Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 7 avril 2011 à 15h00
Bioéthique — Article 20, amendement 26

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

La législation française mise en place en 1994 encadre très strictement l’assistance médicale à la procréation, destinée, selon les termes de la loi, à répondre à la demande parentale d’un couple infertile pour des raisons pathologiques ou à éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. En outre, l’assistance médicale à la procréation est réservée aux couples hétérosexuels stables, en vie et en âge de procréer.

Notre législation se fonde sur un modèle familial dominant, ignorant aujourd’hui assez largement les évolutions à l’œuvre dans la société française. Elle ne laisse aucune place à d’autres modes de parentalité, alors qu’aujourd’hui cette dernière se conjugue désormais au pluriel.

Familles monoparentales, coparentalité, ménages sans famille, réseaux familiaux : l’institution familiale a désormais plusieurs visages et les trajectoires de vie prennent des formes de plus en plus variées, en alternant séquences de vie en couple et séquences de célibat, sans pour autant renoncer à un autre trait de la modernité familiale, à savoir l’attention portée à l’enfant avec l’amour parental comme pierre angulaire.

Nous avons majoritairement admis, depuis quarante ans, qu’il puisse y avoir un découplage entre sexualité et procréation. Il nous faut désormais admettre qu’il puisse y avoir découplage entre sexualité et procréation par l’entremise de la médecine ou d’un tiers consentant, entre conjugalité et filiation, entre parentalité et famille.

Nous considérons qu’il est aujourd'hui de la responsabilité du législateur de prendre en compte ces évolutions majeures et qu’il n’est plus possible de maintenir une législation aussi ostensiblement sourde aux évolutions de la société.

C'est pourquoi nous pensons que l’AMP doit s’ouvrir à d’autres formes de parentalité auxquelles les pratiques sociales actuelles ont d’ores et déjà donné une réalité tangible et ainsi être accessible à tous les couples, quelles que soient les causes de leur infertilité, médicale ou sociale.

Les seules questions à prendre en considération sont celles de la consistance du projet parental et de l’intérêt de l’enfant. Il est, en effet, légitime et nécessaire de se poser la question des éventuelles conséquences psychologiques, affectives et sociales pour un enfant de naître dans des conditions particulières ou de grandir dans une famille dont la configuration serait éloignée des normes sociales majoritaires.

L’expérience désormais acquise, comme la littérature abondante et les recherches réalisées, par exemple, aux États-Unis et en Europe du Nord, montrent assez clairement qu’il n’y a pas d’impact majeur de l’homoparentalité sur le bien-être et le devenir psychologique des enfants. Nous devons donc lever les préjugés et les craintes formulées à l’égard de l’homoparentalité et témoigner du fait que les familles homoparentales sont à la fois des familles hors normes et des familles ordinaires.

Quant à ceux qui doutent de la consistance du projet parental hors des couples « traditionnels », c’est, d’une manière générale, bien mal connaître le parcours du combattant de l’AMP comme de l’adoption. Toutes les situations d’aide à la procréation, de gestation pour autrui ou d’adoption ont en commun un solide projet parental, bien souvent plus abouti que celui des couples classiques dans lesquels l’heureux événement n’est pas toujours un événement attendu.

Avoir un enfant est pour beaucoup de ces couples infertiles un parcours difficile, une somme de souffrances physiques et psychologiques, parfois très grandes. La durée moyenne d’une démarche d’AMP est aujourd’hui de trois ans, un délai durant lequel les parents d’intention ont largement le temps de prendre la mesure de leur choix et des responsabilités qu’il implique.

S’il n’existe pas de droit à l’enfant, il existe cependant la liberté d’en avoir et nous considérons donc qu’il devrait exister un droit à la parentalité. C'est la raison pour laquelle nous vous présentons cet amendement.

Madame la présidente, comme j’ai dépassé un peu mon temps de parole, cet argumentaire vaudra aussi pour l’amendement n° 26.

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