La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le procès-verbal de la séance du mercredi 7 mai 2014 a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
Conformément à l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution, le Président du Sénat a pris acte de la cessation, le vendredi 9 mai 2014, à minuit, des mandats sénatoriaux de :
- Mme Laurence Rossignol, nommée secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, par décret du 9 avril 2014 relatif à la composition du Gouvernement ;
- et M. André Vallini, nommé secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, par décret du 9 avril 2014 relatif à la composition du Gouvernement.
Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l’intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu’à compter du samedi 10 mai 2014, à zéro heure :
- M. Jean-Pierre Bosino est appelé à remplacer, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, en qualité de sénateur de l’Oise, Mme Laurence Rossignol, nommée secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, par décret en date du 9 avril 2014 relatif à la composition du Gouvernement.
- Mme Éliane Giraud est appelée à remplacer, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, en qualité de sénateur de l’Isère, M. André Vallini, nommée secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, par décret en date du 9 avril 2014 relatif à la composition du Gouvernement.
Au nom du Sénat tout entier, nous leur souhaitons la plus cordiale bienvenue.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence.
La commission des finances m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée. La nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi :
- le 7 mai 2014, en application de l’article 12 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, des dispositions suivantes du code général des collectivités territoriales :
- le I de l’article L. 5843-2, en tant qu’il rend applicable en Polynésie française les articles L. 5721-3 et L. 5721 5,
- le III de l’article L. 5843-2,
- l’article L. 5843-3 ;
- le 12 mai 2014, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, de la loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié.
Le texte de ces saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de ces communications.
En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi relative aux pouvoirs de l’inspection du travail, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 27 mars 2014.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat :
- le 12 mai 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 41-4 du code de procédure pénale (Attributions du procureur de la République) (2014-406 QPC) ;
- le 13 mai 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les sixième et huitième alinéas de l’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 (Aide publique aux partis et groupements politiques) (2014-407 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de ces communications.
J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif aux activités privées de protection des navires (n° 489, 2013-2014), dont la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
J’informe le Sénat que :
-le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. André Vallini, dont le mandat de sénateur a cessé ;
-le groupe Union des Démocrates et Indépendants–UC a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. Louis-Constant Fleming, démissionnaire de son mandat de sénateur ;
-le groupe communiste républicain et citoyen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, en remplacement de Mme Laurence Rossignol, dont le mandat de sénateur a cessé.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet des « emprunts toxiques » est un sujet complexe, qui empoisonne – c’est bien le moins pour des toxiques ! – les finances des collectivités territoriales et de l’État depuis plusieurs années.
Les points de vue sur la question semblent irréconciliables. Certains arguent que les banques ont floué des collectivités territoriales désemparées face à des contrats de prêt qu’elles ne pouvaient techniquement maîtriser. D’autres estiment que les collectivités ont été irresponsables en contractant sciemment des emprunts, certes dangereux, mais très profitables à court terme. Ces différentes analyses se retrouvent souvent au sein des groupes parlementaires.
Face à ces appréciations divergentes, nous vous proposons une solution équilibrée.
Équilibrée, d’abord, entre les banques et l’État : les banques participent à 61 % – 50% par le biais de la taxe systémique et 11 % à travers des contributions volontaires de la Société de financement local, la SFIL, et de Dexia – au financement du fonds de soutien de 1, 5 milliard d’euros, l’État étant appelé à financer le reste. Je rappelle que ce fonds a pour vocation d’aider les collectivités et d’autres établissements à régler ce douloureux et délicat problème des emprunts toxiques.
Équilibrée, ensuite, entre les collectivités territoriales et les banques : les aides accordées au titre du fonds ne pourront dépasser 45 % du montant des indemnités de remboursement anticipé, ou IRA.
