La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Louis Mercier, qui fut sénateur de la Loire de 1983 à 2001.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (projet n° 376, texte de la commission n° 441, rapport n° 440, avis n° 442 et 446).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre, que je félicite pour sa nomination.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le ministère de l’économie, c’est d’abord le ministère de la croissance : la croissance de l’économie, la croissance des entreprises, la croissance du nombre d’emplois, la croissance de la richesse créée. Nous sommes des militants de la croissance.
Voilà pourquoi je veux dire avec beaucoup de fierté que ce ministère est d’abord celui des artisans, des commerçants, des entrepreneurs, des très petites entreprises, des petites et moyennes entreprises et des entreprise de taille intermédiaire, avant d’être, comme on le croit toujours, celui des quarante plus importantes entreprises de France, regroupées sous l’appellation « CAC 40 ».
C’est dans cet état d’esprit que je viens défendre, au nom du Gouvernement, le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. Ce texte a été voté dans le plus large consensus, grâce, notamment, au travail remarquable de ma collègue Sylvia Pinel, qui en est à l’origine. Ce travail sera poursuivi par Mme la secrétaire d’État Valérie Fourneyron, qui maîtrise parfaitement ces sujets, qu’elle a pris à bras-le-corps dans le cadre de ses mandats à Rouen, notamment, et qu’elle entend traiter avec l’engagement volontaire qu’on lui connaît. Je sais pouvoir compter sur une secrétaire d’État passionnée et une travailleuse chevronnée.
Quelle est l’ambition qui sous-tend ce texte ? Elle part de la conviction communément partagée que ce sont les entrepreneurs, la petite entreprise, les artisans, les commerçants et les micro-entrepreneurs qui construisent notre économie, façonnent nos territoires, embauchent, forment, transmettent les savoir-faire, portent nos traditions et les modernisent.
Les artisans, les commerçants, les petits entrepreneurs sont l’âme de l’économie. Depuis des générations, ils fabriquent l’économie française, consolident les rapports de confiance entre les gens dans les villages, dans les quartiers, dans les centres-villes. Ils assurent la transmission des savoirs d’une génération à une autre. Ils défendent aussi l’amour du travail bien fait, l’exigence de l’excellence, parfois même de la beauté. Ils savent ce qu’est la peine au travail, la peine tout court. Le travail en famille au sens large, auquel la femme ou le mari participent, parfois les enfants, c’est la force de cet entrepreneuriat où la force de travail constitue le seul capital.
Cette vie au travail est ponctuée des risques que ces hommes ou ces femmes prennent, avec parfois la peur de ne pas réussir, la mise en jeu de la famille, la crainte des jours difficiles, le poids des dettes, des charges, des lois et règlements que l’on ne comprend pas, mais aussi les joies, les moments de bonheur et de réussite, la satisfaction des clients, le bonheur de la trouvaille… Bref, on ne parle pas assez de cette vie, dont les dirigeants politiques doivent avoir à cœur d’accompagner les bonheurs, mais aussi de connaître les difficultés, afin d’y porter remède.
« On a souvent besoin d’un plus petit que soi », nous enseigne La Fontaine. Cette leçon, tirée de la fable Le Lion et le Rat, mériterait d’être répétée aujourd’hui à bien des grands groupes et à bien des banques…
Les grandes entreprises ne suffisent pas à faire notre croissance. Nous avons oublié que, à l’origine de beaucoup d’entre elles, il y avait un homme ou une femme, un entrepreneur. Un André Citroën réussirait-il aujourd’hui ? Ce n’est pas certain. Comment le marché financier le regarderait-il ? Qui se rappelle que Louis Blériot et Marcel Bloch ont uni leurs toutes petites entreprises en une société, la Société nationale des constructions aéronautiques du Sud-Ouest, qui deviendra Sud Aviation, puis Airbus ?
Nous devons retrouver le chemin de la croissance et des emplois. Cette croissance, nous devons la construire ensemble, avec ces millions d’entrepreneurs. Elle nous permettra de préparer et d’organiser un meilleur avenir par nos propres ressources.
Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui est une pierre importante de ce chemin. Nous devons aller plus loin sur le financement des petites entreprises, sur la simplification en matière de création d’entreprise, d’obligations comptables, nous devons réfléchir ensemble sur les seuils fiscaux et sociaux, et, surtout, pousser partout l’envie d’entreprendre. La France est déjà une nation d’entrepreneurs par son histoire, sa tradition ; elle doit l’être plus encore à l’avenir.
Le texte dont vous êtes saisis est divisé en trois volets : les baux commerciaux, la petite entreprise et l’urbanisme commercial. Je vais maintenant les détailler devant vous.
Tout d’abord, nous réformons la source même de l’activité économique, à savoir le bail commercial, qui lie les artisans et les commerçants à leur outil de travail : le local qu’ils occupent.
Si la plupart des entreprises artisanales et commerciales sont titulaires d’un bail, celui-ci peut évoluer au cours du temps et ne les protège donc pas toujours de la pression concurrentielle autour des meilleurs emplacements. Il était nécessaire de faire enfin du bail un document qui rétablit l’équilibre des relations entre bailleurs et preneurs.
Le bail dérogatoire, qui permet aux entreprises démarrant leur activité de ne pas s’engager sur une période trop longue sans connaître la viabilité de leur projet, verra sa durée étendue à trois ans, au lieu de deux aujourd’hui. C’est une durée mieux adaptée à la montée en puissance des projets.
La commission des lois – je salue Mme Bonnefoy, rapporteur pour avis, et M. Sueur – a, notamment, amélioré la définition que nous proposions, afin de conférer plus de sécurité juridique à ceux qui choisissent ces baux atypiques.
Le projet de loi met également un terme à une évolution du prix du loyer qui n’est plus liée à la réalité économique vécue par les entreprises. L’article 2 porte donc sur l’adoption de l’indice des loyers commerciaux, l’ILC, comme référence pour l’indexation des loyers. Contrairement à l’indice du coût de la construction, qui est utilisé, l’ILC reflète le contexte économique de la zone dans laquelle est implanté le commerce. Ce sera donc un facteur de justice et d’équité pour les commerçants.
Par ailleurs, le projet de loi limite à 10 % par an les réajustements qui peuvent être appliqués au preneur dans les cas d’exception au plafonnement des baux. C’est une mesure essentielle pour permettre aux commerces de faire face à des hausses brutales, liées à un changement de contexte, comme la mise en service d’un transport en commun ou l’ouverture d’équipements nouveaux, et susceptibles de les pousser hors des centres-villes.
Nous avons tous en tête les difficultés de certains commerces – je pense notamment aux libraires –, qui peinent à supporter des augmentations démesurées au regard de leurs marges, alors même que nous avons besoin d’eux dans nos villes. C’est un point fondamental que de protéger contre les mouvements excessifs de l’économie spéculative le commerce et l’artisanat dans nos quartiers. Cela vaut pour les petites villes comme pour les grandes.
Les commerces ont besoin de stabilité, de prévisibilité et de visibilité pour se développer. Il n’est pas acceptable que le loyer, dans certains cas, pèse plus que la masse salariale. Il s’agit d’un sujet consensuel, comme j’ai pu le constater lors des débats en commission, et je suis heureux de vous voir, mesdames, messieurs les sénateurs, vous rassembler autour de cette mesure indispensable à la préservation d’un tissu commercial diversifié.
En outre, il était nécessaire de rétablir un équilibre entre le locataire et le propriétaire, dont la relation peut être fortement asymétrique dans certains baux commerciaux.
Ainsi, l’état des lieux est rendu obligatoire et il est prévu d’annexer au bail un inventaire précis des charges locatives, ainsi que de leur répartition entre le preneur et le bailleur.
Un droit de préférence est également reconnu au preneur lors de la vente du bien qu’il occupe. Cela nous semble évident pour les particuliers, mais ce n’était pas le cas pour les commerçants, qui pouvaient voir leur local vendu sans même en être informé ni avoir la possibilité de le racheter. C’est donc là une protection supplémentaire bien appréciable.
Enfin, dans un souci de simplification des relations, et donc pour limiter autant que possible le recours coûteux, long et difficile au juge lors de conflits ou de désaccords, la compétence des commissions de conciliation est étendue aux litiges portant sur les charges, qui sont les plus fréquents. Il s’agit là encore d’un progrès appréciable.
Au travers de son deuxième volet, le projet de loi s’adresse à toutes les petites entreprises, pour faciliter leur création et l’exercice de leur activité.
Il y a aujourd’hui, vous le savez bien, beaucoup de régimes différents. Ils sont peu lisibles pour celui qui veut créer une entreprise, et complexes à vivre au quotidien pour le chef d’entreprise. Il est proposé d’en simplifier l’accès, d’alléger les formalités comptables de ces structures fragiles et de poser les bases pour tendre vers un régime unique de la micro-entreprise.
Cette réforme structurelle étant particulièrement longue et complexe, il est proposé d’en fixer les principes et de simplifier les régimes déjà existants.
Tout d’abord, ce texte s’adresse aux artisans. La superposition dans la loi de notions accolées à ce statut a rendu celui-ci illisible. Le projet de loi supprime la notion d’« artisan qualifié », dont l’existence même crée une ambiguïté en laissant croire que certains artisans ne seraient pas qualifiés. Être artisan, cela voudra désormais dire que l’on est un chef d’entreprise qualifié, soit par diplôme, soit par l’expérience dans un métier. Il s’agit d’une mesure essentielle pour la valorisation des artisans, la reconnaissance de la qualité de leur travail et de leur savoir-faire.
Nous renforçons également la vérification de la qualification professionnelle de tous les artisans par les chambres de métiers et d’artisanat, lorsqu’elle est obligatoire, et ce qu’il s’agisse de l’entrepreneur lui-même ou d’un salarié. C’est une exigence que nous devons aux consommateurs et aux artisans eux-mêmes, afin de valoriser ces métiers auprès des jeunes générations.
Par ailleurs, parce que le nombre de salariés ne change pas la façon dont une entreprise exerce son activité, la limite de dix salariés au-delà de laquelle les entreprises artisanales ne pouvaient plus rester immatriculées au registre des métiers avait été supprimée. J’ai noté que cette mesure a fait l’objet d’un très large consensus au sein de la commission des affaires économiques : l’intérêt que les sénateurs de toutes les sensibilités portent aux mesures utiles et pragmatiques s’est manifesté à l’occasion de l’examen d’amendements déposés par Mme Lamure. Le Premier ministre a invité à dépasser les clivages pour élaborer des mesures favorables à l’économie. Je serais heureux que le présent projet de loi soit une première concrétisation de cet élan.
De la même manière, les entreprises artisanales de plus de dix salariés qui font l’objet d’une cession ou d’une transmission pourront rester immatriculées au registre des métiers.
L’objectif est bien de garantir la qualité des prestations et la confiance des consommateurs qui font appel à un artisan.
De plus, le projet de loi réforme l’entrepreneuriat individuel et les régimes de la micro-entreprise.
Le Premier ministre, Manuel Valls, a indiqué qu’il souhaitait préserver le statut d’auto-entrepreneur. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous connaissons tous des auto-entrepreneurs qui se démènent pour créer leur propre activité ; pourquoi les en dissuader ? Il faut reconnaître que le régime de l’auto-entrepreneur a permis à de nombreuses personnes de lancer un projet de création d’entreprise ou de compléter leur revenu par une activité d’appoint. Cette facilité dans la création d’activité doit être préservée.
Cet objectif semble désormais faire consensus, mais le dispositif a montré des limites, en créant les conditions d’une concurrence parfois inéquitable avec les entrepreneurs soumis au droit commun ; certaines dérives ont été constatées.
C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité corriger les aspects négatifs de ce régime dans le sens d’une plus grande équité et d’un rapprochement avec le droit commun, tout en conservant ce qui fait son intérêt : la simplicité de déclaration et de paiement des charges sociales.
Dans la préparation du projet de loi, le Gouvernement s’est appuyé sur les travaux du député Laurent Grandguillaume, qui a mené une réflexion sur la simplification des régimes juridiques, sociaux et fiscaux de l’entrepreneuriat individuel dans son ensemble. Je tiens à remercier M. Grandguillaume, ainsi que les sénateurs Philippe Kaltenbach et Muguette Dini : ils nous ont permis de dégager un ensemble de propositions fondées sur l’équité, la lisibilité et la simplicité du régime de l’entrepreneur individuel, organisé autour d’un régime simplifié de micro-entreprise.
Le Gouvernement entend préserver la simplicité du régime de la micro-entreprise, tout en réalisant une plus grande convergence avec les entreprises de droit commun ; permettez-moi de vous présenter les principales mesures qui doivent servir cet objectif.
Premièrement, pour tous les entrepreneurs individuels relevant du régime social des indépendants, le RSI, le régime micro-fiscal et le régime micro-social de paiement libératoire sur le chiffre d’affaires des cotisations et contributions sociales sont fusionnés pour créer le régime unifié de la micro-entreprise. Cette mesure simple et compréhensible par tous se substitue nécessairement au seuil intermédiaire qui figurait dans le projet de loi initial, dès lors qu’il n’existera plus qu’un seul seuil pour ce nouveau régime de la micro-entreprise.
Deuxièmement, les bénéficiaires de ce régime pourront choisir de compléter leurs cotisations sociales jusqu’au montant des cotisations minimales de droit commun, afin d’acquérir les droits à prestations correspondants. C’est une mesure d’équité.
Troisièmement, les cotisations des conjoints collaborateurs des entrepreneurs au régime de la micro-entreprise, dont le recouvrement n’est pas opérationnel aujourd’hui, pourront désormais être calculées et payées, comme celles du chef d’entreprise, par application d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires qui sera fixé par décret.
Quatrièmement, en contrepartie de ces avancées, tous les bénéficiaires du régime simplifié qui exercent une activité commerciale ou artisanale devront, à l’avenir, s’acquitter des taxes pour frais de chambres consulaires. Le maintien de l’exonération, envisagé initialement, doit être abandonné dans une logique d’équité, mais aussi pour financer l’accompagnement des TPE par les réseaux consulaires. Du reste, les représentants des auto-entrepreneurs conviennent eux-mêmes que cette évolution est juste. Cette mesure d’alignement sur le droit commun complétera la réforme de la CFE, la cotisation foncière des entreprises, réalisée par la loi de finances pour 2014, qui a supprimé l’exonération de CFE pour les auto-entrepreneurs, en mettant en place un mode de calcul plus favorable aux TPE et applicable à l’ensemble d’entre elles, quels que soient leur forme et leurs statuts.
Cinquièmement, dans la même logique d’alignement sur le droit commun, les micro-entrepreneurs du secteur de l’artisanat ne seront plus dispensés du stage de préparation à l’installation prévu pour les artisans.
Cet ensemble de mesures rend plus simple, plus lisible et plus équitable le droit des très petites entreprises. L’alignement des différents régimes rendra plus aisé le passage des micro-entreprises à potentiel vers un régime au réel, d’autant que des dispositifs d’accompagnement seront mis en place pour faciliter cette transition. Il s’agit bien d’une réforme globale, destinée à inciter les entrepreneurs à se développer et à leur en donner les moyens.
L’entrée en vigueur de ces mesures est fixée au 1er janvier 2015, afin de permettre l’adaptation des systèmes d’information et de gestion du RSI et d’informer les entrepreneurs des nouvelles modalités.
J’ajoute que les auto-entreprises actives dans les secteurs concernés devront s’immatriculer au répertoire des métiers et que les corps de contrôle seront compétents pour vérifier le respect des obligations d’assurance. La commission des affaires économiques a souligné ce point ; M. le président Raoul, notamment, a évoqué les entreprises de la construction et les assurances couvrant les chantiers.
En outre, au nom du même esprit d’équité, ces entreprises ne pourront bénéficier de la formation continue que si elles ont effectivement contribué au fonds de formation pendant l’année écoulée.
Par ailleurs, le projet de loi permet au régime de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée de gagner en simplicité et en lisibilité, et ainsi de devenir plus attractif pour les TPE et pour les créateurs d’entreprise. Ce régime permet à son titulaire de limiter son exposition patrimoniale au risque professionnel sans le contraindre à la création d’une entité sociale distincte, démarche qui rebute un certain nombre d’entrepreneurs. Les modifications proposées simplifient en particulier les démarches comptables.
L’ensemble de ces mesures a donc pour objectif de faciliter la vie des entreprises au quotidien et de simplifier leur création.
Le troisième volet du projet de loi comporte une série d’outils destinés à permettre aux élus d’agir plus efficacement en faveur du maintien des entreprises de proximité.
Ainsi, le projet de loi facilite l’utilisation, par les communes, du droit de préemption commercial, en ouvrant la possibilité de le déléguer à un établissement public, à une intercommunalité ou à une société d’économie mixte, même en dehors d’une opération d’aménagement d’ensemble. C’est un outil indispensable, qui permettra aux élus locaux de maintenir la diversité des TPE artisanales et commerciales, notamment dans les centres-villes, alors même que les plus petites communes ne disposent pas toujours de l’appui technique et juridique ni des moyens nécessaires pour mener ces opérations complexes.
Un diagnostic complet du dispositif a été établi en concertation avec les élus, pour lever les freins à son usage. Nous avons modifié la version initiale du texte pour simplifier encore la procédure et faciliter la phase de reprise du fonds de commerce par un professionnel. En particulier, le délai imposé à la commune pour rétrocéder le fonds, à condition que celui-ci soit exploité, sera allongé.
Le développement équilibré de toutes les formes de commerce justifie l’intervention régulatrice de la puissance publique locale, dans le respect, bien entendu, de la liberté d’entreprendre. La cohérence et l’efficacité de cette régulation peuvent être améliorées sans procéder à un bouleversement global du dispositif.
La réforme de l’urbanisme commercial proposée par le Gouvernement a été inscrite dans ce projet de loi pour plus de lisibilité et de transparence. Une unique disposition portant sur l’urbanisme commercial a également été introduite dans la loi ALUR pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dont l’application sera désormais suivie par Mme Sylvia Pinel, ce qui garantit une certaine cohérence : il s’agit de la régulation des drives, qui sont désormais soumis à l’autorisation des commissions de l’aménagement commercial.
Après de nombreux échanges avec l’ensemble des acteurs concernés, nous avons intégré la réforme de l’urbanisme commercial dans ce projet de loi. Je tiens à saluer le rôle déterminant joué par M. Bérit-Débat, dans le cadre de l’élaboration tant de la loi ALUR que du présent projet de loi.
Ce texte prévoit donc la fusion des procédures de permis de construire et d’autorisation d’exploitation commerciale. Les commissions rendront un avis conforme sur les projets. Il comporte ensuite une modification de la composition des commissions, pour permettre une professionnalisation de leurs membres et une plus grande transparence. Enfin, il maintient les trois critères d’autorisation existants, mais en les précisant sur le fondement de la jurisprudence du Conseil d’État.
Par ailleurs, afin d’améliorer l’efficience de la Commission nationale d’aménagement commercial, la CNAC, qui est pénalisée par des recours dilatoires, il est proposé d’empêcher le dépôt à plusieurs reprises, pour un même terrain, d’un projet qui n’aurait pas connu de modifications importantes.
Dans le même objectif de simplification des procédures, le projet de loi prévoit que le pétitionnaire conserve son autorisation si l’enseigne qu’il a indiquée dans son projet change au cours de la réalisation de celui-ci. Cela participe de la simplification voulue par le Président de la République, qui en a de nouveau souligné la nécessité dans son discours du 31 mars dernier.
En revanche, la CNAC pourra s’autosaisir pour les projets de grande envergure, de plus de 20 000 mètres carrés, dont la dimension dépasse le territoire départemental, et souvent même régional.
Au cours de son examen à l’Assemblée nationale, le projet de loi a été enrichi d’utiles compléments destinés à renforcer la transparence, grâce notamment aux contributions des députés radicaux et communistes. Lors des travaux de la commission des affaires économiques du Sénat, j’ai d’ailleurs noté que M. Labbé a poursuivi dans cette voie.
Enfin, le projet de loi comporte une réforme, devenue indispensable, du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC. Actuellement immobilisé par la contradiction entre la croissance des besoins dans les territoires les plus fragiles et les contraintes budgétaires, cet outil sera refondé sur de nouvelles bases.
L’objectif de la réforme est de clarifier les modes d’intervention en favorisant une logique de projets plutôt que de guichet. Les modalités d’attribution précises des aides du FISAC réformé sont de nature réglementaire ; elles seront donc fixées par un décret, qui sera pris rapidement après l’adoption du projet de loi.
Afin de résoudre le problème des plus de 1 500 dossiers en stock, nous avons abondé le fonds à hauteur de 35 millions d’euros en 2013 ; il sera de nouveau abondé cette année.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales mesures que comporte ce projet de loi. Le travail accompli par vos commissions des affaires économiques, des lois et de la culture a permis de l’enrichir.
Je me réjouis de l’attitude positive manifestée lors de ces travaux de commission par les différents groupes parlementaires, de la majorité comme de l’opposition. J’ai à cœur que nos débats sur un texte équilibré, pragmatique et très concret se poursuivent dans le même esprit.
Le Gouvernement a déposé dix amendements. C’est davantage que nous ne l’aurions souhaité, je dois le dire, mais l’actualité récente nous a amenés à faire évoluer le texte sur un certain nombre de points. Je vous propose, avec la même franchise, de débattre sur l’ensemble.
Si le redressement de notre économie passe par la compétitivité retrouvée de notre industrie, de nos grands groupes et de nos grandes entreprises, il serait illusoire de croire que nous pouvons laisser de côté les artisans, les commerçants et les TPE. Souvenons-nous que 94 % des entreprises de notre pays comptent moins de dix salariés ! S’appuyer sur elles pour faire grandir notre économie est une nécessité fondamentale.
C’est aux hommes et aux femmes qui font vivre ces entreprises que je pense à cet instant : les maçons, coiffeurs, menuisiers, boulangers, restaurateurs, horlogers, cafetiers, blanchisseurs, bijoutiers, tailleurs, artisans d’art, combien d’autres encore… Ce projet de loi vise à leur faciliter la vie, à eux qui rencontrent tant de difficultés dans leur quotidien, alors qu’ils consacrent leur énergie au développement de leur activité et au maintien dans l’emploi de leurs salariés.
Vous le savez, le Gouvernement entend supprimer, à compter du 1er janvier 2015, les cotisations patronales à l’URSSAF pour les salariés payés au SMIC. Cette mesure apportera des marges de manœuvre à l’artisanat, au commerce et aux TPE. Le barème des allégements existants entre le SMIC et 1, 6 fois le SMIC sera modifié en conséquence.
En outre, les travailleurs indépendants et les artisans, qui représentent des gisements de création d’emplois dans notre pays, bénéficieront d’une baisse de plus de trois points de leurs cotisations « famille » dès 2015, pour un montant total de 1 milliard d’euros.
Voilà pour les actes ! Mesdames, messieurs les sénateurs, j’attends avec impatience d’entendre vos commentaires, vos objections, vos propositions. La France des petites entreprises a besoin de nous tous : sur un tel texte, il me semble que nous devons pratiquer la co-construction, plutôt que la confrontation.
Je souhaite que nous agissions dans un esprit unitaire et de manière concrète pour redresser et renforcer notre économie du quotidien. Vive le redressement productif, vive l’artisanat, vive le commerce, vive la petite entreprise, vive la République et vive la France !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je tiens, en préambule, à remercier Sylvia Pinel et ses collaborateurs, avec qui nous avons travaillé sur ce texte avant le changement de gouvernement, ainsi que vous-même, monsieur le ministre, pour avoir repris ce projet de loi à bras-le-corps. Je vous prie de transmettre mes vœux de prompt rétablissement à Valérie Fourneyron, nouvelle secrétaire d'État chargée du commerce et de l'artisanat.
Outre des dispositions ponctuelles relatives aux réseaux consulaires, au FISAC ou au statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, ce texte aborde quatre sujets principaux : le régime des baux commerciaux, l’harmonisation des régimes fiscal et social de la très petite entreprise, la définition du champ de l’artisanat et, enfin, la législation de l’urbanisme commercial.
À travers le traitement de ces sujets, relativement indépendants les uns des autres, s’exprime une même volonté : celle de créer des conditions favorables au développement du tissu des petites entreprises qui maillent l’ensemble du territoire et assurent à la population une offre de proximité, ainsi que de nombreux emplois peu délocalisables.
