Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 6 novembre 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • AFD
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La réunion

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La commission auditionne M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement, sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Aide publique au développement »).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Monsieur le ministre délégué, nous sommes heureux de vous recevoir pour la troisième fois, aujourd'hui pour examiner ensemble le budget de la politique d'aide au développement pour 2013 et, plus généralement, les enjeux, les succès et les difficultés de cette politique.

Quand on considère la situation des finances publiques et la priorité que nous devons accorder à la réduction de notre endettement, certains pourraient penser qu'il faut réduire notre effort d'aide au développement pour se concentrer sur notre environnement immédiat.

Mais quand on voit la situation très instable des pays du Maghreb à la sortie du printemps arabe, quand on considère les conséquences désastreuses du sous-développement dans le Sahel, quand on imagine les défis auxquels une Afrique de plus de 1,8 milliard sera confrontée, on se dit que notre coopération est non seulement l'expression de notre solidarité, un instrument de notre influence, mais également une contribution importante à un environnement plus sûr pour la France et les Français. Elle correspond à un engagement philosophique qui m'est cher.

Quatre séries d'enjeux pour la politique étrangère de la France sont désormais liées à des problématiques de développement :

- ceux de la paix et de la stabilité internationale : un Maghreb stable est la condition de notre sécurité, un Maghreb prospère contribuera évidemment à enrayer le déclin de l'Europe face au dynamisme de l'Asie ;

- ceux de la légitimité de la mondialisation elle-même, qui ne saurait réussir sans inclure la majeure partie de la population de la planète ;

- ceux des causes communes de l'humanité, je pense au changement climatique ou à la perte de biodiversité ; aujourd'hui plus que jamais, on assiste à une convergence entre les questions de développement et les questions de préservation des équilibres sociaux et environnementaux de la planète ;

- ceux de notre influence culturelle et politique, comme ceux de nos intérêts commerciaux, dans un monde dont le centre de gravité est en train de basculer vers le Pacifique.

Vous nous présenterez les caractéristiques du budget de la mission « Aide au développement » pour 2013, sachant que le volet « Trésor », le programme 110, nous sera présenté demain matin et que nous avons déjà auditionné l'AFD et le responsable du programme 209, M. Mattéï qui vous accompagne.

Au-delà de cette présentation, c'est l'occasion pour nous de réfléchir aux objectifs, aux moyens et à l'efficacité de cette politique.

En juin dernier, la Cour des comptes a rendu public un rapport d'évaluation approfondi de l'ensemble des instruments de l'aide au développement. Comme nous avons déjà eu l'occasion d'en discuter lors de la table ronde du 3 octobre dernier, celui-ci critique trois aspects de cette politique publique.

Votre gestion n'est évidemment pas en cause et c'est bien plus l'organisation de cette politique dont il est question.

La Cour des comptes souligne tout d'abord la faiblesse des moyens dont dispose le ministre du développement pour coordonner cette politique qui est partagée entre le ministère des affaires étrangères, celui des finances et l'AFD.

Il souligne ensuite la mauvaise allocation des moyens au regard des priorités françaises dans ce domaine.

Il évoque enfin la faiblesse des moyens d'évaluation et l'absence d'indicateurs de résultats permettant de piloter cette politique publique en fonction de son efficacité.

Je souhaiterais que vous nous indiquiez dans quelles mesures ce budget a pris en compte ces observations, quelles sont les initiatives que vous comptez prendre pour y remédier. A l'heure où nous allons voter de nouveaux crédits, il importe de savoir quelles réponses vous avez ou allez apporter aux observations de la Cour des comptes ?

Je sais que, parallèlement, vous avez ouvert hier les premiers ateliers des assises du développement. Je ne vous demande donc pas de nous dévoiler les conclusions de ces assises qui se tiendront jusqu'en mars prochain ! Mais il y a dans le rapport de la Cour des comptes et lors de la table ronde, des questions, des observations et une quinzaine de préconisations relatives à la gestion de ce budget, à son pilotage et à son évaluation qui ne font pas l'objet d'ateliers et qui méritent qu'on s'y attarde, avant le vote du budget !

Sachez, par ailleurs, Monsieur le ministre, que j'ai particulièrement apprécié la façon dont vous avez entrepris de travailler avec la commission.

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux d'être là aujourd'hui pour vous présenter le budget de la mission aide publique au développement. Mais avant de vous présenter les grandes lignes de la mission, je voulais m'excuser du retard pris dans la transmission des documents budgétaires, les questions parlementaires et le rapport bisannuel au Parlement. Nous avons dans ce domaine une marge de progression certaine.

Je me réjouis de pouvoir présenter la mission dans son ensemble car, en tant que ministre délégué chargé du développement, je me suis battu pour défendre l'ensemble de la mission, qui repose effectivement sur deux programmes budgétaires dépendants l'un du quai d'Orsay, l'autre du ministère des finances. Raisonner de façon globale en terme de missions et non pas de programmes budgétaires, est un des éléments de réponses aux critiques de la Cour des comptes sur le pilotage de notre politique.

Concernant la mesure des résultats et la transparence, la préparation des documents budgétaires, bien que finalisée tardivement, a commencé très en amont et il n'a pas été possible dès cette année de progresser dans la mesure de l'efficacité de l'aide. Ces questions seront largement traitées lors des assises du développement et de la solidarité internationale et j'invite les parlementaires à s'associer pleinement à ce processus. Nos services travaillent en parallèle à résoudre les difficultés techniques que présente un tel exercice.

Pour en revenir à la mission budgétaire, la mission budgétaire « Aide publique au développement » est stabilisée en valeur sur la période 2013-2015 par rapport à la dépense réalisée en 2012 (légèrement au-dessus de 3,05 milliards d'euros). La diminution observée par rapport à la LFI 2012 de 200 millions correspond essentiellement à des économies de constatation. La Commission européenne n'a pas décaissé 213,3 millions d'euros sur la dotation française pour 2012 au Fonds européen de développement (FED). Le Gouvernement assume en effet le choix, dans le contexte du redressement des comptes publics, de ne pas avoir redéployé ces crédits vers des dépenses nouvelles. Non seulement nous avons stabilisé le budget, mais nous allons abonder les crédits avec 160 millions d'euros en provenance de la TTF (taxe sur les transactions financières).

Ce budget contient en effet une inflexion politique. Il reprend les 4 engagements pris par le Président de la République durant sa campagne.

Malgré le contexte budgétaire difficile, le Gouvernement, et moi-même avec Laurent Fabius avons obtenu d'affecter 10 % du produit de la taxe française sur les transactions financières au développement, contrairement au Gouvernement précédent qui avait affecté l'ensemble du produit de la taxe au budget. Ces fonds viennent s'ajouter, de manière additionnelle, au budget de l'aide publique au développement. C'est un signal très fort du maintien de l'ambition française en matière de solidarité internationale. Cette décision va au-delà de l'engagement de campagne du Président de la République qui ne portait que sur la taxe européenne.

L'affectation de 10 % du produit de la TTF française permettra de financer des actions, en priorité dans les domaines de la lutte contre le changement climatique et l'environnement, et de la santé, notamment en Afrique. Concrètement, la France prendra des engagements de financements sur la période 2013-2015 correspondant à au moins 10 % du produit de la TTF (1,6 milliard d'euros par an), soit près d'un demi-milliard d'euros, dont une partie sera affectée au Fonds Vert. Les premiers déboursements seront effectués dès 2013 (60 millions d'euros) et monteront en charge progressivement. Au niveau européen, 11 pays ont décidé de participer à une coopération renforcée. La Commission européenne doit présenter un texte remanié d'ici la fin de l'année. Conformément aux engagements pris à Rio par le Président de la République, la France continuera de porter le principe de l'affectation au développement d'une part significative du produit de la future taxe européenne sur les transactions financières.

L'autre engagement du Président de la République qui sera tenu en 2013, c'est le doublement de l'aide aux ONG. Cet engagement portait sur un doublement sur le quinquennat. Nous avons fléché ce doublement sur le quinquennat avec une trajectoire de 45 millions d'augmentation, soit 9 millions par an, et donc 9 millions en 2013 pour commencer. Ce doublement de la part de l'aide passant par les ONG implique de formaliser les relations entre l'Agence française de développement, qui sera le véhicule par lequel transitera cette augmentation, et les ONG concernées. Les règles doivent être clarifiées. Pour la première fois, au premier trimestre 2013, l'AFD mettra en oeuvre un cadre, actuellement en cours de rédaction, de règles de partenariat entre l'Agence et les ONG. Si les crédits qui transitent par les ONG augmentent, c'est pour répondre à la nécessité de développer des projets plus petits, qui ne sont pas de grosses infrastructures fonctionnant par prêts. Ces projets viennent donc en complément de ce que sait faire traditionnellement l'Agence française de développement, ce qui suppose d'établir de manière totalement transparente la politique dans laquelle ils s'inscrivent, d'où la clarification des règles.

