Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 30 avril 2014 à 14h30
Formation aux gestes de premiers secours et permis de conduire — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation de l’examen du permis de conduire. L’exposé des motifs est limpide : il s’agit de sauver des vies.

Le nombre des blessés et des tués sur la route, s’il est en constante baisse depuis de nombreuses années, reste trop élevé. Le bilan provisoire pour le premier semestre de 2013 fait état de plus de 32 000 blessés et de 1 440 tués sur nos routes.

Les auteurs de la présente proposition de loi le rappellent, les premières minutes qui suivent un accident sont décisives. Selon les estimations disponibles, ce sont de 250 à 350 vies qui pourraient être sauvées chaque année si les témoins présents sur les lieux d’un accident possédaient la connaissance des gestes de premiers secours. Qui pourrait alors ne pas voter une mesure dont la finalité est incontestable ?

Toutes les études en la matière montrent que les Français sont mal et peu formés aux gestes de premiers secours. Le rapport de notre collègue Catherine Troendlé cite à cet égard un chiffre édifiant : selon une enquête menée par la Croix-Rouge en 2013, seulement 55 % des personnes interrogées indiquent que leur premier geste en cas d’accident serait d’avertir les secours. Dans le même sens, 50 % des personnes interrogées ne savent pas dûment placer un triangle de signalisation, et donc protéger les lieux de l’accident.

Toutefois, si l’amélioration de la formation de nos concitoyens aux gestes de premiers secours apparaît comme une nécessité évidente, une lecture attentive du texte initial soulève de nombreuses questions et nous conduit à être pour le moins réservés quant à l’opportunité de l’adopter.

D’abord, cela a été dit à de nombreuses reprises, les dispositions prévues par ce texte relèvent non pas du domaine de la loi, mais bien de celui du règlement. C’est d’ailleurs ce motif qui avait conduit au rejet par l’Assemblée nationale d’une proposition similaire l’année dernière. Nous sommes attachés au respect de la Constitution et nous devons être vigilants à ne pas outrepasser, si louable l’intention des auteurs du texte soit-elle, les prérogatives que celle-ci nous donne.

Ensuite, il existe des dispositifs généraux de formation aux premiers secours.

La loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a créé une obligation de sensibilisation des candidats au permis de conduire à la formation aux premiers secours. Cette obligation est restée lettre morte, faute de décret d’application. Le groupe écologiste estime qu’il convient de faire appliquer la loi existante avant d’en élaborer une nouvelle, en favorisant ainsi l’inflation législative.

Enfin, le permis de conduire est déjà un Graal suffisamment difficile à atteindre pour que la mise en place de ces mesures ne vienne pas compliquer davantage encore l’obtention de ce qui représente pour beaucoup un sésame pour l’emploi et l’autonomie.

Pour toutes ces raisons, il aurait été difficile d’adopter le texte en l’état. Je veux donc saluer ici le travail de Mme la rapporteur, qui a su entendre ces griefs et nous proposer un texte plus en phase avec la réalité de notre société.

En effet, l’adoption du texte dans sa version initiale, qui prévoyait l’instauration d’une épreuve supplémentaire au permis de conduite, aurait probablement eu pour conséquence une augmentation du coût et des délais d’obtention du permis de conduire.

Le texte tel qu’amendé par la commission revient sur l’instauration de cette troisième épreuve ; nous nous en félicitons. Il instaure, en revanche, une obligation, pour les examinateurs, de s’assurer que les candidats maîtrisent les actes simples mais fondamentaux consistant à alerter les secours, à sécuriser et à baliser la zone de l’accident et, si nécessaire, à accomplir les gestes de secours de base.

Considérant que cette mesure est bénéfique, le groupe écologiste votera le texte tel qu’issu des travaux de la commission des lois.

J’aimerais toutefois rappeler qu’il faut également que cette formation, tellement nécessaire, soit mise en œuvre de manière effective dans le cadre de l’école et du travail, afin que les connaissances en matière de premiers secours de l’ensemble de nos concitoyens soient approfondies et réactualisées tout au long de la vie. §

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