Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 7 avril 2011 à 15h00
Bioéthique — Article 22

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Un débat est né, à l’Assemblée nationale, sur la limitation du nombre d’embryons surnuméraires. En effet, selon les statistiques fournies par l’Agence de la biomédecine dans son dernier bilan, il y avait, au 31 décembre 2007, 154 822 embryons congelés dans les centres d’assistance médicale à la procréation, dont 40 % ne font plus l’objet d’un projet parental et sont donc voués à être détruits à plus ou moins brève échéance.

Soulever la question de la limitation du nombre d’embryons surnuméraires n’est pas illégitime, mais la réponse apportée à l’article 22 nous semble erronée.

Sur la forme, tout d’abord, l’alinéa 6 de l’article 19 du projet de loi prévoit déjà que « la mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés. L’Agence de la biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisées et des résultats obtenus. »

Bien entendu, ni l’Agence de la biomédecine ni les praticiens ne souhaitent que le nombre d’embryons surnuméraires soit trop important.

Le texte adopté en commission à l’Assemblée nationale prévoyait de limiter à trois le nombre d’ovocytes fécondés, en référence à la loi italienne. Cela signifiait que les médecins n’auraient pu féconder que trois ovules pour espérer obtenir un embryon, alors qu’aucune limite n’est actuellement fixée. Étant donné que le taux de réussite des fécondations in vitro ne dépasse pas 30 %, une telle limitation aurait représenté une véritable perte de chances pour les couples infertiles, notamment pour toutes les femmes âgées de plus de 35 ou 36 ans, chez qui il faut implanter au moins deux embryons pour qu’elles aient une chance d’avoir un enfant.

Selon M. François Olivennes, adopter une telle disposition visant à limiter le nombre d’ovules fécondés « entraînerait une chute vertigineuse des résultats de la lutte contre la stérilité en France, qui ne sont déjà pas très bons ».

En séance, le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale a fait adopter un amendement « de compromis », prévoyant que l’on ne crée que le nombre d’embryons « strictement nécessaire » à la réussite de la procréation. La référence au nombre d’embryons a certes disparu, mais cette rédaction pose néanmoins aussi problème : en effet, comment savoir a priori quel est le nombre d’embryons « strictement nécessaire » ?

Personne ne crée des dizaines d’embryons pour le plaisir ! Comme l’explique le professeur Jacqueline Mandelbaum, la stimulation ovarienne est difficile à réguler, mais nous en sommes à un stade où l’on réduit le nombre d’ovocytes fécondés par rapport à une certaine époque, parce que l’on a affiné les pratiques.

Compte tenu des difficultés de la fécondation in vitro, nous pensons qu’il faut laisser une certaine latitude d’action aux médecins et aux biologistes et qu’il leur revient de s’entendre au préalable avec les couples pour limiter le nombre d’embryons surnuméraires.

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