Nous savons qu’une telle spécialisation ne s’improvise pas ; elle exige formation et expérience.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a apporté quelques modifications – certaines sont mineures, d’autres notables – que nous pouvons accepter.
C’est le cas à l’article 2, qui vise à améliorer les dédommagements civils en cas de contrefaçon.
C’est également le cas à l’article 5, qui a trait aux conséquences de l’absence d’action civile ou pénale de la part du saisissant à la suite d’une saisie-contrefaçon. L’Assemblée nationale a souhaité s’en tenir à l’état actuel du droit. Nous pouvons lui en donner acte ; ce n’est tout de même pas fondamental.
C’est encore le cas à l’article 13, qui tend à instaurer une obligation de transmission aux douanes des données relatives aux colis transportés par les prestataires de services postaux et les entreprises de fret express, à des fins de contrôle par la mise en place de traitements automatisés de ces données. Il était, je le crois, utile que l’Assemblée nationale poursuive la démarche d’encadrement du dispositif engagé par le Sénat. Au sein de la commission des lois, nous avons toujours comme objectif la protection du secret des correspondances et des données personnelles.
Pour certains, l’unique enjeu du texte était de rediscuter des semences de ferme. Avouez que c’est tout de même extraordinaire ! À cet égard, monsieur le rapporteur, vous avez employé un mot qui m’a beaucoup plu : « didactique ». C’est ainsi qu’on peut qualifier l’amendement que nos collègues députés ont adopté !
Avant d’adopter la loi du 8 décembre 2011, qui a adapté le code français de la propriété intellectuelle en matière d’obtention végétale, nous avions eu un très long débat sur les semences. Je pensais alors que tout le monde avait compris. Apparemment, non ! Du coup, je suppose que nous en rediscuterons encore lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.