L’objet du présent projet de loi est de rééquilibrer le dispositif voté en loi de finances initiale de 2014. Celle-ci prévoyait un système pérenne et équilibré, permettant de sortir du problème des emprunts structurés contractés, notamment, par les collectivités.
Le fonds de 1, 5 milliard d’euros vise à financer une partie du coût de sortie, pour les collectivités, de leurs emprunts toxiques.
La loi de finances de 2014 prévoyait également une validation législative visant à éviter les risques que ferait peser sur les finances publiques la généralisation du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 8 février 2013.
Le décret d’application relatif à la création du fonds de soutien est paru au Journal officiel du 2 mai dernier. Reste désormais à constituer le comité d’orientation et de suivi, qui devra définir une doctrine. Les premières aides pourront être accordées avant la fin de l’année 2014.
Le Conseil constitutionnel a, en revanche, censuré la validation législative. Pourquoi ? Parce que le champ de cette validation était trop large par rapport au motif d’intérêt général invoqué, c'est-à-dire la protection des finances publiques des conséquences financières dévastatrices d’une éventuelle généralisation du contentieux jugé par le tribunal de grande instance de Nanterre.
Le Gouvernement a tout fait pour s’assurer de la constitutionnalité du nouveau dispositif qu’il propose aujourd’hui. Afin de mieux cibler la validation législative sur le risque pesant sur les finances publiques, conformément à la volonté du Conseil constitutionnel, son champ a été resserré. Celle-ci concerne désormais exclusivement les personnes morales de droit public. Les personnes morales de droit privé en sont exclues. Il s’agit d’une différence majeure avec la disposition qui a été censurée.
De surcroît, la validation législative vise exclusivement les emprunts dits « structurés », et non l’ensemble des emprunts. Cette autre différence permet également de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel.
En outre, la validation est limitée aux motifs de l’absence ou de l’erreur de mention du taux effectif global – TEG –, du taux de période ou de la durée de période, à condition que les informations utiles à l’emprunteur pour déterminer les échéances de son prêt aient par ailleurs été fournies. Elle ne prive en aucun cas les collectivités des armes dont elles disposent sur le terrain du défaut de mise en garde.
Ainsi, la validation est très largement ciblée sur les contrats de Dexia et de la SFIL, ceux-là mêmes qui font peser un risque sur nos finances publiques, et par conséquent centrée, conformément à l’exigence du Conseil constitutionnel, sur le motif impérieux d’intérêt général que j’ai rappelé.
Le Conseil d’État a validé la constitutionnalité de ce dispositif.
Il existe, pour nos finances publiques, un risque majeur qui justifie ce projet de loi : celui de la généralisation de la décision du tribunal de grande instance de Nanterre. Il est évalué à 17 milliards d’euros – je n’ignore pas que cette évaluation donne lieu à des commentaires –, dont 9 milliards d'euros à court terme. C’est ce motif d’intérêt général qui justifie l’intervention d’une loi.
Nous devons éviter d’accroître notre déficit public d’un montant correspondant à environ 1 % de notre PIB, afin de garantir notre indépendance vis-à-vis de marchés financiers, qui nous pénaliseraient à travers un renchérissement du coût de la dette, mais aussi pour nous épargner de devoir adopter des hausses d’impôts ou des coupes dans les dépenses qui deviendraient inacceptables pour les Français.
Comment se décomposent ces 17 milliards d’euros de coût potentiel pour l’État ?
On estime à 10 milliards d’euros le coût direct lié à la nécessité de provisionner le risque contentieux dans les comptes de Dexia et de la SFIL. Ces provisions pour risque exigeraient des recapitalisations pesant sur l’État, actionnaire à hauteur de 44 % de Dexia et de 75 % de la SFIL. Concernant la SFIL, la participation de 20 % de la Caisse des dépôts et consignations et celle de 5 % de la Banque postale ont été, en outre, accordées sous réserve de la garantie de l’État.
