Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, une validation législative est un acte grave !
L’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
Le Conseil constitutionnel exige un motif impérieux d’intérêt général pour justifier une telle mesure. Le législateur doit donc agir de manière parfaitement réfléchie. C’est à la lumière de ces exigences que la commission des finances a examiné le texte qui nous est soumis
Ce projet de loi constitue, oserai-je dire, un nouvel épisode dans le règlement du délicat problème des emprunts structurés dits « toxiques ». Il vise en effet à sécuriser les contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public.
Concrètement, le texte, qui nous est présenté en procédure accélérée, valide les contrats de prêts structurés sur lesquels le taux effectif global était soit manquant, soit erroné.
En effet, par deux décisions du 8 février 2013 et du 7 mars 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre a relevé le défaut ou l’erreur de TEG et a jugé que ces manquements devaient être sanctionnés par l’application du taux d’intérêt légal en lieu et place du taux d’intérêt prévu par le contrat, taux qui, dans le cadre de prêts structurés, peut se révéler très élevé.
La multiplication de ces décisions conduirait à une réaction en chaîne particulièrement désastreuse pour nos finances publiques et, paradoxalement, pour le financement des collectivités territoriales elles-mêmes : M. le secrétaire d'État a cité le chiffre colossal de 17 milliards d’euros.
Comment peut-on en arriver à une menace de cette ampleur pour les finances publiques ?
Tout d’abord, de manière générale, l’évolution de la jurisprudence va dans le sens de la reconnaissance d’une valeur de plus en plus contraignante aux actes précontractuels. À cet égard, le tribunal de grande instance de Nanterre a qualifié comme contrat de prêt une télécopie que Dexia avait toujours considérée comme un acte précontractuel.
Ensuite, le tribunal a constaté l’absence de TEG, qui est une mention obligatoire, et a procédé à la sanction prévue dans un tel cas. Or Dexia a quasi systématiquement omis de mentionner le TEG sur les télécopies de confirmation. Autant dire que la quasi-totalité du portefeuille de ses prêts structurés pourrait se voir appliquer la jurisprudence de Nanterre, avec un retour au taux d’intérêt légal. Plus de 1 100 prêts, représentant un encours de 7, 4 milliards d’euros, seraient concernés. Je précise que le taux d’intérêt légal s’élève actuellement à 0, 04 %.
Aujourd’hui, près de 90 % de ce portefeuille a été transféré à la Société de financement local, créée à la suite de la mise en œuvre du plan de résolution du groupe Dexia, afin de reprendre sa mission de financement des collectivités territoriales.
En tout état de cause, l’intégralité du portefeuille de prêts structurés est aujourd’hui détenue par l’État, soit au travers de Dexia, soit au travers de la SFIL, dont il est actionnaire respectivement à hauteur de 44 % et de 75 %.
L’application d’un principe élémentaire de prudence comptable oblige à constituer une provision pour litiges à la suite des décisions du tribunal de grande instance de Nanterre. Dexia et la SFIL ont calculé que les provisions cumulées pourraient atteindre 10, 6 milliards d’euros. Ce montant correspond, d’une part, à la perte d’intérêts du fait du retour au taux d’intérêt légal et, d’autre part, au débouclage de certains instruments de couverture que les deux établissements avaient contractés.
Compte tenu des fonds propres de Dexia et de la SFIL, l’État serait alors contraint d’intervenir pour recapitaliser ces deux entités à hauteur de 10 milliards d’euros, à raison de 3 milliards d’euros pour Dexia et de 7 milliards d’euros pour la SFIL. Et encore cette recapitalisation ne mettrait-elle pas la SFIL à l’abri d’un risque de mise en extinction. En effet, lorsque le sauvetage de Dexia a été décidé, la Commission européenne a autorisé la création de la SFIL à la condition que son modèle économique soit viable, …