Je rappelle que l’artisanat représente près du tiers des entreprises du secteur marchand, 3 millions d’emplois, dont 2 millions d’emplois salariés, et plus de 100 milliards d’euros de valeur ajoutée par an. Quant au commerce, il offre 3 millions d’emplois salariés. Au total, ces deux ensembles constituent 15 % du PIB français.
Je rappelle aussi la place prépondérante qu’occupent les très petites entreprises dans ces deux secteurs. Dans le secteur artisanal, les structures de moins de dix salariés représentent plus de 95 % du total des entreprises. Même si, dans le commerce, la situation est plus contrastée, puisqu’on y trouve de grands groupes, le petit commerce de proximité compte encore plus de 300 000 très petites entreprises.
Il est donc essentiel de créer des régulations spécifiques pour ce secteur de notre économie d’importance stratégique.
Un des outils historiques de cette régulation est le régime des baux commerciaux. Ce régime offre déjà aux commerçants des règles protectrices pour garantir la pérennité de l’exploitation commerciale, telles que le droit au renouvellement du bail, des règles de plafonnement des loyers ou encore le droit de céder le bail en cas de cession du fonds de commerce.
Le projet de loi vise à conforter, à moderniser et à simplifier ce régime protecteur, par des mesures nouvelles fortes que M. le ministre vient de rappeler : obligation d’établir un état des lieux d’entrée et de sortie ; obligation de réaliser un inventaire des charges et de préciser leur répartition entre le preneur et le bailleur, dans un triple objectif de transparence, de proportionnalité et d’équilibre des charges entre bailleurs et locataires ; lissage des augmentations de loyer dans les cas où le plafonnement ne s’applique pas ; droit de préférence pour le commerçant en cas de cession des locaux loués.
Je l’ai souligné en commission la semaine dernière et je le rappelle aujourd’hui, la principale difficulté posée par cette partie du texte est que ses dispositions s’appliquent à des formes d’activités souvent très différentes. Un régime protecteur qui limite assez fortement le droit de propriété du bailleur se justifie, incontestablement, pour des petits commerçants indépendants de centre-ville en situation de faiblesse économique, mais les baux commerciaux s’appliquent également à des formes de commerces qui possèdent un pouvoir de négociation important face aux bailleurs et sont même parfois en position de force par rapport à eux.
Au-delà encore, les baux commerciaux peuvent concerner des activités de logistique ou de bureaux, très éloignées d’une activité commerçante. En raison du caractère universel de ce régime, il y a donc un risque d’étendre les nouvelles protections à des situations pour lesquelles elles ne sont ni économiquement pertinentes ni politiquement justifiées.
Les députés ont entrepris de corriger les problèmes de ciblage originels du texte, en recentrant les protections nouvelles sur les acteurs qui ont vocation à en bénéficier. L’équilibre trouvé par l’Assemblée nationale est le bon.
C’est pourquoi, la semaine dernière, la commission des affaires économiques a simplement adopté des amendements destinés à sécuriser le dispositif, en encadrant l’exercice du droit de préférence dans les centres commerciaux ou en apportant des clarifications sur la répartition des charges entre locataires et bailleurs.
Certains des amendements que nous examinerons visent, cependant, à étendre ces nouvelles protections aux commerçants des centres commerciaux, au motif que, dans ces centres, on ne trouve pas que des géants du commerce, mais aussi une part minoritaire de commerces indépendants de taille relativement modeste. Il me semble que, en allant dans cette direction, on créerait surtout un effet d’aubaine en faveur des grands commerces, au risque de perturber gravement l’équilibre d’ensemble de l’économie des centres commerciaux et de déstabiliser l’investissement immobilier commercial. Les commerçants les plus modestes des centres commerciaux risqueraient de ne pas être gagnants à terme, car les bailleurs exigeraient probablement des droits d’entrée importants pour compenser l’insécurité accrue de leurs investissements.
Concernant la réforme du régime de la micro-entreprise, nous sommes arrivés également à un texte d’équilibre et d’apaisement. Artisans et auto-entrepreneurs sont assez satisfaits de la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, qui préserve, et même approfondit, la simplicité fondamentale du régime de l’auto-entreprise, tout en soumettant cette dernière à des obligations qui permettent d’éviter le risque, bien identifié, de distorsion de concurrence, de sous-déclaration de l’activité, voire de dissimulation du travail salarié.
Sur la base des préconisations du rapport de nos collègues Philippe Kaltenbach et Muguette Dini et de celui du député Laurent Grandguillaume, le Gouvernement a posé les fondements d’un régime unique de la micro-entreprise, en fusionnant le régime micro-social et le régime micro-fiscal. L’article 12 du projet de loi vise à soumettre, par principe, les micro-entrepreneurs au paiement des cotisations minimales de droit commun, mais l’article 12 ter, lui, prévoit la possibilité d’opter pour le non-paiement de ces cotisations minimales, préservant ainsi le principe du « pas de chiffre d’affaires, pas de cotisation ». Par défaut, les micro-entrepreneurs ne seront pas soumis aux cotisations minimales, sauf s’ils souhaitent disposer d’une meilleure protection sociale et formulent une demande spécifique en ce sens.
En contrepartie de ces avancées, tous les bénéficiaires du régime simplifié seront soumis à l’obligation d’immatriculation. En outre, ils ne seront plus dispensés de stage de préparation à l’installation, pour les auto-entrepreneurs de l’artisanat, et il sera mis un terme à l’exonération, au bénéfice des auto-entrepreneurs, des taxes pour frais de chambres consulaires.
Au total, l’alignement des différents régimes rendra plus aisé le passage des micro-entreprises ayant un potentiel de développement vers le régime au réel. Cette transition sera encore facilitée par des dispositifs d’accompagnement restant à mettre en œuvre.
Concernant la réforme du statut de l’artisanat, le texte prévoit d’apporter des clarifications bienvenues, qui répondent aux intérêts tant des artisans que des consommateurs.
Le projet de loi vise à établir que seules pourront se prévaloir de la qualité d’artisan les personnes qui possèdent un certain niveau de qualification professionnelle. L’obligation d’inscription sur le registre des métiers pour l’exercice des activités totalement libres ne permettra plus automatiquement de se dire artisan.
Autre progrès, la vérification sur pièces des qualifications est désormais autorisée pour les chambres de métiers.
Sur cette partie du texte, la commission des affaires économiques a adopté plusieurs amendements qui, selon nous, confortent les avancées que j’ai décrites.
Un amendement a permis de prendre en compte la vérification de la qualification des coiffeurs, qui avaient été oubliés parce que leur statut n’est pas régi par la loi de 1996.
Un autre amendement a permis d’étendre la vérification des qualifications requises dans deux cas importants : celui où une entreprise déjà existante modifie son domaine d’activité et celui où la qualification est détenue non pas par le chef d’entreprise, mais par un salarié.
Enfin, l’adoption d’un troisième amendement a permis de mieux cibler l’obligation faite aux artisans de prouver qu’ils ont souscrit les assurances obligatoires. Cette obligation portera sur le seul cas qui intéresse directement les consommateurs, à savoir la garantie décennale en matière de travaux de construction.
J’en viens maintenant à la réforme de l’urbanisme commercial.
Sur la forme, il est un peu dommage qu’il n’y ait pas eu de rapport préparatoire sur ce sujet, permettant une réflexion préalable partagée. Il est regrettable, aussi, que la discussion se soit engagée au Parlement sur un texte incomplet. Les dispositions clés de la réforme ne figuraient en effet pas dans le texte initial. Elles ont été introduites en partie dans le projet de loi ALUR, avant d’en être retirées, à la demande du Sénat, et plus particulièrement du rapporteur du texte, Claude Bérit-Débat. Elles ont ensuite été de nouveau introduites, à l’Assemblée nationale, dans le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, et modifiées par voie d’amendement gouvernemental. Au final, nous avons le sentiment que les choses n’ont peut-être pas été mises à plat comme elles auraient dû l’être.
Sur le fond, le texte proposé vise avant tout à simplifier l’existant, sans pour autant le bouleverser. Il n’y a pas d’intégration de l’urbanisme commercial dans l’urbanisme de droit commun, puisque l’ensemble des dispositions figurant dans le code de commerce sont maintenues : obligation d’obtenir une autorisation d’exploitation pour les projets commerciaux les plus significatifs, maintien des commissions départementales d’aménagement commercial, les CDAC, maintien de la Commission nationale d’aménagement commercial…
La réforme est en fait avant tout procédurale : elle prévoit que, pour les projets nécessitant la délivrance d’un permis de construire en sus de l’autorisation d’exploitation commerciale, le permis pourra tenir lieu d’autorisation d’exploitation. La prise de position de la CDAC ou de la CNAC est ramenée au rang d’avis conforme, que l’on peut considérer comme un acte préparatoire à la délivrance du permis de construire. Désormais, seul ce dernier est attaquable devant le juge administratif, ce qui permettra d’« économiser » le temps du recours contre la décision de la CNAC devant la cour d’appel, puis devant le Conseil d’État, soit un gain de plusieurs mois.
Un second avantage est que la procédure intégrée garantit une meilleure cohérence entre la décision prise sur le fondement du code de commerce et celle prise en application du code de l’urbanisme. Il était courant que le projet faisant l’objet de la demande de permis de construire ne corresponde pas à celui autorisé par la CDAC. Ce ne sera désormais plus possible.
Outre cette réforme de la procédure d’autorisation, le texte comprend aussi une réforme de la composition et des critères de décision de la CDAC. Il prévoit une augmentation du nombre des membres de droit qui y siègent de manière permanente, de façon à donner plus de cohérence aux décisions de la commission à travers le temps. Il prévoit également l’introduction d’un nouveau type de critères relatifs à la protection du consommateur.
Enfin, le projet de loi comporte une réforme du statut et de la composition de la CNAC. Cette dernière devient une autorité administrative indépendante, et son collège passe de huit à douze membres. Elle se voit dotée, en outre, d’un pouvoir d’auto-saisine pour les projets de plus de 20 000 mètres carrés.
Sur cette partie du texte, la commission a adopté plusieurs amendements que nous lui avons présentés : l’articulation du schéma de cohérence territoriale, le SCOT, avec le travail de la CDAC et la procédure de délivrance du permis de construire a été précisée, afin de donner au SCOT toute sa portée ; la composition de la CDAC et de la CNAC a été modifiée afin d’assurer la représentation de l’échelon intercommunal ; les litiges portant sur le permis de construire tenant lieu d’autorisation d’exploitation commerciale ont été renvoyés directement à la cour administrative d’appel, afin d’accélérer le temps des procédures contentieuses ; la nature des critères de décision de la CDAC relatifs à la protection des consommateurs a été précisée.
Nous aurons l’occasion d’examiner, dans la suite du débat, plusieurs amendements tendant à « muscler » un peu cette réforme de l’urbanisme commercial. Il s’agit notamment de renforcer le volet commercial du SCOT et de prendre pour référence des seuils de saisine de la CDAC la surface de plancher plutôt que la surface de vente.
Avant de conclure, je souhaite remercier les rapporteurs pour avis de la commission de la culture et de la commission des lois, Didier Marie et Nicole Bonnefoy, de leur contribution très positive à l’élaboration du texte qui est aujourd’hui soumis au Sénat.
Au total, ce projet de loi privilégie une approche pragmatique pour lever certains freins au développement du monde de l’artisanat et du petit commerce, et pour corriger quelques-uns des déséquilibres qui pourraient le menacer. C’est pourquoi je proposerai au Sénat de l’adopter tel que modifié par les amendements que nous aurons pu approuver au cours des débats.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication n’avait initialement que peu de raisons de se pencher sur le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises dans sa version déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 29 janvier dernier, et moins encore de s’en saisir pour avis.
L’introduction sur l’initiative du Gouvernement, en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, d’un article 24 bis nouveau concernant le régime d’autorisation applicable à l’implantation d’établissements cinématographiques, puis, en séance publique, des alinéas 28 à 30 de l’article 9, relatifs à la définition des métiers d’art, a modifié notre analyse et nous a conduits à nous saisir de ces dispositions.
L’article 9, tout d’abord, a trait à la qualification professionnelle et à la définition de la qualité d’artisan. Il modifie plusieurs dispositions de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat, pour redéfinir plus clairement les critères permettant de qualifier un artisan.
Lors de l’examen du texte en séance publique, l’Assemblée nationale a adopté un amendement, soutenu par votre prédécesseur, monsieur le ministre, visant à permettre enfin d’identifier clairement les entrepreneurs artisans relevant des métiers d’art et pouvant être qualifiés d’« artisans d’art ».
Aujourd’hui, la frontière entre artisans traditionnels et artisans d’art est floue, et aucun élément de définition ne permet de les distinguer de façon certaine au sein des 217 métiers répertoriés, depuis 2003, dans l’arrêté dit « Dutreil » fixant la liste des « métiers de l’artisanat d’art ».
On trouve entre autres professionnels, dans cette liste, les imprimeurs d’estampes, les doreurs sur métal, les ébénistes ou les peintres sur porcelaine. Comme l’a souligné une étude du ministère de l’économie datant de 2009 et mise en ligne par l’Institut national des métiers d’art, un métier peut relever de plusieurs activités différentes et correspondre à des entrepreneurs ne relevant absolument pas des métiers d’art. L’approche « métier » est donc aujourd’hui insuffisante pour identifier les artisans d’art, ce qui explique la difficulté rencontrée pour obtenir des études statistiques fiables et, surtout, pour identifier sans équivoque les artisans pouvant bénéficier du crédit d’impôt en faveur des métiers d’art.
Au cours des auditions que nous avons menées, j’ai pu constater combien le sujet mobilisait de nombreux acteurs du secteur de l’artisanat et au-delà. Ces auditions me permettent de dresser aujourd’hui trois constats.
Tout d’abord, la définition, dans la loi, du sous-ensemble des entreprises d’artisanat d’art au sein des métiers d’art répond aux attentes du secteur, soucieux de définir son périmètre et sa spécificité, afin de pouvoir enfin bénéficier de politiques de soutien ciblées et pertinentes.
Ensuite, d’autres témoignages ont montré une méconnaissance des règles en vigueur chez certains acteurs et une confusion quant à la portée de cette définition. Plusieurs de nos interlocuteurs ont exprimé la crainte qu’elle n’exclue bon nombre de professionnels du secteur des métiers d’art. Il me paraît important de redire que le dispositif proposé ne concerne que l’artisanat et que le présent texte n’a pas vocation à définir tous les autres pans de la création relevant également des métiers d’art. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir lorsque le projet de loi sur la création sera soumis à notre examen.
Enfin, des inquiétudes tout à fait légitimes relatives au choix des termes utilisés pour définir les artisans relevant des métiers d’art ont été exprimées. C’est la raison pour laquelle la commission de la culture a adopté un amendement de réécriture partielle de l’alinéa 29 de l’article 9, qui permet de lever les quelques ambiguïtés que la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale pouvait soulever, notamment quant à la dimension artistique des métiers d’art.
En outre, je crois que les professionnels de la culture seraient plus sereins si vous pouviez confirmer, monsieur le ministre, que cette disposition relative aux artisans d’art n’interférera en aucun cas avec le code du patrimoine.
Ainsi conçu, ce nouvel élément de définition des artisans d’art devrait rassurer l’ensemble des professionnels et permettre à la France de poursuivre efficacement sa politique de soutien aux métiers d’art, cette spécificité française, apparue au XIIIe siècle, qui a permis de faire vivre, pendant plusieurs siècles, le génie français. Je suis heureux que nous nous apprêtions à mettre nos pas dans ceux d’Henri IV, de Louis XIV ou de Bonaparte, qui ont su donner ses lettres de noblesse à cette tradition séculaire faisant la renommée de notre pays et représentant aujourd’hui un secteur d’activité fort de 38 000 entreprises et de plus de 50 000 emplois, pour un chiffre d’affaires annuel de plus de 3, 5 milliards d’euros.
J’en viens maintenant à l’article 24 bis.
Je crois pouvoir dire que, au-delà de nos diverses sensibilités politiques, nous sommes tous très attentifs à l’économie du secteur du cinéma, tant celui-ci tient une place fondamentale dans le contenu de l’exception culturelle à la française.
À ce titre, la commission de la culture avait d’ailleurs organisé une table ronde sur ce sujet en février 2013. De même, il y a deux mois, nous avons eu l’occasion d’évoquer l’avenir du cinéma français en séance plénière.
L’article 24 bis du projet de loi a un objet plus limité, en ce sens qu’il se résume à la transposition dans le code du cinéma et de l’image animée des dispositions relatives au régime d’autorisation applicable à l’implantation d’établissements cinématographiques actuellement dispersées entre le code du cinéma et le code de commerce. Mais il doit aussi être replacé dans le cadre plus large des réflexions que j’évoquais à l’instant. Les amendements déposés témoignent d’ailleurs des préoccupations de nos collègues à ce sujet.
La réglementation relative à l’aménagement cinématographique a été élaborée, à sa création en 1996, par analogie avec le régime applicable à l’ouverture et à l’extension des grandes surfaces commerciales prévu par la loi du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat, dite « loi Royer ».
Pour répondre aux tentatives récurrentes de contournement du régime d’autorisation, le dispositif a progressivement été renforcé, jusqu’à la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui a défini les critères actuellement en vigueur. Sont ainsi soumis à autorisation les projets portant création d’un établissement de plus de 300 places, ainsi que les projets d’extension ou de réouverture au public d’un établissement ayant atteint ce seuil ou ayant vocation à le dépasser.
La réforme de 2008 a également conduit, en application de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, à substituer aux critères économiques des critères relatifs à l’offre culturelle.
L’autorisation d’implantation est donnée par la commission départementale d’aménagement commercial siégeant en matière cinématographique, au regard tant de l’effet potentiel de la réalisation du projet sur la diversité cinématographique dans la zone d’influence concernée que de ses conséquences sur l’aménagement culturel du territoire. En cas de rejet, un recours peut être déposé devant la commission nationale, qui tranche en dernière instance.
L’article 24 bis n’a pas vocation à modifier le dispositif existant, ni à refondre les critères de sélection des projets présentés. Toutefois, je me félicite de ce que les commissions départementales et nationale d’aménagement cinématographique soient consacrées en tant que telles, et non plus seulement comme des émanations ponctuelles des commissions d’aménagement commercial. Accueillir un expert supplémentaire du secteur cinématographique en leur sein, sans modifier le nombre des personnalités qualifiées, est une bonne chose.
Certains d’entre nous pourraient regretter le manque d’ambition de cet article, tant il est vrai que l’aménagement cinématographique des territoires ne se limite pas au dispositif d’autorisation applicable à l’implantation d’établissements. Il entraîne en effet des conséquences en matière de diversité culturelle, d’équilibre concurrentiel entre multiplexes et salles d’art et d’essai et, au-delà, pose la question de l’avenir du modèle économique du secteur cinématographique français.
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, la commission de la culture est particulièrement attentive à ces problématiques. Elles ont par ailleurs récemment fait l’objet de travaux d’expertise. Je pense notamment au rapport sur le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l’heure du numérique remis par René Bonnell en janvier 2014 et au rapport sur le bilan du régime d’autorisation d’aménagement cinématographique issu de la loi de modernisation de l’économie rendu il y a moins d’un mois par notre ancien collègue Serge Lagauche. Il y est question de ciblage des subventions, de réforme de la chronologie des médias et de régionalisation du dispositif d’aménagement cinématographique du territoire. Mais le présent texte, faute du temps nécessaire pour procéder à l’évaluation des propositions des auteurs et à la consultation des professionnels et des élus, ne les met en œuvre, dans la version transmise au Sénat, qu’a minima.
Les récentes discussions entre le Centre national du cinéma et de l’image animée et les ministères concernés ont toutefois permis, ces tout derniers jours, d’avancer sur trois propositions formulées par Serge Lagauche. Il s’agit d’éviter la fermeture des « petits » cinémas, de soumettre à autorisation les extensions permettant à un établissement d’atteindre le seuil de huit salles, mais également de prendre en compte le schéma de cohérence territoriale ou le plan local d’urbanisme, ainsi que la cartographie des établissements existants, pour juger de la pertinence d’un projet.
Ces avancées sont importantes pour le maintien de la diversité cinématographique dans nos territoires et, à titre personnel, je remercie le Gouvernement d’avoir très rapidement mené le travail interministériel préalable permettant aujourd’hui de nous proposer les dispositions législatives nécessaires. Je souhaite qu’elles puissent s’appliquer, grâce à leur introduction dans le présent texte par notre assemblée, dès l’adoption de ce dernier.
Par ailleurs, s’agissant des réformes de plus grande ampleur envisagées au travers des travaux d’expertise que je mentionnais à l’instant, les prochains rendez-vous législatifs, qu’ils concernent les missions des collectivités territoriales en matière culturelle ou l’avenir de la création cinématographique et de son financement, ne pourront faire l’économie d’une réflexion plus approfondie. Notre commission de la culture y veillera.
À ce stade, qui ne concerne, je le rappelle, que le seul régime d’autorisation des implantations de salles, notre commission vous propose de lier plus efficacement l’aménagement cinématographique aux engagements de programmation pris par les exploitants de salles en faveur de la diversité de l’offre. Ainsi, lorsque le projet concerne l’extension d’un établissement existant, un contrôle du respect de l’engagement de programmation souscrit précédemment par l’exploitant devra être réalisé par le Centre national du cinéma et de l’image animée préalablement à l’instruction du dossier et transmis à cet effet à la commission d’aménagement cinématographique compétente. Tel est le sens de l’amendement que la commission de la culture vous proposera d’adopter.
Permettez-moi enfin de dire quelques mots d’un amendement déposé par le Gouvernement, tendant à l’habiliter à prendre par ordonnances, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, les mesures nécessaires à la création d’un nouveau statut d’établissement d’enseignement supérieur consulaire.
Le sujet avait été évoqué lors de l’examen du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, l’année dernière. Les écoles de commerce ont été historiquement constituées sous la forme de simples services des chambres de commerce et d’industrie, dépourvus de statut juridique propre. Les principales agences d’accréditation internationales ont recommandé le renforcement de l’autonomie de gouvernance de ces écoles, ce qui a incité certains de leurs dirigeants à opter pour un statut associatif, statut dont la Cour des comptes a souligné les limites en 2013.
La réforme tant attendue n’a pu aboutir lors de l’élaboration de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, le Gouvernement ayant alors indiqué que la réflexion devait se poursuivre. L’objet de l’amendement présenté à l’occasion de la discussion du présent projet de loi indique que le Gouvernement envisage de créer des « entités autonomes de droit privé dédiées à la gestion de leurs écoles d’enseignement supérieur » et un statut d’établissement d’enseignement supérieur consulaire. Ce nouveau statut comportera des garanties relatives à l’indépendance du corps professoral, sur le plan social, mais également sur le plan patrimonial.
La commission de la culture, bien qu’elle ne se soit pas saisie de cette disposition, a estimé que les mesures envisagées permettraient de consolider l’autonomie de gestion des écoles consulaires, qui pourraient ainsi poursuivre leur développement stratégique dans de meilleures conditions. Elle se félicite donc de cette avancée.
Sous réserve de l’adoption de ses amendements, la commission de la culture a rendu un avis favorable à l’adoption du présent projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a souhaité se saisir pour avis de ce projet de loi en raison de ses compétences en matière de droit commercial et de droit administratif.
Nous avons ainsi examiné une vingtaine d’articles concernant le statut des baux commerciaux, le statut juridique des entreprises et les relations entre commerçants et personnes publiques, selon l’approche de rigueur juridique qui est la nôtre, bien connue de la commission des affaires économiques…
Notre commission s’est d’abord intéressée à la réforme des baux commerciaux.
Je tiens tout d’abord à saluer le travail approfondi réalisé par la commission des affaires économiques sur cette question. Elle a apporté, sur l’initiative de notre collègue Yannick Vaugrenard, un certain nombre de modifications bienvenues, que nous approuvons pleinement. Je pense en particulier à l’article 1er, relatif au bail commercial dérogatoire : le projet de loi prévoyait des modifications qui bouleversaient trop les règles de sortie de bail ; ces modifications ont été heureusement retranchées du texte.
La commission des lois propose donc au Sénat quelques modifications complémentaires, qui ne remettent pas en cause le nouvel équilibre entre bailleur et locataire formulé par le projet de loi, mais visent à clarifier ou à préciser certains dispositifs, ainsi qu’à en conforter la sécurité juridique.