Un autre engagement de campagne du Président de la République était de stabiliser la part des dons-projets, le coeur de l'aide en quelque sorte. Nous l'avons fait dans ce premier budget et prévoyons de le faire sur le triennal. Nous avons donc calibré le budget de façon à respecter le troisième engagement qui avait été pris par le Président.

Le Président de la République avait pris un quatrième engagement durant sa campagne celui d'organiser, avant la fin de la première année de son mandat, des assises de la solidarité internationale. Ces assises se sont ouvertes hier. Dans le cadre de ces assises, nous discuterons notamment de nos choix et de nos arbitrages en matière de transparence et d'efficacité. Certes, une grande partie des critiques du rapport de la Cour des comptes, malheureusement justifiées, s'adresse au Gouvernement antérieur sans que nous ayons à en assumer le coût politique, il n'en reste pas moins que nous devons nous appuyer sur ces critiques pour changer les pratiques. Pour cela, nous avons besoin de votre volontarisme, de votre énergie, de votre regard critique. Je compte vraiment sur vous pour faire entendre votre voix et faire des propositions concrètes et argumentées. La loi proposition d'une loi d'orientation, portez-la pendant les assises, tout comme les autres sujets que vous avez évoqués en matière d'efficacité et de transparence. Les assises sont précisément faites pour déboucher sur des modifications concrètes en matière de gestion et de pilotage de notre aide.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Vous avez été très convaincant sur la présentation habile de ce budget. Les marges de manoeuvre sont très étroites. A budget constant, les engagements internationaux prennent une part significative de l'aide. On peut regretter que la diminution des crédits du FED pour 2013 n'ait pas profité au programme 209. Mais, dans le contexte de redressement des finances publiques, la diminution de 200 millions d'euros de la mission aide au développement a sa logique. Il faut trouver, à budget constant, les moyens pour redonner à l'aide-projet un niveau de financement significatif pour les 17 pays prioritaires. Notre commission regrette l'élargissement de la liste des pays prioritaires à un moment où les budgets de la coopération ne permettent pas d'étendre nos priorités. Par redéploiement ? Par concentration ? En approfondissant la division du travail avec nos partenaires européens, grâce aux financements innovants ? Cela semble être la réponse du Gouvernement.

A propos de la TTF, le projet de loi de finances prévoit une affectation de 10 % de son produit à l'aide au développement. C'est un début. Certains regrettent que le pourcentage ne soit pas plus élevé, que l'assiette ne soit pas plus large. Nous comprenons les contraintes du Gouvernement, même si nous regrettons que le montant ainsi affecté soit plafonné. Il ne s'agit pas véritablement de 10 %, mais de 60 millions d'euros. Que penseriez-vous d'un amendement qui déplafonne ces 10 % ?

Je souhaiterais savoir à quelles actions seront affectés ces 60 millions d'euros. En effet, le fonds social de développement qui recevra ces recettes ne préjuge en rien de leur affectation. Allez-vous financer des actions nouvelles dans le domaine de la santé et en particulier dans le domaine de la protection sociale ? Nous souhaiterions avoir des assurances que ces montants contribueront à renforcer les aides-projets du programme 209 dans ces domaines.

Pouvez-vous nous préciser le calendrier de la discussion de la TTF au niveau européen, les montants en jeu, et l'affectation des ressources ainsi dégagées ?

Les deux récentes évaluations de la politique de coopération au développement préconisent la poursuite du transfert des compétences du ministère des affaires étrangères à l'AFD pour ce qui est de la gestion des projets. Autrement dit, la Cour des comptes juge que l'AFD est mieux outillée pour gérer et suivre les projets du FSP. Il est vrai que, sur le terrain, on l'a vu à Madagascar, la répartition des rôles entre l'Agence et le service de coopération et d'action culturelle (SCAC) est parfois peu lisible. L'Agence s'occupe de la santé, mais le SCAC finance une maternité. L'Agence a en charge l'agriculture, mais le SCAC finance le cadastre rural. Que pensez-vous de cette préconisation récurrente ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Le budget est stabilisé. Mais on regrette qu'un redéploiement n'ait pas permis de redresser l'aide-projet, notamment en faveur des pays prioritaires. La préférence française pour les prêts nous éloigne du coeur de cible de l'aide, des PMA, de l'Afrique francophone. La proportion de prêts dans l'APD est deux fois supérieure en France à la moyenne des pays du Comité d'aide au développement (CAD). C'est cohérent avec la tendance l'évolution dynamique des bonifications du programme 110 ces dernières années et le décrochage des subventions du programme 209. C'est ce que soulignent les évaluations. Elles indiquent également l'incapacité que nous avons à démontrer les résultats de cette politique.

Nous avions fait adopter il y a deux ans un amendement demandant notamment à ce que le DPT (document de politique transversale) intègre un bilan des engagements internationaux de la France dans le domaine de l'aide au développement. Le DPT vient d'être publié avec plus d'un mois de retard. Malheureusement, le document qui nous a été transmis ne comporte pas ce recensement. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? Par ailleurs, nous souhaiterions que ce document soit revu pour être intelligible. Il y a un document cadre, avec une stratégie par type de partenariat, des indicateurs. Pourquoi ne pas reprendre ce cadre pour rendre lisible ce document ? Par ailleurs, il est indispensable, pour expliquer aux Français pourquoi nous votons ces crédits, d'avoir des indicateurs de résultats.

Suite aux printemps arabes, la France s'était engagée, dans le cadre du partenariat de Deauville, à financer des projets à hauteur de 2,7 milliards d'euros sur trois ans. On semble être revenus en arrière ces derniers temps, on ne parle plus que d'un milliard. Il s'agit essentiellement de prêts de l'AFD. Pouvez-vous nous faire le point ? Chacun sait que l'AFD est, par ailleurs, contrainte du fait de la faiblesse des ses fonds propres pour intervenir plus avant au Maroc et en Tunisie. Quelle solution avez-vous en tête pour desserrer cette contrainte prudentielle ?

La Commission européenne a proposé aux Etats membres un nouveau partenariat pour le développement. Il s'agit d'une nouvelle stratégie de coopération au développement qui est par ailleurs assortie d'une augmentation significative du budget. Pouvez-vous nous indiquer le calendrier des discussions, la position du Gouvernement ? Pouvez-vous nous dire à quel moment le Gouvernement entend associer le Parlement à ces discussions qui engagent plus d'un quart du budget ? Nous sommes, à la commission, à la fois de fervents défenseurs d'une meilleure division du travail, d'un renforcement des programmations conjointes, et quelque peu sceptiques devant la façon dont le FED s'articule avec nos actions bilatérales et éprouve des difficultés à décaisser un budget considérable. Que pensez-vous de l'action du FED ? Ces trois dernières années nous avons voté des crédits dont une partie a été in fine annulée. Nous sommes à deux-tiers du dixième FED, et seulement la moitié des fonds a été utilisée : n'est-ce pas un sujet de préoccupation ?

Le ministre des affaires étrangères a insisté sur la dimension économique de notre diplomatie. Il est vrai qu'il nous faut chercher la croissance sur les marchés extérieurs. Or il est un domaine où la France a des atouts, c'est l'expertise technique. En particulier dans le domaine de l'économie verte, nous avons un savoir-faire reconnu. Il s'agit de marchés considérables, financés en grande partie par des appels d'offres internationaux des grands bailleurs de fonds multilatéraux. Or, dans ce domaine, la France concourt à ces appels d'offres en ordre dispersé avec des opérateurs qui n'ont pas une taille suffisante pour être véritablement compétitifs. Comme l'ont souligné de nombreux rapports, l'offre française en matière d'expertise technique est fragmentée, chaque ministère ou presque a son opérateur. Les principaux acteurs se concurrencent avec des champs de compétences qui se recoupent et des modèles économiques différents qui faussent le jeu alors que les Allemands ou les Britanniques ont un opérateur unique et bénéficient d'économies d'échelle importantes. Le rapport Maugüé, demandé par le Parlement, a souligné l'année dernière que l'expertise technique avait besoin d'une politique et d'un arbitre. Comptez-vous vous attaquer à ce dossier ?