Une partie de ce coût correspondrait à la différence entre le taux applicable et le taux légal. Une autre partie serait liée à la nécessité pour Dexia et SFIL de « déboucler » les instruments de couverture, les swaps, souscrits auprès d’autres banques pour se protéger.
Outre ces 10 milliards d’euros de coût direct, un coût supplémentaire indirect de 7 milliards d’euros aurait un effet immédiat. Cette somme correspondrait à la mise en extinction, en run-off, comme l’on dit dans une autre langue, de la SFIL, qui deviendrait inéluctable. En effet, un tel niveau de pertes, dû au provisionnement des contentieux, remettrait en cause la viabilité financière même de la SFIL, qui devrait alors être mise en extinction, sans production nouvelle pour amortir ses coûts – et notamment ceux qu’engendre le stock de prêts toxiques qu’elle porte – et avec des coûts de refinancement accrus.
Pour faire face à cette situation, une recapitalisation immédiate, de l’ordre de 7 milliards d’euros, serait nécessaire.
Ces 7 milliards d’euros correspondraient non pas à un gain pour les collectivités, mais à la matérialisation d’une perte nette pour la SFIL, qui ne pourrait plus être couverte par son activité bancaire actuelle. Cela représenterait donc une perte pour le secteur public dans son ensemble.
Ce projet de loi n’est pas un projet de loi d’amnistie pour les banques.
Il ne tend qu’à protéger l’État, et donc les contribuables.
Le champ de la validation a été restreint, je le rappelle, aux seules personnes publiques et aux emprunts structurés, de telle sorte qu’il concerne désormais essentiellement des prêts contractés par Dexia et la SFIL, dont l’État est actionnaire et à qui il a accordé sa garantie dans la loi de finances rectificative du 2 novembre 2011.
Ce projet de loi ne protège donc pas l’intérêt de Dexia ou de la SFIL, encore moins l’intérêt du secteur bancaire dans son ensemble, qui ne porte qu’une partie limitée des emprunts toxiques. Il protège l’intérêt général.
Les banques ont été fortement mises à contribution pour sortir de ce problème lancinant. La loi de finances initiale de 2013 avait créé un fonds sans prévoir leur participation, mais impliquant pour moitié l’État et pour moitié les collectivités.
Le nouveau fonds créé par la loi de finances initiale de 2014 est, au contraire, alimenté à plus de 50 % par les banques, sans aucune participation des collectivités. Je rappelle les chiffres : 50 % grâce au relèvement de la taxe systémique et 11 % supplémentaires du fait des contributions volontaires de la SFIL et de Dexia.
Les banques participeront également au fonds qui sera mis en place pour soutenir les établissements hospitaliers face aux emprunts toxiques : 25 millions d’euros supplémentaires seront versés à un fonds doté de 100 millions d’euros.
Il s’agit donc de dispositions équilibrées face à un problème dont le rapport de la commission d’enquête constituée par l'Assemblée nationale, et dont la présidence avait été confiée à Claude Bartolone, indiquait que la responsabilité était « partagée ».
Les collectivités seront ainsi mieux armées face aux emprunts toxiques. Il était en effet difficile de dire que les collectivités étaient protégées avant les dispositions de la loi de finances initiale de 2014 puisque ce problème empoisonnait les finances locales depuis des années.
Ce projet de loi ne désarme pas les collectivités, pas plus qu’il n’exonère les banques. En particulier, les collectivités les plus fragiles conservent toutes les armes contentieuses dont elles disposent aujourd’hui concernant le défaut de conseil.
Mais le fonds de 1, 5 milliard d’euros mis en place par la loi de finances initiale de 2014 est la meilleure arme dont vont disposer les collectivités : pour la première fois, ces dernières se voient apporter un soutien financier.
Il est également prévu que le fonds effectuera des versements spécifiques et anticipés pour les collectivités de moins de 10 000 habitants qui auraient besoin d’être accompagnées dans la gestion financière de leur dette structurée. Ce soutien est une innovation quant à l’accompagnement technique des collectivités.