L’objectif est d’éviter de faire naître de nouveaux contentieux, dans l’intérêt commun du bailleur et du locataire, et dans le respect des règles et des pratiques existantes, lorsque celles-ci font l’objet d’un relatif consensus parmi les acteurs concernés.
Je rappelle que toute la difficulté de la réforme des baux commerciaux réside dans le fait qu’il s’agit d’un outil juridique unique destiné à régir des situations très diverses, et donc des intérêts très variés. Qu’y a-t-il en effet de commun entre un bail conclu entre un commerçant retraité propriétaire d’un local commercial en pied d’immeuble d’habitation et un petit commerçant en centre-ville, un bail conclu entre un gestionnaire de centre commercial et une chaîne nationale de magasins, et un bail conclu entre une grande société foncière et une société multinationale pour la location d’une tour de bureaux ?
La commission des lois propose, en particulier, de clarifier les modalités d’application des nouvelles règles d’indexation des loyers des baux commerciaux sur l’indice des loyers commerciaux ou l’indice des loyers des activités tertiaires, afin que tous les types de locaux soient bien couverts, mais aussi de préciser les conditions d’établissement de l’état des lieux ou les obligations d’information du bailleur en matière de charges locatives. Je n’entre pas davantage dans le détail ; nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.
J’en viens au deuxième sujet qui a retenu l’attention de la commission des lois : les dispositions relatives au statut juridique des entreprises, en l’espèce des très petites entreprises.
Outre la réforme du régime de l’auto-entrepreneur, que je tiens à saluer, même si elle n’entre pas dans le champ de l’avis de la commission des lois, car il s’agit d’un régime fiscal et social et non d’un régime juridique, le texte tend à apporter plusieurs simplifications bienvenues au statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, créé par un texte que la commission des lois avait examiné en 2010.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce statut est loin d’avoir rencontré le succès escompté. Alors que le Gouvernement envisageait, en 2010, que l’on compte 100 000 entrepreneurs individuels à responsabilité limitée à la fin de l’année 2012, on recensait seulement 17 896 EIRL inscrits aux différents registres au 31 août 2013, chiffre à rapporter à un total de près de 1, 8 million d’entrepreneurs individuels.
Notre collègue Antoine Lefèvre a d’ailleurs procédé à une analyse assez approfondie des causes de ce relatif échec dans le cadre de l’avis qu’il a rédigé, au nom de la commission des lois, sur les crédits affectés au développement des entreprises dans le projet de loi de finances pour 2014. Il a relevé que la complexité du dispositif était indissociable de la protection juridique qu’elle offre à son bénéficiaire, ajoutant à juste titre que « si l’on veut préserver les droits des créanciers, ce qui constitue une exigence constitutionnelle liée au droit de propriété, les perspectives d’amélioration et de simplification du régime de l’EIRL restent modestes ».
Le projet de loi reprend cependant plusieurs de ses préconisations, qu’il s’agisse des allégements comptables, qui participent d’un mouvement général de simplification, ou de la mise en place d’une procédure de transfert. À cet égard, je présenterai quelques amendements de précision.
La troisième série de dispositions que nous avons examinées pour avis porte sur les relations entre commerçants et personnes publiques.
Les personnes publiques peuvent intervenir par le biais de leurs prérogatives de puissance publique pour maintenir ou soutenir des activités commerciales sur leur territoire ou à travers leur domaine public sur lequel s’exercent des activités commerciales.
La commission des lois a approuvé l’extension aux établissements publics de coopération intercommunale du droit de préemption des locaux commerciaux, réservé actuellement aux communes.
En revanche, nous proposerons de supprimer la disposition selon laquelle l’attribution d’une subvention à une société commerciale peut avoir pour contrepartie une restriction de la distribution des dividendes, car elle nous semble manifestement contraire à la jurisprudence constitutionnelle en matière de droit de propriété et de liberté d’entreprendre, d’autant qu’elle ne repose sur aucun motif d’intérêt général.
Par ailleurs, la commission des lois a approuvé globalement les modifications visant à faciliter les conditions d’utilisation du domaine public à des fins d’activité commerciale : droit pour un commerçant de présenter un successeur dans une halle ou un marché communal et possibilité de solliciter, en prévision de l’acquisition d’un fonds de commerce, une autorisation d’occupation du domaine public.
Par contre, la commission des lois s’est montrée plus circonspecte sur la transmission automatique aux héritiers d’un commerçant décédé d’un droit d’occupation du domaine public pour poursuivre l’exploitation du fonds. Je présenterai un amendement visant, tout en conservant l’esprit de la disposition, à la rendre plus conforme à la protection constitutionnelle dont bénéficient les propriétés publiques.
La commission des lois a adopté également un amendement tendant à clarifier l’innovation juridique, introduite par l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement, consistant à permettre de constituer un fonds de commerce sur le domaine public. Les débats sur ce point en commission des lois ont été animés. L’examen de l’article 30 ter nous permettra de revenir sur cette question, aux enjeux pratiques sans doute limités, mais à la portée juridique indéniable.
Enfin, la commission des lois propose d’assurer quelques coordinations avec des textes qu’elle a examinés au fond : la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence dans la vie publique, d’une part, et le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, en cours de navette, d’autre part.
Sous réserve de l’adoption de ses amendements, la commission des lois a donc émis un avis favorable sur les dispositions qu’elle a examinées.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 27 juin 2013, Philippe Kaltenbach et moi-même avons rendu public notre rapport d’information, fait au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, sur l'application des dispositions de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie relatives à la création de l'auto-entrepreneur. Nous avons formulé quinze préconisations. Nombre d’entre elles figurent dans le présent projet de loi, ce dont je me réjouis.
Je concentrerai donc mon propos sur les mesures liées au régime de l’auto-entrepreneur. Ma collègue Nathalie Goulet s’exprimera ensuite, au nom de notre groupe, sur les autres sujets.
Mes amendements n° 59 et 60, identiques aux amendements n° 90 et 91 de mon collègue co-rapporteur, transposent deux de nos principales recommandations qui pourraient compléter utilement le texte qui nous est soumis ; j’y reviendrai.
Tout d’abord, j’établirai un rapide constat.
Partant de l’idée, largement partagée, selon laquelle la création d’entreprise est encore en France trop lourde et trop complexe, la loi de modernisation de l’économie a créé le statut d’auto-entrepreneur. Il s’agissait de permettre à toute personne désireuse de créer son entreprise de le faire sans complications inutiles.
La simplification, maître-mot du dispositif, s’est déployée sur les plans à la fois fiscal, social et déclaratif. Elle résultait non seulement de la faculté offerte à l’auto-entrepreneur d’opter pour un versement social et fiscal simplifié et libératoire, mais aussi d’une dispense d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés et au répertoire des métiers.
La montée en puissance du nouveau dispositif a été très rapide. La première année, en 2008, 328 000 auto-entrepreneurs se sont inscrits, réalisant un chiffre d’affaires de près de 1 milliard d’euros.
Six ans plus tard, il convient de regretter que la priorité ait été accordée à la simplification aux dépens de la cohérence, ce qui explique les onze modifications législatives et les sept décrets publiés en quatre ans.
Depuis sa mise en œuvre, les acteurs économiques s’opposent sur le régime de l’auto-entrepreneur.
Certains, principalement les artisans, mettent en avant trois types de critiques.
Ils dénoncent tout d’abord une distorsion de concurrence. La part de marché du secteur du bâtiment concernée par cette concurrence demeure marginale, puisqu’elle représente entre 0, 7 % et 1, 1 % du chiffre d’affaires global, mais, en période de crise, toute diminution d’activité est durement ressentie, principalement par les artisans et petits entrepreneurs opérant déjà dans le domaine.
Les artisans pointent ensuite le risque de fraude sur le chiffre d’affaires. Il faut admettre que la simplicité du dispositif et l’allégement des formalités et déclarations engendrent, de fait, une possibilité accrue de fraude, alors même qu’il est par définition très compliqué, pour les URSSAF, de contrôler des chiffres d’affaires. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, a constaté une fréquence importante des fraudes dans les contrôles diligentés sur des auto-entrepreneurs, mais pour des volumes de redressement limités, pour tout dire insignifiants.
Enfin, les artisans attirent l’attention sur le risque de salariat déguisé.
En revanche, d’autres acteurs soulignent la simplicité d’un régime qui encourage la création d’une activité et incite à ne pas exercer d’activités non déclarées. Il est vrai que ce régime a contribué à permettre à nombre de nos concitoyens de se constituer un revenu d’appoint.
Notre rapport ne préconise aucun bouleversement de l’arsenal législatif et réglementaire, mais, à l’instar du présent projet de loi, il propose des ajustements pour instaurer plus d’équité avec les autres formes d’entreprises.
Nos recommandations sont organisées autour de trois axes forts.
Le premier axe est celui de la clarification du régime. C’est l’objet de mon amendement n° 59. Il s’agit de donner une base juridique à la dénomination d’auto-entrepreneur, en la mentionnant expressément dans les textes d’application de la LME.
Nous conforterons ainsi le statut social des personnes qui créent leur activité et renforcerons la lisibilité du cadre juridique dans lequel les prestations sont effectuées. Cela permettra également d’informer davantage les employeurs sur l’activité d’auto-entrepreneur menée par leur salarié comme activité secondaire, pour améliorer la transparence et la lutte contre le travail dissimulé.
Le deuxième axe est celui de la sécurisation de l’entrée dans le régime. Nous retrouverons celui-ci au travers des dispositions des articles 9 et 13 du présent projet de loi, portant sur la généralisation de l’immatriculation des auto-entrepreneurs, la vérification des qualifications professionnelles et l’obligation de souscrire des assurances professionnelles requises pour l’exercice de certaines professions.
Cela dit, sur ce dernier point, j’ai déposé un amendement visant à revenir à la rédaction adoptée par nos collègues députés.
Le troisième axe est celui de l’accompagnement des auto-entrepreneurs vers le droit commun de l’entreprise individuelle.
Mon amendement n° 60 reprend cette préconisation et vise à mettre en place un suivi des auto-entrepreneurs susceptibles d’accéder au statut de droit commun à compter d’un seuil de 50 % du plafond de chiffre d’affaires autorisé en fonction de l’activité d’auto-entrepreneur.
Le financement de ce dispositif mobilisera les fonds de la formation professionnelle, évalués à 10 millions d’euros et versés par les auto-entrepreneurs, ainsi que l’Agence pour la création d’entreprises, en lien avec les acteurs consulaires et le réseau des experts-comptables.
L’objet de ces deux amendements est de parfaire la mise en place de cette chaîne vertueuse de développement de l’activité par une meilleure préparation des auto-entrepreneurs potentiellement susceptibles de rejoindre le cadre général de la création d’entreprise.
Globalement, ce projet de loi représente, en ce qui concerne le régime de l’auto-entreprise, un véritable progrès, et tient compte des inquiétudes manifestées par les auto-entrepreneurs et les artisans. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l’ensemble de la classe politique appelle de ses vœux le redressement économique de la France, nous examinons ce jour un projet de loi d’une grande importance.
Dans le secteur des entreprises « de petite taille », comme vous les avez qualifiées à l’instant, monsieur le ministre, la situation est grave, puisque, en 2013, ce sont 42 000 micro-entreprises ou très petites entreprises qui ont déposé le bilan. Pourtant, leur activité représente 27 % de la richesse produite par l’ensemble des entreprises et 6, 8 millions d’emplois, soit 38 % des emplois du secteur concurrentiel. Ce n’est pas rien !
Engager la redynamisation de ce secteur est une nécessité non seulement pour développer l’emploi, mais également pour dynamiser nos territoires, centres-villes et centres-bourgs.
Je commencerai par formuler quelques remarques sur la méthode.
Nous contestons, vous le savez, le recours trop fréquent à la procédure accélérée, même si ce projet de loi est moins dense que certains textes que nous avons eu à examiner récemment.
Nous regrettons également de ne pas avoir pu auditionner la ministre chargée de ces questions ; nous lui souhaitons un prompt rétablissement.
Par ailleurs, le dispositif de ce projet de loi est directement concerné par d’autres réformes en cours, ce qui entache la lisibilité des mesures prévues.
Ainsi, alors que le Gouvernement a lancé le pacte de responsabilité et les assises de la fiscalité, il nous manque clairement des éléments traduisant des perspectives d’avenir pour ce secteur d’activité. En effet, la fiscalité imposée aux entreprises est un élément clef de leur développement. Nous nous interrogeons sur la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, annoncée ici même par M. Valls. Cette contribution permettait le financement du régime social des indépendants.
De plus, aucune mesure n’est prévue, dans ce projet de loi, pour faciliter l’accès au crédit des petites entreprises, notamment au travers de la Banque publique d’investissement. Pourtant, selon l’IFOP, 60 % des dirigeants sont inquiets pour leur activité, 36 % d’entre eux craignent de devoir affronter des problèmes de trésorerie ou de financement dans les prochains mois. Selon la Banque de France, ils sont même 68 % à considérer que l’accès au crédit de trésorerie est extrêmement difficile. Nous aurions dû prendre ces questions à bras-le-corps ; il n’en est rien, et nous le regrettons.
Concernant le contenu même de ce projet de loi, nous approuvons la volonté de réguler la définition des baux commerciaux au regard des abus pratiqués, notamment, dans les centres commerciaux. Nous présenterons ainsi quelques amendements visant à encadrer mieux encore le déplafonnement de ces baux dérogatoires. Il s’agit d’une question importante, puisque le poids du loyer et des charges a sensiblement augmenté ces dernières années, pour atteindre jusqu’à 15 % du chiffre d’affaires.
L’article 7 améliore l’exercice du droit de préemption en permettant aux communes de le déléguer aux intercommunalités. Si nous portons une appréciation positive sur une telle mesure, elle devrait cependant avoir pour corollaire la hausse des dotations des collectivités plutôt que leur diminution, encore confirmée lors du discours de politique générale du Gouvernement. À défaut, demain, les collectivités ne pourront, pas plus qu’hier, voire moins qu’hier, user de cette prérogative.
Concernant les mesures ayant trait aux très petites entreprises, nous avons été étonnés de l’évolution du présent texte à l’Assemblée nationale.
En 2008, nous avions, avec l’actuelle majorité présidentielle, dénoncé la création du statut de l’auto-entrepreneur. Or, aujourd’hui, ce statut n’est pas remis en cause ! Je me permets de rappeler les propos tenus à l’époque par notre collègue Nicole Bricq, qui avait, à juste titre, déploré la création d’un dispositif réduisant l’auto-entrepreneur « au statut d’un individu sans appartenance, dans un monde où la précarité est devenue la règle ».
Ainsi, nous aurions légitimement pu penser que la gauche au pouvoir ne pérenniserait pas ce statut particulier en l’état. Chacun le sait, il facilite le travail salarié dissimulé, contre lequel l’inspection du travail ne peut efficacement lutter aujourd’hui, faute de moyens. Ce corps a, en effet, été saigné ces dernières années : il ne compte plus que 2 250 fonctionnaires, pour 18 millions de salariés. À ce titre, nous défendrons un amendement tendant à supprimer la présomption de non-salariat pour les auto-entrepreneurs.
En outre, monsieur le ministre, nous vous demandons de proposer, par voie d’amendement, que le secteur du bâtiment soit exclu du périmètre des activités pouvant être exercées par des auto-entrepreneurs. Il s’agit là d’une demande forte de la profession, qui souffre particulièrement en cette période de crise.
Même si le niveau d’ambition du texte a été abaissé au cours de son examen par l’Assemblée nationale, nous approuvons la volonté de fusionner les régimes micro-social et micro-fiscal. Pour autant, ce dont les artisans et les TPE ont le plus besoin, c’est d’un carnet de commandes bien rempli, et donc de clients. D’ailleurs, nous divergeons clairement, monsieur le ministre, dans l’analyse de la situation de l’économie française. À nos yeux, celle-ci souffre évidemment plus d’une crise de la demande que d’une crise de l’offre.
Le Gouvernement a du mal à l’entendre, puisqu’il confirme le pacte de responsabilité. Baisser le coût du travail pénalisera pourtant directement le pouvoir d’achat des salariés et fera peser de lourds risques sur la croissance que vous appelez de vos vœux. En outre, la dernière loi de finances a porté un coup terrible au commerce et à l’artisanat en relevant à 20 % le taux de TVA applicable à ces secteurs.
Enfin, nous avons engagé le débat sur l’urbanisme commercial lors de l’examen du projet de loi ALUR. À cette occasion, les zones d’aménagement commercial au sein des SCOT ont été supprimées, pour introduire la notion de localisations préférentielles, prenant mieux en compte l’enjeu de rapprochement de l’habitat, des commerces et des équipements publics.
Nous partageons cette volonté. À nos yeux, le SCOT localise et le plan local d’urbanisme, le PLU, détermine : cela correspond à notre vision du SCOT comme un document d’orientation, et non comme un « super PLU ».
Concernant le présent texte, nous avons toujours dit partager la volonté d’opérer une mise en cohérence entre l’urbanisme commercial et l’urbanisme de droit commun. Nous approuvons donc les articles qui vont dans ce sens.
Cependant, dans les faits, ces dispositions ne permettront pas de lutter réellement contre l’essor des grandes surfaces commerciales, véritables « temples de la consommation » qui constituent des non-sens écologiques participant à l’artificialisation des sols et qui provoquent souvent des ravages, en tuant le petit commerce de centre-ville. Nous estimons que les autorisations commerciales portant sur ce type de développement commercial doivent être demain l’exception, et non la règle.
Pour aller plus loin dans cette direction et permettre une meilleure maîtrise de l’aménagement commercial, nous prônons l’abaissement à 300 mètres carrés du seuil au-delà duquel une autorisation d’exploitation commerciale est requise, pour le ramener à son niveau d’avant 2008. Il s’agit, ce faisant, d’assurer un rééquilibrage entre grande distribution et petit commerce.
Je tiens à dire un mot sur le FISAC. Nous déplorons que la logique prévalant soit celle de l’accompagnement de l’austérité, étant donné la baisse dramatique des moyens alloués à ce fonds. Nous contestons toujours que l’on délie le FISAC de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, ce qui revient à rompre le lien entre fiscalité et territoires et à noyer de facto le FISAC dans le budget de l’État.
Toutes les questions abordées dans ce projet de loi doivent au fond s’insérer dans une réflexion globale liant les politiques institutionnelles et les enjeux d’aménagement.
La réforme des collectivités territoriales, engagée en 2010 et poursuivie par ce gouvernement, induit un aménagement du territoire qui contredit les principes du Grenelle de l’environnement. La spécialisation des territoires, la métropolisation de l’espace et le déclassement d’un certain nombre de territoires périphériques entraînent des déplacements toujours plus longs et l’éloignement des populations des centres urbains et des centres-bourgs.
Ces phénomènes de ségrégation territoriale et sociale ouvrent la voie aux votes les plus extrêmes, comme les récentes élections municipales l’ont démontré. Cette situation devrait nous interpeller, notamment quant au rôle primordial des communes. Ce dernier doit être conforté car ce sont les communes qui créent, par l’aménagement et la maîtrise de leur espace, les meilleures conditions d’une cohésion sociale et urbaine sur leur territoire.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, nous abordons ces débats avec une attitude bienveillante, mais vigilante quant au sort qui sera réservé à nos amendements. Nous avons bien la volonté de participer à une co-construction ! §
Les artisans et les commerçants constituent le poumon de la vie économique et sociale de nos territoires. C’est pourquoi je suis heureux de m’exprimer au sujet de cet excellent projet de loi, préparé par Sylvia Pinel et aujourd’hui défendu par vous, monsieur le ministre. J’adresse mes vœux de prompt rétablissement à Mme la secrétaire d’État Valérie Fourneyron.
Ce texte répond à quatre ambitions : rééquilibrer les relations entre bailleurs et locataires de baux commerciaux, encadrer plus strictement l’augmentation des loyers, poser les bases d’une unification des régimes d’entreprise individuelle et simplifier les règles de l’urbanisme commercial. Il constituera indéniablement une grande avancée pour les millions de travailleurs indépendants et de très petites entreprises que compte notre pays.
Nous constatons la désertification des zones rurales et la progression de la mono-activité dans les centres-villes, où beaucoup de commerces de proximité – je pense notamment aux commerces de bouche, qui sont, ne l’oublions pas, le fleuron de l’excellence française – sont remplacés par des agences bancaires, des fast-foods, des enseignes de prêt-à-porter, quand leurs locaux ne restent pas tout simplement inoccupés. Qu’y a-t-il de plus triste que de voir fermer un café ou un restaurant, lieux de vie et de convivialité, pour laisser la place à une succursale de banque ou de compagnie d’assurances, fermée durant tout le week-end ? §
Il est urgent d’agir. Ce projet de loi nous en donne les moyens, en renforçant le rôle des collectivités territoriales et les outils mis à leur disposition. Je pense par exemple à l’article 7, qui élargit le droit de préemption des communes et, bientôt, des communautés de communes, ou à la création, par l’article 7 bis B, des « contrats de revitalisation commerciale », qui seront des outils très puissants pour redynamiser certains territoires délaissés par les commerces de proximité.
Nulle part dans le monde on ne retrouve le charme et la diversité de nos petits commerces : boulangeries, pâtisseries, boucheries, charcuteries, …
… mais aussi librairies indépendantes, artisans-fleuristes, et tant d’autres commerces qui animent nos centres-villes et nos quartiers, pour le plaisir des yeux et des papilles. Nous devons préserver cette spécificité. C’est une part de notre richesse nationale, de notre mode de vie et de notre culture.
Malheureusement, à cause de la hausse insoutenable des loyers des locaux commerciaux dans certaines zones, beaucoup de commerçants et d’artisans ont dû mettre la clef sous la porte.
Ce projet de loi a le mérite de s’attaquer à ce problème, en déclinant différentes mesures pour limiter et encadrer la hausse des loyers lors du renouvellement du bail ou de la révision triennale, mais aussi pour rééquilibrer les relations entre bailleurs et locataires.
Ce texte n’est pas seulement porteur d’avancées pour les artisans et les commerçants. Il renforce également les droits des consommateurs. Je pense en particulier aux consommateurs ultramarins : grâce à l’adoption de l’article 30 A, ils ne seront désormais plus pris en otage par le blocage récurrent des stations-service, qui constitue un handicap majeur pour les citoyens et les entreprises de ces territoires.
Autre point fondamental à nos yeux, ce projet de loi procède à un rééquilibrage, devenu indispensable, entre auto-entrepreneurs et artisans.
Si nous souscrivons à l’un des objectifs qui ont guidé la création du régime de l’auto-entrepreneur en 2008 – favoriser l’esprit d’entreprendre en facilitant la création d’entreprise –, nous nous sommes toujours inquiétés des distorsions de concurrence qu’un tel régime implique dans certains secteurs. Ces distorsions et leurs effets néfastes sur l’économie et sur l’emploi sont aujourd’hui flagrants. C’est pourquoi il était urgent de procéder à des adaptations.
Dans des professions réglementées, comme celles du bâtiment, le non-respect par un grand nombre d’auto-entrepreneurs des obligations d’assurance, notamment en matière de garantie décennale, était un véritable problème, qui mettait parfois en danger la santé et la sécurité des consommateurs.
L’article 12 du présent projet de loi prévoyait initialement la « sortie » du régime de l’auto-entrepreneur et le basculement vers le régime de droit commun au-delà d’un certain seuil de chiffre d’affaires. Entièrement récrit par l’Assemblée nationale, cet article vise aujourd’hui à fusionner les régimes micro-social et micro-fiscal. De fait, le statut d’auto-entrepreneur et les nombreuses exceptions dont il était assorti vont disparaître pour donner le jour à un nouveau régime unifié de la micro-entreprise, toujours aussi simple mais plus juste, qui concernera plus de 150 000 entrepreneurs individuels.
Nous ne pouvons que nous réjouir de ces mesures, qui vont dans le sens d’une unification des régimes et d’une simplification des démarches pour tous les micro-entrepreneurs.
De plus, le présent texte vise à mettre fin, à juste titre, à certaines dispenses incompréhensibles dont bénéficiaient les auto-entrepreneurs. Ainsi, l’immatriculation au répertoire des métiers devient obligatoire pour les entrepreneurs exerçant une profession artisanale, de même que l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour les commerçants. Le stage de préparation à l’installation devient également obligatoire pour tous.
Enfin, je me réjouis de l’adoption, à l’article 9, de l’amendement de la commission tendant à obliger toute entreprise du secteur de la construction à fournir la preuve de sa couverture par la garantie décennale. C’est là un complément essentiel.