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement

Les fonds issus de la taxe française sur les transactions financières seront essentiellement affectés à deux thématiques, le climat et la santé. Il nous reste à déterminer dans quelle proportion et par le biais de quel opérateur. Il nous faudra notamment trancher entre des opérateurs bilatéraux et des opérateurs multilatéraux. Dans le domaine de la santé, notre coopération passe majoritairement par des opérateurs multilatéraux tels que, par exemple, le fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le débat reste ouvert, ma préférence allant à un rééquilibrage au profit de l'aide bilatérale en articulation avec des opérateurs multilatéraux. En ce qui concerne le climat, ces crédits supplémentaires permettront d'honorer nos engagements à l'égard du fonds vert dont la création a été décidée au sommet de Copenhague et confirmée par la suite.

S'agissant de la taxe sur les transactions financières européennes, nous devrions trouver une majorité au Parlement européen pour autoriser une coopération renforcée. En revanche, nous ne sommes pas encore assurés d'avoir une majorité au Conseil européen, notamment en raison de l'hostilité britannique. A ce niveau des négociations, nous n'avons pas d'indications précises sur la destination des fonds issus de la taxe, mais nous espérons bien qu'une partie de ces fonds sera affectée à l'aide au développement.

En ce qui concerne les transferts de compétence à l'AFD, la réforme de 1998 et celle de 2004 ont conduit à transférer l'ensemble des secteurs opérationnels à l'AFD, à l'exception de la gouvernance. Cet équilibre a sa raison d'être, il importe surtout que « l'équipe France » travaille en étroite collaboration sur le terrain et notamment que les agences de l'AFD et les SCAC coordonnent leur action.

Le Président de la République s'est en effet engagé lors de la campagne présidentielle à présenter au Parlement une loi de programmation sur la coopération au développement. N'hésitez pas, si vous jugez cette proposition utile, à la soutenir, notamment dans le cadre des assises.

Le document de politique transversale est en effet un document aride et, à vrai dire, peu lisible. Nous espérons, dans les années à venir, pouvoir en améliorer la présentation. S'agissant des engagements internationaux, il est vrai qu'ils ne figurent pas dans le DPT. Une partie du bilan a été intégrée dans le rapport bisannuel que nous venons de vous adresser. Pour le reste, j'ai considéré qu'il fallait, avant de publier ces informations, consolider les chiffres afin d'en assurer l'exactitude.

S'agissant du partenariat de Deauville, la France s'est effectivement engagée à hauteur de 2,7 milliards d'euros en 2011 pour 3 ans. 1,4 milliard d'euros ont été engagés. Il nous reste encore un an et demi pour honorer notre promesse.

S'agissant des ratios prudentiels grands risques de l'AFD, vous soulevez un véritable sujet qui doit faire l'objet d'une discussion interministérielle.

Vous avez raison de soulever la question de l'expertise technique, c'est un enjeu important. Nous avons travaillé jusqu'à présent sur d'autres dossiers. Je crois qu'il nous faut aujourd'hui essayer de trouver des moyens de coordonner l'action des différents opérateurs ainsi que celle de l'AFD qui va bientôt bénéficier d'un fonds dédié à l'expertise. En ce qui concerne la faiblesse des décaissements du FED, elle a principalement des facteurs structurels comme la conditionnalité politique renforcée de l'aide budgétaire ou le choix de secteurs à faibles décaissements. C'est pourquoi il nous semblerait judicieux d'augmenter la part des dépenses dédiées à la mise en oeuvre du FED afin d'en appuyer le rythme de décaissement.

Nous observons que la faiblesse des coûts de gestion du FED, qui est en soi une bonne chose, traduit également la faiblesse des effectifs de ce fonds pour instruire les dossiers et les suivre. C'est pourquoi il faudra avoir une discussion lors de la reconstitution du 11ème FED sur les ressources humaines du fonds. Nous pensons, comme les Allemands du reste, que ce 11ème FED devrait se situer autour de 30 milliards d'euros, qui correspondent à une stabilisation en volume à l'image de l'évolution de la PAC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

En cas d'intervention militaire au Mali, il nous faudra, dès la fin des hostilités, prévoir une action massive en faveur du développement, car chacun est bien conscient ici que c'est le sous-développement du Nord-Mali qui est à l'origine des difficultés des populations du Nord-Mali, en général, et des Touaregs, en particulier. La pauvreté de cette région délaissée par l'Etat malien a fait le lit des extrémistes et de l'islamisme radical. Si nous voulons stabiliser la région, il nous faudra intervenir rapidement. Quelles sont vos intentions dans ce domaine ? La même analyse pourrait s'appliquer à l'Afghanistan après le retrait des troupes françaises. Pouvez-vous nous préciser les actions que vous envisagez dans ce pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

J'aurais souhaité avoir des précisions sur la chronologie des décaissements des fonds issus de la taxe française sur les transactions financières de 2013 à 2015 en distinguant les crédits de paiements et les autorisations d'engagements.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je vous ai trouvé assez convaincant sur l'évolution du budget. Les 160 millions que vous évoquez à propos de la TTF constituent-ils un plancher ou un plafond ? D'un côté, on parle de 10 %, de l'autre de 160 millions, je n'y vois pas très clair. S'agissant des ONG, vous augmentez les subventions qui transitent par les ONG. Pouvez-vous nous dire quelles garanties vous demandez à ces organisations. Sont-elles toutes françaises ? Et est-il prévu une évaluation de leur action pour s'assurer du sérieux de leur gestion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Quelles sont vos priorités ? Selon quels critères sélectionnerez-vous les ONG qui bénéficieront d'un accroissement de leur subvention ? Quelles sont les procédures d'évaluation et de contrôle des actions ainsi financées ?

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement

Sur la TTF, en 2013, 160 millions, c'est-à-dire 10 % des recettes escomptées, (qui devraient s'élever à 1,6 milliard d'euros), seront attribuées au fonds social de développement. En 2013, il s'agira de 60 millions d'euros de crédits de paiement qui devraient être décaissés dans l'année et de 100 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour des actions qui seront décaissées sur les années suivantes. Sur les trois ans, il s'agira de 160 millions d'euros en moyenne, avec un rythme de décaissement qui peut varier en fonction des projets. Cette solution est très cohérente par rapport à la nature des projets à financer, elle présente l'inconvénient d'être peu lisible et exige un effort de pédagogie que je m'efforce de déployer. Les priorités sont la santé et le climat, comme je l'ai indiqué précédemment.

S'agissant du Sahel, une éventuelle intervention doit reposer sur quatre piliers : militaire, politique, humanitaire et développement. Sur l'aspect humanitaire, nous travaillons en concertation avec les opérateurs de l'ONU pour se tenir prêts à intervenir en faveur des populations qui pourraient être touchées par les conséquences d'une intervention militaire. Sur l'aspect de développement, il est évident que nous devons nous tenir prêt à déployer des actions structurantes pour répondre aux besoins de la population. Nous travaillons dans le cadre d'intervention européen, AGIR, dont nous essayons de préciser le contenu et qui dispose de moyens financiers substantiels. Sur l'Afghanistan, le budget et les opérations financées se situent en face avec le traité d'amitié et de coopération ratifié récemment.

En ce qui concerne l'évaluation, c'est une de mes priorités et c'est un des chantiers des assises. Je le dis ici, la France ne peut pas rester en retard sur cette question. Nous devons pouvoir expliquer aux Français combien de vaccins, combien d'enfants scolarisés, combien d'accès au réseau potable, la France a financé grâce au budget que j'ai l'honneur de vous présenter.

Nous devons nous engager dans une gestion par les résultats. On ne peut pas continuer à ne raisonner qu'en termes de moyens. Il nous faut mesurer nos résultats et notre impact sur le développement des pays partenaires. La situation actuelle nuit à la légitimité de notre effort. Je ne crois pas que la situation des ONG soit différente des autres opérateurs. Leur action doit être évaluée de la même façon. Elles sont d'ores et déjà soumises aux procédures de l'AFD qui ont vocation à garantir le sérieux des actions menées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Berthou

Il est un domaine où la France a des atouts, c'est l'expertise technique. Il s'agit de marchés considérables. L'offre française en matière d'expertise technique est fragmentée, chaque ministère ou presque a son opérateur. Les principaux acteurs se concurrencent alors que les Allemands ou les Anglais ont un opérateur unique. N'y a-t-il pas moyens, notamment, de fédérer les actions des opérateurs ? Peut-on imaginer un jour que FEI devienne une filiale de l'AFD ? En tout cas, la situation actuelle ne me semble pas viable.

