Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 17 avril 2014 à 21h45
Égalité réelle entre les femmes et les hommes — Article 17

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Il s'agit d'un amendement de repli par rapport au précédent.

La loi de 2004 pour la confiance dans l'économie numérique oblige les hébergeurs à permettre aux internautes de leur signaler facilement les contenus hébergés relevant de l’apologie des crimes contre l’humanité, de l’incitation à la haine raciale, de la pornographie enfantine, de l’incitation à la violence, notamment contre les femmes, ou des atteintes à la dignité humaine.

L’article 17 tend à ajouter à cette liste les contenus incitant à la haine à raison du sexe, de l'orientation ou de l'identité sexuelle ou d'un handicap. Or, la jurisprudence du régime des hébergeurs a évolué depuis 2004, afin d'inciter ceux-ci à supprimer tout contenu potentiellement illicite qui leur aurait été signalé, pour éviter tout risque juridique.

Cette situation aboutit à un encouragement à la censure privée, sans l'intervention d'un juge, et mène à des retraits de contenus parfaitement licites.

Ainsi, en élargissant ce dispositif de signalement, cet article encouragerait encore davantage ce type de dérives, confiant à des acteurs privés, plutôt qu'aux pouvoirs publics, la lutte contre les propos haineux diffusés sur internet à l'encontre des femmes et des minorités.

Cet amendement vise à replacer les pouvoirs publics au cœur de ce système de signalement, en en faisant les destinataires directs, notamment au moyen de la plate-forme PHAROS d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements, créée à cet effet mais largement sous-exploitée et sous-dotée.

Cette situation sauvegarderait l'État de droit en donnant les moyens aux autorités de poursuivre les infractions signalées et en laissant à l'autorité judiciaire une compétence exclusive dans la censure des abus dans la liberté d'expression.

Enfin, un tel dispositif permettrait aux pouvoirs publics d'être en contact direct avec les victimes de propos tenus en ligne, et faciliterait ainsi la mise en œuvre d'une véritable politique afin de les accompagner et de les défendre.

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