Cependant, la rédaction actuelle du projet de loi pose encore certains problèmes, que nos amendements tendent à résoudre. Je pense notamment à la question des cotisations sociales minimales. Celles-ci doivent nécessairement être payées par tous, sauf à mettre en danger certains entrepreneurs et à pousser au développement d’une sécurité sociale à deux vitesses.
Avant de conclure, je dirai quelques mots du FISAC.
Nous ne pouvons que déplorer la logique politique destructrice suivie de 2007 à 2012 à l’égard de ce fonds. Faut-il rappeler que ses crédits ont été divisés par deux au cours de ce quinquennat, alors que ses missions s’élargissaient ?
Aujourd’hui, les financements issus du FISAC ne sont plus que résiduels. Ils n’en demeurent pas moins importants, et même vitaux, pour nombre d’artisans et de petits commerçants, dans les territoires ruraux notamment. C’est pourquoi je salue la réforme courageuse du FISAC…
… inscrite à l’article 25 de ce projet de loi, qui adaptera les missions de ce fonds aux moyens contraints qui sont désormais les siens.
En conclusion, je le répète, ce projet de loi comporte de nombreuses avancées à même de donner une bouffée d’oxygène à des millions de petits commerçants et d’artisans.
Dans le prolongement de cette logique, les sénateurs du RDSE défendront plusieurs amendements visant à renforcer encore la protection des commerçants et des artisans, notamment au moment de la cession de leur bail. Nous espérons que ces propositions seront soutenues par une majorité de nos collègues, ce qui ne fera que conforter l’unanimité des membres du RDSE pour voter le présent texte !
Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, j’adresse moi aussi mes vœux de prompt rétablissement à Mme Valérie Fourneyron.
Je tiens tout d’abord à exprimer ma satisfaction devant l’orientation de ce projet de loi, qui vise à préserver une économie locale de proximité en agissant en faveur des très petites entreprises, et plus particulièrement des artisans, des petits commerçants et des entrepreneurs individuels.
Ces petites entreprises sont importantes à bien des titres. En effet, elles ne représentent pas seulement une contribution au PIB français : elles sont aussi un facteur de lien social, elles sont sources d’emplois non délocalisables et elles participent d’une économie à taille humaine.
Il est donc important d’agir pour ces secteurs qui font vivre les territoires : la fermeture du dernier commerce dans les communes rurales, l’apparition de quartiers mono-fonctionnels déserts ou encore l’absence de commerces dans les zones urbaines sensibles sont des phénomènes que nous pouvons tous constater et déplorer.
Malheureusement, le corollaire de ces évolutions est la multiplication des zones commerciales périphériques, qui défigurent les entrées de ville. Le diagnostic est, en effet, pour le moins inquiétant : 62 % du chiffre d’affaires du commerce et 80 % de la croissance des zones commerciales se réalisent en périphérie, alors que les locaux vacants sont de plus en plus nombreux dans les centres urbains. Je développerai ce point ultérieurement si j’en ai le temps.
Il est par conséquent grand temps d’agir.
Cette volonté de maintenir des territoires vivants et une égalité dans l’accès à des services répondant aux besoins quotidiens des populations doit être aujourd’hui d’autant plus affirmée que la situation pourrait fortement s’aggraver : les défis du réchauffement climatique, du pic pétrolier, du vieillissement de la population font du maintien de services de proximité un enjeu capital au regard de la résilience et de l’égalité des territoires.
En effet, on peut se demander ce que vont devenir ces zones commerciales périphériques conçues pour la voiture, à l’heure où nos ressources énergétiques se raréfient. Ajoutons à cela la pollution issue des déplacements liés au commerce de périphérie, qui génère 2, 6 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que le commerce de proximité. On mesure l’absurdité du développement de ces temples de la consommation qui s’étalent en périphérie de nos villes.
Cette absurdité apparaît d’autant plus criante que le développement des zones commerciales périphériques est complètement déconnecté des besoins de nos concitoyens. Depuis une quinzaine d’années, les surfaces commerciales s’accroissent à un rythme de 3, 5 % par an, tandis que la consommation des ménages augmente de moins de 1 %. Des friches nouvelles risquent d’apparaître sur nos territoires, tendance que les enjeux environnementaux ne pourront qu’accélérer !
On peut donc parler d’un véritable gaspillage des ressources énergétiques, mais aussi d’une ressource tout aussi précieuse : la terre nourricière.
D’après les estimations du ministère de l’agriculture, les infrastructures routières et les espaces dévolus à l’activité, notamment commerciale, consommeraient plus de 35 000 hectares de terres par an. Quel gâchis !
Les terres agricoles situées en périphérie des villes, qui pourraient, via des circuits courts, nourrir les citadins, sont aujourd’hui avalées par la construction de centres commerciaux s’approvisionnant aux quatre coins du monde. Pour adapter dès maintenant notre territoire aux enjeux de la fin de l’ère du pétrole et du réchauffement climatique, le maintien de secteurs économiques de proximité est essentiel.
Dans cette perspective, ce texte apporte des débuts de réponses.
Le volet relatif aux baux commerciaux constitue à ce titre une avancée : le prix des loyers commerciaux étant une source de difficultés pour les commerçants et artisans de centre-ville, le rééquilibrage des relations entre locataires et bailleurs est bienvenu.
La simplification du droit s’appliquant aux micro-entrepreneurs et la valorisation des qualifications des artisans seront également utiles pour le développement de ces secteurs de l’économie, et donc pour le maintien d’emplois locaux.
Nous sommes également satisfaits des mesures visant à encadrer les grands projets commerciaux en donnant à la CNAC la possibilité de s’autosaisir, ce qui permettra d’envisager ceux-ci dans une perspective nationale. Nous souhaiterions toutefois que la saisine de cette instance soit automatique, dans la mesure où ces projets affectent les territoires bien au-delà du ou des départements directement concernés.
La fusion du permis de construire et de l’autorisation d’exploitation commerciale permettra, nous l’espérons, de mieux contrôler des projets commerciaux qui sont parfois exemplaires lors de leur présentation devant les CDAC, avant d’être considérablement modifiés au moment du dépôt de la demande de permis de construire.
Enfin, nous sommes favorables au renforcement du droit de préemption commerciale et saluons la mise en place de l’expérimentation des contrats de revitalisation commerciale. Les pouvoirs publics ont besoin d’outils efficaces pour intervenir en faveur du commerce de proximité.
Cependant, au regard des enjeux sociaux et environnementaux que j’évoquais précédemment, nous regrettons que le texte n’aille pas plus loin.
Nous sommes certes satisfaits de l’adoption en commission de l’un de nos amendements, qui garantira plus de transparence dans la procédure permettant aux maires des communes de moins de 20 000 habitants de soumettre les projets d’implantation de commerces de plus de 300 mètres carrés à l’examen des CDAC. Toutefois, nous regrettons que les contraintes européennes empêchent d’abaisser ce seuil d’examen pour l’autorisation d’exploitation : l’intérêt général ne justifierait-il pas ici de limiter la liberté d’entreprendre ?
Aussi, pour favoriser le commerce de centre-ville, nous formulerons des propositions visant à faire du plan local d’urbanisme un véritable outil au service de la mixité fonctionnelle et de la préservation du commerce de proximité.
Nous proposerons également de soumettre les drives à la taxe sur les surfaces commerciales, pour enrayer leur prolifération en mettant fin à la situation de concurrence déloyale dont ils bénéficient.
Par ailleurs, nous souhaitons l’intégration des parkings au bâti commercial, pour limiter l’emprise au sol des grandes surfaces commerciales.
Ces mesures me paraissent tout à fait essentielles : j’ai défendu, lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, la nécessité de préserver la terre nourricière. Il est important de prendre acte de l’intrication des différents enjeux, et je poursuis donc mon action pour limiter la consommation des surfaces agricoles ; je sais d’ailleurs qu’il s’agit là d’une préoccupation partagée.
Enfin, nous souhaitons renforcer le FISAC, outil essentiel pour le maintien du petit commerce de proximité. Pour cela, nous proposerons de rétablir son lien à la TASCOM et de réserver ses aides aux territoires les plus en difficulté.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la vocation de ce projet de loi est de regrouper la politique publique menée par le Gouvernement en matière de promotion de l’artisanat, du commerce et des très petites entreprises, permettez-moi de manifester une certaine déception.
Certes, le texte identifie les enjeux, et donc les leviers du développement de ces agents économiques : l’équilibre dans l’offre commerciale, à travers la réforme des baux commerciaux et de l’urbanisme commercial, et la rationalisation des formes juridiques que peuvent prendre les très petites entreprises.
Au-delà de ses conditions d’élaboration et d’examen, qui n’ont pour l’instant pas forcément été satisfaisantes – recours à la procédure accélérée, dépôt d’amendements gouvernementaux décisifs –, ce projet de loi est, sur le fond, une compilation d’initiatives législatives plus ou moins heureuses, et surtout trop frileuses.
L’enjeu est pourtant de taille.
En ce qui concerne les auto-entrepreneurs, ceux-ci représentent 51 % des créations d’entreprise et environ 40 % des créations d’entreprise artisanale. Aujourd’hui, 900 000 personnes sont affiliées à ce régime.
Il est vrai que le chiffre d’affaires trimestriel moyen est tombé à un peu plus de 3 000 euros, mais personne ne peut contester la réussite de ce statut, même si, je le reconnais, des corrections doivent y être apportées.
En ce qui concerne le commerce, l’importance de ce secteur, en termes d’emploi, n’est plus à démontrer, puisqu’il regroupe plus de 3 millions d’actifs. Jusqu’à 2007, ce secteur connaissait une croissance significative, mais on observe, depuis lors, un tassement du nombre de salariés, qui s’établit autour de 3 millions.
Cependant, ces chiffres ne pourront cacher très longtemps la situation de certains segments : je pense au commerce de détail, où les défaillances d’entreprises continuent de progresser, pour atteindre le chiffre inquiétant de 63 000 en 2013.
En ce qui concerne l’artisanat, ce secteur est le principal pourvoyeur d’entreprises en France, avec notamment une progression de 30 % du nombre d’actifs depuis quinze ans. Autre élément à prendre en compte, un tiers des entreprises artisanales embauchent dès la première année d’existence.
Tout cela témoigne que le vivier d’emplois que cherche le Gouvernement se trouve sous ses yeux.
Malheureusement, le débat public est aujourd’hui accaparé par le pacte de responsabilité, digne héritier du choc de simplification, dont la durée de vie aura été inversement proportionnelle à la somme de nouvelles contraintes législatives que le Gouvernement soumet à notre examen depuis la rentrée.
Je rappelle au passage que le grand nombre de textes soumis à la commission des affaires économiques depuis le début de l’année ne nous permet pas d’approfondir notre examen, et donc d’exercer pleinement notre rôle de législateur. Ce texte ne déroge pas à la règle.
Enfin, ce projet de loi témoigne d’une chronologie pour le moins surprenante.
Ainsi, l’article 16 bis prévoit la remise d’un rapport sur l’établissement d’un statut unique de l’entreprise individuelle : c’est une bonne initiative, mais il aurait été préférable de la mettre en œuvre avant que nous n’examinions le présent texte. Je pensais que ce sujet devait être au cœur de ce dernier ; visiblement, ce ne sera pas le cas.
Sur le fond, notre jugement sur ce projet de loi est très partagé.
Nous sommes à la fois rassurés par la volonté du Gouvernement d’inscrire dans la durée un statut aménagé pour la micro-entreprise et inquiets de cette intention nouvelle d’encadrer trop lourdement les auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale, même à titre secondaire, ou de les faire rentrer dans le droit commun fiscal.
Bien sûr, nous n’ignorons pas que ce statut d’auto-entrepreneur a donné parfois lieu à des détournements. Oui, le salariat déguisé représente une part non négligeable des effectifs, même s’il est délicat d’avancer des évaluations sur ce point. Oui, on constate une réelle distorsion de concurrence par rapport aux autres artisans et commerçants.
Le groupe UMP n’a jamais contesté qu’il faille trouver un point d’équilibre entre la facilité d’accès au régime de l’auto-entrepreneur et la lutte contre la concurrence déloyale pouvant s’exercer au détriment des artisans ou des personnes exerçant des activités commerciales, mais, avec ce projet de loi, nous craignons que vous ne soyez allé trop loin, monsieur le ministre.
Tâchons de ne pas envoyer de mauvais signaux en accablant brutalement les auto-entrepreneurs ou ceux qui relèvent du régime micro-social de nouvelles obligations.
Tâchons, pour une fois, de mettre en pratique le choc de simplification que le Président de la République appelait de ses vœux.
Une chose est sûre, ce n’est pas en bridant l’accès au statut d’auto-entrepreneur que nous susciterons une dynamique de création de richesse.
Le statut d’auto-entrepreneur est un moyen de rendre attractif le monde de l’entreprise, de familiariser les Français avec ce dernier, qui leur semble souvent trop lointain.
Pour ces raisons, nous comprenons l’intérêt de l’article 13, qui vise à supprimer les dispositions exonérant les auto-entrepreneurs artisans à titre secondaire et les auto-entrepreneurs exerçant une activité commerciale d’immatriculation au répertoire des métiers et au registre du commerce et des sociétés.
De la même manière, nous souscrivons à l’article 9, qui prévoit que toute personne relevant du statut d’« artisan » ou d’« auto-entrepreneur » doit souscrire une assurance professionnelle, dans le cas où elle est obligatoire à l’exercice de son métier.
Cependant, l’article 13 bis, relatif au stage de préparation à l’installation, et l’article 14, prévoyant la fin de l’exonération de cotisation foncière des entreprises pour les travailleurs indépendants bénéficiant du régime micro-social, nous semblent en contradiction tant avec le choc de simplification qu’avec le pacte de responsabilité.
Enfin, l’instauration d’un régime de cotisation minimale pour les auto-entrepreneurs est sans doute la disposition la plus symbolique de ce projet de loi.
Pourtant, si un seul principe de la réforme de l’auto-entrepreneur doit être sauvegardé, c’est bien celui-ci.
En effet, si l’on revient sur le principe fondateur selon lequel, pour des recettes nulles, on ne paye ni impôt ni cotisations sociales, on vide totalement l’auto-entreprise de sa substance.
Pour résumer la position de mon groupe sur le titre II afférent à l’aménagement des obligations administratives et comptables des entrepreneurs, je dirai que nous souscrivons à une part non négligeable de ses dispositions.
Malheureusement, deux éléments nous empêchent de les approuver dans leur ensemble.
En premier lieu, nous déplorons l’absence de concrétisation législative sur l’établissement d’un statut unique de l’entreprise individuelle : le projet de loi ne fait qu’enclencher le processus.
Pourtant, la superposition des régimes devient de plus en plus inintelligible, aussi bien pour nos concitoyens que pour l’administration. Entre le statut d’auto-entrepreneur, qui relève obligatoirement du régime micro-social, et les micro-entreprises qui peuvent en bénéficier, sauf les entreprises au régime réel qui, elles, ne peuvent prétendent qu’à l’ACCRE, l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise, le monde de la très petite entreprise n’est pas si hospitalier que cela…
En second lieu, l’augmentation de la fiscalité sur les très petites entreprises empêche le groupe UMP de souscrire au dispositif du titre II dans son ensemble. Si elle peut se comprendre, au nom de l’harmonisation fiscale, elle révèle le grand écart total du Gouvernement entre les postures politiques récentes et la réalité législative : il souhaite baisser les charges, comme il l’annonce avec fracas dans les médias, mais continue de les augmenter dans les projets de loi qu’il élabore !
En ce qui concerne les baux commerciaux, nous ne sommes pas hostiles à l’allongement de la durée du bail dérogatoire de deux à trois ans.
À l’inverse, nous sommes plus que circonspects sur l’article 2, dont la mise en œuvre des dispositions conduira à une augmentation des loyers commerciaux, l’indexation sur l’indice des coûts de construction apparaissant souvent davantage favorable aux locataires que celle sur l’indice des loyers commerciaux.
Sur le reste du titre Ier, notre attitude sera plutôt bienveillante ; je pense notamment au contrat de revitalisation urbaine, sur lequel nous avons un a priori favorable.
Toujours en matière de soutien au commerce, j’en viens à l’article 25, relatif au FISAC. Vous présentez cet article de façon avantageuse en parlant de simplification : on comprend surtout qu’il s’agit d’accompagner la diminution de l’enveloppe, et donc de cibler davantage son utilisation.
D’autres majorités ont emprunté cette voie avant vous. Cependant, le législateur, à travers une nouvelle rédaction du code de commerce, n’apporte plus aucune garantie sur l’identification des opérations, des bénéficiaires et des dépenses éligibles.
À ce titre, monsieur le ministre, j’aimerais que le Gouvernement nous éclaire sur les dossiers en souffrance, pour lesquels les subventions n’arrivent pas, ce qui place de nombreuses collectivités dans l’expectative.
J’ajouterai à ce sujet que si certains regrettent que la précédente majorité ait réduit la dotation au FISAC, ramenée à 42 millions d’euros en 2012, cette dernière s’élève aujourd’hui à seulement 27 millions d’euros…
En matière d’urbanisme commercial, nombre des mesures soumises à notre examen rencontrent l’adhésion de notre groupe.
Je pense notamment à l’article 20 A, qui prévoit que le permis de construire soit désormais la seule autorisation requise pour les projets d’aménagement commerciaux.
Nous sommes également plutôt favorables à l’article 20 bis, qui tend à améliorer la représentation des élus locaux au sein de la CNAC.
Mais, d’une manière générale, au travers de ce titre III, vous reprenez d’une main ce que vous donnez de l’autre. Par exemple, afin de faciliter l’instruction des projets d’aménagement commerciaux, vous prévoyez que, en cas de rejet d’un projet, le pétitionnaire pourra déposer un nouveau dossier sans avoir à attendre un an. La démarche est conséquente mais, malheureusement, dans le même temps, vous prévoyez de définir, ou de redéfinir, les critères utilisés par les CDAC : voilà qui ne va pas renforcer l’autonomie des élus !
Aussi la lecture des dispositions du titre III m’amène-t-elle à dire, même si beaucoup d’entre elles recueillent l’adhésion de mon groupe, que le droit de l’urbanisme commercial ne peut être le seul levier de la lutte contre l’artificialisation des sols et la désertification des centres-villes. Le premier axe de cette lutte consiste à mettre fin à la sanctuarisation des centres-villes, pratiquée par de nombreuses municipalités jusqu’à présent, le plus fâcheux étant que ces municipalités agissent ainsi au nom de l’écologie, sans penser que cette sanctuarisation va conduire à un étalement urbain qu’elles combattront par la suite…
Dans un tout autre domaine, nous sommes favorables à l’article 25 bis, qui vise à supprimer les soldes flottants et à revenir aux deux périodes de soldes « traditionnelles », dont la durée passe de cinq à six semaines.
Pour résumer la position du groupe UMP sur ce projet de loi, je parlerai surtout de déception. Même si nous souscrivons à une part substantielle des dispositions du texte, nous estimons qu’il s’agit d’une réforme a minima.
Vous aviez l’occasion de simplifier le statut des entrepreneurs indépendants ; vous vous contentez de satisfaire les demandes, certes légitimes, des artisans.
Vous aviez l’occasion de simplifier le droit de l’urbanisme commercial ; vous vous contentez de recomposer les CDAC et la CNAC.
Ce texte est examiné trop vite : les questions afférentes au commerce et à l’artisanat ne peuvent être dissociées des problématiques de l’aménagement du territoire, et donc de la fracture numérique ou encore du développement du commerce électronique. Malheureusement, aucun de ces sujets n’a été approfondi dans ce projet de loi.
Parce que le groupe UMP estime que le Gouvernement et la majorité ont éludé de nombreuses questions, nous nous abstiendrons sur ce projet de loi. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais à mon tour, avant de rentrer dans le vif de mon propos, souhaiter un prompt rétablissement à Mme la secrétaire d’État Valérie Fourneyron et saluer le travail accompli par Sylvia Pinel sur ce projet de loi.
Vous l’avez dit, monsieur le ministre, la compétitivité de notre économie, sa capacité à créer de l’emploi, sa faculté à stimuler l’activité ne reposent pas seulement sur nos grands groupes, sur notre industrie. Ce serait occulter une large part de la réalité économique de notre pays que de ne pas tenir compte de la place tout à fait importante qu’y occupent les commerçants, les artisans, les petites entreprises et les micro-entreprises.
En effet, le commerce représente 770 000 entreprises, 3 millions de salariés et 11 % du PIB ; de même, l’artisanat représente 1 million d’entreprises, 3 millions d’actifs et 268 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Ces secteurs d’activité doivent donc être soutenus, encouragés. Nous devons leur donner les moyens de se développer, leur permettre de trouver leur place dans notre économie, leur fournir les outils pour s’adapter à l’environnement économique actuel. En un mot, nous avons besoin de toutes celles et de tous ceux qui ont embrassé des métiers souvent difficiles, des métiers qui demandent un investissement personnel considérable, des métiers, enfin, qui sont aussi nécessaires à notre économie qu’indispensables au lien social.
Il nous appartient également d’encourager et de valoriser cette dimension sociale.
Nous sommes tous confrontés, par exemple, à la question de la désertification des centres-villes, et nous savons tous que lorsque les petits commerces ferment, c’est le lien social qui se délite.
À ce titre, nous devons définir de nouveaux équilibres avec les acteurs économiques qui font vivre nos villes et occupent une place décisive dans nos territoires ruraux. D’un point de vue tant économique que social, il nous revenait donc d’agir pour apporter des solutions efficaces aux problèmes auxquels les TPE, les artisans et les commerçants sont confrontés.
Telle est bien l’ambition du Gouvernement : en témoignent le pacte pour l’artisanat et le plan d’action pour le commerce et les commerçants présentés l’an dernier.
Le présent texte a ainsi pour vocation de mettre en place les principales mesures annoncées, s’articulant selon quatre objectifs structurants : dynamiser les commerces de centre-ville en améliorant l’équilibre des relations entre propriétaires et locataires dans le cadre des baux commerciaux ; promouvoir la qualité et le savoir-faire de nos artisans par la reconnaissance des entreprises artisanales et la clarification du statut d’artisan ; favoriser l’essor harmonieux des TPE par la consolidation d’un parcours entrepreneurial plus simple et plus équitable, avec un régime unique pour la micro-entreprise ; enfin, moderniser l’urbanisme commercial, en adéquation avec les besoins des territoires, pour développer la proximité et la diversité de l’offre commerciale.
Cette ambition, nous la faisons nôtre. Nous devons aussi l’enrichir de notre expérience et de notre connaissance des problématiques concrètes propres à ces secteurs d’activité. C’est dans cet état d’esprit que j’évoquerai les principales avancées de ce texte.
En ce qui concerne, d’abord, les baux commerciaux, de même que la flambée des loyers d’habitation pénalise les Français les moins aisés, la flambée des loyers commerciaux et des charges locatives qu’a connue la France depuis bientôt vingt ans pénalise grandement les petits commerçants et les artisans et nuit au maintien même de leur activité.
Il fallait donc intervenir pour briser cette spirale, au terme de laquelle c’est toujours, en fin de compte, le petit commerçant qui est pénalisé, et avec lui, souvent, l’activité en centre-ville.
À cet égard, la reconnaissance du caractère d’ordre public de la révision triennale constitue notamment un outil attendu par les locataires commerciaux. Cette disposition leur permettra de s’adapter plus facilement au contexte économique.
De même, la limitation des hausses de loyers commerciaux à 10 % par an en cas de déplafonnement, tout comme le calcul de ces loyers sur la base des indices des loyers commerciaux ou des indices des loyers d’activité tertiaire, est tout à fait bienvenue afin d’éviter l’effet d’éviction que j’évoquais précédemment.
Je voudrais maintenant revenir plus particulièrement sur les dispositions relatives au droit de préemption.
En matière de préemption commerciale, la commune est, le plus souvent, seule compétente. Toutefois, on sait que les communes n’ont pas toujours les moyens ou les compétences nécessaires pour élaborer une stratégie efficace en matière de revitalisation économique. Aussi, je considère que la possibilité de déléguer cette compétence à un EPCI permettra d’agir plus efficacement et doit être, à ce titre, approuvée.