Il faut que les pouvoirs publics se saisissent de ce dossier pour que « l'équipe France » puisse concourir aux appels d'offres internationaux en ordre resserré.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Je vous remercie pour la présentation de ce budget. Chacun connaît les limites de notre déclaration à l'OCDE. Mais je tiens à féliciter le ministre pour la prise en compte, dans les documents budgétaires, de la question du genre. Je suis très satisfaite de voir que cette question fait l'objet de développements. Je souhaiterais avoir des précisions sur les deux projets du fonds social prioritaire qui traitent de la question du genre. Je sais que votre ministère travaille sur l'introduction d'indicateurs de résultats dans les documents budgétaires. Il serait souhaitable que la question du genre fasse partie de ces indicateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Vous héritez, monsieur le ministre, d'un dispositif ministériel éclaté. Vous avez la tâche difficile de coordonner cette action de la coopération, mais on ne comprend pas très bien, à travers votre présentation technocratique, quelles sont vos priorités politiques. Quelle est votre approche du Maghreb à la sortie des printemps arabes ? Quelle vision avez-vous des mouvements djihadistes et islamistes qui s'étendent en Afrique sub-saharienne ? Comment appréhendez-vous la perspective d'une intervention militaire au Mali ? Comment comptez-vous lutter au Sahel contre le sous-développement qui favorise les mouvements djihadistes ? Quelle est votre perception des risques d'une intervention dans cette région ? Quelles sont, selon vous, les conditions pour que cette intervention soit bien dosée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

J'ai une question plus simple, mais, avant cela, je voudrais souligner que la question touarègue est une question très ancienne. Lors de nos déplacements à l'ONU, nous sommes régulièrement interpellés sur les niveaux très bas des contributions volontaires de la France aux organisations de développement liées à l'ONU. Régulièrement, le Secrétaire général des Nations unies attire notre attention sur le fait que la France, membre du Conseil de sécurité, a considérablement diminué ses contributions. A cela le ministère des affaires étrangères répond qu'il entend concentrer ses contributions sur un nombre réduit d'organismes. J'aurais voulu comprendre si cette concentration répondait à une doctrine d'emplois ou cette doctrine était encore en cours d'élaboration.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Cette année le Secrétaire général de l'ONU ne nous a pas interpellés sur ce sujet. Nos contributions sont stabilisées. Nous avons, à l'occasion de notre mission à l'ONU, eu des contacts particulièrement intéressants, notamment sur la situation au Sahel.

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement

Il y a sur notre déclaration au CAD un sujet récurrent. Je crois qu'il faut examiner sérieusement la façon dont nous interprétons les critères du CAD. Il y a un juste équilibre à trouver. Les assises peuvent être l'occasion d'avancer sur ce sujet.

Nous avons présenté notre stratégie relative à la question du genre pour les années 2007-2012. Ce document est de nature à amplifier la prise en compte de cette dimension dans l'ensemble de notre politique de coopération. C'est un sujet compliqué, car, d'un côté, si vous mettez des conditionnalités trop fortes dans les pays qui ne respectent pas le droit des femmes, vous êtes conduit à interrompre toute aide à des pays qui en ont pourtant besoin.

Je suis désolé si ma présentation est apparue trop technocratique. Il est vrai que je souhaite me concentrer sur mon domaine de compétence qui est le développement, laissant, pour ce qui est du Sahel, au ministre des affaires étrangères, dont je suis le ministre délégué, et au ministre de la défense, le soin de vous répondre sur les aspects militaires et diplomatiques de l'éventuelle intervention de la CEDEAO au Mali. Sachez, par ailleurs, que le futur représentant de l'Union européenne au Mali pourrait être un Français.

Pour ce qui me concerne, je travaille, en liaison avec la Commission européenne, à la mise en place d'un plan d'intervention en faveur du développement pour le Nord-Mali. Ce plan va être finalisé dans quelques jours, et je souhaite d'ici là laisser la primeur de ce plan au ministre des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

La spécialisation de votre département ministériel ne vous empêche pas d'avoir une vision politique des choses.

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement

Vous avez tout à fait raison, mais, dans le respect des usages républicains auxquels je vous sais sensible, je tiens à avoir d'abord un échange avec mes collègues du Gouvernement sur des projets en cours d'élaboration.

Vous avez raison, Monsieur Reiner, la doctrine en matière d'allocations multilatérales n'est pas d'une grande clarté. Le discours en faveur de l'aide multilatérale est parfois critiqué, notamment au Parlement, mais je crois que l'enjeu principal c'est bien l'articulation entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale. Nous travaillons à favoriser cette cohérence. L'idée est également de peser davantage dans les instances multilatérales.

Monsieur Berthou, vous avez tout à fait raison de poser la question de l'assistance technique. La création d'un fonds d'assistance au sein de l'AFD est l'occasion de réfléchir à la meilleure façon d'assurer une cohérence entre les acteurs. Ce fonds pourrait être un élément de synthèse ; il convient de poursuivre la réflexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Je voudrais juste citer l'exemple de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) qui finance des projets dans les territoires palestiniens. Faute de budget, cet organisme a interrompu son financement à destination d'écoles et de centres de vacances. Moyennant quoi, le Hamas et bientôt le Qatar vont prendre en charge ces lieux d'éducation. L'ONU dans ces cas-là ne joue plus son rôle.

La commission auditionne le général Jacques MIGNAUX, directeur général de la Gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2013 (programme 152 « Gendarmerie nationale » de la mission Sécurité).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je vous remercie, Mon général, d'avoir répondu à notre invitation pour venir une nouvelle fois devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat pour cette audition consacrée aux crédits de la Gendarmerie nationale dans le projet de loi de finances pour 2013.

Le ministre de l'intérieur a présenté la semaine dernière devant notre commission ses principales priorités concernant la politique en matière de sécurité. Je pense notamment à la mise en place des zones de sécurité prioritaires.

Aujourd'hui nous souhaiterions vous entendre sur les crédits de la gendarmerie nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.

Alors que la gendarmerie nationale a connu une diminution sensible de ses effectifs ces dernières années -comme d'ailleurs la police nationale- avec la perte de plus de 5 000 postes de gendarmes en 5 ans, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit la création de près de 200 postes supplémentaires dans la gendarmerie et on ne peut que s'en féliciter.

Mais, au-delà de cette augmentation des effectifs, est-ce que ce budget donne les moyens à la gendarmerie de fonctionner efficacement et de répondre aux fortes attentes des citoyens et des élus en matière de sécurité ?

Qu'en est-il des dépenses de fonctionnement -je pense notamment aux dépenses de loyers ou de carburant- et des crédits d'investissement, notamment pour l'immobilier ?

Plus généralement, qu'en est-il de la préservation du statut militaire de la gendarmerie et du maintien du maillage assuré par les brigades territoriales auxquels nous sommes nous tous ici très attachés.

Enfin, quelle pourrait être la contribution de la gendarmerie nationale aux réflexions sur le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ? Je pense notamment au rôle important joué par la gendarmerie en matière de maintien de l'ordre en cas de grave crise, dans le domaine du renseignement ou encore pour notre dispositif de souveraineté outre-mer.

Voilà quelques questions d'ordre général, mais les deux rapporteurs pour avis du budget de la gendarmerie, MM. Gérard Larcher et Michel Boutant, ainsi que d'autres collègues, auront certainement d'autres questions à vous poser, à l'issue de votre exposé liminaire.

Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. - Je voudrais vous dire ma satisfaction de m'exprimer à nouveau devant vous.

Avant d'évoquer les perspectives budgétaires pour 2013, je voudrais d'ores et déjà répondre à vos trois questions relatives au statut militaire de la gendarmerie, à son maillage territorial et à la participation de la gendarmerie aux travaux sur le Livre blanc.

Sur le statut militaire, je voudrais aborder deux volets qui sont complémentaires.

Tout d'abord, le statut du gendarme. C'est un statut militaire à part entière et nous nous employons à le faire vivre, que ce soit au travers de la formation dispensée aux personnels -initiale et au cours de la carrière- de l'ensemble des règles qui les régissent, qu'il s'agisse de droits ou de devoirs (dialogue interne et concertation) ou encore dans le cadre de l'exercice du métier en termes de disponibilité et d'aptitude à servir en tous lieux et en tous temps.

Ce statut militaire n'empêche pas le gendarme, qui exerce au quotidien des missions de sécurité intérieure aux côtés des autres partenaires, de se sentir parfaitement à l'aise au sein du ministère de l'intérieur. Toutefois, il est et doit rester un membre de la communauté militaire.

