Intervention de Anne-Marie Payet

Réunion du 7 avril 2011 à 21h30
Bioéthique — Article 23

Photo de Anne-Marie PayetAnne-Marie Payet :

Le choix de la commission des affaires sociales de passer à un régime d’autorisation signe une rupture radicale avec le choix de la France de respecter la vie et la dignité de l’embryon humain dès le commencement de son développement.

De plus, la recherche sur l’embryon est facilitée puisqu’elle est désormais possible lorsqu’elle « est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs », là où l’actuelle loi n’évoque que des « progrès thérapeutiques ».

Ce choix est d’autant plus scandaleux qu’il ne repose sur aucune justification scientifique solide, comme le souligne le professeur Testart, affirmant, à juste titre, que la recherche sur l’embryon ne fait que « confirmer la victoire des avocats de l’instrumentalisation de l’embryon, sans que cela soit raisonnablement bénéfique pour l’espèce humaine ». En effet, ceux-ci font miroiter, en guise de promesses, les prétendus avantages de l’utilisation des cellules souches embryonnaires humaines, tant pour la médecine régénérative que pour l’industrie pharmaceutique, avec le criblage des molécules, ou encore pour l’assistance médicale à la procréation.

Or, selon le professeur Testart, à tous ces « beaux projets », déjà anciens, il manque « des justifications scientifiques qui devraient être exigées, surtout quand le matériau expérimental est l’embryon humain dont tous prétendent reconnaître qu’il n’est pas un objet banal ».

En outre, ces recherches ne font aucunement suite à une démonstration d’efficacité et des résultats satisfaisants probants chez l’animal, alors que cela aurait été la moindre des choses. Au contraire, « cette prétention à utiliser d’emblée du matériel humain échappe au prérequis de l’expérimentation animale, lequel est justifié scientifiquement mais aussi éthiquement puisque c’est une règle affichée en recherche médicale depuis l’après-Seconde Guerre mondiale », poursuit le professeur Testart.

Les travaux utilisant des cellules souches embryonnaires, obtenues après dissection d’embryons humains surnuméraires ne visent ouvertement pas à la connaissance de l’être en développement, mais servent à instrumentaliser certaines de ses parties.

Comment expliquer la précipitation imposée par des ambitions personnelles ou des pressions industrielles ? Rappelons que le législateur ne peut faire fi de l’obligation légale de ne réaliser des recherches sur l’embryon humain que s’’il n’existe pas « de méthodes alternatives d’efficacité comparable ». Or, ces méthodes existent. Les chercheurs savent en effet reprogrammer de simples cellules adultes en cellules souches pluripotentes : il s’agit des cellules IPS, connues depuis les travaux du professeur Yamanaka et capables de se différencier en diverses cellules spécialisées.

Les IPS ont déjà permis la guérison de pathologies chez l’animal. Deux équipes de chercheurs – l’une, japonaise, l’autre, américaine – ont annoncé en novembre 2007 avoir réussi à transformer des cellules de peau humaines en cellules pluripotentes.

Jusqu’à aujourd’hui, nombre de chercheurs pensaient que, pour disposer de cellules pluripotentes, il fallait détruire un embryon humain. Ces publications prouvent le contraire.

Les cellules IPS suscitent désormais chez les chercheurs un immense enthousiasme, après un certain scepticisme, du fait de leur supériorité, pratique et éthique, par rapport aux cellules souches embryonnaires. À l’annonce des résultats du professeur Yamanaka, le professeur Wilmut, « père » scientifique de la brebis clonée Dolly, a annoncé, en novembre 2007, l’abandon de ses recherches sur le clonage, au profit de la production de cellules souches sans embryon. Pour lui, les recherches menées par l’équipe de Yamanaka ont plus d’avenir que l’utilisation d’embryons.

Voilà qui permet de tempérer les affirmations péremptoires du professeur Peschanski ! Ce dernier affirme en effet que l’interdiction de la recherche sur les cellules souches embryonnaires ferait prendre à la France du retard par rapport aux autres pays européens. Cette opinion est totalement contredite par les faits. Rappelons ce que soulignait très justement le professeur Testart : « Nul ne semble prendre en compte que la possibilité de recherche sur les embryons humains, ouverte depuis 1990 en Grande-Bretagne, n’a conduit à aucun résultat d’intérêt. »

Plus prometteuse sur le plan scientifique, la recherche sur les cellules souches adultes ne pose, de surcroît, aucun problème éthique. À l’inverse, il s’agit de bien comprendre que la recherche sur les embryons suppose d’accepter de tuer un être humain en devenir à des fins de recherche.

Comment expliquer l’obstination de certains chercheurs à vouloir travailler sur ces cellules sans résultat probant, alors qu’il existe une méthode fiable de thérapie alternative qui ne pose, par ailleurs, aucun problème éthique ? Faut-il y voir des intérêts économiques ?

N’effectuer aucune congélation et réimplanter immédiatement les embryons artificiellement fécondés me paraît constituer la solution la plus sage.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le législateur ne doit pas se donner un pouvoir illimité sur l’être vivant.

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