De la même manière, l’article 7 bis B instaure la possibilité de conclure, à titre d’expérimentation, des contrats de revitalisation commerciale. Cet outil me semble pertinent, en ce qu’il permettra, à mon sens, une action concertée entre les différents acteurs économiques, les chambres de commerce et d’industrie au premier chef, et les décideurs politiques. Nous pensons toutefois que cet outil ne devrait pas être réservé au seul commerce, et nous proposerons, par conséquent, d’étendre cette expérimentation à l’artisanat.
S’agissant de l’artisanat et des TPE, les dispositions actuelles du texte traduisent non seulement des avancées considérables – je pense notamment à la définition de l’artisanat –, mais aussi l’obtention d’un équilibre positif en matière de statut de la micro-entreprise et d’harmonisation des régimes fiscaux.
Si ce texte ne répond pas à l’ensemble des questions soulevées, il pose, dans le prolongement du rapport Grandguillaume, des bases solides pour l’instauration d’un dialogue serein sur des problématiques qui, jusque-là, avaient suscité trop de tensions. En cela, il répond parfaitement à son objectif.
Le groupe socialiste défendra enfin un amendement visant à intégrer plus précisément les problématiques commerciales dans les SCOT.
Depuis la loi ALUR, texte dont j’ai été le rapporteur, seules les orientations en matière d’équipements commerciaux et artisanaux peuvent être incluses dans les SCOT, à travers les documents d’orientation et d’objectifs, les DOO.
En revanche, ont été supprimés le document d’aménagement commercial, le DAC, ainsi que la possibilité de définir des zones d’implantation commerciale dans les SCOT. Lors de la discussion de la loi ALUR, à la suite d’un échange fructueux avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement, nous étions convenus de repréciser la place de la thématique commerciale dans les SCOT dans le cadre de l’examen du projet de loi dont nous débattons aujourd’hui. Conformément à cette feuille de route, le groupe socialiste déposera donc un amendement sur cette question.
Notre réflexion s’appuie sur le constat que la difficulté d’appréhender l’aménagement commercial dans le cadre du SCOT illustre celle de concilier au sein d’un même document de planification dimension stratégique et critères de compatibilité ou de prescriptibilité. Nous considérons donc que, sans remettre en cause le critère de compatibilité, il convient que le SCOT soit plus précis en matière d’aménagement commercial.
Aussi proposerons-nous de rétablir le document d’aménagement commercial au sein du SCOT, afin de redonner à ce dernier un outil opératoire, grâce auquel il sera possible, à l’échelon intercommunal, d’avoir une vision plus précise des évolutions attendues en matière d’aménagement commercial.
C’est la raison pour laquelle notre amendement visera à réintroduire dans le SCOT le document d’aménagement artisanal et commercial, lequel devra permettre de délimiter les secteurs d’implantation périphériques et les centralités urbaines qui auront un effet structurant sur le territoire du SCOT en matière commerciale.
Deux éléments plaident d’ailleurs pour ce rétablissement du DAC. D’abord, si l’on rassemble dans un DAC les dispositions les plus précises du SCOT en matière d’urbanisme commercial, on sécurise juridiquement le SCOT tout entier, puisqu’une annulation éventuelle du DAC n’entraînera pas celle du SCOT dans son ensemble. Or, nous savons tous que, en matière de recours contentieux, deux précautions valent mieux qu’une !
Ensuite, la stratégie doit toujours prendre en compte au mieux la réalité économique du commerce. Or, en la matière, nous savons que les choses vont très vite.
Comme le document d’aménagement commercial pourra être soumis à des procédures de révision beaucoup plus simples et plus souples que le SCOT dans son ensemble, il permettra aux intercommunalités d’agir avec plus de réactivité et de souplesse dans un domaine où l’adaptabilité est la règle.
Telles sont les améliorations que nous entendons apporter à un texte dont nous soutenons les objectifs et les dispositions, comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre. Pour cette raison, soyez assuré de pouvoir compter sur le soutien plein et entier du groupe socialiste du Sénat. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte vise à promouvoir dans leur ensemble nos commerces, nos artisans et nos très petites entreprises, qui sont au cœur du dynamisme de notre tissu économique. C’est là que se crée aujourd’hui l’emploi, et nous pouvons tous être fiers et satisfaits que ce projet de loi soit débattu au Parlement.
Ne disposant que de six minutes, je consacrerai exclusivement mon propos aux évolutions apportées au régime de l’auto-entrepreneur.
En tant que membre de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, j’ai récemment évalué, avec ma collègue Muguette Dini, les dispositions législatives encadrant l’auto-entreprise depuis bientôt six ans.
Depuis sa création, à l’été 2008, ce régime, il faut le reconnaître, a connu un succès considérable. Certes, les difficultés économiques n’y ont sûrement pas pour rien, le nombre de chômeurs ayant malheureusement augmenté de plus de 50 % depuis 2008. Néanmoins, ce n’est pas la seule explication : je suis convaincu que la volonté d’entreprendre est partagée par un nombre croissant de nos concitoyens. Or, monsieur le ministre, il ne peut pas y avoir de redressement productif sans cette volonté d’entreprendre, que nous devons encourager et soutenir.
Aujourd’hui, près d’un million d’auto-entrepreneurs sont enregistrés, mais ce chiffre est à relativiser, puisque seule la moitié d’entre eux ont déclaré un chiffre d’affaires l’an passé. Cependant, cela fait tout de même 500 000 auto-entrepreneurs actifs que nous devons aider et accompagner.
Dans le rapport d’information que Muguette Dini et moi-même avons remis au président Assouline au mois de juin dernier, nous avons noté que ce régime avait déjà fait l’objet de nombreuses modifications, rendues nécessaires par une mise en place, à l’époque, précipitée.
Si ce statut a immédiatement fait la preuve de son intérêt pour un grand nombre de Français, il méritait des améliorations. Ainsi, une dizaine de modifications législatives ont été apportées par le Parlement en à peine six ans, ce qui est sûrement un record. Néanmoins, il reste un point de fixation sur la question de la concurrence déloyale autour duquel s’affrontent, d’un côté, les auto-entrepreneurs et, de l’autre, les artisans.
Aussi, après avoir procédé à plusieurs auditions, nous avons formulé dans notre rapport d’information plusieurs préconisations visant à préserver l’attractivité de ce système, tout en proposant des corrections, afin de réduire les différents écueils : des problèmes pratiques de gestion ou de sécurité juridique, mais, surtout, la question de la concurrence déloyale entre les auto-entrepreneurs et les artisans.
Par la suite, nos collègues de l’Assemblée nationale, et tout particulièrement le député Laurent Grandguillaume, que je tiens à saluer, ont également exploré les pistes susceptibles de favoriser le développement pérenne des entreprises individuelles, notamment des auto-entreprises. L’excellent rapport qu’il a rédigé sur le sujet a d’ailleurs inspiré les travaux de l’Assemblée nationale. Au demeurant, la grande majorité des recommandations contenues dans ce rapport rejoignaient celles que Muguette Dini et moi-même avions retenues.
Toutes ces propositions ont rassuré les auto-entrepreneurs, alors que les premières pistes explorées par le Gouvernement lors de l’élaboration de ce projet de loi avaient pu susciter, force est de le reconnaître, quelques inquiétudes. Ce fut notamment le cas de l’introduction éventuelle, par décret, de nouveaux seuils de chiffres d’affaires, ce qui pouvait contraindre certains auto-entrepreneurs à sortir de ce régime.
Aussi, je me félicite de ce que le Gouvernement a su, sur ce point comme sur d’autres d’ailleurs, se montrer à l’écoute tant de la représentation nationale que des acteurs économiques.
Si, dans une minorité de cas, des problèmes récurrents de concurrence déloyale vis-à-vis des artisans peuvent se poser, notamment dans le bâtiment, il n’aurait pas été judicieux de risquer de déstabiliser l’ensemble des auto-entreprises par l’adoption d’une telle mesure.
En choisissant d’introduire l’immatriculation obligatoire des auto-entreprises auprès de la chambre des métiers et de l’artisanat, il me semble que vous avez su trouver un point d’équilibre de nature à concilier les attentes des artisans et celles des auto-entrepreneurs. Les diverses modifications proposées au vote de la Haute Assemblée vont donc permettre de garantir la pérennité du système, tout en préservant les atouts qui en font son attractivité.
Le travail des députés et des sénateurs, tout comme l’écoute du Gouvernement, aura été essentiel pour mener à bien cette entreprise. Dans le cadre de la discussion des articles, je soumettrai à votre examen deux amendements supplémentaires, identiques à ceux qui ont été déposés par Mme Dini – cela n’étonnera personne, car nous partageons l’ensemble des analyses et des diverses recommandations qui figurent dans le rapport d’information que nous avons co-rédigé –, tendant à donner une base juridique à la dénomination d’« auto-entrepreneur » et à favoriser l’accompagnement vers le régime de droit commun.
Je me félicite que le Gouvernement et la représentation nationale, dans une remarquable démonstration de coproduction législative, aient su faire évoluer un système au-delà des clivages politiques.
Il faut le reconnaître, à l’usage, le régime de l’auto-entrepreneur s’est révélé bon !
Je reconnais que la gauche l’avait combattu en 2008, mais il faut savoir tenir compte des réalités. Convenons également que ce régime ne prenait pas assez en compte les artisans, qui, à juste raison, se sont sentis floués. Il serait donc logique que la droite reconnaisse aussi qu’il restait ce point de blocage au sujet de la concurrence déloyale, dont les artisans accusaient les auto-entrepreneurs. Il fallait donc trouver des solutions. À cet égard, nous pouvons nous féliciter du point d’équilibre auquel nous sommes parvenus. D’ailleurs, le choix du groupe UMP de s’abstenir sur ce texte est un signe qui ne trompe pas.
Mes chers collègues, sur toutes les travées, nous nous accordons à dire que la défense de l’emploi est la grande priorité nationale. Ce projet de loi tend à apporter des réponses à ce sujet majeur qui touche un nombre croissant de nos concitoyens. Aussi, je suis heureux que le Gouvernement ait été à l’écoute. Montrons aux Français que nous savons nous rassembler pour défendre l’emploi : c’est avec cette conviction que les socialistes soutiendront ce texte ! §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis d’un texte très important, puisqu’il concerne l’écrasante majorité des entreprises de notre pays. Celles-ci ont été tout particulièrement évoquées lors de la déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre la semaine passée. Aussi, je ne résiste pas à l’envie de le citer : « Nous avons besoin de nos entreprises, de toutes nos entreprises, de nos PME, de nos start-up, de nos artisans. […] Je salue nos entreprises, nos PME et PMI, nos artisans, nos agriculteurs, nos commerçants, qui travaillent dur, qui aiment leur métier. ». Tels sont les propos, très importants, qu’a tenus Manuel Valls.
Les voilà bienheureux, en effet, ces entrepreneurs, d’être l’objet de telles attentions ! Avouez que c’est plutôt nouveau et aussi plutôt réconfortant ! D’ailleurs, monsieur le ministre, vous avez rappelé le désarroi actuel de nombre d’entre eux : les artisans, les petits commerçants, les TPE ayant été les premières victimes de la crise, il est vraiment grand temps de les accompagner et d’essayer de simplifier leur quotidien, en mettant véritablement en œuvre ce fameux choc de simplification tant attendu.
Comme l’a rappelé Mme la rapporteur pour avis Nicole Bonnefoy, et je l’en remercie, c’est en ma qualité de rapporteur pour avis que j’ai présenté, lors de la discussion de la dernière loi de finances, un bilan du statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’EIRL.
Créé par la loi du 15 juin 2010 pour offrir un statut protecteur pour le patrimoine familial de l’entrepreneur, l’EIRL, que le présent texte, dans quatre de ces articles – les articles 16 bis à 19 – prévoit de modifier, sera l’objet principal de mon intervention.
Ce statut, jusqu’à présent, n’a pas rencontré le succès escompté. En effet, seuls 18 000 EIRL étaient recensés au 31 août 2013, un chiffre qu’il convient de comparer aux entreprises individuelles, qui sont au nombre de 1, 8 million, et aux 390 000 créations d’entreprises individuelles en 2012.
Alors que le dispositif de la déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale, créé en 2003, est plébiscité pour sa simplicité, le statut de l’EIRL est d’une complexité juridique et comptable telle qu’il est peu attractif, d’autant qu’il ne règle pas la question de l’accès au crédit.
Plusieurs facteurs expliquent le relatif insuccès de l’EIRL.
La séparation des deux patrimoines suppose de remplir des formalités et des obligations comptables, et la loi prévoit, dans certains cas, à titre de sanction, la confusion des patrimoines. D’après les auditions que j’ai organisées au cours de l’année 2013, les facteurs psychologiques sont prépondérants en la matière.
Ainsi, un chef d’entreprise qui ne veut pas créer de société et exerce en nom propre, par simplicité, ne choisira pas un statut compliqué, ce que l’on peut comprendre. Pour triviale qu’elle puisse paraître, cette explication me paraît néanmoins sérieuse.
Il reste enfin la question de l’accès au crédit : les banques sont hésitantes à l’égard de l’EIRL. En tout état de cause, elles peuvent toujours demander des garanties au-delà du patrimoine professionnel.
À cet égard, nous pourrions distinguer les prêteurs des autres créanciers professionnels. C’est pourquoi je proposerai deux amendements tendant, d’une part, à ajuster le régime de la déclaration d’insaisissabilité en cas de procédure collective et, d’autre part, à faciliter l’accès au crédit, en instituant une modularité des effets de l’affectation en fonction des créanciers.
L’EIRL apparaît comme un bon système pour les entrepreneurs individuels familiarisés avec les questions juridiques et comptables qui n’ont pas besoin de crédit pour financer leur activité, qui ont des actifs professionnels limités et qui peuvent être très rigoureux dans la séparation de leurs biens personnels et professionnels.
Or ce profil ne semble pas complètement correspondre à celui de la population initialement recherchée, à savoir les artisans. Des pistes d’amélioration sont donc envisageables. Nous pourrions profiter du présent texte pour apporter quelques aménagements.
En effet, alors qu’il avait été annoncé, à l’époque, la création de 100 000 EIRL, nous sommes aujourd’hui bien loin du compte ! Certes, plusieurs mesures de simplification comptable du régime de l’EIRL sont présentées, mais elles ne bouleversent pas grandement son économie générale.
Pourtant, cela fait presqu’un an que nos collègues Muguette Dirai et Philippe Kaltenbach ont déposé un rapport d’information, au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, portant évaluation de l’auto-entreprise. Ayant constaté que le principal avantage du statut d’auto-entrepreneur était de ne cotiser qu’en cas de réalisation de chiffre d’affaires, il leur est apparu nécessaire d’harmoniser ce statut avec celui des micro-entreprises, telles que l’EIRL, l’EURL, l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, et la SARL à gérance majoritaire.
Ce panel de statuts disponibles pour les entrepreneurs individuels étant trop large, donc trop compliqué, il fallait profiter du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises pour évoquer ce semi-échec de l’EIRL, afin de le simplifier et d’harmoniser l’ensemble.
Or la mesure prévue à l’article 16 bis, adopté par l’Assemblée nationale, tendant à la remise d’un rapport sur l’établissement d’un statut unique de l’entreprise individuelle dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi recule encore l’échéance de simplification. Cette modification – si elle arrive enfin ! – ne serait donc pas effective avant presque un an.
Il se passera donc presque deux ans entre le constat et les faits pour voir le quotidien de nos entrepreneurs sensiblement amélioré. Au moment où il faut libérer les initiatives et faciliter l’accès à l’entreprise, cela paraît un siècle ; en tout état de cause, c’est beaucoup trop long.
Par ailleurs, les simplifications proposées dans les articles suivants, même si elles sont bienvenues, sont à la marge ; je les soutiendrai cependant.
Je veux parler de la prise en compte par les registres de publicité légale du changement de domicile de l’EIRL, de la prise en compte du bilan pour simplifier l’établissement de la déclaration d’affectation de patrimoine d’un entrepreneur en activité optant pour le statut d’EIRL ou encore de l’allégement des obligations comptables annuelles applicables à l’EIRL.
J’avais formulé toutes ces propositions dans le cadre de l’avis budgétaire précité, et je me réjouis qu’elles soient reprises dans le présent texte.
En outre, il conviendrait peut-être de rendre la déclaration notariée d’insaisissabilité, la DNI, une procédure simple et plébiscitée, plus automatique. Les experts-comptables suggéraient même l’application automatique du régime de l’EIRL à tous les entrepreneurs individuels, le dépôt annuel du bilan valant déclaration d’affectation du patrimoine professionnel.
Je ne veux pas clore mon intervention sans évoquer l’usine à gaz – on est bien loin de l’objectif de simplification affirmé pour nos artisans du bâtiment ! – qu’est le fameux compte personnel de prévention de la pénibilité, qui ouvre des droits pour la retraite.
Les fiches individuelles devront être remplies, poste par poste, par un suivi quotidien de 80 % des salariés, alors que les tâches sont très différentes en fonction des chantiers et des situations.
À l’heure où l’on vante encore et toujours les vertus de la simplification, voilà qui pénalise encore ces entreprises, qui n’ont ni le temps ni les moyens de faire face à cet alourdissement considérable des tâches administratives.
Cependant que l’on ne cesse d’invoquer un retour nécessaire à un minimum de compétitivité, ces contraintes supplémentaires participent à l’aggravation d’une concurrence déloyale dans la mesure où les salariés détachés, comme les entreprises des autres États européens, n’auront pas à remplir ces exigences.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, je suis très inquiet quant au devenir de nos petites entreprises, quels que soient leurs secteurs d’activité, et je ne suis pas certain que le présent texte les soulage tant que cela. Néanmoins, dans ce domaine, il convient de souligner que toute amélioration est bonne à prendre. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand nous parlons d’artisanat, de commerce et petites entreprises, nous parlons de la première entreprise de France ! Nous parlons de plus de 3 millions d’emplois. Nous parlons de maillage du territoire, de lien social ; nous parlons d’innovation, de dynamisme et d’une part majeure de notre économie, puisque ce secteur représente à lui seul 25 % de notre PIB. Oui, nous parlons d’un véritable poumon économique que nous devons stimuler, conforter, accompagner !
Le projet de loi qui nous est aujourd’hui présenté est un signal fort envoyé à tous ces professionnels qui attendaient, nous le savons bien, des mesures destinées à favoriser, dans des conditions propices, le développement de leurs activités.
Au-delà, ces mesures, qui toucheront aussi bien au droit public qu’au droit privé, intéresseront également les élus locaux et les consommateurs, qui ont à cœur de préserver les commerces de proximité et l’activité des artisans.
Ne nous voilons pas la face, les artisans tendent de plus en plus à disparaître des centres-villes au profit d’importantes zones industrielles en périphérie des villes et villages.
Force est de le constater, les commerces de proximité sont en danger. Avec leur disparition, ce sont nos bourgs et nos villages qui se sclérosent et se meurent. Nous ne pouvons pas l’accepter. Et ce gouvernement – je me réjouis de votre action, monsieur le ministre – ne pouvait pas laisser faire plus longtemps. Il a agi, et bien agi.
Parce que ces activités sont au centre de la vie locale, parce qu’elles participent à son dynamisme et à la qualité de vie à laquelle chacun aspire, nous devions prendre les mesures qui s’imposaient, afin de remédier à ce déclin. J’approuve, j’apprécie et je soutiens la possibilité ainsi donnée de conclure des contrats de revitalisation commerciale, à titre expérimental, pour favoriser la redynamisation du commerce.
Monsieur le ministre, je félicite le Gouvernement d’avoir pris ces mesures justes, nécessaires et tant attendues, sur lesquelles je reviendrai de manière plus détaillée.
L’une des mesures phares du texte concerne les baux commerciaux. Le renchérissement de ceux-ci au cours des vingt dernières années, auquel s’ajoutent les charges locatives, ne pouvait pas nous laisser indifférents. La hausse des loyers n’étant plus supportable, de nombreuses activités et des commerces indépendants n’ont eu d’autre choix que de fermer. Je pense à tous ces commerces de détail, à ces ateliers d’artisans qui n’ont pas trouvé de repreneur, tandis que nous avons vu fleurir à leur place des chaînes de magasins, des banques et j’en passe...
La richesse naît, dit-on, de la diversité ; ne perdons jamais de vue ce concept. Justement, cette diversité, c’est ce que nous étions en train de perdre. C’est pourquoi les mesures proposées visent à corriger des injustices.
Ce projet de loi permettra d’indexer les loyers sur l’indice des loyers commerciaux, en corrélation avec l’activité des commerces et la variation des prix, l’objectif étant de lisser les hausses de prix des loyers à 10 % par rapport à l’année précédente.
Par ailleurs, ce texte affirme clairement les obligations du bailleur et du locataire.
À cet égard, permettez-moi de revenir sur quelques mesures phares : la réalisation d’un état des lieux contradictoire, un inventaire des charges et des impôts, le renforcement des procédures de conciliation et de médiation et, enfin, l’instauration d’un droit de préférence pour le locataire en cas de cession.
Ces mesures me semblent aller dans la bonne direction, vers plus d’équilibre et de justice, tout en tenant compte des besoins réels. Je tenais à le souligner et à le saluer.
En outre, vous vous êtes saisi, monsieur le ministre, de la question du droit de préemption par les communes, que vous avez étendu aux EPCI pour les fonds de commerce.
La puissance publique doit pouvoir, grâce au renforcement de ses leviers d’action, préserver son centre-ville, ses activités avec une pluralité commerciale lorsqu’elle le juge nécessaire et si elle estime que l’intérêt général est menacé. Voilà des mesures pleines de bon sens, auxquelles je souscris totalement.
Enfin, concernant le statut de l’artisan, ce texte redonne tout son sens à cette qualité, qui ne pourra être attribuée qu’aux personnes qualifiées et exerçant, de surcroît, un métier artisanal à proprement parler. Il y en a assez, je crois, des usurpations en tout genre.
Je salue votre action, monsieur le rapporteur, sur le plan général bien sûr et, notamment, pour ce qui concerne l’adoption de vos amendements relatifs à la vérification des compétences artisanales.
J’émettrai quelques réserves, toutefois, au sujet des conjoints d’artisan, car il me semble que la protection de ces derniers n’est pas aujourd'hui optimale, ce qui n’est pas sans poser plusieurs problèmes.
Je me réjouis que vous souteniez cette disposition, monsieur Lenoir…
En conclusion, je suis satisfait, monsieur le ministre, que le Gouvernement que vous représentez sur ce texte se soit saisi de la question de l’artisanat, du commerce et des très petites entreprises, afin d’apporter les outils nécessaires pour aller vers plus d’efficacité et, surtout, pour redonner ses lettres de noblesse à cette branche de notre économie, trop longtemps laissée de côté.
Bien entendu, je défendrai et voterai ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. Jean-Claude Requier applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’instar de plusieurs orateurs m’ayant précédé, je tiens à adresser tous mes vœux de prompt rétablissement à Mme Fourneyron.
À cet égard, je veux d’ailleurs saluer le travail des services du ministère, qui ont assuré la continuité de l’État entre une ancienne ministre, Mme Pinel, et la nouvelle ministre. Ils ont élaboré ce projet de loi, pour l’essentiel consensuel, sans aspérité, ni orientation politique très marquée. Certes, celui-ci n’est pas très ambitieux, alors qu’il prétend défendre le commerce, l’artisanat et les TPE.
Certains collègues ont abondamment évoqué l’urbanisme commercial. À ce sujet, quelques amendements adoptés en commission vont dans le bon sens. Toutefois, pour l’essentiel, je regrette que l’urbanisme commercial demeure dans notre pays un urbanisme d’exception, contrairement à ce qui se pratique chez nos voisins européens.
Je le regrette d’autant plus vivement que les intercommunalités réaliseront désormais – M. Bérit-Débat l’a souligné à juste titre – les schémas de cohérence territoriale avec un volet commercial. Je suis favorable au rétablissement du document d’aménagement commercial, le DAC, dans le SCOT. Il est plus simple d’avoir trois volets : un volet commercial, avec le DAC, un volet transports, avec le plan de déplacements urbains, et un volet logement, avec le programme local de l’habitat. C’est, me semble-t-il, une bonne chose pour l’aménagement du territoire.
Je ne crois pas du tout que l’accroissement du nombre de membres de la Commission nationale d’aménagement commercial et des commissions départementales d’aménagement commercial soit un facteur de simplification ou une garantie de proximité du terrain dans la prise de décision.
