Intervention de Anita Tostivint

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 27 février 2014 : 1ère réunion
Prostitution — Audition de Mme Anita Tostivint conseillère technique au centre national d'information sur les droits des femmes et des familles cnidff

Anita Tostivint, conseillère technique au Centre national d'information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF) :

Je vous remercie d'avoir invité le Centre national d'information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF) à cette audition. Ma présentation se déroulera en trois points : la présentation du CNIDFF et de son réseau, notre approche des violences sexistes et, enfin, les actions que le réseau mène en matière de lutte contre les violences, de prévention et d'égalité entre les sexes.

Le CNIDFF assure la coordination et la représentation d'un réseau de 114 centres locaux, qui sont des associations de loi 1901. Il existe un Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) par département, notre réseau couvrant ainsi tout le territoire national, y compris les départements et territoires d'outre-mer. Le réseau des CIDFF a été créé en 1972 à l'initiative des pouvoirs publics. Il est agréé par l'État pour exercer sa mission d'intérêt général, celle-ci consistant à informer les femmes et les familles sur leurs droits, à promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes et à favoriser l'autonomie sociale, professionnelle et personnelle des femmes.

En 2013, nous avons renouvelé notre 4ème Convention d'objectifs et de moyens (COM) avec l'État, pour la période 2013-2015. Cette 4ème Convention précise nos engagements et nos orientations politiques en faveur du droit des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Elle rappelle qu'en termes de réponse aux besoins des femmes, le CNIDFF et son réseau constituent, dans leurs domaines de compétences, des relais essentiels des pouvoirs publics sur le territoire français. Le CNIDFF a obtenu en 2012 le renouvellement, pour l'ensemble de son réseau, de l'agrément de l'Éducation nationale qui lui permet d'intervenir en milieu scolaire. Les CIDFF sont habilités tous les trois ans par un Conseil national d'agrément, présidé par le chef du Service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE).

Le réseau des CIDFF est un réseau de proximité. Les CIDFF proposent une information gratuite, délivrée par des équipes pluridisciplinaires à un public prioritairement féminin, dans les domaines de l'accès aux droits, de la lutte contre les violences sexistes, de l'emploi, du soutien à la parentalité, de l'éducation à la citoyenneté et de la santé. Les CIDFF privilégient une approche personnalisée de la personne accueillie et une prise en compte de la globalité de la situation vécue, ce qui est particulièrement important pour les femmes victimes de violences que nous accueillons.

Dans chaque département, les CIDFF ont créé des antennes pour agir au plus près des populations. Nous comptons 1 389 permanences animées par les CIDFF, implantées en milieu urbain, en milieu rural et dans les zones sensibles : 380 permanences sont ainsi implantées dans les quartiers dits « Politique de la ville ».

En 2012, le réseau a reçu 900 000 demandes d'information individuelle. Environ 500 000 personnes ont été informées, dont 162 000 personnes dans le cadre d'informations collectives et 300 000 à titre individuel. Nous recevons chaque année plus de 45 000 femmes victimes de violences sexistes.

Dans chaque CIDFF, au moins un juriste intervient aux côtés de psychologues, de conseillers conjugaux et familiaux et de conseillers à l'emploi.

Les violences masculines commises contre les femmes sont dénoncées de manière plus soutenue depuis les années 1970 par les associations féministes. Elles font l'objet d'une législation qui se renforce progressivement sur les plans de la sanction des auteurs et de la sécurité des victimes mais qui reste insuffisante en matière de prévention.

À notre sens, la violence dont les femmes sont victimes trouve son origine dans les inégalités entre les hommes et les femmes. La structure inégalitaire de la société « autorise » certains hommes à être violents envers les femmes. Toutes ces violences ont pour nous un fondement commun : la domination masculine.

Les violences à l'encontre des femmes sont plurielles et ont pour cadre un système qui les a longtemps légitimées. Elles sont aujourd'hui condamnées par la loi, ce qui n'a pas toujours été le cas. À ce sujet, je souhaite vous présenter un outil que nous avons développé, qui reprend sur un même document les principales dates et événements relatifs aux droits des femmes. Plusieurs lois ont permis aux femmes de se réapproprier leur corps et d'affirmer un principe d'égalité entre les femmes et les hommes : en 1966, l'autorisation de la contraception puis de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) quelques années plus tard. Du point de vue du droit, l'égalité est aujourd'hui acquise. Il reste à faire évoluer les mentalités.

La prostitution inclut toutes les violences : physiques, économiques et sexuelles. La prostitution est une violence sans nom, un obstacle à l'égalité, une atteinte à la dignité. La lutte contre la prostitution s'inscrit dans la continuité du combat des femmes contre le droit de cuissage, le viol, le viol conjugal et le harcèlement sexuel. Il faut questionner l'idée, universellement admise, d'un désir prédateur, d'une sexualité violente, d'une pulsion prétendument irrépressible qui autoriserait l'exploitation d'autrui. Il faut en finir avec la complaisance sociale qui autorise certains hommes, en toute indifférence, irresponsabilité et mépris, à exploiter sexuellement des personnes dont ils ignorent tout. Nous demandons l'abolition du système prostitueur qui non seulement constitue une violence, mais est aussi un obstacle fondamental à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Aujourd'hui encore, malgré des avancées législatives certaines, les mentalités peinent à évoluer. Les garçons naissent toujours dans une société qui considère que le sexe est basé sur leurs pulsions et leurs besoins. Les filles apprennent quant à elles à percevoir leur corps comme un objet à façonner pour éveiller la sexualité d'un garçon, c'est-à-dire au bénéfice de quelqu'un d'autre. Comme l'écrit le Front des Norvégiennes, « La société entraîne le garçon à être et se penser comme un sujet, et la fille à être et se penser comme un objet ».

Notre réseau reçoit des femmes victimes de la prostitution bien qu'il ne s'agisse pas de l'essentiel de notre travail. Le coeur de notre activité concerne la prévention auprès du grand public et notamment des jeunes en milieu scolaire.

Pour que la loi sur l'abolition du système prostitutionnel soit effective, il est nécessaire de mettre en place un accompagnement des femmes pour la sortie de la prostitution, tel que le prévoit la proposition de loi, et de proposer des actions de formation et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes auprès d'un très large public, dès le plus jeune âge. Comme je l'ai indiqué, nous percevons un lien très fort entre les violences, notamment la prostitution, et les inégalités entre les hommes et les femmes.

Le CNIDFF et le réseau des CIDFF mettent en place des actions à différents niveaux, en partenariat avec des institutions et des associations qui luttent contre les violences et les inégalités. Le CNIDFF impulse des actions dans son réseau, à travers des journées thématiques proposées aux salariés des CIDFF. Je citerai à titre d'exemple la journée « Égalité filles/garçons : un enjeu de société », organisée en 2009 en partenariat avec l'Éducation nationale, et la journée « Du sexisme ordinaire à la violence », tenue en 2010.

En effet, nous observons un renforcement des stéréotypes sexistes, notamment au collège et au lycée. Dans certains milieux, affirmer sa « masculinité » implique de se placer dans des attitudes machistes.

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