Intervention de Florence Montreynaud

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 27 février 2014 : 1ère réunion
Prostitution — Audition de Mme Florence Montreynaud historienne et M. Lucas Chuffart co-fondateur du réseau zéromacho des hommes contre la prostitution

Florence Montreynaud, historienne :

J'ai fait énormément d'éducation sexuelle avec le Planning familial, dans les années 1970 puis dans les années 1990.

Encore une fois, nous pouvons nous appuyer sur l'expérience des pays étrangers. En Suède, l'éducation sexuelle est réalisée obligatoirement par un corps de professeurs formés spécialement dans ce sens. Parler de sexualité et non pas de sa sexualité demande d'avoir fait un travail sur soi. C'est pour cette raison que cette tâche ne peut être confiée aux parents. Les professeurs interviennent en duo, un homme et une femme. Ils organisent par ailleurs plusieurs rencontres avec les élèves. Je sais par expérience que l'on n'obtient des résultats que lorsque l'on multiplie les interventions au sein d'une même classe. En comparaison, la responsable de l'Académie de Paris m'a confié des statistiques saisissantes dans son académie, pourtant la plus performante de France à ce niveau : 60 % des enfants des collèges et lycées ont reçu au moins deux heures de cours d'éducation sexuelle dans toute leur scolarité. Ce chiffre est dérisoire. Enfin, en Suède, les cours d'éducation sexuelle sont prodigués à tous les niveaux de classe, dès la première année d'école, avec bien entendu, des mots adaptés à chaque âge.

L'idéal serait, selon moi, de proposer, dans chaque année scolaire et dès la première année, un cycle d'au moins deux heures d'éducation sexuelle, animé par un tandem de professeurs. Mon ambition est d'ailleurs que des zéromachos soient formés à cela afin qu'ils puissent intervenir avec les animatrices du Planning familial, qui invite à vivre une sexualité sans répression ni dépendance.

La question de la séparation des sexes mérite débat. Elle peut s'avérer valable dans les classes difficiles ou lorsque l'on observe que seuls les garçons prennent la parole. L'un des points que je retire de ma collaboration avec le Planning familial est aussi que le message porté est assimilé s'il est répété.

J'observe une dégradation préoccupante de la perception de la sexualité par les jeunes. Nos générations d'adultes au pouvoir depuis quarante ans sont responsables de l'ignorance dans laquelle se trouvent nos enfants : nous avons laissé la pornographie les éduquer. En tant que femme de gauche, je suis opposée à la censure. La pornographie a le droit d'exister, et ce d'autant plus qu'il est impossible de la définir. Néanmoins, un enfant doit disposer des moyens de traiter les informations qu'il reçoit. Or si les enfants savent distinguer la fiction de la réalité dans les images de violence et de mort qu'ils voient à la télévision ou au cinéma, ils croient « dur comme fer » que la pornographie est le reflet de la réalité. Les questions posées par les enfants lors des cours d'éducation sexuelle que je réalisais dans les années 1990 sont révélatrices de l'imprégnation de la pornographie dans les esprits. Je n'en citerai qu'une : « Madame, à combien peut-on entrer dans une femme ? ». Une telle question aurait été inimaginable dans les années 1970. Nous ne pouvons pas protéger nos enfants de la pornographie, mais nous devons les informer, leur donner des outils pour aiguiser leur regard critique sur les images qu'elle véhicule. Il faut travailler dans le respect de leurs questions, sans les devancer.

Il convient également « d'élever » les parents. Je milite pour une formation à l'école, pour les garçons et les filles, qui expliquerait les éléments basiques à savoir pour élever des enfants. Si les parents ne sont pas compétents pour élever leurs enfants, il ne faut pas s'étonner que ces derniers voient dans la pornographie les réponses à la curiosité naturelle et débordante qu'ils portent sur le monde des adultes. L'éducation est la seule réponse possible à l'une image faussée de la sexualité que leur délivre la pornographie.

À titre d'exemple, citons la pratique de l'éjaculation faciale, invention de l'industrie cinématographique pornographique qui a pour seul but de filmer le sperme. Les garçons qui répliquent cette pratique, appréciée semble-t-il par les actrices, sont très étonnés qu'elle ne suscite pas de plaisir chez leur partenaire.

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