Plus surprenant, il n’y a rien dans ce texte sur le commerce en ligne, qui connaît pourtant une croissance exponentielle, bouleverse les habitudes de consommation de nos concitoyens et a des effets sur le commerce traditionnel, notamment le commerce de proximité, mais pas seulement.
Afin de ne pas dépasser le temps qui m’est imparti, monsieur le président, j’ai choisi de concentrer mon intervention sur deux sujets qui me sont chers : le FISAC, qui a été largement évoqué, et le droit de préemption commercial. Pour moi, ce sont deux outils indispensables au développement et même à la survie du commerce de proximité, surtout en milieu rural.
Permettez-moi, tout d’abord, de rappeler une évidence. Le FISAC est un outil précieux, et les sénateurs le savent bien, sur toutes les travées de cet hémicycle. J’ai pu le mesurer en tant que rapporteur de cette partie du projet de loi de finances lorsqu’il s’est agi de défendre les crédits alloués à ce fonds, alors menacés de réduction.
En effet, les élus locaux ne peuvent que souscrire à cet outil. Il permet à nos communes de garder des commerces de bouche en particulier, qui sont soumis à des mises aux normes techniques de plus en plus précises et coûteuses.
Je le dis clairement, je ne peux donc que regretter la perspective de restriction budgétaire induite dans ce texte, avec la suppression, comme l’a souligné Mme Lamure, des dispositions en vertu desquelles les ressources du fonds représentent a minima 15 % de la taxe sur les surfaces commerciales, ou TASCOM. À l’instar de Mme Schurch et de M. Labbé, je regrette la destruction du lien de solidarité entre les grands et les petits commerces. Il me semble important de préserver ce lien et de maintenir le seuil minimal de 15 % de la TASCOM. Je ne partage donc pas l’optimisme de notre collègue Jean-Claude Requier.
À mon avis, cela entraînera mécaniquement une baisse du budget du FISAC, un fonds pourtant fortement demandé pour sauvegarder le commerce de proximité.
Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour le préserver.
Il s’agira évidemment d’arbitrages interministériels. Sachez que le FISAC a été toujours défendu ici, sur toutes les travées. Malheureusement, les services de Bercy procèdent toujours à des réductions – il y a des contraintes budgétaires –, et le FISAC a souvent été amputé, sous des gouvernements de toutes tendances politiques d’ailleurs. Nous comptons donc vraiment sur vous pour défendre ce bel instrument d’aménagement du territoire.
J’en viens maintenant au droit de préemption.
Le droit de préemption conféré aux maires sur les cessions de fonds de commerce ou artisanaux et sur les baux commerciaux a presque dix ans maintenant. Il a été introduit dans la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, dont j’étais le rapporteur au Sénat, au travers d’un amendement que j’avais présenté et beaucoup défendu à l’époque, car il s’agit d’un outil vraiment concret à la disposition de l’élu local.
Ce dispositif, précisé par un décret de la fin de l’année 2007, a été élargi par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie aux terrains destinés à porter des commerces d’une surface de vente comprise entre 300 mètres carrés et 1 000 mètres carrés.
L’article 7 du présent projet de loi vise à rendre plus efficace le droit de préemption commercial, en permettant à la commune de déléguer tout ou partie des compétences afférentes à l’EPCI dont elle est membre, l’établissement pouvant éventuellement ensuite déléguer au concessionnaire d’une opération d’aménagement.
À ce sujet, ont été adoptés des amendements visant à étendre un peu plus la liste des personnes susceptibles de se voir déléguer le droit de préemption et à améliorer l’information de la collectivité qui exerce son droit de préemption.
Le défenseur du commerce de proximité et de la vitalité de nos villages que je suis ne peut que se réjouir de tels aménagements, inspirés par la pratique et l’expérience.
Comme cela a souvent été dit, les commerçants, artisans et petites entreprises font la richesse de notre pays ; ils le font même vivre. Saturés de réglementation, ils ne demandent qu’à travailler en paix. Éventuellement, ils veulent qu’on leur simplifie les démarches administratives et qu’on les rende plus efficientes.
Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste.
Bref, ce texte marque un recul pour ce qui concerne le FISAC, mais présente une petite avancée technique s’agissant du droit de préemption, ainsi qu’une avancée significative sur le bail dérogatoire de deux ans à trois ans et sur le droit préférentiel du locataire du bail en cas de vente. Tout cela est très intéressant.
Globalement, il y a des avancées, mais certaines dispositions ne nous plaisent pas trop. Par conséquent, je m’abstiendrai sur ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d’abord, je tiens à vous remercier de la tonalité de la discussion qui s’est engagée, sur la base d’un texte ayant déjà rassemblé largement l’Assemblée nationale.
Ce projet de loi est aujourd'hui soumis à votre examen, afin d’être amélioré. Certains ont d’ailleurs employé le mot de « co-construction », qui me semble parfaitement exact. En effet, les sujets dont il sera question sont maîtrisés par les parlementaires, qui mesurent la portée de leurs implications concrètes et des détails qui pourraient nuire à l’effet attendu, en engendrant des conséquences perverses. Parfois, les parlementaires maîtrisent la loi mieux que certaines administrations, qui font réciter un catéchisme à leur ministre.
Marques d’approbation sur plusieurs travées.
Je fais donc confiance au Sénat pour trouver les voies et moyens de la sagesse.
C’est dans cet état d’esprit, mesdames, messieurs les sénateurs, que je voudrais répondre à quelques-unes de vos objections, bien que je constate un certain accord, ce dont je me félicite et vous remercie, sur un certain nombre de questions, qui représentent des progrès indéniables.
À l’évidence, les baux commerciaux font l’objet, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, d’un consensus. À cet égard, je voudrais saluer le travail important réalisé par M. le rapporteur Yannick Vaugrenard, lequel, en se félicitant du caractère équilibré du texte, a employé une expression que je juge à la fois forte et juste : il a en effet parlé d’un texte d’« apaisement ».
En effet, les échanges souvent très difficiles entre les artisans et les auto-entrepreneurs ont permis de trouver un point de rassemblement, qui est aujourd’hui salué des deux côtés de l’échiquier politique. Il faut en remercier Mme Sylvia Pinel, qui m’a précédé dans mes fonctions, et le travail des parlementaires de terrain, en particulier de M. le rapporteur, qui ont contribué, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, à faire disparaître les antagonismes.
Nous sommes parvenus à ce point d’équilibre grâce à un certain nombre de décisions importantes, saluées par les chambres de commerce et d’industrie, les associations d’auto-entrepreneurs, l’UPA, l’Union professionnelle artisanale, ainsi qu’un certain nombre de professionnels, œuvrant aussi bien dans le secteur des travaux publics que de l’alimentation et des services. Nous les avons rencontrés, avec le Premier ministre, à Matignon. Ils nous ont dit le bien qu’ils pensaient de ce texte et la façon dont il fallait l’envisager.
Je ne peux que constater ces points de rassemblement et d’équilibre, sur lesquels nous pourrons nous appuyer pour travailler ensuite dans le détail. Toutefois, si la loi se perd dans le détail, elle prend la valeur du règlement. Le Gouvernement n’est pas toujours favorable à une telle évolution. Pour autant, si vous souhaitez, mesdames, messieurs les sénateurs, améliorer ce projet de loi, nous en discuterons de bonne foi et en franchise, comme il se doit, s’agissant d’un texte de rassemblement, d’équilibre et d’apaisement.
Au demeurant, j’ai noté un certain nombre de points d’interrogation. Avant d’aborder la question passionnée du FISAC, peut-être évoquerais-je rapidement celle de la conjoncture.
Le ministre de l’économie n’est pas indifférent à la situation des très petites entreprises et de l’artisanat, ne serait-ce que par contraste avec celle des PME de plus de cinquante salariés. Il ne vous a sans doute pas échappé que nous observons au premier trimestre 2014, sur fond de reprise des investissements et d’une activité de production industrielle assez significative dans un certain nombre de secteurs industriels, que je surveille comme le lait sur le feu en tant que ministre du redressement productif, une chute spectaculaire de 28 % des faillites dans les PME de plus de cinquante salariés. Tel n’est pas le cas s’agissant des TPE. Nous avons donc à analyser ce phénomène, que Mmes Schurch et Lamure ont d’ailleurs évoqué.
Nous sommes attentifs à l’amélioration de la conjoncture, car nous avons un problème non seulement d’offre, mais aussi de demande. Le Gouvernement, si je me réfère aux annonces faites par Manuel Valls après le conseil des ministres qui s’est tenu ce matin, a prévu un volet relatif à l’amélioration de l’offre des entreprises de ce pays, qui n’exclut pas, je l’ai rappelé tout à l’heure à la tribune, les très petites entreprises, le commerce et l’artisanat. Ainsi, un certain nombre d’exonérations, d’abaissements de cotisation, de ristournes, salués par l’Union professionnelle des artisans, « première entreprise de France », comme ils se plaisent à le dire, concernera ce secteur à hauteur d’un milliard d’euros.
Il s’agit d’un point important. Je pense notamment aux difficultés de trésorerie des professionnels de ce secteur, qui les mènent parfois injustement, alors que leurs carnets de commande sont remplis, au tribunal de commerce pour défaillance et dépôt de bilan. Je n’oublie pas non plus le durcissement en matière de crédits et les difficultés de financement des très petites entreprises. L’accumulation de tels freins engendre, dans notre pays, un problème de financement de l’économie réelle, dont le secteur bancaire s’est éloigné. Cette question relève de mes responsabilités, ainsi que de celles de Michel Sapin. Je le rappelle, nous avons dû créer une banque alternative, la Banque publique d’investissement, qui introduit une concurrence justifiée à l’activité bancaire privée, de manière que l’économie réelle puisse trouver des financements.
Toutes ces mesures sont-elles suffisantes ? Les rapports du médiateur du crédit aux entreprises ou les enquêtes réalisées par les organisations professionnelles et les syndicats des petits entrepreneurs, notamment la CGPME, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, montrent qu’il existe un problème d’accès au crédit pour les entreprises modestes, de taille petite ou moyenne. Il faudra que nous nous saisissions – pas forcément au travers d’une loi d’ailleurs – de ces sujets.
Ainsi, la surveillance de la conjoncture constitue à nos yeux un point important.
Je n’oublie pas que le Premier ministre a annoncé ce matin un soutien au pouvoir d’achat des ménages. Certes, des non-revalorisations des prestations sociales sont prévues : il n’y aura donc ni baisse ni augmentation. Je rappelle que nous sommes en période d’inflation très faible : 0, 5 % dans la zone euro et à peu près l’équivalent en France.
Dans ce contexte, nous mettons en place des mesures de stimulation du pouvoir d’achat des ménages. Je souhaite vous rendre attentifs à cette question, mesdames, messieurs les sénateurs, car il s’agit d’introduire un équilibre : rechercher la croissance, c’est améliorer l’offre productive, dont les TPE ne sont pas exclues – ce qui est bien ! –, mais c’est aussi stimuler, avec modération et efficacité, le pouvoir d’achat des ménages.
J’espère avoir ainsi répondu aux remarques fort justifiées apparues au cours du débat.
Sur la question passionnée, presque passionnelle, du FISAC, j’ai entendu beaucoup de choses. Je rappelle que Mme Pinel, qui m’a précédé, a trouvé 13 millions d’euros dans les caisses au titre du FISAC pour 1 600 projets en cours d’instruction. Or il aurait fallu au moins 35 millions d’euros pour les seuls projets déjà instruits à son arrivée, en 2012.
M. Arnaud Montebourg, ministre. J’ai été étonné d’entendre que, en cette période de disette budgétaire, nous aurions dû être au rendez-vous des engagements pris de façon inconsidérée. Le Gouvernement n’a pas pu servir la cause de tous les dossiers qui s’étaient empilés sur le bureau du prédécesseur de Mme Pinel, mais il a tout de même fait un effort en procédant à un réabondement du fonds à hauteur de 35 millions d’euros en 2013
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Il est donc assez curieux de se voir accuser d’une turpitude qui est celle de ceux que vous avez soutenus, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition.
S’il s’agit bien d’une turpitude, et non de mœurs politiques condamnables…
M. Arnaud Montebourg, ministre. Je veux bien retirer ce que vous voulez, mais les mots ont un sens. On ne peut pas accuser autrui de ce que l’on fait soi-même : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans. Tel est le proverbe du juriste, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. C’est la raison pour laquelle j’ai employé ce beau mot de « turpitude », qui correspond parfaitement à la situation décrite.
M. le président de la commission applaudit.
On nous a également reproché l’absence de lien entre le FISAC et la TASCOM. C’est pourtant un dispositif qui a été créé par le côté droit de l’hémicycle ! Peut-on nous en faire le reproche ? Peut-être nous reproche-t-on de ne pas le rétablir ?
Nous avons mis en place, comme cela a été rappelé par certains sénateurs, une boîte à outils, qui est désormais à la disposition des élus, afin de réguler le commerce. Je pense aux contrats de revitalisation commerciale, tels qu’ils ont été décrits par M. Jean-Claude Requier et évoqués par d’autres de ses collègues, au droit de préemption, soutenu tout à l’heure par Mme le rapporteur pour avis de la commission des lois, que je remercie. Il s’agit également des dispositifs d’aide au cinéma – je me tourne à cet égard vers M. le rapporteur pour avis Didier Marie, qui a évoqué ce sujet –, qui nous permettent d’intervenir en liaison avec le ministère de la culture. Tous ces outils dédiés à la régulation du commerce permettent à nos territoires de faire face aux difficultés qu’ils rencontrent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’attire votre attention sur le fait que le Gouvernement est ouvert à la discussion : nous ne pourrons pas être d’accord avec toutes les propositions, qu’elles émanent de la majorité ou de l’opposition, mais nous nous dirons les choses, dans le respect des convictions de chacun.
C’est donc dans cet état d’esprit que je veux aborder la discussion des articles.
Pour en revenir au FISAC, à propos duquel certains d’entre vous ne sont pas tout à fait satisfaits, la transparence sera au rendez-vous. Les appels d’offres seront faits au niveau national, en rapport avec les enveloppes disponibles par avance, afin d’éviter le saupoudrage. La préférence sera donnée, finalement, aux projets déterminants, notamment d’aménagement. Nous éviterons une distribution selon les affinités territoriales, voire en l’absence d’affinités, puisque les décisions se prennent sur instruction administrative objective.
Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, l’état d’esprit dans lequel nous pouvons travailler. L’artisanat, le commerce, les très petites entreprises, ont besoin du soutien de la nation, et, surtout, de sa reconnaissance. Le travail que vous faites ici, aux côtés du Gouvernement, y participe, et je tenais à vous en remercier particulièrement. §
La discussion générale est close.
Avant d’engager la discussion des articles, je dois vous dire, mes chers collègues, que je suspendrai la séance à dix-huit heures vingt-cinq, puisque la conférence des présidents se tiendra à dix-huit heures trente en présence de M. le Premier ministre. En conséquence, nous reprendrons nos travaux à vingt et une heures.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
TITRE Ier
ADAPTATION DU RÉGIME DES BAUX COMMERCIAUX
L'amendement n° 193, présenté par M. Vaugrenard, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er AA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 145-2 du code de commerce est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. – En cas d'exercice du droit de préemption sur un fonds artisanal ou un fonds de commerce en application du premier alinéa de l'article L. 214-2 du code de l'urbanisme, le bail du local ou de l'immeuble reste soumis aux dispositions du présent chapitre.
« Si la préemption ne porte que sur un bail commercial, le défaut d'exploitation ne peut être invoqué par le bailleur pour y mettre fin dans le délai prévu par l'article L. 214-2 du même code pour sa rétrocession à un nouvel exploitant. »
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à sécuriser l'exercice du droit de préemption commercial par les communes.
L'absence d'articulation claire entre les dispositions du code de l'urbanisme sur le droit de préemption commercial et les dispositions du code de commerce sur les baux commerciaux a pour conséquence que les communes qui préemptent un fonds artisanal ou de commerce ne sont pas couvertes par les règles très protectrices du régime des baux commerciaux. Cet amendement tend à résoudre une telle difficulté.
Je souhaite avoir quelques précisions sur cet amendement. S’agit-il, comme il m’a semblé le comprendre, de permettre aux communes, lorsqu’elles préemptent un bail commercial vide, d’éviter que le propriétaire des murs ne récupère le bail ?
Dans ces conditions, il s’agit d’un amendement important, auquel je souscris totalement.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er AA.
L’article L. 145–3 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables aux contrats de mise à disposition d’emplacement situé dans l’enceinte d’un lieu de vente et dont il profite de la chalandise, dès lors que l’emplacement n’a pas d’accès direct sur l’extérieur ou sur le mail commercial, que son exploitation est soumise au respect des horaires d’ouverture et de fermeture du lieu de vente et que les parties ont expressément exclu ces contrats du champ d’application du statut des baux commerciaux. »
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 119 rectifié ter, présenté par M. Houel, Mmes Lamure et Mélot et MM. Cambon, Dulait, G. Bailly, Grignon, Ferrand, Chauveau, Billard, Magras, Fouché, Doligé, Lefèvre, Laménie, Milon et Beaumont, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables non plus aux contrats de mise à disposition d’emplacement pouvant être modifié à tout moment, situé dans l’enceinte d’un lieu de vente entendu comme unité économique organisée, ayant une clientèle principalement touristique et dont l’opérateur fournit à ses contractants, pouvant être déplacés à tout moment, des services visant à optimiser leur chiffre d’affaires, dès lors que les parties ont expressément exclu ces contrats du champ d’application du statut des baux commerciaux. »
La parole est à Mme Colette Mélot.
Par cet amendement, nous souhaitons que les dispositions du présent chapitre ne soient pas uniquement applicables aux contrats de mise à disposition d’emplacement pouvant être modifié à tout moment, situé dans l’enceinte d’un lieu de vente entendu comme une unité économique organisée, ayant une clientèle principalement touristique. À cet égard, je rappelle toute l’importance de conserver à son meilleur niveau l’activité touristique en France.
En août 2013, le Président de la République déclarait à l’occasion de la conférence des ambassadeurs que le tourisme devait être « érigé en grande cause nationale ».
L'amendement n° 120 rectifié ter, présenté par M. Houel, Mmes Lamure et Mélot et MM. Cambon, Dulait, G. Bailly, Grignon, Ferrand, Chauveau, Billard, Magras, Fouché, Doligé, Lefèvre, Laménie, Milon et Beaumont, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables aux contrats de mise à disposition d’emplacement pouvant être modifié à tout moment, situé dans l’enceinte d’un lieu de vente entendu comme une unité économique organisée, où le contractant, pouvant être déplacé à tout moment, profite de la chalandise ou bénéficie de services visant à optimiser son chiffre d’affaires, dès lors que l’emplacement n’a pas d’accès direct sur l’extérieur du lieu de vente, que son exploitation est soumise au respect des horaires d’ouverture et de fermeture du lieu de vente et que les parties ont expressément exclu ces contrats du champ d’application du statut des baux commerciaux. »
La parole est à Mme Colette Mélot.
Le présent amendement vise à clarifier l’article 1er AA adopté par la commission des affaires économiques lors de sa réunion du 9 avril dernier.
Il précise ainsi que les dispositions relatives aux baux commerciaux ne sont pas applicables dès lors que le contrat de mise à disposition d’emplacement situé dans un lieu de vente réunit les trois conditions additionnelles suivantes : d’abord, l’emplacement mis à disposition peut être modifié à tout moment ; ensuite, le contractant bénéficie de services proposés par l’opérateur ; enfin, l’emplacement n’a pas d’accès direct sur l’extérieur du lieu de vente.
L’amendement n° 119 rectifié ter vise à clarifier le statut de mise à disposition des emplacements situés dans l’enceinte d’un lieu de vente ayant une clientèle principalement touristique. Cette clarification ne me paraît pas indispensable.
Je rappelle que la commission, sur proposition de Mme Lamure, a adopté un amendement visant à clarifier de façon générale le statut des contrats de mise à disposition d’emplacements commerciaux. Les emplacements situés dans des lieux touristiques s’inscrivent donc parfaitement dans ce cadre.
Cette argumentation vaut aussi pour l’amendement n° 120 rectifié ter, dont la rédaction est très proche de celle de l’amendement n° 119 rectifié ter : au lieu de préciser de façon encore plus détaillée l’article L. 145-3 du code de commerce, il faudrait, au contraire, plutôt essayer d’en simplifier la rédaction.
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur les amendements n° 119 rectifié ter et 120 rectifié ter.
Même si ces deux amendements procèdent d’une intention louable, le Gouvernement y est défavorable, car nous ne souhaitons pas complexifier, par des dérogations s’appliquant à des cas particuliers, une jurisprudence solide et bien établie, qui permet d’assurer la sécurité juridique des preneurs et des bailleurs.
C’est pourquoi je vous demande, madame Mélot, de bien vouloir retirer vos deux amendements, qui m’apparaissent comme une source de complexité inutile, dans une période où nous cherchons à simplifier ou, plutôt, à aider les cocontractants à établir la solidité de leurs relations contractuelles.
Madame Mélot, les amendements n° 119 rectifié ter et 120 rectifié ter sont-ils maintenus ?
Monsieur le ministre, je vous remercie de ces éclaircissements. Je suis, comme nous le sommes certainement tous actuellement, tout à fait favorable à une simplification. Il semblerait, en outre, selon les propos de M. le rapporteur, que vous avez confirmés, monsieur le ministre, que ces amendements soient satisfaits. (M. le ministre opine.) Par conséquent, je les retire.
Les amendements n° 119 rectifié ter et 120 rectifié ter sont retirés.
Je mets aux voix l'article 1er AA.
L'article 1 er AA est adopté.
L'amendement n° 35, présenté par Mme Lamure, M. César et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l'article 1er AA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 5° de l'article L. 145-33 du code de commerce est ainsi rédigé :
« 5° Les prix couramment pratiqués dans la zone de chalandise telle que définie à l’article R. 752-8 du présent code. »
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Par cet amendement, il vous est proposé de remplacer la notion de « prix couramment pratiqués dans le voisinage » par celle de « prix couramment pratiqués dans la zone de chalandise », qui nous paraît plus pertinente économiquement. La zone de chalandise a d'ailleurs une existence juridique.
Cette modification permettrait en outre de redonner une liberté d’appréciation aux commissions de conciliation et aux magistrats.
Cet amendement vise en effet à prendre comme référence géographique pour la détermination de la valeur locative des locaux commerciaux la zone de chalandise plutôt que le voisinage.
Cette demande est portée par les fédérations de commerçants des centres commerciaux qui, en étendant la zone de référence au-delà du voisinage de leur commerce, espèrent obtenir des loyers plus bas, ce qui semble logique de leur point de vue.
Or la zone de chalandise peut être très vaste et peut conduire à comparer des emplacements commerciaux qui ne sont pas comparables. Fixer le loyer d’un local situé dans un centre commercial moderne, fréquenté et très attractif par rapport au loyer d’un local situé dans un environnement tout à fait différent n’a pas de sens.
Par ailleurs, les commerçants des centres commerciaux espèrent en fait – et on peut comprendre leur point de vue – qu’une comparaison des loyers sur la zone de chalandise fera baisser les loyers qu’ils acquittent, en les faisant converger vers les loyers les plus bas de la zone.
Mais, à l’inverse, ce même mécanisme pourrait symétriquement faire augmenter les loyers commerciaux des locaux situés en dehors des centres commerciaux. Les petits commerçants indépendants des villes petites ou moyennes, voire des bourgs ruraux, seraient alors victimes de la mesure.
C'est la raison pour laquelle l’avis de la commission est défavorable.
Je ferai la même remarque que précédemment : ne déstabilisons pas une jurisprudence solidement établie pendant des années, qui est aujourd'hui une référence pour les praticiens.
Je partage les observations formulées par M. le rapporteur. Ne prenons pas le risque de remettre en question un système qui, aujourd'hui, fonctionne bien.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Je suis sensible à l’argument de M. le ministre selon lequel il ne faut pas prendre le risque de déstabiliser ce qui fonctionne assez bien.
Le seul problème c’est que, si la zone de chalandise est relativement bien définie, ce n’est pas le cas de la notion de voisinage. Si nous ne voulons pas retenir la zone de chalandise, nous aurions intérêt à mieux définir le voisinage, qui est un terme très vague. Le voisinage, est-ce un kilomètre, cinq kilomètres ? S’agit-il de la proximité immédiate du local ? Cette notion est relativement floue.