Enfin, la création d’un fonds spécifique dédié aux hôpitaux armera davantage encore les acteurs locaux contre le risque des emprunts toxiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, le Gouvernement a cherché à concilier l’inconciliable, à trouver le bon équilibre dans la participation des diverses parties prenantes, tout en ayant le souci de l’intérêt général face à un risque financier majeur pour le budget de l’État. Il s’est également attaché à soutenir les collectivités territoriales dans leur démarche, sans les priver des moyens qu’elles peuvent invoquer, tel le défaut de conseil. Je le répète, ce projet de loi n’amnistie pas les banques, qui contribueront de manière notable au fonds de soutien.
C’est donc avec une certaine satisfaction, voire avec un enthousiasme difficile à dissimuler que je vous invite à adopter le présent projet de loi. §
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, une validation législative est un acte grave !
L’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
Le Conseil constitutionnel exige un motif impérieux d’intérêt général pour justifier une telle mesure. Le législateur doit donc agir de manière parfaitement réfléchie. C’est à la lumière de ces exigences que la commission des finances a examiné le texte qui nous est soumis
Ce projet de loi constitue, oserai-je dire, un nouvel épisode dans le règlement du délicat problème des emprunts structurés dits « toxiques ». Il vise en effet à sécuriser les contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public.
Concrètement, le texte, qui nous est présenté en procédure accélérée, valide les contrats de prêts structurés sur lesquels le taux effectif global était soit manquant, soit erroné.
En effet, par deux décisions du 8 février 2013 et du 7 mars 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre a relevé le défaut ou l’erreur de TEG et a jugé que ces manquements devaient être sanctionnés par l’application du taux d’intérêt légal en lieu et place du taux d’intérêt prévu par le contrat, taux qui, dans le cadre de prêts structurés, peut se révéler très élevé.
La multiplication de ces décisions conduirait à une réaction en chaîne particulièrement désastreuse pour nos finances publiques et, paradoxalement, pour le financement des collectivités territoriales elles-mêmes : M. le secrétaire d'État a cité le chiffre colossal de 17 milliards d’euros.
Comment peut-on en arriver à une menace de cette ampleur pour les finances publiques ?
Tout d’abord, de manière générale, l’évolution de la jurisprudence va dans le sens de la reconnaissance d’une valeur de plus en plus contraignante aux actes précontractuels. À cet égard, le tribunal de grande instance de Nanterre a qualifié comme contrat de prêt une télécopie que Dexia avait toujours considérée comme un acte précontractuel.
Ensuite, le tribunal a constaté l’absence de TEG, qui est une mention obligatoire, et a procédé à la sanction prévue dans un tel cas. Or Dexia a quasi systématiquement omis de mentionner le TEG sur les télécopies de confirmation. Autant dire que la quasi-totalité du portefeuille de ses prêts structurés pourrait se voir appliquer la jurisprudence de Nanterre, avec un retour au taux d’intérêt légal. Plus de 1 100 prêts, représentant un encours de 7, 4 milliards d’euros, seraient concernés. Je précise que le taux d’intérêt légal s’élève actuellement à 0, 04 %.
Aujourd’hui, près de 90 % de ce portefeuille a été transféré à la Société de financement local, créée à la suite de la mise en œuvre du plan de résolution du groupe Dexia, afin de reprendre sa mission de financement des collectivités territoriales.
En tout état de cause, l’intégralité du portefeuille de prêts structurés est aujourd’hui détenue par l’État, soit au travers de Dexia, soit au travers de la SFIL, dont il est actionnaire respectivement à hauteur de 44 % et de 75 %.
