Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Réunion du 7 avril 2011 à 21h30
Bioéthique — Articles additionnels après l'article 22 quater

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga :

Je constate que les sénateurs représentant les Français établis hors de France se retrouvent parfois, au-delà des clivages politiques !

À mon tour, je voudrais insister sur le fait que nous sommes les législateurs.

La maxime, évidente pendant des millénaires, selon laquelle la mère est celle qui accouche est déjà contredite par l’adoption plénière. Il y a donc belle lurette que ce grand principe a été dépassé !

Cela étant dit, la gestation pour autrui est un sujet sur lequel il est difficile de se forger une opinion.

Personnellement, je soutiens sa légalisation. J’ai arrêté cette position après avoir participé pendant un an aux réflexions du groupe de travail Terra Nova, lequel comprenait des psychologues, des psychanalystes, des anthropologues, des médecins obstétriciens, des spécialistes de déontologie, qui tous avaient beaucoup lu sur le sujet, essentiellement en anglais malheureusement, car il existe très peu d’études en français.

S’il est difficile de se faire une opinion, en particulier pour une femme, c’est d’abord parce que le vécu et les motivations d’une mère porteuse ne peuvent pas être évalués à l’aune d’une expérience de la maternité vécue dans le cadre d’une relation amoureuse. Une femme qui a l’expérience d’une maternité traditionnelle ne peut pas facilement admettre d’emblée la pratique de la mère porteuse.

Quoi qu’il en soit, nous sommes confrontés à une réalité qui a deux versants, l’un sordide, l’autre altruiste.

Le versant sordide a été très largement médiatisé. En Inde et en Ukraine, des femmes pauvres sont exploitées par des cliniques spécialisées en vue de répondre à la demande de riches couples étrangers ; il s’agit alors d’une activité lucrative qui instrumentalise le corps humain et le transforme en un produit marchand.

Sénatrice représentant les Français établis à l’étranger, j’ai été confrontée à ces pratiques. Elles me révulsent, d’autant qu’elles ont de lourdes conséquences pour les enfants qui en sont issus, dont l’histoire n’est pas plus racontable que celle d’un enfant qu’on est allé acheter dans un orphelinat ; une telle histoire ne peut pas servir de base à la construction de leur personnalité.

Cela étant, la fécondation in vitro existe depuis maintenant vingt-cinq ans. L’enfant ainsi conçu n’est pas non plus l’enfant biologique de la mère porteuse. Cette expérience nous donne du recul.

En outre, des études approfondies font apparaître nombre de fort bons exemples, en matière de gestation pour autrui, en Grande-Bretagne, au Canada, ainsi que dans certains États américains. Je ne crois pas que le législateur anglais ou canadien ait moins de sens moral que le législateur français. Il a autorisé cette pratique exceptionnelle en l’encadrant de façon adéquate. Il s’agissait en particulier d’apporter une réponse aux nombreuses jeunes femmes dont les mères ont pris du distilbène pendant qu’elles étaient enceintes d’elles et qui sont aujourd'hui privées d’utérus.

C’est pourquoi je défends la législation et l’encadrement de la GPA en France, sur les bases de ce qui fonctionne dans des conditions d’humanité irréprochables dans des pays démocratiques semblables au nôtre.

De mon point de vue, le principe de base à respecter pour garantir la réussite de la GPA est que la future mère porteuse, femme en bonne santé dont les précédentes grossesses ont été faciles et heureuses, choisisse elle-même la femme privée de la capacité d’enfanter et décide d’être enceinte pour elle, avec elle. J’ai lu cette phrase écrite par une mère porteuse à la mère d’intention quand elle a appris que l’implantation de l’embryon avait réussi : « Nous sommes enceintes ! »

À cette condition, l’encadrement législatif va garantir la liberté de la mère porteuse, le suivi médical, social et psychologique des couples concernés, la mère porteuse étant le plus souvent une femme mariée.

Une relation de complicité et d’amitié est décrite dans tous ces cas entre la mère porteuse et la mère d’intention. La mère porteuse n’est pas au service de la mère d’intention ; c’est la mère d’intention qui est son obligée. En conséquence, la compensation financière est en réalité un contre-don au don qui est fait par la mère porteuse.

Il est grand temps de légaliser la GPA en France, afin que nous n’ayons plus à lire dans la presse que des enfants vivant dans notre pays, enfants biologiques de leurs parents français, sont privés du droit d’avoir un état civil français parce que leur mère porteuse résidait à l’étranger.

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