M. le ministre nous dit que cela fonctionne bien en termes de jurisprudence – je lui fais confiance ! – mais, au niveau législatif, nous aurions peut-être intérêt à mieux définir la notion de « voisinage » si nous ne voulons pas retenir celle de « zone de la chalandise ».
Pour avoir siégé un certain temps dans les commissions départementales d’aménagement commercial, les CDAC, je dois vous dire que les zones de chalandise étaient comprises dans un rayon de 80 à 100 kilomètres, ce qui diminuait le prix moyen d’un local établi dans cette zone par rapport à un autre situé en centre-ville ou en centre-bourg.
Cette référence au mot « chalandise » me pose un problème. Je comprends bien l’intérêt des commerçants de se fonder sur cette notion, mais ce n’est pas l’intérêt des propriétaires et des bailleurs. Par ailleurs, une telle mesure aurait pour effet de créer une concurrence quelque peu déloyale et d’augmenter le prix des baux dans les centres-bourgs un peu éloignés.
Je préfère le terme « voisinage » dont on sait ce qu’il recouvre pour ce qui est des grandes villes en tout cas. Il sera beaucoup plus difficile de définir la valeur locative moyenne sur un rayon de 80 ou 100 kilomètres, d’autant que la zone de chalandise de certains centres commerciaux peut même être interrégionale.
Je souscris tout à fait aux propos que vient de tenir le président Daniel Raoul.
Tous ceux qui ont réalisé des études sur les zones d’implantation et les zones de chalandise savent que, selon le type d’activité ou de commerce, les zones de chalandise peuvent être interdépartementales. La zone de chalandise du magasin de bricolage d’un grand centre commercial périphérique peut s’étendre sur 120 ou 130 kilomètres.
Il me semble donc dangereux de substituer à la notion de proximité, de voisinage, celle de zone de chalandise. Des effets pervers, parfaitement soulignés par le rapporteur, peuvent en résulter, tels que des augmentations des loyers pour des bourgs-centres qui n’ont pas du tout la même problématique.
Est-il possible de mieux définir le voisinage ? Aujourd’hui, ce terme ne fait pas débat, sauf pour ceux qui voudraient faire baisser le prix des loyers de leurs centres commerciaux.
Je souscris à l’avis de M. le rapporteur et de M. le ministre, il ne faut pas revenir sur cette jurisprudence, car les commerçants installés dans des bourgs-centres pourraient nous renvoyer à la figure, nous qui sommes des femmes et des hommes de terrain, les effets pervers qui pourraient résulter de cette mesure.
L'amendement n'est pas adopté.
(Non modifié)
L’article L. 145-4 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « à défaut de convention contraire, » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Les baux d’une durée supérieure à neuf ans, les baux de locaux monovalents et les baux à usage exclusif de bureaux peuvent prévoir des dispositions contraires. » ;
2° L’avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même pour ses ayants droit en cas de décès du preneur. »
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 159, présenté par Mme Bonnefoy, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans, les baux des locaux construits en vue d’une seule utilisation et les baux des locaux à usage exclusif de bureaux peuvent comporter des dispositions contraires. » ;
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.
Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle, qui reprend en particulier la définition des locaux dits « monovalents » déjà mentionnés à l’article L. 145-36 du code de commerce. Ce sont les locaux construits en vue d’une seule utilisation, notion que la jurisprudence a déjà eu l’occasion d’explorer.
La commission des lois vous propose donc de reprendre la rédaction des notions qui se trouvent déjà dans le code de commerce.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 36 est présenté par Mme Lamure, M. César et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 93 est présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
Les baux d’une durée supérieure à neuf ans,
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 22 rectifié.
Le code de commerce prévoit actuellement que les baux commerciaux de droit commun d’une durée au moins égale à neuf ans peuvent être résiliés tous les trois ans à défaut de convention contraire.
Cette mention avait été ajoutée en 1985. Elle a eu pour conséquence l’introduction, dans de nombreux baux commerciaux, d’une clause privant d’effet cette faculté de révision triennale et conduisant en pratique à des baux de neuf ans fermes.
Cette rigidité dans l’application pratique est une source de difficultés pour de nombreux commerçants, surtout dans le contexte économique actuel. C’est la raison pour laquelle nous nous réjouissons que l’article 1er A de ce projet de loi ait rendu son caractère d’ordre public à la résiliation triennale des baux commerciaux, en supprimant la possibilité d’y déroger contractuellement.
Cependant, le champ de cet article a été restreint en séance publique par l’Assemblée nationale. En effet, l’article exclut désormais les baux d’une durée supérieure à neuf ans, les baux monovalents ou les baux à usage exclusif de bureaux de l’interdiction qui est faite de prévoir une clause contraire au principe de résiliation triennale.
On peut comprendre que cette mesure ne s’applique pas aux baux monovalents, c’est-à-dire à des locaux conçus pour une activité spécifique et pour lesquels d’importantes transformations seraient nécessaires pour y installer une autre activité – il existe là une logique –, de même qu’aux bureaux. Mais il est, selon nous, contestable que cette mesure ne s’applique pas à l’ensemble des baux commerciaux, quelle que soit leur durée.
Le présent amendement a donc pour objet de supprimer cette différence de traitement, qui affaiblit le dispositif et qui ne nous semble pas justifié, en appliquant le caractère d’ordre public de la résiliation triennale à l’ensemble des baux commerciaux, y compris ceux d’une durée supérieure à neuf ans.
Par cet amendement, nous souhaitons revenir à l’idée initiale et contester les dispositions adoptées en séance publique par l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l'amendement n° 36.
Mon amendement étant identique à celui de notre collègue Jacques Mézard, mes arguments sont donc sensiblement les mêmes.
J’ajoute que, avec la disposition prévue dans le projet de loi, les bailleurs seront inévitablement incités à signer des baux de neuf ans, ce qui réduira un peu plus dans la pratique la place du bail classique de trois, six ou neuf ans. Cela conduira à la disparition de fait du statut des baux commerciaux, déjà largement attaqué par la pratique contractuelle des bailleurs.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° 93.
Cet amendement est inspiré d’une proposition de l’Alliance du commerce.
Nous partageons avec eux l’idée selon laquelle le droit de résiliation triennale doit être reconnu d’ordre public et qu’il doit s’appliquer à l’ensemble des baux commerciaux, a fortiori si ceux-ci couvrent une période longue.
Il n’y a pas lieu, comme le prévoit le présent article, de dispenser les baux longs de l’application de cette mesure d’ordre public.
Par ailleurs, si une telle dispense était prévue, elle irait à l’encontre de la nécessaire unité des baux commerciaux et risquerait d’avoir une conséquence perverse, en conduisant les bailleurs à proposer des baux longs fermes, plus avantageux et plus sécurisants pour eux.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, de reconnaître le droit de résiliation triennale pour tous les preneurs, sauf pour les baux de locaux monovalents et les baux à usage exclusif de bureaux, qui répondent à des logiques différentes.
L’amendement n° 159 est un amendement de précision, sur lequel la commission a émis un avis favorable.
Quant aux trois amendements identiques n° 22 rectifié, 36 et 93, ils soulèvent une question délicate sur laquelle nous avons essayé de trouver un équilibre. Ils prévoient d’interdire les clauses contractuelles de renonciation au droit à la résiliation triennale dans les baux commerciaux de plus de neuf ans, ce qui correspond en pratique aux baux des commerces situés dans les centres commerciaux.
Interdire les clauses de renonciation à la résiliation triennale a un sens lorsqu’on a affaire à de petits commerçants, notamment de centre-ville, en situation de faiblesse économique par rapport au bailleur : si tel était le cas, cette proposition me semblerait tout à fait judicieuse. Mais, s’agissant des commerces plus importants situés dans les centres commerciaux, cela n’a pas de sens. Je ne tiens pas à citer ici des exemples d’enseigne, mais chacun a à l’esprit les chaînes commerciales extrêmement connues situées dans les centres commerciaux auxquelles je fais allusion. Elles ne peuvent pas être comparées aux petits commerçants de centre-ville.
Prendre des engagements fermes sur une longue durée, sur six ans par exemple, peut être la contrepartie de certains avantages fournis par le bailleur, notamment en termes de loyer. En limitant la liberté contractuelle sur ce point, on risque de bloquer de nombreux projets d’installation.
Par ailleurs, le financement des projets d’équipements commerciaux importants n’est envisageable que si l’on offre aux investisseurs une certaine visibilité sur les recettes espérées. Des engagements fermes sur six ans contribuent à donner cette visibilité en termes d’investissement et, en quelque sorte, de remboursement de l’investissement. Sans cela, certains projets ne pourraient tout simplement pas être financés.
Enfin, j’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que, faute d’engagement ferme des locataires, on peut supposer que les bailleurs pourraient exiger des droits d’entrée dans les lieux, ce qui pourrait compliquer l’installation de plus petits commerçants dans la galerie marchande.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 159 et défavorable aux trois amendements identiques n° 22 rectifié, 36 et 93.
L'amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 22 rectifié, 36 et 93 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 1er A, modifié.
L'article 1 er A est adopté.
L’article L. 145–5 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;
2° Au deuxième alinéa, après les mots : « de cette durée », sont insérés les mots : «, et au plus tard à l’issue d'un délai d’un mois à compter de l’échéance ».
L'amendement n° 160, présenté par Mme Bonnefoy, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À l’issue de cette période, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux. » ;
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.
La commission des affaires économiques a limité pour l’essentiel le champ de l’article 1er à l’allongement de deux à trois ans de la durée maximale d’un bail commercial dérogatoire sans que soient remises en cause les modalités actuelles de sortie du bail dérogatoire qui ne font pas l’objet de contestations particulières.
Cette modification nous convient parfaitement. Toutefois, figurait dans le texte initial une précision qui apportait une clarification utile : il n’était pas possible de conclure un nouveau bail dérogatoire à l’issue de trois ans pour exploiter le même fonds de commerce dans les mêmes locaux.
Cet amendement a pour objet de reprendre cette précision. En effet, on peut supposer que si son affaire ne fonctionne pas, le locataire peut vouloir changer complètement d’activité dans le même local ou bien continuer la même activité dans un local mieux situé appartenant au même bailleur.
Cet amendement de précision indique expressément que, à l’issue d’un bail dérogatoire de trois ans ou d’une succession de baux dérogatoires dont la durée cumulée atteint trois ans, il n’est plus possible de conclure un nouveau bail dérogatoire.
La commission est favorable à cet amendement.
L'amendement est adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…°Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le bail est conclu conformément aux dispositions du présent article, un état des lieux est établi lors de la prise de possession des locaux par un locataire et lors de leur restitution, contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles et joint au contrat de location. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
L’article 5 du projet de loi prévoit l’établissement d’un état des lieux contradictoire au moment de la prise des locaux et de leur restitution pour les baux commerciaux de droit commun d’une durée au moins égale à neuf ans.
Le présent amendement vise tout simplement à prévoir la même mesure pour les baux dérogatoires mentionnés à l’article 1er et dont la durée maximale passerait, en vertu de cet article, de deux à trois ans, afin de faciliter le lancement d’une activité.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 76 rectifié est présenté par MM. Vial, Bizet et Revet et Mme Lamure.
L'amendement n° 108 rectifié ter est présenté par M. Tandonnet, Mme Dini, MM. Deneux, Roche, J. Boyer, Amoudry, Guerriau et Merceron, Mme Férat, M. Dubois et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
...° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le bail est conclu conformément aux dispositions du premier alinéa, un état des lieux est établi lors de la prise de possession des locaux par un locataire et lors de leur restitution, contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles et joint au contrat de location.
« Si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues au premier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire. »
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 76 rectifié.
Les dispositions de l’article L. 145-5 du code de commerce ne précisent pas les obligations des parties en matière d’état des lieux de baux dérogatoires.
Afin d’améliorer la transparence des relations entre les bailleurs et les locataires et de sécuriser les relations entre les parties, le présent amendement rend obligatoire l’établissement d’un état des lieux établi de manière contradictoire par les deux parties au moment de la prise de possession des locaux et lors de leur restitution.
La parole est à Mme Muguette Dini, pour présenter l'amendement n° 108 rectifié ter.
J’ajouterai une précision aux arguments avancés par Mme Lamure.
En cas de refus de la part de l’une des parties, un mécanisme garantit à la partie la plus diligente d’obtenir la désignation d’un huissier de justice qui réalisera un état des lieux à un tarif fixé par un décret en Conseil d’État, à frais partagés. Cette mesure permet d’améliorer le dispositif.
L’amendement n° 19 rectifié de M. Mézard est moins précis que les deux amendements identiques n° 76 rectifié et 108 rectifié ter. En effet, n’y figure pas le paragraphe suivant : « si l’état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues au premier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l’initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire. »
Aussi, je vous demande, monsieur Mézard, de bien vouloir retirer votre amendement au profit des deux amendements identiques n° 76 rectifié et 108 rectifié ter, qui nous paraissent plus complets et sur lesquels la commission a émis un avis favorable.
Monsieur le rapporteur, ce n’est pas un oubli ! C’est volontairement que nous n’avons pas intégré ce paragraphe ! Nous ne sommes tout de même pas là pour remplir les caisses des huissiers de justice.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
L'amendement n'est pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 76 rectifié et 108 rectifié ter.
Les amendements sont adoptés.
L'article 1 er est adopté.
I
« Est une convention d’occupation précaire la convention qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties. »
II. – Après l’article L. 145–5 du code de commerce, il est inséré un article L. 145–5–1 ainsi rédigé :
« Art. L. 145-5-1. – N’est pas soumise au présent chapitre la convention d’occupation précaire telle que définie au second alinéa de l’article 1709 du code civil. »
L'amendement n° 161, présenté par Mme Bonnefoy, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
indépendantes de la
insérer le mot :
seule
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.
Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle sur la définition de la convention d’occupation temporaire, une notion jurisprudentielle et pratique qu’il est utile de codifier dans la loi.
La Cour de cassation fait état de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une convention d’occupation précaire, ce qui signifie que les facteurs extérieurs à la volonté des parties peuvent ne pas être exclusifs pour justifier la conclusion d’une telle convention.
Puisqu’il s’agit de codifier une notion jurisprudentielle, autant reprendre de façon exacte les contours de la notion dégagés par la jurisprudence, et ce dans un souci de sécurité juridique pour les acteurs concernés.
L'amendement est adopté.
L'article 1 er bis est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 155, présenté par Mme Lamure, MM. Houel, César et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 145-12 du code de commerce, après les mots : « sauf accord des parties », sont insérés les mots : « lors de la conclusion du bail d’origine ou lors du renouvellement ».
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Une clarification sur la capacité des parties à déterminer ensemble la durée des baux renouvelés s’impose en raison de l’absence de lisibilité sur le sujet, ce qui engendre des contentieux en fin de bail.
Ces contentieux sont susceptibles d’entraîner une insécurité juridique sur la durée du bail renouvelé et les conséquences attachées à cette durée, laquelle est réaffirmée dans le projet de loi.
L'amendement n° 162, présenté par Mme Bonnefoy, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 145-12 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les parties à un bail conclu pour une durée supérieure à neuf ans peuvent convenir de son renouvellement pour la même durée. »
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.
Un arrêt de la Cour de cassation de juin 2013 a remis en cause la pratique communément admise en matière de renouvellement des baux commerciaux de longue durée, en considérant que le renouvellement doit se faire sous forme d’un bail classique « 3-6-9 », même si les parties en étaient initialement convenues autrement.
Cet arrêt crée une incertitude juridique sur les conditions de renouvellement des baux de longue durée et, donc, sur les conditions mêmes de la conclusion initiale de ces baux. Cela concerne en particulier les baux de bureaux.
Cet amendement prévoit de clarifier l’état du droit sur ce point, en précisant qu’un bail de longue durée peut être renouvelé pour la même durée.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er bis.
Les articles L. 145-13, L. 145-23, L. 911-10, L. 921-10 et L. 951-9 du code de commerce sont abrogés. –
Adopté.
I. –
Non modifié
II. – L’article L. 145-16 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « nulles » est remplacé par les mots : « réputées non écrites » ;
2° Au deuxième alinéa, après la première occurrence du mot : « fusion », sont insérés les mots : « ou de scission » ;
3° Au dernier alinéa, après le mot : « fusion », sont insérés les mots : «, de scission ».
L'amendement n° 37, présenté par Mme Lamure, M. César et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 145-15 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même des clauses qui interdisent au locataire d’exploiter un fonds de commerce similaire en dehors des lieux loués. »
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Il ne faut pas qu’un bailleur puisse interdire de manière définitive et absolue à son locataire d’ouvrir un autre fonds de commerce ailleurs.
Or une pratique abusive tend à se développer, notamment dans les centres commerciaux : des clauses de non-établissement interdisent aux commerçants d’ouvrir des boutiques dans un rayon pouvant aller jusqu’à 25 kilomètres ! De telles clauses sont contraires à la liberté d’établissement et doivent être déclarées non écrites.
Cet amendement tend à interdire les clauses de non-concurrence dans le cadre des centres commerciaux.
Pendant les auditions, j’ai été amené à examiner cette question, sur laquelle j’ai même demandé l’avis de l’Autorité de la concurrence, comme je vous l’avais indiqué, madame Lamure, au moment de nos échanges en commission.
Il en ressort qu’une interdiction pure et simple des clauses de non-concurrence n’est ni possible juridiquement ni souhaitable économiquement.
Il me semble, par ailleurs, que les dispositions relatives aux clauses abusives doivent permettre de contester une clause de non-concurrence qui ne serait pas bornée dans le temps ou dans l’espace ou qui ne s’accompagnerait pas de contrepartie contractuelle. Je ne suis donc pas convaincu de la nécessité de donner une définition législative des clauses de non-concurrence.
Aussi, je vous suggère, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Il faut faire attention. La liberté contractuelle permet d’adapter la loi des parties aux circonstances. À chaque fois qu’on crée des éléments d’ordre public, on durcit ce qui était souple. Ce n’est pas du tout, me semble-t-il, ce dont ont besoin les commerçants et les artisans : ils ont besoin de pouvoir décider eux-mêmes ce qu’ils vont faire.
À l’instar de M. le rapporteur, je vous invite, madame Lamure, à retirer votre amendement.
Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous rappeler que, lors de la réunion de la commission des affaires économiques, nous étions d’accord sur le fond, et vous aviez alors déclaré souhaiter solliciter l’avis du Gouvernement. Or vous indiquez ici que vous êtes défavorable à cet amendement.
J’y insiste, ce dernier vise à mettre fin à des pratiques abusives, …
… afin de défendre l’intérêt des locataires.
Par conséquent, je maintiens l’amendement, monsieur le président.
L’amendement de Mme Lamure part d’un bon sentiment.
Cela dit, et sans vouloir nier qu’il y ait des abus dans des centres commerciaux, il faut aussi respecter les commerçants qui veulent s’installer à proximité du local où ils travaillent. Veillons à ce que la portée générale de l’amendement de Mme Lamure ne pénalise pas certains commerçants dans les centres-bourgs.
Aussi, je souhaiterais avoir des explications sur ce point.
Je suis tout à fait d’accord avec M. Cornu : comme lui, je m’interroge sur les effets pervers qu’entraînerait l’adoption de cet amendement. Il ne faudrait pas que l’on aboutisse à la situation contraire de celle que l’on visait.
En tant que sénateur de terrain, au contact des commerçants, qui connaît la problématique des centres commerciaux et des centres-bourgs, je redoute les conséquences qui pourraient résulter d’une telle contrainte et qui seraient contraires à l’objectif que nous poursuivons.
C’est pourquoi je ne voterai pas cet amendement.
Constatant qu’il y a un désaccord, y compris dans nos rangs, je retire mon amendement, monsieur le président.
L'amendement n° 37 est retiré.
L'amendement n° 163 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« En cas de fusion ou de scission de sociétés, en cas de transmission universelle de patrimoine d’une société réalisée dans les conditions prévues à l’article 1844-5 du code civil ou en cas d’apport d’une partie de l’actif d’une société réalisé dans les conditions prévues aux articles L. 236-6-1, L. 236-22 et L. 236-24 du présent code, la société issue de la fusion, la société désignée par le contrat de scission ou, à défaut, les sociétés issues de la scission, la société bénéficiaire de la transmission universelle de patrimoine ou la société bénéficiaire de l’apport sont, nonobstant toute stipulation contraire, substituées à celle au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations découlant de ce bail. » ;
3° Au dernier alinéa, les mots : «, de fusion ou d’apport » sont remplacés par les mots : « ou dans les cas prévus au deuxième alinéa ».
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.
Le code de commerce précise le sort du bail commercial conclu par une société qui fusionne avec une autre société ou qui réalise un apport d’actifs à une autre société.
L’article 1er quater ajoute utilement le cas de la scission de la société, sans toutefois en tirer clairement les conséquences. En cas de scission, quelle société conserverait le bail ?
Dans certains cas, les deux sociétés auront intérêt à demeurer cotitulaires du bail si elles occupent les mêmes locaux, tout au moins dans un premier temps.
Dans d’autres cas, si la scission consiste à séparer en deux entités juridiques distinctes deux établissements géographiquement distincts, une seule société sera concernée par le maintien du bail d’un de ces établissements.
Dans tous les cas, il est nécessaire de préciser les choses dans le code de commerce, en renvoyant expressément au contrat de scission. Tel est l’objet de cet amendement, qui a d'ailleurs été rectifié pour être encore plus précis.
Cet amendement envisage également le cas de figure de la transmission universelle du patrimoine, lorsqu’une société en absorbe une autre en réunissant entre ses mains la totalité des parts de cette seconde société. Cette hypothèse doit être prise en compte, car la question se pose concrètement.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
L'amendement est adopté.
L'article 1 er quater est adopté.
L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 145-16 du code de commerce, il est inséré un article L. 145-16-… ainsi rédigé :
« Art. L. 145-16-… – En cas de cession, si la cession du bail est accompagnée d’une clause de garantie entre cédant et cessionnaire, le bailleur est dans l’obligation d’informer le cédant dès le premier mois d’impayé de loyer par le cessionnaire. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 10 rectifié, qui porte sur le même sujet.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, et ainsi libellé :
Après l’article 1er quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 145-16 du code de commerce, il est inséré un article L. 145-16-… ainsi rédigé :
« Art. L. 145 -16 -… – Si la cession du bail commercial peut s’accompagner d’une clause de garantie entre cédant et cessionnaire, celle-ci ne peut être invoquée que pendant la durée de trois ans à compter de la cession dudit bail. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
Si ces amendements sont brefs, leur adoption par le Sénat constituerait une avancée importante, attendue par de très nombreux commerçants.
Il s’agit de limiter les désagréments que subissent nombre d’entre eux après la cession de leur commerce.
En effet, de nombreuses cessions s’accompagnent d’une clause de garantie, dite aussi « clause de solidarité » entre cédant et cessionnaire. Or, lorsque le cessionnaire, c’est-à-dire la personne ayant repris le commerce, ne remplit pas ses obligations et ne paie pas son loyer, ce qui peut intervenir parfois plusieurs années après la cession, le commerçant cédant, qui s’est porté garant, n’en est généralement informé que plusieurs mois plus tard par le bailleur qui lui réclame les arriérés.
Cette situation contraint ces personnes, qui, pour certaines, ont pris leur retraite et, souvent, ne disposent pas de ressources très importantes, à devoir parfois verser plusieurs dizaines de milliers d’euros, voire, dans certains cas, à reprendre leur commerce alors qu’elles ont cessé leur activité.
Pour mettre un terme à ces difficultés, nous vous proposons deux solutions.
Premièrement, l’amendement n° 9 rectifié vise à obliger le bailleur à prévenir le cédant dès le premier mois de loyer de retard, afin que celui-ci ait rapidement connaissance du non-paiement du loyer par le cessionnaire pour lequel il s’est porté garant. C’est la moindre des choses qu’il ait cette information !
Deuxièmement, l’amendement n° 10 rectifié, qui est complémentaire, prévoit de limiter la durée d’une telle clause de solidarité entre cédant et cessionnaire à trois ans, ce qui est déjà beaucoup, afin qu’un commerçant qui a cédé son local et qui a, souvent, pris sa retraite ou commencé une autre activité ne se retrouve pas pénalisé plusieurs années après la cession par le non-respect de ses obligations par son successeur.
Actuellement, cette clause peut durer neuf ans, voire plus en cas de tacite reconduction du bail commercial.