Ensuite, le statut de la « force » gendarmerie. La gendarmerie est une force armée, comme le souligne la loi de 2009, et c'est une réalité concrète. Elle peut, en outre, faire appel, en cas de besoin, et sous des délais très brefs, à plus de 25 000 réservistes. Elle ne doit pas être assimilée à un service déconcentré de l'Etat, même si la gendarmerie départementale est présente jusqu'à l'échelon du canton.

Comme force de sécurité intérieure et force armée, la gendarmerie doit être capable de remplir les missions que lui confie le Gouvernement et d'inscrire son action dans un continuum paix crise guerre. C'est en ce sens qu'elle contribue pleinement de la résilience de l'Etat.

Sa capacité à participer aux côtés des armées aux OPEX doit être préservée.

Son statut de force de sécurité d'essence militaire entre une police à statut civil et les forces armées est également un atout qui doit être cultivé.

A ce titre, sa composante blindée -mais pour combien de temps encore ?- nous apporte en termes de mobilité, de franchissement, de dégagement d'obstacles et de protection face au tir, des réponses adaptées lors de situations de crise ou de troubles graves à l'ordre public.

Ses moyens aériens militaires -ses hélicoptères- permettent, le cas échéant, d'engager les équipages dans des opérations de police judiciaire difficiles comme ce fut le cas à Dorlin en Guyane le 25 juin dernier.

Si nous nous inscrivons dans les nécessaires mutualisations avec la police nationale ou si nous participons à la réflexion relative à la modernisation des services publics, il me paraît indispensable de préserver les éléments qui forgent notre identité avec une organisation spécifique reconnue et une chaîne hiérarchique solide, telles qu'elles existent aujourd'hui.

Pour répondre à votre question sur le maillage territorial, la gendarmerie apporte une organisation et des modes de fonctionnement pleinement adaptés aux enjeux de la sécurité intérieure. Ce maillage de proximité, allié à la disponibilité et à la réactivité des gendarmes, qui résulte du statut militaire et du logement en caserne, participe activement d'un égal accès des citoyens à la sécurité en tous points du territoire.

C'est un atout qui, à mon sens, ne doit pas être remis en cause. Si ponctuellement quelques situations particulières appellent l'attention, des aménagements du dispositif pourront être opérés. Je veille à ce que cela soit fait sous la houlette des préfets en lien avec l'autorité judiciaire et bien naturellement les élus concernés.

Ce maillage de 3 300 brigades polyvalentes est efficace parce qu'il est complété par un réseau d'unités spécialisées (investigations, interventions, moyens rares...) permettant de faire face aux situations les plus complexes.

Vous m'avez demandé, Monsieur le président, quelle pouvait être notre contribution aux travaux du Livre blanc. Comme je l'ai souligné, la gendarmerie a vocation à intervenir sur un spectre missionnel large dans le cadre d'un continuum paix crise guerre. Il me paraît donc important de continuer à disposer des capacités pour être au rendez-vous des défis que nous pourrons avoir à relever demain, tant dans le domaine de la défense que de la sécurité nationale.

J'ai été amené, avec les autres membres de la commission, à présenter des contributions. Face à l'aggravation et à la diversification de menaces, j'estime qu'une bonne approche permettant à l'Etat de continuer à répondre avec des moyens appropriés et suffisants est de nature interministérielle. Il faut identifier, dans chaque administration et chaque ministère, des capacités « pivot » qui doivent garantir la continuité de l'action de l'Etat.

Pour la gendarmerie, ces capacités pivot, je les ai évoquées, sont :

- cette composante blindée ;

- une flotte d'hélicoptères ;

- des réseaux de radiocommunication numériques résilients.

Par ailleurs, la résilience de l'Etat passe également par l'engagement des populations, qui se traduit pour la gendarmerie par l'implication de ses réservistes, auxquels je tiens à rendre hommage.

Je voudrais maintenant développer à grands traits les perspectives budgétaires pour 2013.

Le budget alloué au programme « gendarmerie nationale » de la mission Sécurité en 2013 reflète la contrainte financière générale. Le ministre a réussi à préserver les effectifs des forces de sécurité comme il l'a développé devant vous le 31 octobre dernier. Les dotations prévues hors rémunérations imposent quant à elles des choix extrêmement contraints entre fonctionnement et investissement.

S'agissant des effectifs, nous ne perdons pas les 1 034 emplois initialement programmés mais nous obtenons 193 postes supplémentaires et nous devrions bénéficier pour les 4 années à venir de la reconduction de cette mesure.

Je rappelle qu'entre 2007 et 2012, la diminution des effectifs du plafond d'emplois s'est élevée à 6 243 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT), soit une baisse de 6,2% de l'effectif total. Pour l'essentiel liée à la RGPP, cette baisse, depuis 2009 a été accentuée en gestion par le fait que je ne disposais pas de l'ensemble des crédits suffisants qui m'auraient permis de réaliser tous mes effectifs. Ce qui représentera en 2012 un sous effectifs équivalent à 1 000 gendarmes.

Ainsi, l'arrêt de la RGPP est pour nous un ballon d'oxygène ; la chute de nos effectifs ne pouvait continuer sans peser excessivement sur l'opérationnel, les personnels, voire sur le modèle même de notre institution.

Concernant les crédits de rémunérations et charges sociales (RCS), ils s'élèvent hors CAS Pensions à 3, 683 milliards d'euros (+0,4%). Ils sont quasiment stables par rapport à 2012. Les dépenses totales de personnel, CAS Pensions compris, sont en hausse de 1,6% (+ 104,7 millions d'euros).

Les crédits de personnels (titre II) du budget 2013 permettront notamment le financement des sept mesures suivantes :

le nouvel espace statutaire (catégorie B pour les sous-officiers) : 8,9 millions d'euros ;

l'extension en année pleine de l'annuité 2012 du PAGRE (plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées) : 22 millions d'euros ;

l'application à nos personnels civils des mesures catégorielles arrêtées au niveau ministériel : 0,4 million d'euros ;

la réserve opérationnelle : 40 millions d'euros ;

une prime pour résultats exceptionnels, dotée de 15 millions d'euros, comme les années précédentes ;

l'Indemnité journalière d'absence temporaire (IJAT) pour les déplacements de la gendarmerie mobile sera dotée de 42 millions d'euros, comme en 2012 ;

les dotations provisionnées pour prendre en compte les surcoûts OPEX sont reconduites et se montent à 11 millions d'euros.

Les dotations hors dépenses de personnels (titre 2) : Elles correspondent aux dépenses de fonctionnement courant et d'investissements :

S'agissant du fonctionnement courant, mes dotations sont reconduites en zéro valeur. Le fonctionnement courant, c'est le moteur de l'opérationnel. Il s'élève au total à 946,2 millions d'euros en 2013 en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, y compris les dotations complémentaires qui se substitueront aux ressources initialement prévues au titre du CAS fréquences. Le budget de fonctionnement courant reste stable par rapport à 2012.

La priorité sera de permettre aux unités opérationnelles de mener à bien l'ensemble de leurs missions sachant cependant que certaines dotations du fonctionnement courant évoluent à la hausse. Il s'agit des postes étroitement liés à l'augmentation du coût de la vie, je pense aux loyers, aux carburants (570 millions de kms parcourus), à l'eau, l'électricité et au fioul pour le chauffage, ainsi que les postes liés à l'entretien de nos moyens notamment la réparation des véhicules ou la gestion du parc immobilier.

Il nous faut faire face à ces hausses inéluctables aux dépens d'autres postes de dépenses. Nous serons ainsi contraints de freiner sur la mobilité des personnels, de renoncer à des actions de formation continue, de diminuer le nombre de places offertes ou encore de raccourcir la durée de certains stages.

Les dépenses liées aux OPEX bénéficieront-elles d'une dotation budgétaire de 4 millions d'euros (hors dépenses de personnels), identique aux années précédentes.

Je vais vous détailler brièvement les dotations liées à l'investissement.

Alors que mes capacités de paiement s'élevaient à près de 570 millions d'euros en crédits de paiement en 2007, elles étaient, je le rappelle, de 250 millions d'euros en 2012 et resteront du même ordre en 2013.

Concernant l'investissement, les dotations globales en autorisations d'engagement étaient de 288,9 millions d'euros en 2012, elles seront de 164,6 millions d'euros en 2013, soit une baisse de 43%. Il s'agit d'une forte compression de la capacité d'investissement.

En revanche, les crédits de paiement étaient de 249,4 millions d'euros en 2012, ils seront de 253,9 millions d'euros en 2013, soit une augmentation de + 1,8%. Ils permettront notamment de payer les commandes passées en 2012 et les années précédentes.

