Intervention de Muguette Dini

Réunion du 16 avril 2014 à 14h30
Artisanat commerce et très petites entreprises — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission, amendements 59 60 90 91

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 27 juin 2013, Philippe Kaltenbach et moi-même avons rendu public notre rapport d’information, fait au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, sur l'application des dispositions de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie relatives à la création de l'auto-entrepreneur. Nous avons formulé quinze préconisations. Nombre d’entre elles figurent dans le présent projet de loi, ce dont je me réjouis.

Je concentrerai donc mon propos sur les mesures liées au régime de l’auto-entrepreneur. Ma collègue Nathalie Goulet s’exprimera ensuite, au nom de notre groupe, sur les autres sujets.

Mes amendements n° 59 et 60, identiques aux amendements n° 90 et 91 de mon collègue co-rapporteur, transposent deux de nos principales recommandations qui pourraient compléter utilement le texte qui nous est soumis ; j’y reviendrai.

Tout d’abord, j’établirai un rapide constat.

Partant de l’idée, largement partagée, selon laquelle la création d’entreprise est encore en France trop lourde et trop complexe, la loi de modernisation de l’économie a créé le statut d’auto-entrepreneur. Il s’agissait de permettre à toute personne désireuse de créer son entreprise de le faire sans complications inutiles.

La simplification, maître-mot du dispositif, s’est déployée sur les plans à la fois fiscal, social et déclaratif. Elle résultait non seulement de la faculté offerte à l’auto-entrepreneur d’opter pour un versement social et fiscal simplifié et libératoire, mais aussi d’une dispense d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés et au répertoire des métiers.

La montée en puissance du nouveau dispositif a été très rapide. La première année, en 2008, 328 000 auto-entrepreneurs se sont inscrits, réalisant un chiffre d’affaires de près de 1 milliard d’euros.

Six ans plus tard, il convient de regretter que la priorité ait été accordée à la simplification aux dépens de la cohérence, ce qui explique les onze modifications législatives et les sept décrets publiés en quatre ans.

Depuis sa mise en œuvre, les acteurs économiques s’opposent sur le régime de l’auto-entrepreneur.

Certains, principalement les artisans, mettent en avant trois types de critiques.

Ils dénoncent tout d’abord une distorsion de concurrence. La part de marché du secteur du bâtiment concernée par cette concurrence demeure marginale, puisqu’elle représente entre 0, 7 % et 1, 1 % du chiffre d’affaires global, mais, en période de crise, toute diminution d’activité est durement ressentie, principalement par les artisans et petits entrepreneurs opérant déjà dans le domaine.

Les artisans pointent ensuite le risque de fraude sur le chiffre d’affaires. Il faut admettre que la simplicité du dispositif et l’allégement des formalités et déclarations engendrent, de fait, une possibilité accrue de fraude, alors même qu’il est par définition très compliqué, pour les URSSAF, de contrôler des chiffres d’affaires. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, a constaté une fréquence importante des fraudes dans les contrôles diligentés sur des auto-entrepreneurs, mais pour des volumes de redressement limités, pour tout dire insignifiants.

Enfin, les artisans attirent l’attention sur le risque de salariat déguisé.

En revanche, d’autres acteurs soulignent la simplicité d’un régime qui encourage la création d’une activité et incite à ne pas exercer d’activités non déclarées. Il est vrai que ce régime a contribué à permettre à nombre de nos concitoyens de se constituer un revenu d’appoint.

Notre rapport ne préconise aucun bouleversement de l’arsenal législatif et réglementaire, mais, à l’instar du présent projet de loi, il propose des ajustements pour instaurer plus d’équité avec les autres formes d’entreprises.

Nos recommandations sont organisées autour de trois axes forts.

Le premier axe est celui de la clarification du régime. C’est l’objet de mon amendement n° 59. Il s’agit de donner une base juridique à la dénomination d’auto-entrepreneur, en la mentionnant expressément dans les textes d’application de la LME.

Nous conforterons ainsi le statut social des personnes qui créent leur activité et renforcerons la lisibilité du cadre juridique dans lequel les prestations sont effectuées. Cela permettra également d’informer davantage les employeurs sur l’activité d’auto-entrepreneur menée par leur salarié comme activité secondaire, pour améliorer la transparence et la lutte contre le travail dissimulé.

Le deuxième axe est celui de la sécurisation de l’entrée dans le régime. Nous retrouverons celui-ci au travers des dispositions des articles 9 et 13 du présent projet de loi, portant sur la généralisation de l’immatriculation des auto-entrepreneurs, la vérification des qualifications professionnelles et l’obligation de souscrire des assurances professionnelles requises pour l’exercice de certaines professions.

Cela dit, sur ce dernier point, j’ai déposé un amendement visant à revenir à la rédaction adoptée par nos collègues députés.

Le troisième axe est celui de l’accompagnement des auto-entrepreneurs vers le droit commun de l’entreprise individuelle.

Mon amendement n° 60 reprend cette préconisation et vise à mettre en place un suivi des auto-entrepreneurs susceptibles d’accéder au statut de droit commun à compter d’un seuil de 50 % du plafond de chiffre d’affaires autorisé en fonction de l’activité d’auto-entrepreneur.

Le financement de ce dispositif mobilisera les fonds de la formation professionnelle, évalués à 10 millions d’euros et versés par les auto-entrepreneurs, ainsi que l’Agence pour la création d’entreprises, en lien avec les acteurs consulaires et le réseau des experts-comptables.

L’objet de ces deux amendements est de parfaire la mise en place de cette chaîne vertueuse de développement de l’activité par une meilleure préparation des auto-entrepreneurs potentiellement susceptibles de rejoindre le cadre général de la création d’entreprise.

Globalement, ce projet de loi représente, en ce qui concerne le régime de l’auto-entreprise, un véritable progrès, et tient compte des inquiétudes manifestées par les auto-entrepreneurs et les artisans. §

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