Intervention de Yannick Vaugrenard

Réunion du 16 avril 2014 à 21h00
Artisanat commerce et très petites entreprises — Article 9

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard, rapporteur :

Je rappelle que, à ce jour, la fabrication des produits laitiers relève déjà de l’activité artisanale. C’est le cas pour la fabrication de lait liquide et de produits frais, tels le beurre et le fromage. Les entreprises exerçant cette activité sont inscrites au répertoire des métiers des chambres de métiers.

Échappe au secteur de l’artisanat l’affinage des fromages, car il consiste à entreposer et à stocker les fromages, ce qui ne correspond pas aux critères traditionnels de l’artisanat, c’est-à-dire la production et la transformation.

Les auteurs de ces amendements proposent d’ajouter les activités de crémerie-fromagerie, qui sont aujourd’hui des activités commerciales sans barrières à l’entrée, dans la liste des activités artisanales réglementées relevant de l’article 16 de la loi de 1996.

Je rappelle que le seul obstacle qui empêche aujourd’hui les crémiers-fromagers de se prévaloir de la qualité d’artisan est l’absence de diplôme reconnu dans leur domaine. Il faudrait donc que les professionnels du secteur commencent par s’organiser, en lien avec l’éducation nationale, pour créer des formations diplômantes.

Il est quand même paradoxal de réclamer le statut de profession artisanale réglementée, c’est-à-dire requérant la détention obligatoire d’un diplôme professionnel, avant même d’avoir créé un tel diplôme. J’ai l’impression, si je puis me permettre, que les représentants de cette profession mettent la charrue devant les bœufs. Lorsque les qualifications minimales auront été créées, il pourra être alors envisagé de placer les crémiers-fromagers dans le champ de l’article 16 de la loi de 1996, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.

En discutant avec eux, je me suis rendu compte que, en réalité, ce n’est pas ce qu’ils demandent. Ce qui les intéresse, c’est de pouvoir se prévaloir de la qualité d’artisan ; mais même à supposer qu’ils veuillent aller plus loin pour devenir une profession réglementée, il faut savoir qu’une telle demande ne va pas du tout de soi. En effet, le respect de la liberté de commerce, garantie constitutionnellement, ainsi que le droit européen exigent que l’on ne mette des barrières à l’entrée d’une profession que pour des raisons impératives d’intérêt général, telles que la protection du consommateur. Or je ne vois pas très bien quels sont les motifs d’intérêt général qui justifieraient que l’on étende à la crémerie-fromagerie les barrières à l’entrée existant pour d’autres professions.

Si on le fait pour la crémerie-fromagerie, on pourrait tout aussi bien le faire pour les activités de restauration et, finalement, pour toutes les activités liées à l’alimentation. Or, on le voit bien, on exclurait ce faisant du champ de la liberté de commerce un très grand nombre d’activités économiques, ce qui reviendrait à enfreindre directement le droit communautaire.

En étendant le champ des activités artisanales réglementées sans véritable motif d’intérêt général, nous risquons de conduire la Commission européenne et la Cour de justice de l’Union européenne à reconsidérer le bien-fondé des exceptions historiques qu’elles ont bien voulu accepter jusqu’à présent.

Pour être parfaitement clair, il ne faudrait pas qu’en multipliant les exceptions, tout d’abord pour les crémiers-fromagers, ensuite pour d’autres professions, nous ne conduisions les institutions européennes à mettre en doute la justification des barrières à l’entrée existant pour des activités historiquement réglementées, telles que la charcuterie, la boulangerie et la poissonnerie.

Cette voie me paraît dangereuse. C’est la raison pour laquelle j’émets, quoique à regret, un avis défavorable.

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