Ces dotations seront complétées en loi de finances par 8,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement complémentaires qui se substitueront aux ressources initialement prévues au titre du CAS fréquences pour conduire les opérations d'investissements relatifs aux systèmes d'information et de communication de la gendarmerie.

Pour le titre 3 « investissement », je pourrai :

assurer le renouvellement des tenues des personnels dans les unités (carnet d'habillement de 35 millions d'euros) et équiper les élèves en école ;

acquérir des munitions (8 millions d'euros) ;

poursuivre l'acquisition de matériel dans le domaine des systèmes d'information et de communication (23,9 millions d'euros) ;

assurer le maintien en condition opérationnelle de nos réseaux et systèmes informatiques (20 millions d'euros);

régler les loyers des opérations immobilières lancées sous la forme d'AOT (14,6 millions d'euros). (Caen, Châteauroux, Laval, Lyon et Mulhouse) ;

assurer pour 23,9 millions d'euros l'entretien, le maintien en condition opérationnelle, et les 20 500 heures de potentiel de vol de nos 56 hélicoptères.

En revanche, je suis contraint de différer :

l'acquisition de matériels (police route, police judiciaire, intervention, montagne, etc.) et mobilier que j'aurais dû renouveler ;

l'équipement en habillement pour les spécialistes.

Sur le périmètre du titre 5, les dotations en autorisations d'engagement sont en forte baisse (-72%).

Je passe de 172 millions d'euros à 48 millions d'euros. Ces crédits sont ordinairement consacrés :

aux gros équipements ;

aux moyens mobiles (véhicules, hélicoptères, motocyclettes, moyens nautiques...) ;

aux programmes relatifs aux systèmes d'information et de communication ;

aux opérations immobilières domaniales.

En 2013, ces dotations permettront :

de répondre à la priorité gouvernementale d'achat de 40 millions d'euros de véhicules : cela représente une commande de 2000 véhicules, contre 300 l'an dernier ;

de poursuivre l'évolution des applications métiers dans le domaine des systèmes d'information et de communication à hauteur de 2 millions d'euros.

En revanche, pour ce qui est de l'immobilier, il ne sera pas possible de lancer des opérations de construction ou de réhabilitation lourde. Il ne sera, par ailleurs, pas possible d'accorder des subventions nouvelles aux collectivités territoriales dans le cadre des constructions de casernes locatives sous le régime du décret de 1993. A cet égard, le ministre m'a demandé de lui faire des propositions pour répondre localement aux difficultés qui pourraient advenir.

Il n'y aura pas, pour le prochain triennal, d'opérations dites « de financement innovant » (AOT).

Nous devrions cependant disposer, au profit de l'immobilier, de ressources extrabudgétaires. En effet, la gendarmerie devrait pouvoir bénéficier du retour de ses cessions afin de réaliser des opérations de construction ou de réhabilitation lourde. Je pense notamment à la caserne de Melun ou au quartier Delpal de Versailles-Satory. Ces prévisions sont toutefois conditionnées à la réalisation des cessions prévues.

Vous comprendrez donc l'attention que nous portons au débat sur la mobilisation du foncier public. Le ministre y est extrêmement attentif. Nous espérons que le dispositif législatif qui sera au final adopté ne remettra pas en cause ces retours de cessions.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Avant toute chose, je voudrais saluer l'action des hommes et des femmes de la gendarmerie nationale, qui accomplissent, sur le territoire national, outre-mer ou sur les théâtres d'opérations extérieures, comme en Afghanistan, une mission difficile au service de la sécurité des Français.

Après ces remarques d'ordre général, je souhaiterais, Mon général, vous poser trois questions sur le budget de la gendarmerie pour 2013.

Tout d'abord, je souhaiterais revenir sur le sujet de l'immobilier de la gendarmerie nationale, qui a déjà été évoqué par le ministre de l'intérieur.

Comme vous le savez, 70% du parc domanial de la gendarmerie a plus de 25 ans et certains logements sont dans un état préoccupant. Je pense notamment aux logements des gendarmes mobiles à Versailles-Satory, en particulier le quartier Delpal, que nous avons visité avec mon collègue Michel Boutant.

Or, les conditions de logement des gendarmes et de leur famille ont un impact direct sur le moral et la manière de servir.

Pour la première fois, en 2013, on entend parler d'« année blanche pour l'immobilier », c'est-à-dire qu'aucun investissement n'est prévu pour l'immobilier.

Il ne sera même pas possible d'accorder de nouvelles subventions aux collectivités territoriales et, en matière en financement innovant, aucune autre opération de ce type n'est prévue.

Pourtant les besoins sont urgents, tant en matière de construction (besoin de 200 millions d'euros) que d'entretien lourd (besoin de 100 millions d'euros).

La seule marge de manoeuvre de la gendarmerie en matière d'investissement immobilier est de pouvoir compter sur les revenus tirés des cessions immobilières, notamment la vente de l'ancien siège de la direction générale, rue Saint-Didier.

Mais cet engagement a été remis en cause par la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement (dite loi Duflot), qui prévoyait d'appliquer une décote qui pourrait atteindre 100% de la valeur vénale du terrain. Heureusement, cette loi a été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

Dans ce contexte, je souhaiterais attirer l'attention de nos collègues sur l'importance de ce sujet, dans l'optique de la nouvelle discussion du projet de loi sur la mobilisation du foncier public. Il est en effet crucial que la gendarmerie puisse bénéficier du retour de ses cessions afin de réaliser des opérations de construction ou de réhabilitation lourde. Il serait extrêmement périlleux pour la gendarmerie de connaître trois années blanches consécutives en matière d'immobilier.

Ma deuxième question porte sur les crédits de fonctionnement de la gendarmerie. En raison des fortes contraintes budgétaires et de l'augmentation des loyers, les crédits de fonctionnement de la gendarmerie ont tendance à baisser, ce qui a un impact sur le travail et la présence des gendarmes sur le terrain.

Je donnerai l'exemple du carburant, dont le prix a augmenté mais dont la dotation a tendance à stagner ces dernières années. Ainsi, dans plusieurs groupements de gendarmerie, des consignes ont été données aux gendarmes des brigades de limiter leurs déplacements, de réduire les kilométrages en voiture, de privilégier les déplacements en train, allant jusqu'à préconiser plus de patrouilles à pied et à vélo. Or, cela va réduire la surveillance sur le terrain car on voit mal une patrouille de gendarmerie à pied ou en VTT couvrir les trois ou quatre cantons de sa communauté de brigades.

Je pourrais citer aussi l'entretien des véhicules. Ainsi, les véhicules en mauvais état sont retirés de la circulation, faute de crédits pour les réparer.

Il en va de même pour les munitions, alors que l'entraînement au tir est une obligation.

Je suis également préoccupé par la diminution des crédits consacrés à la formation continue, compte tenu de l'importance de la formation pour le métier de gendarme.

Dans ce contexte, le projet de budget pour 2013 donne-t-il réellement les moyens de fonctionner aux services de gendarmerie ?

Enfin, je voudrais vous interroger, Mon général, sur le faible niveau des crédits d'investissement de la gendarmerie, qui ne permettra pas de lancer de grands programmes d'équipement, comme le renouvellement des véhicules blindés et des hélicoptères de la gendarmerie.

Or, l'état des véhicules blindés, qui datent des années 1970, est préoccupant, puisque le taux de disponibilité n'était que de 71% en 2007.

De même, le remplacement de la flotte des hélicoptères de type Écureuil, dont certains datent des années 1970, par de nouveaux modèles s'impose au regard de la réglementation européenne, qui interdit le survol des zones urbaines aux appareils monoturbines.

Ne pensez-vous pas, Mon général, que la faiblesse des crédits d'investissement aura un impact négatif sur l'avenir de l'Arme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

Je ne reviendrai pas sur les sujets que nous avons déjà abordés avec le ministre de l'intérieur la semaine dernière. Je voudrais simplement saluer l'engagement du gouvernement au service de la sécurité des Français. Alors que les effectifs de la police et de la gendarmerie ont connu une diminution sensible ces dernières années, il est prévu la création de près de 300 postes de policiers et 200 postes supplémentaires de gendarmes en 2013. Dans un contexte budgétaire difficile, je crois que l'on peut se féliciter de cette mesure.

Après ce satisfecit, je souhaiterais, Mon général, vous poser plusieurs questions.

Tout d'abord, qu'en est-il du recrutement effectif des gendarmes et de la différence entre le plafond d'emploi et l'effectif réalisé ? Autrement dit, tous les postes inscrits au plafond d'emploi seront-ils réellement pourvus ?

