J'ai envisagé une introduction répondant à la plupart de vos questions. Vous inscrivez l'évasion et la fraude fiscales, coeur de votre commission, dans un cadre plus général visant à mieux appréhender les actions menées en vue de réguler la finance.
Je ne rappelle le rôle du Trésor qu'afin de préciser que nous travaillons en lien étroit avec la Direction générale des finances publiques ainsi que la Direction de la législation fiscale sur les sujets d'évasion et de fraude fiscales. Auprès du Ministre, nous participons aux négociations permettant de décliner l'agenda international. Nous sommes mobilisés au G8, au G20, dans l'ensemble des instances financières internationales ainsi que dans le cadre européen (ECOFIN, Eurogroupe). Nous préparons également des projets de loi qui vous sont ensuite soumis.
En matière de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales, notre action poursuit trois objectifs principaux. Le premier est d'identifier puis de faire pression sur les juridictions non coopératives. Ces juridictions sont notamment celles présentant des défaillances en matière de supervision prudentielle. Le Conseil de stabilité financière suit ce sujet. Je suis d'ailleurs Président du groupe d'experts dédié à cette question qui prépare les délibérations de ce conseil. Nous agissons également pour la transparence fiscale au sein du forum mondial, appuyé par l'OCDE. Enfin, nous luttons contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Dans ce cadre, le Trésor prend la tête de la délégation française au GAFI.
Notre second objectif est de promouvoir une plus grande transparence des personnes morales et des autres constructions juridiques, notamment les trusts. Depuis quelques années, nous avons sensiblement progressé dans ce domaine.
Notre troisième objectif est de renforcer les cadres législatifs et réglementaires nationaux en matière de lutte contre le blanchiment et l'évasion fiscale. Les Etats se mettent d'accord au sein d'instances internationales pour fixer des standards et se coordonner pour les atteindre. Nous tentons de donner l'exemple en initiant des réformes. Notre coopération avec la DGFIP et la DLF a été récemment renforcée dans ce domaine. Nous avons en effet mis en place des réunions de coordination afin d'échanger au niveau technique en amont des négociations.
L'agenda en matière de régulation financière est plus que conséquent depuis la crise de 2008. Les actions que nous avons menées dans différents domaines permettent de mieux réguler les banques et les acteurs financiers. La capacité à gérer les crises a été significativement améliorée. Nous avons considérablement renforcé la résilience des banques en augmentant leurs fonds propres dans le cadre de Bâle 3. Nous avons également renforcé leur supervision en mettant en place un collège de superviseurs pour les groupes transnationaux. La loi de séparation et de régulation bancaire a accru la capacité de l'ACP dans ce domaine. Enfin, nous avons amélioré la gestion ordonnée de la liquidation d'une banque en période de crise. Il s'agit de l'agenda de la « résolution ». Dans ce cadre, nous venons d'adopter à l'ECOFIN une approche générale sur le projet de directive relative à la résolution bancaire. Ce projet introduit un régime harmonisé pour la résolution bancaire au sein de l'Union européenne. Ce texte est complété par une nouvelle proposition de la Commission européenne mettant en place un mécanisme de résolution unique pour les Etats membres participant à l'union bancaire. Une agence en charge de ces procédures sera mise en place. Un fonds de résolution financera les interventions de cette agence. Nous espérons adopter ce nouveau texte avant la fin de l'année 2013.
Au-delà de la sphère bancaire, nos efforts portent aussi sur le shadow banking. Il vise à réguler et superviser les acteurs exerçant des activités bancaires sans pour autant être des banques. Une régulation excessive de la sphère bancaire qui délaisserait ces acteurs aboutirait au déplacement des activités. D'autres travaux s'intéressent également aux assureurs systémiques afin d'améliorer la supervision et l'appréhension des enjeux que présentent ces acteurs.
Si vous me le permettez, Monsieur le Président, je vais décliner les domaines faisant, selon moi, l'objet d'importants progrès en matière d'évasion et de fraude fiscales L'essentiel des initiatives a été lancé en 2009 au G 20 de Londres. Les actions ont cependant connu une forte accélération en avril 2013. Le renforcement de la coordination au niveau international en matière de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales a été rendu possible par deux facteurs. Le premier tient aux événements particuliers dans certains pays ayant mobilisé l'attention publique, mais également plus généralement aux informations publiées par des organes de presse, telles que celles rendues publiques dans le cadre d'Offshore Leaks. Le second est lié à l'effort de consolidation des finances publiques consentis par les Etats en cette période de crise. Le phénomène de l'évasion fiscale est devenu de plus en plus Insupportable dans toutes les économies. Nous devons relier le poids pesant sur les finances publiques depuis le début de la crise avec cette énergie déployée par les pouvoirs publics de différents pays afin que l'impôt dû ne s'échappe pas par des circuits parallèles.
Les initiatives nouvelles portent sur la promotion de l'échange automatique d'informations afin d'améliorer la coopération internationale en matière fiscale. De ce point de vue, le mois d'avril a été très important avec une réunion informelle des Ministres des Finances de l'Union européenne à Dublin, avec une initiative de cinq États dont la France, puis lors du G20 à Washington. Pour la première fois, les pays du G20 ont indiqué qu'ils considéraient cet échange comme le nouveau standard international de lutte contre l'évasion fiscale. Plusieurs initiatives concrètes relatives à l'échange automatique d'information sont déjà en cours : le FATCA, modèle américain et l'initiative pilote lancées par 5 pays européens (G5), dont la France fait partie, et qui regroupe désormais 17 pays européens, rejoints par des Etats du reste du monde tels que le Mexique et la Norvège. Les avancées sont très rapides, en lien avec les négociations sur les directives européennes.
La promotion de la transparence des personnes morales et des trusts est l'une des recommandations adoptées par le GAFI. Il s'agit là d'un axe essentiel dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale et le blanchiment d'argent, qui passent souvent par l'utilisation de structures juridiques opaques. Là aussi, la réunion ministérielle du G20 a identifié ces structures comme des entités devant faire l'objet d'attention, en citant pour la première fois explicitement les trusts. En outre, lors du Sommet de Lough Erne en juin 2013, les dirigeants du G8 se sont engagés à mettre en place des plans nationaux afin de lutter contre l'opacité.