Ce type de clause, sans limitation dans le temps, constitue un véritable frein à la vente, à la fois pour le cédant, qui craint de récupérer le paiement des loyers à sa charge, et pour le cessionnaire, qui peut se retrouver un jour dans la même situation, s’il cède à nouveau le bail.
Par conséquent, je vous invite, mes chers collègues, à soutenir ces deux amendements, qui plaident en faveur d’une meilleure protection des commerçants cédant leur commerce et d’une facilitation de cette cession.
L’amendement n° 9 rectifié prévoit que le bailleur informe le cédant d’un bail commercial que le cessionnaire ne paie pas son loyer dès le premier mois de retard lorsque la cession du bail est accompagnée d’une clause de garantie entre cédant et cessionnaire.
La commission est favorable à cet amendement, qui me paraît logique.
L’amendement n° 10 rectifié vise à limiter à trois ans la durée des clauses de solidarité entre le cédant et le cessionnaire d’un bail commercial.
Il me semble qu’il n’y a pas de justification véritable à limiter de la sorte la liberté contractuelle : c’est au cédant de déterminer lui-même la portée de son engagement auprès du cessionnaire.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
Le Gouvernement est favorable aux initiatives de M. Mézard. Il est bon que le législateur se mêle des pratiques abusives qui peuvent exister sur le terrain.
Aussi, le Gouvernement est favorable à ces deux amendements.
Les amendements de M. Mézard vont tout à fait dans le bon sens.
Si je vous ai bien compris, monsieur le rapporteur, vous êtes défavorable au second amendement parce que vous n’êtes pas d’accord avec la durée de trois ans. Mais nous pouvons retenir une durée plus courte que celle qu’a proposée M. Mézard ; cette durée peut être ramenée à un an.
Ces amendements prennent vraiment en compte la réalité actuelle. Aujourd'hui, il arrive souvent que les cédants réclament un nouveau bail pour ne plus être engagés, les situations pouvant être extrêmement douloureuses, pour ne pas dire dramatiques lorsqu’ils ont pris leur retraite, à l’heure où les loyers sont souvent importants, de l’ordre de 2 000 ou 3 000 euros.
Si vous estimez, monsieur le rapporteur, que la durée de trois ans mérite d’être raccourcie, j’abonderai dans votre sens. Je souhaiterais néanmoins savoir ce qui vous pose problème. Je suppose que cette durée n’a pas été retenue par hasard par M. Mézard, mais je ne doute pas non plus que ce dernier soit prêt à rectifier son amendement pour prévoir une durée d’un an.
Le cédant est toujours libre d’accepter ou non la limitation de son engagement à trois ans, deux ans ou un an. Il y va tout simplement de la liberté contractuelle, de la liberté du cédant à l’égard du cessionnaire.
Monsieur le rapporteur, j’ai beaucoup d’estime pour la manière dont vous avez travaillé sur ce texte, mais je ne peux entendre votre argument de la liberté contractuelle quand nous discutons du statut des baux commerciaux !
Pour avoir travaillé, pendant de longues années, sur les aspects juridiques des baux commerciaux devant les tribunaux, je sais que ce statut ne fait pas forcément la part belle à la liberté contractuelle. Or je vous propose ici un équilibre. Le cédant ne peut se retrouver tenu pendant des années et des années ; cette situation est tout à fait anormale. Je vous assure qu’il est extrêmement lourd de devoir honorer trois ans de loyers. Il faut donc prévoir un frein, qui peut être posé par la loi.
Monsieur le rapporteur, vous avez parlé d’équilibre précédemment. Sachez que ces deux amendements constituent précisément deux mesures d’équilibre.
Monsieur Mézard, après l’échange que nous venons d’avoir, il me semble que, sur le fond, nous sommes d’accord.
Dès lors, je reviens sur la position qui avait été donnée par la commission des affaires économiques, et j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 10 rectifié. §
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er quater.
Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er quater.
(Non modifié)
I. – Aux première et seconde phrases du premier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce, les mots : « de l’indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s’ils sont applicables, » sont supprimés.
II. – Au troisième alinéa de l’article L. 145-38 du même code, les mots : « de l’indice trimestriel du coût de la construction ou, s’ils sont applicables, » sont supprimés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 46, présenté par Mme Lamure, M. César et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « de l’indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s’ils sont applicables, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés » sont remplacés par les mots : « de l’indice référent mentionné » ;
2° À la seconde phrase, les mots : « de l’indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s’ils sont applicables, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires » sont remplacés par les mots : « de l’indice référent ».
II. – Au troisième alinéa de l’article L. 145-38 du même code, les mots : « de l’indice trimestriel du coût de la construction ou, s’ils sont applicables, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés » sont remplacés par les mots : « de l’indice référent mentionné ».
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Cet amendement rétablit la liberté contractuelle entre les locataires et les bailleurs dans le choix de l’indice de référence des loyers commerciaux.
En effet, au cours des cinq derniers trimestres, l’indice du coût de la construction, l’ICC, est apparu plus favorable à une évolution modérée des loyers que l’indice des loyers commerciaux, l’ILC.
Avec une progression négative de l’ICC au cours des deuxième et troisième trimestres de l’année 2013, les baux commerciaux en cours de révision et de renouvellement ont bénéficié d’une baisse du montant des loyers pour une nouvelle période triennale, ce qui n’a pas été le cas des baux soumis à l’ILC.
Cet amendement permet de rendre aux acteurs économiques la liberté de choisir entre les indices existants.
L'amendement n° 164, présenté par Mme Bonnefoy, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Compléter ces alinéas par les mots :
, après les mots : « loyers commerciaux », sont insérés les mots : «, pour les activités commerciales et artisanales, » et, après les mots : « activités tertiaires », sont insérés les mots : «, pour les autres activités, »
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.
L’article 2 supprime la référence à l’indice du coût de la construction pour les loyers commerciaux, au profit de deux indices de substitution, l’indice des loyers commerciaux, l’ILC, et l’indice des loyers des activités tertiaires, l’ILAT.
Cette disposition fait l’objet d’une assez large approbation, tant de la part d’organismes représentant des bailleurs que d’organismes représentant des locataires. C’est en tout cas ce qui ressort des différentes auditions que j’ai pu mener.
S’il est vrai que, ces dernières années, l’indice du coût de la construction a augmenté un peu moins vite que l’indice des loyers commerciaux, cette évolution est liée à un contexte économique particulier et ne remet pas en cause l’abandon de l’ICC, qui est déjà intervenu pour les baux d’habitation.
Cependant, les conditions concrètes d’application du texte suscitent des doutes, dans la mesure où la définition des deux indices de substitution ne couvre pas, en l’état, tous les types de locaux concernés par les baux commerciaux, notamment les locaux industriels.
Cet amendement vise donc à remédier à cette situation, faute de quoi les parties au contrat ou le juge des loyers n’auraient pas un cadre clair.
L’ILC concernerait les locaux loués pour les activités commerciales et artisanales, tandis que l’ILAT s'appliquerait à tous les autres locaux. Cette mesure semble la plus cohérente, compte tenu du mode de calcul de ces deux indices. Bien sûr, on aurait pu proposer la création d’un indice supplémentaire, mais cela aurait ajouté, avouez-le, de la complexité.
Concernant l'amendement n° 46 de Mme Lamure, je tiens à rappeler que l’indice du coût la construction et les autres indices ont fait l’objet d’échanges fructueux avec l’ensemble des personnes que nous avons auditionnées. La très grande majorité des représentants des commerçants et des locataires sont plutôt favorables au dispositif proposé. Ils constatent en effet que, sur le moyen et le long terme, l’indice du coût de la construction n’est pas particulièrement favorable aux locataires.
Madame Lamure, vous avez cité l’indice du coût de la construction au cours des deuxième et troisième trimestres de l’année 2013. Pour ces deux trimestres, vous avez raison, l’indice du coût de la construction est extrêmement faible. Mais, chacun le constate bien, le contexte économique est particulier. Il convient donc de ne pas raisonner uniquement sur la période de crise que nous traversons. Dès qu’une reprise de l’activité économique se manifeste, on le sait bien – nous l’avons vécu –, l’indice du coût de la construction augmente bien plus vite que les deux autres indices que nous proposons, qui collent beaucoup plus à la réalité sur le moyen et le long terme.
Les graphiques que nous avons demandés ont permis de vérifier ce point. Ils montrent, madame Lamure, que vous avez raison sur le court terme, dans la période actuelle, mais, à moyen et long terme, ce sont plutôt les indices ILAT et ILC qui sont favorables aux locataires.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 46.
Quant à l’amendement n° 164 de de la commission des lois, il tend à clarifier le champ d’application de l’ILC et de l’ILAT pour la révision des baux commerciaux. La commission y est favorable.
Considérant que l’un des progrès de ce texte est précisément de permettre l’application de l’indice le plus fidèle au regard de la réalité économique environnante des baux commerciaux, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 46.
En revanche, il est favorable à l’amendement n° 164 de la commission des lois, car il s’agit d’un élément de clarification utile.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote sur l'amendement n° 46.
Nous avons, il est vrai, beaucoup échangé en commission à propos de ces deux indices. Nous avons le même objectif : appliquer aux loyers les indices les plus modérés, afin de favoriser les locataires, qui sont essentiellement des commerçants. C’est pourquoi nous voulons leur laisser le choix, sans supprimer l’ICC.
L'amendement de Mme Lamure est tout de même intéressant. Actuellement, une grande majorité des baux commerciaux font référence à l’indice du coût de la construction. Que l’on veuille prévoir deux indices, cela peut se concevoir, mais maintenons au moins l’ICC. Sinon, que deviendront les baux soumis à cet indice ?
Par ailleurs, lorsque l’on signe des baux commerciaux, que ce soit en présence d’un conseiller juridique ou d’un notaire, ces derniers sont plutôt habitués à avoir comme référence l’indice du coût de la construction.
L’amendement de Mme Lamure va donc dans le bon sens, et notre assemblée s'honorerait de l’adopter à l’unanimité.
On en a le droit, même si nos analyses convergent souvent !
Tous les commerçants, notamment les petits commerçants, que nous avons rencontrés ont eu tendance à dénoncer la référence à l’indice du coût de la construction pour ce qui concerne la révision des loyers commerciaux. Il faut non pas considérer conjoncturellement l’indice trimestriel le plus favorable, mais prendre en compte la situation dans son ensemble. Or on s’aperçoit que, par le passé, les locataires ont été perdants avec l’ICC.
À la suite d’une concertation organisée par la ministre Sylvia Pinel, la décision de recourir à deux nouveaux indices en remplacement de l’indice du coût de la construction constitue véritablement un progrès et apporte une réponse aux inquiétudes exprimées par les commerçants, en particulier, je le répète, les petits commerçants.
Dans un élan, l’opposition va peut-être adopter cet amendement, mais, pour ce qui me concerne, je voterai contre parce que je suis convaincu qu’il n’offre pas une bonne solution.
L'amendement est adopté
En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé, et l'amendement n° 164 n'a plus d'objet.
(Non modifié)
Le début de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 145-35 du code de commerce est ainsi rédigé : « Les litiges nés de l’application des articles L. 145-34 et L. 145-38 ainsi que ceux relatifs aux charges et aux travaux peuvent être soumis…
le reste sans changement
L'amendement n° 165, présenté par Mme Bonnefoy, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au deuxième alinéa du même article L. 145-35, les mots : « le juge est saisi » sont remplacés par les mots : « la juridiction est saisie » et le mot : « il » est remplacé par le mot : « elle ».
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.
Il s'agit d’un amendement de coordination.
Je profite de la présentation de cet amendement pour rappeler que le Conseil de la simplification pour les entreprises a proposé, lundi dernier, de supprimer la commission de conciliation des baux commerciaux, alors que ce projet de loi prévoit d’en étendre les compétences.
Cette proposition me paraît d’autant moins pertinente que l’extension de compétences, avec saisine facultative, fait l’objet d’une large approbation.
Si les commissions de conciliation des baux commerciaux ne fonctionnent pas bien dans certains départements, il convient de relancer la conciliation comme mode alternatif de règlement des litiges commerciaux. Ce texte est l’occasion d’aller en ce sens.
Il s'agit d’un amendement rédactionnel, auquel la commission est favorable.
L'amendement est adopté.
L'article 3 est adopté.
(Non modifié)
La section 6 du chapitre V du titre IV du livre Ier du code de commerce est ainsi modifiée :
1° L’article L. 145-34 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de modification notable des éléments mentionnés au premier alinéa, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente. » ;
2° Le troisième alinéa de l’article L. 145-38 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans le cas où cette preuve est rapportée, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente. » ;
3° L’article L. 145-39 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente. »
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 38 est présenté par Mme Lamure, M. César et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 94 est présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En cas de fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente. » ;
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l'amendement n° 38.
Cet amendement tend à maintenir une variation maximale de 10 % du loyer acquitté au cours de l’année qui précède le renouvellement du bail.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° 94.
L’article 4 permet d'encadrer la variation des baux commerciaux, en la plafonnant à 10 % par an.
Il s'agit clairement d'une excellente mesure au regard de certains abus, qui ont conduit à une situation telle que les charges et le loyer atteignent aujourd'hui jusqu'à 15 % du chiffre d'affaires des entreprises.
Mais, s'agissant des baux longs, ceux dont la durée dépasse neuf ans, le projet de loi prévoit que l’encadrement ne s'appliquera pas lorsque le déplafonnement intervient de droit au moment du renouvellement.
Nous souhaitons, pour notre part, que cette limitation s'applique dans tous les cas. À défaut, les bailleurs seraient encore plus incités à imposer des baux de plus de neuf ans, qui bénéficient d'ores et déjà d'un déplafonnement automatique de loyer sans avoir à démontrer une modification des facteurs locaux de commercialité. Ils ne doivent pas, de plus, échapper à la limitation des augmentations à 10 % par an.
Tel est l’objet de cet amendement.
L'amendement n° 166, présenté par Mme Bonnefoy, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
au premier alinéa
par les mots :
aux 1° à 4° de l’article L. 145-33
II. – Alinéas 3, 5 et 7
Remplacer les mots :
acquitté au cours
par les mots :
dû au titre
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.
Les amendements identiques n° 38 et 94 tendent à généraliser le lissage des hausses de loyer à tous les baux, quelle que soit leur durée, au moment de leur renouvellement.
Cette demande est essentiellement portée par les commerçants des centres commerciaux, qui concluent presque toujours des baux de plus de neuf ans.
Je ne suis pas favorable à ces deux amendements identiques pour plusieurs raisons.
D’abord, en pratique, la mesure proposée sera sans effet sur les hausses de loyer, car les baux de centres commerciaux prévoient systématiquement des clauses de chiffre d’affaires, avec des loyers dits « binaires » : ils dépendent à la fois de la valeur locative du commerce – et donc de sa surface – et des résultats du commerçant. Or ces baux à loyers binaires n’entrent pas dans le champ du plafonnement et du lissage prévus par l’article 4.
Par ailleurs, introduire une mesure contraignante de lissage aux baux de plus de neuf ans modifie assez sensiblement la logique d’ensemble de la législation sur les baux commerciaux.
En effet, la loi prévoit aujourd’hui un régime très réglementé et très protecteur pour les baux de neuf ans, qui sont ceux des petits commerçants de centre-ville. Elle prévoit par ailleurs un régime plus souple, laissant une large place à la liberté contractuelle, notamment lorsque les baux dépassent neuf ans. Il me semble important de maintenir ce double régime, car certains types de commerce ont besoin d’un cadre plus souple. Si l’on étend les protections là où il y a plus besoin de liberté, on risque de bloquer l’activité commerciale.
J’ajoute que les mesures de plafonnement et de lissage des loyers constituent des limitations légales au droit de propriété et que ces atteintes ne sont compatibles avec la Constitution que si elles sont nécessaires et proportionnées à un objectif d’intérêt général, ce qui n’est manifestement pas le cas ici. Si l’on généralise le lissage des loyers à tous les types de commerce, j’ai le sentiment que ce principe de nécessité et de proportionnalité n’est plus respecté, l’objectif d’intérêt général n’apparaissant plus du tout de façon évidente.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 38 et 94. En revanche, elle est favorable à l’amendement n° 166, qui est un amendement de précision.
Le Gouvernement partage l’avis de M. le rapporteur sur les amendements identiques n° 38 et 94.
Nous pensons que ces propositions risquent de se retourner contre les parties contractantes. Je veux attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait que l’efficacité de la mesure est acquise sur les loyers de courte durée. D’ailleurs, nous avons cherché à parvenir à un système équilibré qui permette d’avoir les avantages sans les inconvénients.
Comme l’a souligné M. le rapporteur, l’adoption de ces amendements identiques pourrait conduire à une censure constitutionnelle de l’article 4, ce que nous ne souhaitons pas.
Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques. En revanche, il est favorable à l'amendement n° 166.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, l'amendement n° 166 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 113 rectifié bis, présenté par Mme Cayeux, MM. Cardoux et Cambon, Mme Boog, MM. Milon, Grignon et Chauveau, Mmes Sittler et Hummel, M. Pinton, Mmes Masson-Maret et Bruguière et M. Laménie, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le premier alinéa de l'article L. 145-38 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, la demande en révision peut être formée à compter d'un an après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé si un élément extérieur à la gestion du bail commercial vient modifier son fonctionnement. » ;
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
L’amendement tend à réduire de trois ans à un an le délai à partir duquel il est possible de réviser le bail au cas où un élément extérieur à la gestion du bail viendrait modifier son fonctionnement. Nous avons déjà abordé ce sujet précédemment.
Cet amendement prévoit de rendre possible une révision du loyer d’un local soumis à un bail commercial au bout d’une année lorsqu’un élément extérieur à la gestion du bail vient modifier son fonctionnement.
Un tel amendement rend complètement contingents tous les baux commerciaux, puisque la vie d’un commerce est, par nature, sans cesse soumise à des éléments extérieurs, qui viennent en modifier le fonctionnement. Il ne sert donc à rien de conclure des contrats s’ils deviennent caducs dès que survient un événement imprévu.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, derrière lequel se profile un nid à contentieux.
L'amendement n° 113 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 39 est présenté par Mme Lamure, M. César et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 95 est présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au troisième alinéa de l'article L. 145-38, les mots : « Par dérogation aux dispositions de l’article L. 145-33, et » sont supprimés ;
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l'amendement n° 39.
Dans le cadre d’une révision triennale, il ne faut pas que le loyer puisse excéder la valeur locative. Si le loyer, par l’effet des indexations, ou pour toute autre raison, devient supérieur à la réelle valeur locative, le locataire doit pouvoir demander le réajustement à la baisse du loyer à la valeur locative.
C'est la raison pour laquelle il vous est proposé, mes chers collègues, de compléter l’article 4, afin de revenir au texte antérieur à la réforme du 11 décembre 2001, en vue de permettre une adaptation du loyer à la valeur locative lors d’une révision triennale, lorsque le loyer dépasse la valeur locative.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° 95.
Par cet amendement identique, nous souhaitons permettre au locataire de solliciter un réajustement à la baisse du loyer lorsque la valeur réelle locative est inférieure au montant du bail.
En effet, il est, à notre avis, anormal que le loyer puisse augmenter si les critères de commercialité évoluent et qu’il ne puisse pas diminuer si ceux-ci deviennent moins favorables. Une telle mesure produit un effet de cliquet préjudiciable au locataire. Une telle révision à la baisse était d'ailleurs possible avant la réforme de 2001.
Nous demandons simplement de rétablir la possibilité pour le locataire d’intenter une action pour faire baisser le montant du bail commercial si, par l’effet des indexations ou pour toute autre raison, celui-ci devient supérieur à la valeur locative réelle du bien.
Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que les amendements qui viennent d’être adoptés concernant le lissage des loyers et ceux que vous présentez ici, madame Lamure, madame Schurch, sur la possibilité de réviser à la baisse des loyers commerciaux, risquent de déséquilibrer sensiblement les investisseurs par rapport à l’ensemble des investissements commerciaux.
En général, nous n’allons pas, bien entendu, à l’encontre des intérêts des locataires. Mais ceux qui sont visés ici sont ceux des galeries marchandes des centres commerciaux et non pas ceux des petits commerces des centres-villes. Ils ont parfois, vous le savez bien, mes chers collègues, des surfaces financières aussi importantes que les bailleurs. Je ne peux pas citer ici de marques, mais vous connaissez, bien sûr, les marques importantes présentes dans les galeries marchandes sur l’ensemble de notre territoire.
Si les amendements identiques n° 39 et 95 étaient adoptés, nous entrerions dans une zone de déséquilibre par rapport à l’accord qui avait été trouvé avec tous les partenaires, qu’il s’agisse des bailleurs, des commerçants et de leurs représentants.
J’en viens maintenant à l’avis de la commission proprement dit sur ces deux amendements identiques.
Ces amendements prévoient que le loyer, lors de la révision triennale, puisse être révisé à la baisse jusqu’à devenir inférieur à la valeur du loyer initialement fixée au contrat.
Je rappelle que, lors d’une révision du loyer aux termes de l’article L. 145-38 tel qu’issu de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, la loi dite MURCEF, le prix révisé ne peut être inférieur au prix précédent, que ce prix ait été fixé contractuellement au début du contrat ou fixé par le juge à la suite d’une demande en révision antérieure. C’est ce plancher que ces amendements identiques remettent en cause au nom de l’application sans réserve du principe de correspondance entre le loyer et la valeur locative réelle.
Je suis circonspect face à ces amendements identiques pour plusieurs raisons.
D’abord, les hausses de loyer sont plafonnées. Si l’on admet que le loyer puisse être révisé à la baisse, il faudrait, par parallélisme, que cette baisse soit, elle aussi, encadrée. Ces amendements identiques créeraient une source de discrimination entre les parties au contrat.
Ensuite, je rappelle que le mécanisme de révision à la baisse qui est proposé par ces amendements identiques a été mis en œuvre entre 1996 et 2001 à la suite d’un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation. Il s’est ensuivi une forte insécurité juridique des contrats. Cette disposition crée en effet un appel d’air important pour le contentieux sur les loyers commerciaux. Or la valeur locative est une notion délicate à manier et susceptible de donner lieu, quant à la fixation du prix du bail, à des résultats très différents selon les experts et les juridictions concernées.
Ces amendements identiques mettent donc le sort du contrat non plus entre les mains des parties mais, dès la quatrième année du bail, entre celles des tiers que sont les experts et les juges, alors même qu’il n’existe pas de méthode scientifique en matière de fixation de la valeur locative. Au bout du compte, pour se prémunir contre les baisses de loyer, les bailleurs risquent d’exiger des droits d’entrée avant la conclusion d’un bail, ce qui n’est manifestement pas l’intérêt des locataires, y compris dans une galerie marchande.
Par conséquent, la commission est défavorable à ces amendements identiques. J’insiste sur le déséquilibre qu’entraînerait l’adoption de ces amendements identiques eu égard à ceux qui viennent d’être précédemment adoptés. Vraiment, je pense, mes chères collègues, qu’il serait préférable de les retirer.
Je suis sensible aux arguments de M. le rapporteur, qui nous a apporté certains éclairages. Mon amendement me semble effectivement présenter un risque non négligeable ; je préfère de beaucoup que nous ayons adopté l’amendement précédent.
Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 39, monsieur le président.
L'article 4 est adopté.
L'amendement n° 185, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 145-38 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision. »
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à priver d’effet les clauses prévues dans les contrats de bail permettant aux bailleurs d’imposer aux locataires une révision du loyer avec un effet rétroactif, qui sont susceptibles de mettre le locataire en grande difficulté financière.
Il est important de protéger le locataire contre les effets de ces clauses par une disposition législative d’ordre public. La rétroactivité est une notion, à juste titre, contestée : nous vous proposons de la combattre ensemble.
Cet amendement tend à préciser que la révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision. Cela met fin à une pratique qui pouvait mettre en difficulté financière certains locataires quand leur bail contenait une clause autorisant à prendre pour point de départ de la hausse une date antérieure à la demande de révision. Désormais, de telles clauses de rétroactivité seront considérées comme nulles.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant la ratification de la convention n° 181 de l’Organisation internationale du travail relative aux agences d’emploi privées et du projet de loi autorisant la ratification de la convention n° 188 de l’Organisation internationale du travail relative au travail dans la pêche, déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale le 16 avril 2014.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi du 6 août 2013 autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
Il a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et, pour information, à la commission des affaires sociales.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures, sous la présidence de M. Charles Guené.