Je m'interroge également sur l'efficacité du dispositif des communautés de brigades. Si les communautés de brigades ont permis de pallier la baisse des effectifs et de préserver le maillage territorial, en favorisant le regroupement des brigades territoriales et la mutualisation des effectifs et des moyens, je m'interroge, en effet, sur les conséquences de ce dispositif pour la présence des gendarmes sur le terrain et les relations de proximité des gendarmes avec les élus et la population. Je me fais là le porte-parole de nombreux élus locaux, notamment en zone rurale, qui sont plus que réservés sur cette réforme. Ne faudrait-il donc pas revoir, Mon général, le fonctionnement des communautés de brigades ?

Je m'interroge également sur la coopération entre la gendarmerie, les autres services de l'Etat et les collectivités territoriales, face à la hausse des violences infra familiales. En ma qualité de président du Conseil général de Charente, je mesure toute l'importance d'une étroite coopération entre la gendarmerie ou la police avec les services sociaux et ceux du Conseil général.

Je souhaiterais aussi attirer votre attention sur les difficultés rencontrées en matière de sécurité routière en ce qui concerne les poids lourds.

L'efficacité des contrôles et des amendes ne me semble pas toujours au rendez-vous, notamment lorsque les chauffeurs, souvent originaires de pays de l'Est de l'Europe, sont soumis à une forte pression de la part de leurs patrons et sont amenés à enfreindre les règles élémentaires de sécurité.

Une autre question concerne l'équilibre au sein de l'Arme entre les différentes catégories de personnels.

Je pense notamment à l'équilibre entre les officiers et sous-officiers de gendarmerie, d'une part, et les personnels civils et du corps de soutien de la gendarmerie, qui ne sont pas soumis à l'obligation du logement en caserne.

Je pense aussi à l'équilibre entre officiers et sous-officiers et gendarmes adjoints volontaires, qui ne disposent pas des mêmes prérogatives en matière de police judiciaire.

Je pense enfin à l'équilibre entre les gendarmes d'active et les réservistes, qui servent souvent de force d'appoint, notamment en période estivale.

Est-ce que les évolutions de ces dernières années n'ont pas remis en cause ces équilibres au sein de l'Arme ?

Enfin, je souhaiterais connaître votre sentiment sur le rôle joué par les réservistes de la gendarmerie nationale.

J'avais rédigé, avec notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, un rapport d'information consacré au rôle joué par la réserve en cas de crise majeure, qui a donné lieu à une proposition de loi adoptée par le Parlement.

Comme vous le savez, les réservistes opérationnels de la gendarmerie jouent un rôle indispensable de renfort des unités, notamment pendant la période estivale.

Or, depuis quelques années, en raison des restrictions budgétaires, le nombre de réservistes de la gendarmerie et la durée moyenne ont tendance à stagner. Je souhaiterais donc savoir si l'objectif affiché d'une réserve de gendarmerie comptant 40 000 réservistes (contre 25 000 aujourd'hui) vous paraît toujours atteignable et soutenable budgétairement ?

Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. -En réponse à M. Gérard Larcher, il est vrai qu'en matière d'immobilier, il faudrait environ 300 millions d'euros par an pour faire face aux besoins, tant en matière de construction que de rénovation. L'absence de crédits pour l'immobilier de la gendarmerie dans le projet de loi de finances pose un réel problème de fond, qui a un impact direct sur le moral des unités. Je pense par exemple au développement du célibat géographique des gendarmes, en raison des difficultés de logement pour leur famille.

J'ai donc une réelle inquiétude sur l'avenir de l'immobilier de la gendarmerie, compte tenu de l'état de certaines casernes domaniales. Ces dernières années, la gendarmerie a pu compter sur l'aide des collectivités locales, pour la construction de casernes locatives, mais avec pour conséquence une augmentation importante du coût des loyers.

Cela explique toute l'importance que j'attache à la possibilité pour la gendarmerie de bénéficier d'une partie du produit des cessions immobilières pour faire face aux dépenses les plus urgentes.

Concernant les blindés à roue de la gendarmerie mobile, dont la mise en service remonte à plus de quarante ans, nous avons dû renoncer à lancer un programme de renouvellement, faute de crédits d'investissement suffisants, mais j'attache une grande importance à l'entretien de ces blindés, qui participent à la militarité de la gendarmerie et qui jouent un rôle majeur, notamment sur les théâtres d'opérations extérieurs, comme au Kosovo ou en Côte d'Ivoire. Il me paraît en effet fondamental de conserver les compétences de la gendarmerie concernant l'utilisation des blindés à roue, notamment en matière de maintien de l'ordre, car, si cette compétence venait à disparaître avec le retrait des blindés, il faudrait plusieurs années à la gendarmerie pour retrouver les savoir-faire nécessaires à l'emploi de ces blindés. Je n'ai donc aucun état d'âme à entretenir ces blindés, y compris en prélevant des pièces détachées sur les blindés hors d'usage pour remplacer des pièces sur ceux en état de marche.

De la même manière, la gendarmerie nationale compte rapatrier d'Afghanistan l'ensemble des véhicules blindés légers, cédés par l'armée de terre, pour en faire usage au maximum.

Le parc d'hélicoptères de la gendarmerie nationale, qui compte 56 hélicoptères, se compose d'une flotte de 27 appareils récents, de type EC 135 (12) et EC 145 (15), équipés des technologies les plus modernes, notamment avec des caméras thermiques, et de 29 appareils plus anciens de type Écureuil.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Quelle est la durée de vie de ces appareils ?

Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. - Les hélicoptères de type Écureuil sont des appareils monoturbines mis en service à partir de 1978, dont l'âge moyen est de 22 ans. Certains ont plus de 28 ans d'âge.

Faute de crédits suffisants, la gendarmerie nationale a été contrainte de différer le renouvellement de ces appareils par des appareils plus récents, mais je voudrais souligner que les appareils de type Écureuil, à l'image des anciens hélicoptères de type Alouette, sont des appareils très robustes. D'ailleurs, la France exporte encore à l'étranger ce type d'appareil.

En tout état de cause, je veille à l'entretien et au maintien en condition opérationnelle de cette flotte car les hélicoptères de la gendarmerie nationale jouent un rôle essentiel, tant en matière de secours, notamment en mer ou en montagne, qu'en matière de sécurité, comme l'illustre d'ailleurs le fait qu'ils sont utilisés également au profit de la police nationale. Ainsi, les hélicoptères de la gendarmerie jouent un rôle important concernant la surveillance de certaines installations sensibles, à l'image des centrales nucléaires, du réseau électrique ou du réseau ferroviaire, et des installations d'importance vitale.

Enfin, la dotation pour les munitions a été reconduite, les personnels ont besoin de connaître leur arme et donc de s'entrainer. Mais il est vrai que les polices municipales tirent parfois plus de cartouches que les forces de police nationales, ce qui peut sembler paradoxal.

En réponse à M. Michel Boutant, il est vrai que par le passé, en raison de la diminution des effectifs et des crédits, une différence assez importante a pu exister entre le plafond d'emploi et les effectifs réalisés. Cela se traduisait notamment par des sous-effectifs dans certaines brigades, à l'image de la Seine-et-Marne, où on atteignait un déficit de 9 % des effectifs. Pour faire face à cette difficulté, la gendarmerie va accélérer le recrutement des gendarmes-adjoints volontaires et des sous-officiers.

Concernant le fonctionnement des communautés de brigades, s'il me paraît globalement plutôt positif, il est vrai que des difficultés ont pu apparaître, notamment dans des zones rurales à faible effectif. Toutefois, revenir à la situation antérieure me paraît désormais impossible, compte tenu des effectifs dont je dispose. Il est également difficilement envisageable, à la fois pour des raisons liées à l'immobilier, de présence sur le territoire et de proximité avec les élus locaux, d'aller vers un regroupement des brigades territoriales dans le chef-lieu du canton, ce qui serait sans doute la solution la plus rationnelle du point de vue du fonctionnement de la gendarmerie départementale dans certains départements.

Je dois donc, en permanence, faire des arbitrages. Je rappelle ainsi qu'en dépit de la diminution régulière des effectifs au titre de la RGPP, la dissolution de quinze escadrons de la gendarmerie mobile a permis de réinjecter en trois ans 750 gendarmes dans la gendarmerie départementale, soit 250 postes supplémentaires par an, pour renforcer les unités. J'ai également fait le choix de préserver les effectifs de la gendarmerie outre-mer.

