La liberté de procréer est un droit fondamental dans notre société. Elle est aujourd’hui plus grande qu’elle ne l’a jamais été, grâce à certaines avancées médicales telles que la fécondation in vitro, le transfert d’embryons, les micro-injections de sperme. Quelle que soit notre opinion sur la GPA, force est de reconnaître qu’elle est un produit de ces avancées et que, d’une certaine façon, elle permet d’accroître encore cette liberté de procréer.
Pour ma part, je vois dans la GPA d’abord et avant tout une technique supplémentaire pour lutter contre l’infertilité. C’est la raison pour laquelle cette légalisation doit être strictement encadrée, dans les conditions prévues par la proposition de loi déposée par Mme André en janvier 2010.
La GPA serait ainsi réservée aux couples dont la femme se trouve dans l’impossibilité de mener une grossesse à terme ou ne peut la mener sans prendre un risque d’une particulière gravité pour sa santé ou celle de l’enfant à naître. Il s’agit donc non pas d’autoriser je ne sais quelle pratique de confort, mais de répondre à des demandes très précises, très limitées et surtout très douloureuses, celles de ces couples qui ont le « matériel biologique » pour concevoir un enfant, mais dont la femme ne peut mener une grossesse à terme parce qu’elle est privée d’utérus ou qu’elle courrait un risque vital pour sa santé ou celle de son enfant.
La gestatrice devrait être majeure, domiciliée en France et avoir déjà accouché d’un enfant au moins sans avoir rencontré de difficulté particulière durant la grossesse puis l’accouchement. De surcroît, elle ne pourrait ni porter un enfant pour sa fille ni mener plus de deux grossesses pour autrui, et surtout elle ne pourrait pas porter pour autrui un enfant conçu avec ses propres gamètes.
C’est en cela que la GPA se différencie totalement de la pratique dite des mères porteuses, lesquelles donnent en plus leur patrimoine génétique. Cette différence fondamentale n’est pas seulement biologique, elle influe fortement sur la perception du rôle de la femme qui porte l’enfant.
Pour moi, la GPA, que l’on peut aussi appeler « don gestationnel », est loin d’être une réalité honteuse ; elle s’articule autour des notions de don et de vie, et permet aux membres d’un couple infertile de sortir d’une situation de souffrance et de devenir parents. Cette raison est suffisante à mes yeux pour que nous nous engagions sur la voie d’une légalisation de la GPA.
Cette légalisation doit être strictement encadrée. C’est pourquoi la proposition de loi de notre collègue Michèle André prévoit un certain nombre de garde-fous, afin d’éviter des dérives. Ainsi, les couples désireux de bénéficier d’une gestation pour autrui et les femmes disposées à porter un ou plusieurs enfants pour autrui devraient obtenir l’agrément de l’Agence de la biomédecine, qui serait chargée de vérifier notamment l’état de santé physique et psychique de la gestatrice, mais aussi l’autorisation du juge judiciaire, chargé, quant à lui, de vérifier le consentement libre et éclairé de chacune des parties. La GPA ne donnerait lieu ni à publicité ni à rémunération.
Je suis persuadé qu’il est possible de légaliser la GPA dans une perspective éthique, altruiste et non lucrative, en évitant toute marchandisation du corps humain.
J’irai même plus loin : je crois que c’est en refusant d’autoriser cette pratique en France que l’on encourage une telle marchandisation dans des pays où la législation est laxiste. L’analyse de la situation dans les pays développés et démocratiques qui ont légalisé la GPA dans un esprit éthique montre qu’il est parfaitement possible d’éviter toute marchandisation en organisant la GPA dans une perspective altruiste. La situation est bien sûr différente dans des pays comme l’Inde et l’Ukraine, où l’absence de cadre législatif, combinée à une grande pauvreté, conduit à des dérives non seulement dans la pratique de la GPA, mais également en matière d’adoptions ou de dons d’organes.
Je le reconnais volontiers, la question de la gestation pour autrui est loin d’être simple. Mais, au-delà de certains jugements moraux ou de prétendus arguments d’autorité, nous devons essayer, me semble-t-il, d’être à la fois réalistes, pragmatiques et rigoureux : réalistes, parce que la GPA existe ; pragmatiques, parce que tant que la GPA sera interdite en France, certains couples iront à l’étranger ; rigoureux, parce que nous pouvons concilier cette pratique avec nos principes éthiques et juridiques fondamentaux.
Le Sénat s’honore d’avoir ouvert ce débat, que l’on ne peut occulter.