Je vous remercie, Mon général, d'avoir répondu à notre invitation pour venir une nouvelle fois devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat pour cette audition consacrée aux crédits de la Gendarmerie nationale dans le projet de loi de finances pour 2013.
Le ministre de l'intérieur a présenté la semaine dernière devant notre commission ses principales priorités concernant la politique en matière de sécurité. Je pense notamment à la mise en place des zones de sécurité prioritaires.
Aujourd'hui nous souhaiterions vous entendre sur les crédits de la gendarmerie nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.
Alors que la gendarmerie nationale a connu une diminution sensible de ses effectifs ces dernières années -comme d'ailleurs la police nationale- avec la perte de plus de 5 000 postes de gendarmes en 5 ans, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit la création de près de 200 postes supplémentaires dans la gendarmerie et on ne peut que s'en féliciter.
Mais, au-delà de cette augmentation des effectifs, est-ce que ce budget donne les moyens à la gendarmerie de fonctionner efficacement et de répondre aux fortes attentes des citoyens et des élus en matière de sécurité ?
Qu'en est-il des dépenses de fonctionnement -je pense notamment aux dépenses de loyers ou de carburant- et des crédits d'investissement, notamment pour l'immobilier ?
Plus généralement, qu'en est-il de la préservation du statut militaire de la gendarmerie et du maintien du maillage assuré par les brigades territoriales auxquels nous sommes nous tous ici très attachés.
Enfin, quelle pourrait être la contribution de la gendarmerie nationale aux réflexions sur le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ? Je pense notamment au rôle important joué par la gendarmerie en matière de maintien de l'ordre en cas de grave crise, dans le domaine du renseignement ou encore pour notre dispositif de souveraineté outre-mer.
Voilà quelques questions d'ordre général, mais les deux rapporteurs pour avis du budget de la gendarmerie, MM. Gérard Larcher et Michel Boutant, ainsi que d'autres collègues, auront certainement d'autres questions à vous poser, à l'issue de votre exposé liminaire.
Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. - Je voudrais vous dire ma satisfaction de m'exprimer à nouveau devant vous.
Avant d'évoquer les perspectives budgétaires pour 2013, je voudrais d'ores et déjà répondre à vos trois questions relatives au statut militaire de la gendarmerie, à son maillage territorial et à la participation de la gendarmerie aux travaux sur le Livre blanc.
Sur le statut militaire, je voudrais aborder deux volets qui sont complémentaires.
Tout d'abord, le statut du gendarme. C'est un statut militaire à part entière et nous nous employons à le faire vivre, que ce soit au travers de la formation dispensée aux personnels -initiale et au cours de la carrière- de l'ensemble des règles qui les régissent, qu'il s'agisse de droits ou de devoirs (dialogue interne et concertation) ou encore dans le cadre de l'exercice du métier en termes de disponibilité et d'aptitude à servir en tous lieux et en tous temps.
Ce statut militaire n'empêche pas le gendarme, qui exerce au quotidien des missions de sécurité intérieure aux côtés des autres partenaires, de se sentir parfaitement à l'aise au sein du ministère de l'intérieur. Toutefois, il est et doit rester un membre de la communauté militaire.
Ensuite, le statut de la « force » gendarmerie. La gendarmerie est une force armée, comme le souligne la loi de 2009, et c'est une réalité concrète. Elle peut, en outre, faire appel, en cas de besoin, et sous des délais très brefs, à plus de 25 000 réservistes. Elle ne doit pas être assimilée à un service déconcentré de l'Etat, même si la gendarmerie départementale est présente jusqu'à l'échelon du canton.
Comme force de sécurité intérieure et force armée, la gendarmerie doit être capable de remplir les missions que lui confie le Gouvernement et d'inscrire son action dans un continuum paix crise guerre. C'est en ce sens qu'elle contribue pleinement de la résilience de l'Etat.
Sa capacité à participer aux côtés des armées aux OPEX doit être préservée.
Son statut de force de sécurité d'essence militaire entre une police à statut civil et les forces armées est également un atout qui doit être cultivé.
A ce titre, sa composante blindée -mais pour combien de temps encore ?- nous apporte en termes de mobilité, de franchissement, de dégagement d'obstacles et de protection face au tir, des réponses adaptées lors de situations de crise ou de troubles graves à l'ordre public.
Ses moyens aériens militaires -ses hélicoptères- permettent, le cas échéant, d'engager les équipages dans des opérations de police judiciaire difficiles comme ce fut le cas à Dorlin en Guyane le 25 juin dernier.
Si nous nous inscrivons dans les nécessaires mutualisations avec la police nationale ou si nous participons à la réflexion relative à la modernisation des services publics, il me paraît indispensable de préserver les éléments qui forgent notre identité avec une organisation spécifique reconnue et une chaîne hiérarchique solide, telles qu'elles existent aujourd'hui.
Pour répondre à votre question sur le maillage territorial, la gendarmerie apporte une organisation et des modes de fonctionnement pleinement adaptés aux enjeux de la sécurité intérieure. Ce maillage de proximité, allié à la disponibilité et à la réactivité des gendarmes, qui résulte du statut militaire et du logement en caserne, participe activement d'un égal accès des citoyens à la sécurité en tous points du territoire.
C'est un atout qui, à mon sens, ne doit pas être remis en cause. Si ponctuellement quelques situations particulières appellent l'attention, des aménagements du dispositif pourront être opérés. Je veille à ce que cela soit fait sous la houlette des préfets en lien avec l'autorité judiciaire et bien naturellement les élus concernés.
Ce maillage de 3 300 brigades polyvalentes est efficace parce qu'il est complété par un réseau d'unités spécialisées (investigations, interventions, moyens rares...) permettant de faire face aux situations les plus complexes.
Vous m'avez demandé, Monsieur le président, quelle pouvait être notre contribution aux travaux du Livre blanc. Comme je l'ai souligné, la gendarmerie a vocation à intervenir sur un spectre missionnel large dans le cadre d'un continuum paix crise guerre. Il me paraît donc important de continuer à disposer des capacités pour être au rendez-vous des défis que nous pourrons avoir à relever demain, tant dans le domaine de la défense que de la sécurité nationale.
J'ai été amené, avec les autres membres de la commission, à présenter des contributions. Face à l'aggravation et à la diversification de menaces, j'estime qu'une bonne approche permettant à l'Etat de continuer à répondre avec des moyens appropriés et suffisants est de nature interministérielle. Il faut identifier, dans chaque administration et chaque ministère, des capacités « pivot » qui doivent garantir la continuité de l'action de l'Etat.
Pour la gendarmerie, ces capacités pivot, je les ai évoquées, sont :
- cette composante blindée ;
- une flotte d'hélicoptères ;
- des réseaux de radiocommunication numériques résilients.
Par ailleurs, la résilience de l'Etat passe également par l'engagement des populations, qui se traduit pour la gendarmerie par l'implication de ses réservistes, auxquels je tiens à rendre hommage.