Les amendements identiques n° 38 et 94 tendent à généraliser le lissage des hausses de loyer à tous les baux, quelle que soit leur durée, au moment de leur renouvellement.
Cette demande est essentiellement portée par les commerçants des centres commerciaux, qui concluent presque toujours des baux de plus de neuf ans.
Je ne suis pas favorable à ces deux amendements identiques pour plusieurs raisons.
D’abord, en pratique, la mesure proposée sera sans effet sur les hausses de loyer, car les baux de centres commerciaux prévoient systématiquement des clauses de chiffre d’affaires, avec des loyers dits « binaires » : ils dépendent à la fois de la valeur locative du commerce – et donc de sa surface – et des résultats du commerçant. Or ces baux à loyers binaires n’entrent pas dans le champ du plafonnement et du lissage prévus par l’article 4.
Par ailleurs, introduire une mesure contraignante de lissage aux baux de plus de neuf ans modifie assez sensiblement la logique d’ensemble de la législation sur les baux commerciaux.
En effet, la loi prévoit aujourd’hui un régime très réglementé et très protecteur pour les baux de neuf ans, qui sont ceux des petits commerçants de centre-ville. Elle prévoit par ailleurs un régime plus souple, laissant une large place à la liberté contractuelle, notamment lorsque les baux dépassent neuf ans. Il me semble important de maintenir ce double régime, car certains types de commerce ont besoin d’un cadre plus souple. Si l’on étend les protections là où il y a plus besoin de liberté, on risque de bloquer l’activité commerciale.
J’ajoute que les mesures de plafonnement et de lissage des loyers constituent des limitations légales au droit de propriété et que ces atteintes ne sont compatibles avec la Constitution que si elles sont nécessaires et proportionnées à un objectif d’intérêt général, ce qui n’est manifestement pas le cas ici. Si l’on généralise le lissage des loyers à tous les types de commerce, j’ai le sentiment que ce principe de nécessité et de proportionnalité n’est plus respecté, l’objectif d’intérêt général n’apparaissant plus du tout de façon évidente.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 38 et 94. En revanche, elle est favorable à l’amendement n° 166, qui est un amendement de précision.