La présence sur le terrain et la proximité des gendarmes avec les élus locaux et la population sont des traits caractéristiques de la gendarmerie. Je le répète très souvent aux commandants et à tous les personnels de la gendarmerie, que j'encourage à échanger avec les élus et avec la population. Mais il faut aussi être conscient de la lourdeur des tâches administratives demandées aux gendarmes, dont de nombreuses tâches qui me paraissent indues, telles que les procurations de vote ou les notifications. Ainsi, certaines préfectures ont recours à la gendarmerie pour des notifications de retrait de permis de conduire. Il y a aussi toutes les commissions de sécurité, qui sont très prenantes. Il faut aussi ajouter les transfèrements et extractions judiciaires qui prennent beaucoup de temps à la gendarmerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Je pensais qu'un accord avec été conclu en 2010 entre le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice, prévoyant une reprise progressive par l'administration pénitentiaire des transfèrements et des extractions judiciaires exercées par la police nationale ou la gendarmerie nationale.

Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. -Effectivement. Toutefois, en raison des difficultés rencontrées par l'administration pénitentiaire, le cabinet du Premier ministre a décidé un moratoire pour les régions qui devaient être concernées par ce transfert en 2013 dans l'attente des conclusions d'un rapport d'inspection. La gendarmerie nationale, comme d'ailleurs la police nationale, continue donc d'assurer des tâches de transfèrements et d'extractions judiciaires dans certaines régions.

Concernant l'équilibre entre les différentes catégories de personnels, il est vrai que je préfèrerais disposer d'officiers et de sous-officiers de gendarmerie mais je voudrais souligner l'atout que représentent les gendarmes-adjoints volontaires ainsi que les réservistes de la gendarmerie.

Ainsi, les réservistes opérationnels de la gendarmerie, dont plus de 70 % sont des jeunes, jouent un rôle important de soutien aux unités, au quotidien mais aussi en renfort en période estivale ou pendant de grands événements sportifs, comme le Tour de France par exemple. Ils participent aussi au lien Armées-Nation.

Avec 25 000 réservistes, servant en moyenne 25 jours par an, je pense que nous avons atteint un plafond et je ne suis pas favorable à l'idée d'aller au-delà. Il faut en effet veiller à ne pas diminuer la durée moyenne car cela pourrait avoir pour effet de rendre moins attractive la réserve de la gendarmerie.

Les gendarmes adjoints volontaires sont également des jeunes femmes et hommes avec de remarquables qualités.

Si la gendarmerie présente la particularité d'être relativement éparpillée sur le territoire, le statut militaire du gendarme et sa disponibilité, liée au logement en caserne, permettent de mobiliser, en très peu de temps, un grand nombre de militaires de la gendarmerie en cas de nécessité.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachel Mazuir

Quelles sont les relations de la gendarmerie nationale avec les pompiers ?

Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale.-D'une manière générale, les relations sont très bonnes, même si des difficultés peuvent apparaître ponctuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

Il me semble que des difficultés ont également pu apparaître concernant les maîtres-chiens, avec une concurrence entre les bleus et les rouges.

Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. - Si tel est le cas, je le déplore, car ce type de concurrence est stérile. Je peux vous citer une multitude d'exemples de coopérations efficaces entre la gendarmerie et les pompiers, par exemple en matière de recherche de personnes disparues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Compte tenu de la réduction des effectifs des armées ces dernières années, la gendarmerie nationale constitue aujourd'hui la première force militaire en termes d'effectifs, devant l'armée de terre.

Quelles seraient les conséquences d'une éventuelle réduction du format des armées sur la gendarmerie ? Je pense notamment à notre dispositif de souveraineté outre-mer, où la gendarmerie bénéficie actuellement du soutien des armées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Besson

Compte tenu de l'importance des hélicoptères pour la gendarmerie et des difficultés rencontrées pour assurer le financement du remplacement des appareils de type Écureuil, la gendarmerie nationale ne pourrait-elle pas assurer la modernisation de sa flotte d'hélicoptères en rénovant et en modernisant ses appareils ? Dans mon département, il existe ainsi une entreprise performante, AEROTECH, située à Chabreuil, à proximité de l'ALAT, qui est spécialisée dans la rénovation et la modernisation des hélicoptères.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Berthou

En tant que maire, j'ai toujours été dubitatif sur l'utilité réelle de la vidéo-protection en matière de sécurité. A mon sens, les nouvelles technologies ne permettent pas de remplacer les effectifs de gendarmes et de policiers. Je souhaiterais connaître votre point de vue sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Je m'interroge sur la manière de préserver et renforcer les liens de la gendarmerie avec les élus locaux et la population. Il existe une forte demande des élus locaux, qui regrettent souvent la faible présence et visibilité des gendarmes sur le terrain, ce qui participe au sentiment général d'insécurité. Autrefois, dans mon département, à chaque assemblée générale des maires d'un canton, on faisait venir le commandement de groupement de la gendarmerie qui présentait aux élus locaux un bilan en matière de sécurité. Ce type de réunion n'était pas institutionnalisé car il existait auparavant des relations quotidiennes entre les maires et les élus locaux avec la gendarmerie. Dès lors que ce n'est plus le cas aujourd'hui, ne pourrait-on pas réfléchir, Mon général, à institutionnaliser ce type de réunion afin de renforcer les liens entre la gendarmerie et les élus locaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Comme beaucoup d'élus locaux, notamment dans les zones rurales, je regrette la moindre proximité de la gendarmerie avec la population, qui permettait de nouer des relations de confiance avec les citoyens, ce qui n'était pas sans importance en termes de renseignement, mais aussi de visibilité, et ce qui présentait l'avantage de préserver le sentiment de sécurité. Ainsi, il y avait autrefois ce qu'on appelait les « tournées » de gendarmes, pendant laquelle les gendarmes effectuaient des patrouilles et prenaient le temps de discuter avec les commerçants. Or, je constate qu'aujourd'hui les gendarmes sont moins présents sur le terrain et que ces liens de proximité se sont souvent distendus. Peut-être ce phénomène s'explique-t-il aussi en partie par l'évolution des recrutements au sein de la gendarmerie, la plupart des jeunes gendarmes étant désormais issus des zones urbaines.

Général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. - Concernant l'outre-mer, il existe une réelle complémentarité entre les armées et la gendarmerie, qui ne remplissent pas les mêmes missions mais qui se renforcent mutuellement et c'est très bien. Ainsi, dans le cadre de l'opération Harpie de lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, la gendarmerie bénéficie du soutien indispensable des armées, notamment en matière de soutien logistique. Un allègement éventuel de la présence des armées outre-mer aurait donc des effets très négatifs pour la gendarmerie.

Le maintien en condition opérationnelle des hélicoptères est assuré par la gendarmerie nationale dans le cadre du marché de soutien passé par la SIMMAD. Dans ces conditions et à ce jour, tous nos appareils Ecureuil ont subit plusieurs chantiers de rénovation et de régénération de potentiel, ce qui permet à la gendarmerie d'avoir une flotte répondant aux exigences de sécurité et aux normes de navigabilité.

La vidéo-protection, même si elle ne remplace pas la présence des forces de l'ordre sur le terrain, a des effets positifs en termes de prévention et de lutte contre la délinquance, y compris dans des zones rurales, par exemple pour lutter contre les dégradations ou les vols.

Concernant vos propos sur les relations trop distantes avec les élus et la population, je m'efforce d'encourager cette proximité, qui est fondamentale. Ainsi, je demande régulièrement aux commandants d'unités de veiller à participer aux manifestations du 11 novembre et autres manifestations patriotiques. Je compte également écrire aux commandants de groupements pour qu'ils invitent les maires aux réunions sur le bilan annuel de la sécurité. Plusieurs instruments existent, comme les boites électroniques des unités, qui permettent d'établir rapidement un contact. Je vous invite également à venir la nuit dans les centres opérationnels de la gendarmerie pour mesurer combien notre institution est sollicitée, étant l'un des derniers services publics à fonctionner de nuit. La gendarmerie reçoit plus de 9 millions d'appels la nuit et procède à 1,5 million d'interventions effectives, souvent pour des violences infra familiales. Parfois, les gendarmes sont pris à partie et doivent faire face à des actes de violence, dans certains quartiers sensibles comme dans des secteurs ou l'on s'y attend le moins, l'actualité nous le rappelle quotidiennement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je vous remercie, Mon général, pour vos réponses et je tiens à vous assurer de l'entier soutien du Sénat et de notre commission, en particulier, à la gendarmerie nationale, à laquelle nous sommes tous ici très attachés.