Intervention de Nicole Bonnefoy

Réunion du 26 février 2014 à 21h30
Lutte contre la contrefaçon — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Nicole BonnefoyNicole Bonnefoy :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 20 novembre dernier, lors de l’examen en première lecture de la proposition de loi de notre collègue Richard Yung, les divers groupes ont convergé dans leur vote pour reconnaître la qualité et l’importance de ce texte, qui renforce les moyens dédiés à la lutte contre la contrefaçon.

Deux mois plus tard, à l’Assemblée nationale, les députés des groupes SRC, écologiste, RRDP, GDR, UMP et UDI se sont à leur tour accordés sur cette proposition de loi.

Je tiens à souligner la qualité du travail de nos deux assemblées sur ce texte. Je pense non seulement à l’auteur de la proposition de loi et aux rapporteurs, mais également aux représentants des diverses sensibilités.

Naturellement, des problèmes ont été soulevés et des doutes ont été exprimés. J’ai néanmoins l’impression que des solutions équilibrées ont pu être trouvées, grâce à l’apport constructif de l’ensemble des participants. Cela nous permet d’espérer aujourd’hui un vote conforme. C’est essentiel, car le fléau de la contrefaçon a explosé ces dernières années. D’après l’OCDE, le commerce de produits contrefaits a doublé depuis 2000 et représente aujourd’hui environ 10 % du commerce mondial. En France, 200 000 articles de contrefaçon étaient interceptés par les services douaniers en 1994 ; ce chiffre est passé à 8, 6 millions en 2011. La contrefaçon touche ainsi avec une acuité particulièrement féroce notre pays et nos concitoyens.

Ce sont en premier lieu nos entreprises qui sont concernées, par la baisse de leur chiffre d’affaires. Par répercussion, ce sont chaque année des dizaines de milliers d’emplois qui sont perdus, près de 40 000 en France selon les estimations. Et les recettes fiscales de l’État sont sévèrement amputées ! Chaque année, la contrefaçon représente un manque à gagner de plus de 6 milliards d’euros pour les deniers publics.

La sécurité et la santé des consommateurs sont, quant à elles, sévèrement mises en danger. Je n’évoquerai même pas les risques causés par la circulation de jouets défectueux, d’appareils domestiques ne répondant à aucune norme ou de produits alimentaires non autorisés. Les ventes de médicaments contrefaits ont doublé entre 2005 et 2010 dans le monde. La France n’est bien sûr pas en reste, puisque les saisies de médicaments frauduleux ont plus que triplé dans le pays dans le seul intervalle des années 2011 à 2012.

Enfin, hors de tout cadre légal, la fabrication et le commerce de produits contrefaits participent à l’exploitation d’êtres humains et au travail illicite et servent dans bien des cas à financer les activités d’organisations mafieuses et terroristes. À l’échelle mondiale, le trafic de produits contrefaits représenterait ainsi 30 % environ des revenus de la criminalité organisée.

Bien que la France possède un arsenal juridique important de lutte contre la contrefaçon, il convient d’aiguiser encore les moyens accordés à ce dispositif global. La dernière loi relative à la lutte contre la contrefaçon est pourtant assez récente, puisqu’elle date de 2007. Mais, sept ans plus tard, le phénomène a déjà beaucoup évolué. Davantage international, il s’est amplifié et diversifié dans ses formes, sous l’effet notamment de la mondialisation et du développement exponentiel d’internet.

Sans rendre indispensable un bouleversement total de la législation actuelle, de telles évolutions démontrent la nécessité d’améliorer et d’harmoniser les mécanismes existants en la matière C’est ce que fait avec justesse ce texte, en renforçant les divers moyens légaux accordés à la justice, aux huissiers, aux douanes, aux inspecteurs des fraudes, aux policiers et aux gendarmes.

Permettez-moi de rappeler brièvement les différents apports de ce texte.

Tout d’abord, il renforce la spécialisation des tribunaux en matière de propriété intellectuelle, en précisant notamment la compétence du tribunal de grande instance de Paris en matière de brevets d’invention, particulièrement ceux qui sont le résultat de travaux accomplis par des salariés. Il y avait là un véritable problème : certains chercheurs salariés sont les auteurs d’inventions qui ne sont pas rémunérées par l’employeur. Sur ce point, le vide juridique est désormais comblé.

Ensuite, il vise à améliorer les dédommagements civils en matière de contrefaçon, en intégrant la notion de « conséquences économiques négatives » de la partie lésée, ainsi que le préjudice moral causé et les bénéfices réalisés par le contrefacteur.

Par ailleurs, il tend à actualiser et à harmoniser des procédures existantes dans les différents droits de la propriété intellectuelle en matière de contrefaçon, ainsi évidemment que le droit à l’information. Il est notamment instauré une procédure permettant au juge d’ordonner toutes mesures d’instruction permettant de collecter des preuves, même en l’absence de saisie-contrefaçon. Dans ce domaine, les preuves sont en effet souvent essentielles.

De surcroît, la proposition de loi simplifie l’engagement de l’action pénale pour la partie lésée par une contrefaçon et vise à alourdir les peines encourues lorsque les marchandises contrefaites sont porteuses de dangers pour la santé ou la sécurité de l’homme ou de l’animal.

Enfin, elle aligne les divers délais de prescription de l’action civile en matière de contrefaçon sur le délai de droit commun de cinq ans. Alors que les techniques de contrefaçon se spécialisent et se complexifient, c’est d’un droit clarifié et simplifié dont les victimes et les autorités publiques ont besoin pour mieux se défendre.

Pris dans son ensemble, le texte a surtout le mérite de manifester clairement la volonté des pouvoirs publics de ne tolérer aucune forme de contrefaçon et aucun des dommages qui y sont liés, et ce dans l’objectif de prémunir la société contre ceux qui commettent véritablement une atteinte à l’intérêt public, en s’emparant indûment des idées, du travail, de l’investissement d’un autre, sans son autorisation et sans se gêner de lui voler les fruits qui lui reviennent légitimement. Ce message est d’autant plus fort qu’il a suscité notre adhésion commune et qu’il continuera – je l’espère, et je vous y invite, mes chers collègues – à être soutenu par chacun d’entre nous.

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