Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 7 avril 2011 à 21h30
Bioéthique — Articles additionnels après l'article 22 quater, amendement 2

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet :

Je m’exprimerai non pas en tant que rapporteur pour avis, puisque la commission des lois n’a pas été saisie de cette partie du texte, mais à titre personnel.

Je voudrais d’abord rappeler que ce que l’on appelle communément la GPA est aujourd'hui sanctionné à la fois civilement et pénalement.

En outre, la grande majorité des travaux préparatoires à la révision des lois de bioéthique ont abouti à la proposition de maintenir l’interdiction de la gestation pour autrui.

Je comprends parfaitement la souffrance des femmes qui ne peuvent avoir d’enfant faute d’utérus ou pour cause de malformation de ce dernier. Je propose cependant de maintenir cette prohibition du recours à la maternité de substitution et de voter contre ces amendements.

En effet, je considère que la maternité de substitution porte atteinte à un principe fondamental qui a été consacré par le Conseil constitutionnel en 1994, à savoir la dignité de la personne humaine, qui repose sur le respect du corps humain, de son inviolabilité et de son caractère non patrimonial. Cette pratique est également contraire au principe d’indisponibilité du corps humain, ainsi que la Cour de cassation vient de le rappeler dans un arrêt rendu hier.

Plusieurs personnes que j’ai auditionnées m’ont indiqué que la maternité de substitution impliquait nécessairement la marchandisation de la mère porteuse et de l’enfant à naître.

Le dispositif des deux amendements identiques ne pourra, de fait, empêcher cette marchandisation, puisqu’il est prévu qu’un dédommagement sera versé à la mère porteuse pour les frais engagés mais non remboursés par la sécurité sociale. Le contrôle du juge ne pourra, en pratique, pas empêcher la remise d’autres moyens de rémunération, moins officiels.

La légalisation de cette pratique impliquera également un bouleversement de notre droit de la filiation, remettant en cause un principe ancien selon lequel la mère est celle qui accouche. Admettre cette pratique conduirait nécessairement, à terme, à réexaminer les modalités d’accès à l’aide à la procréation médicalement assistée, et en particulier à reconsidérer le refus actuellement opposé aux célibataires et aux couples homosexuels. Il est vrai, toutefois, que la situation vient d’évoluer sur ce dernier point.

Par ailleurs, il ne faut pas céder à l’argument du fait accompli et de l’existence de la GPA à l’étranger. En effet, aucun mouvement général allant dans le sens d’une légalisation de cette pratique n’est actuellement observé.

On doit en revanche s’interroger, me semble-t-il, sur les conditions de cette pratique et sur ses conséquences physiques et psychiques pour la mère porteuse et pour l’enfant.

On vient de le rappeler, les risques médicaux encourus par la mère demeurent importants.

En outre, les avis sont partagés sur l’existence de conséquences psychologiques pour la mère porteuse et l’enfant. Permettez-moi simplement de rappeler que, selon le professeur Grimfeld, président du Comité consultatif national d’éthique, les études concluant à l’absence de conséquences psychologiques pour les enfants nés de maternité de substitution seraient contestables, car elles porteraient sur un faible échantillon d’enfants et n’offriraient pas un recul suffisant.

Enfin, des questions très graves ne sont pas prises en compte. Que faire, mes chers collègues, si la mère porteuse souhaite finalement conserver l’enfant, en raison des liens affectifs insondables qu’elle a noués avec lui au cours de la grossesse ? Faudra-t-il saisir le juge en référé pour obtenir l’exécution de force du contrat ?

J’observe que le groupe de travail prévoyait que la mère porteuse puisse devenir la mère dans les trois jours de l’accouchement, recommandation qui n’a été intégrée ni dans les propositions de loi, ni dans les amendements qui les reprennent.

Sachant que la mère porteuse devra déjà avoir eu des enfants, comment ceux-ci comprendront-ils que leur mère porte un enfant pour le remettre à un autre couple, alors qu’elle les a gardés auprès d’elle ?

Je sais bien que plusieurs arguments peuvent militer en faveur de la légalisation de la gestation pour autrui, mais on ne saurait occulter un certain nombre de questions à mon sens fondamentales.

Les intérêts des uns ne sont pas forcément les intérêts des autres, et il n’est pas certain qu’il soit bon, pour un enfant, de venir au monde dans de telles conditions, si forte que soit l’attente du couple demandeur.

En conclusion, je voterai contre les amendements n° 2 rectifié quater et 75 rectifié.

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