Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la vocation de ce projet de loi est de regrouper la politique publique menée par le Gouvernement en matière de promotion de l’artisanat, du commerce et des très petites entreprises, permettez-moi de manifester une certaine déception.
Certes, le texte identifie les enjeux, et donc les leviers du développement de ces agents économiques : l’équilibre dans l’offre commerciale, à travers la réforme des baux commerciaux et de l’urbanisme commercial, et la rationalisation des formes juridiques que peuvent prendre les très petites entreprises.
Au-delà de ses conditions d’élaboration et d’examen, qui n’ont pour l’instant pas forcément été satisfaisantes – recours à la procédure accélérée, dépôt d’amendements gouvernementaux décisifs –, ce projet de loi est, sur le fond, une compilation d’initiatives législatives plus ou moins heureuses, et surtout trop frileuses.
L’enjeu est pourtant de taille.
En ce qui concerne les auto-entrepreneurs, ceux-ci représentent 51 % des créations d’entreprise et environ 40 % des créations d’entreprise artisanale. Aujourd’hui, 900 000 personnes sont affiliées à ce régime.
Il est vrai que le chiffre d’affaires trimestriel moyen est tombé à un peu plus de 3 000 euros, mais personne ne peut contester la réussite de ce statut, même si, je le reconnais, des corrections doivent y être apportées.
En ce qui concerne le commerce, l’importance de ce secteur, en termes d’emploi, n’est plus à démontrer, puisqu’il regroupe plus de 3 millions d’actifs. Jusqu’à 2007, ce secteur connaissait une croissance significative, mais on observe, depuis lors, un tassement du nombre de salariés, qui s’établit autour de 3 millions.
Cependant, ces chiffres ne pourront cacher très longtemps la situation de certains segments : je pense au commerce de détail, où les défaillances d’entreprises continuent de progresser, pour atteindre le chiffre inquiétant de 63 000 en 2013.
En ce qui concerne l’artisanat, ce secteur est le principal pourvoyeur d’entreprises en France, avec notamment une progression de 30 % du nombre d’actifs depuis quinze ans. Autre élément à prendre en compte, un tiers des entreprises artisanales embauchent dès la première année d’existence.
Tout cela témoigne que le vivier d’emplois que cherche le Gouvernement se trouve sous ses yeux.
Malheureusement, le débat public est aujourd’hui accaparé par le pacte de responsabilité, digne héritier du choc de simplification, dont la durée de vie aura été inversement proportionnelle à la somme de nouvelles contraintes législatives que le Gouvernement soumet à notre examen depuis la rentrée.
Je rappelle au passage que le grand nombre de textes soumis à la commission des affaires économiques depuis le début de l’année ne nous permet pas d’approfondir notre examen, et donc d’exercer pleinement notre rôle de législateur. Ce texte ne déroge pas à la règle.
Enfin, ce projet de loi témoigne d’une chronologie pour le moins surprenante.
Ainsi, l’article 16 bis prévoit la remise d’un rapport sur l’établissement d’un statut unique de l’entreprise individuelle : c’est une bonne initiative, mais il aurait été préférable de la mettre en œuvre avant que nous n’examinions le présent texte. Je pensais que ce sujet devait être au cœur de ce dernier ; visiblement, ce ne sera pas le cas.
Sur le fond, notre jugement sur ce projet de loi est très partagé.
Nous sommes à la fois rassurés par la volonté du Gouvernement d’inscrire dans la durée un statut aménagé pour la micro-entreprise et inquiets de cette intention nouvelle d’encadrer trop lourdement les auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale, même à titre secondaire, ou de les faire rentrer dans le droit commun fiscal.
Bien sûr, nous n’ignorons pas que ce statut d’auto-entrepreneur a donné parfois lieu à des détournements. Oui, le salariat déguisé représente une part non négligeable des effectifs, même s’il est délicat d’avancer des évaluations sur ce point. Oui, on constate une réelle distorsion de concurrence par rapport aux autres artisans et commerçants.
Le groupe UMP n’a jamais contesté qu’il faille trouver un point d’équilibre entre la facilité d’accès au régime de l’auto-entrepreneur et la lutte contre la concurrence déloyale pouvant s’exercer au détriment des artisans ou des personnes exerçant des activités commerciales, mais, avec ce projet de loi, nous craignons que vous ne soyez allé trop loin, monsieur le ministre.
Tâchons de ne pas envoyer de mauvais signaux en accablant brutalement les auto-entrepreneurs ou ceux qui relèvent du régime micro-social de nouvelles obligations.
Tâchons, pour une fois, de mettre en pratique le choc de simplification que le Président de la République appelait de ses vœux.
Une chose est sûre, ce n’est pas en bridant l’accès au statut d’auto-entrepreneur que nous susciterons une dynamique de création de richesse.
Le statut d’auto-entrepreneur est un moyen de rendre attractif le monde de l’entreprise, de familiariser les Français avec ce dernier, qui leur semble souvent trop lointain.
Pour ces raisons, nous comprenons l’intérêt de l’article 13, qui vise à supprimer les dispositions exonérant les auto-entrepreneurs artisans à titre secondaire et les auto-entrepreneurs exerçant une activité commerciale d’immatriculation au répertoire des métiers et au registre du commerce et des sociétés.
De la même manière, nous souscrivons à l’article 9, qui prévoit que toute personne relevant du statut d’« artisan » ou d’« auto-entrepreneur » doit souscrire une assurance professionnelle, dans le cas où elle est obligatoire à l’exercice de son métier.