L’application d’un principe élémentaire de prudence comptable oblige à constituer une provision pour litiges à la suite des décisions du tribunal de grande instance de Nanterre. Dexia et la SFIL ont calculé que les provisions cumulées pourraient atteindre 10, 6 milliards d’euros. Ce montant correspond, d’une part, à la perte d’intérêts du fait du retour au taux d’intérêt légal et, d’autre part, au débouclage de certains instruments de couverture que les deux établissements avaient contractés.
Compte tenu des fonds propres de Dexia et de la SFIL, l’État serait alors contraint d’intervenir pour recapitaliser ces deux entités à hauteur de 10 milliards d’euros, à raison de 3 milliards d’euros pour Dexia et de 7 milliards d’euros pour la SFIL. Et encore cette recapitalisation ne mettrait-elle pas la SFIL à l’abri d’un risque de mise en extinction. En effet, lorsque le sauvetage de Dexia a été décidé, la Commission européenne a autorisé la création de la SFIL à la condition que son modèle économique soit viable, …
… en d’autres termes qu’elle ne soit pas renflouée par l’État à intervalles réguliers. C’est dire qu’une recapitalisation à hauteur de 7 milliards d’euros ne passerait donc probablement pas sous les fourches caudines de la Commission lors de l’examen des aides d’État.
Si la mise en extinction de la SFIL était décidée, cela coûterait 7 milliards d’euros supplémentaires, selon les estimations du Gouvernement.
Pour ma part, j’appelle tout particulièrement votre attention, mes chers collègues, sur le déficit de financement pour les collectivités qui en résulterait. La SFIL représente déjà environ 20 % du marché du crédit aux collectivités, soit 3 milliards d’euros distribués en 2013. C’est un risque qui ne doit pas être négligé.
Nous sommes donc face à un problème difficile, mais où les responsabilités sont partagées. Selon la commission d’enquête de l'Assemblée nationale, dont rapport a été publié il y a quelque temps, la responsabilité est « partagée » entre les collectivités qui ont contracté ces emprunts, mais qui ne s’en sont pas préoccupées jusqu’en 2007 ou 2008 parce que les taux appliqués étaient jusqu’alors avantageux, l’État, qui a failli à son devoir de contrôle de la légalité des actes des collectivités locales et n’a jamais attiré l’attention sur ce point, …
… et, enfin, les banques, qui avaient une attitude commerciale agressive.
La responsabilité est partagée politiquement parce que toutes les majorités ont été concernées ; je le dis comme je le ressens.
Certes, on peut prendre des positions extrêmes, mais ce n’est pas l’option que j’entends retenir.
Ainsi, on peut regarder prospérer la jurisprudence de Nanterre sans rien faire. Sans doute le problème d’une partie des collectivités se trouverait-il réglé, mais cela signifierait que nous laissons l’État supporter une charge disproportionnée, et la SFIL disparaîtrait.
On peut aussi, à l’inverse, décider de régler le problème de l’État par la validation législative seule, mais les collectivités conserveraient alors un encours de prêts toxiques très important, ce qui n’est guère plus satisfaisant.
J’estime que le contribuable local et le contribuable national, …
… et nous aurions tort de les opposer.
En préférant faire payer le seul contribuable national, nous accroîtrions très sensiblement la facture puisque nous en viendrions à payer 7 milliards d’euros de plus du fait de l’extinction de la SFIL.
C’est pourquoi le pacte de confiance et de responsabilité entre l’État et les collectivités a promu une solution équilibrée, qui permet de partager équitablement le fardeau, et que je soutiens.
D’une part, pour préserver les finances locales, le pacte a prévu la mise en place d’un fonds destiné à aider les collectivités dans la désensibilisation de leurs emprunts. Ce fonds, créé dans le cadre de la loi de finances de 2014, s’est vu doté de 1, 5 milliard d’euros, ce qui n’est pas négligeable… Il permettra de financer jusqu’à 45 % des indemnités dues par les collectivités au titre du remboursement anticipé et impliquera que ces dernières renoncent au contentieux. Le décret d’application est paru.
D’autre part, pour préserver les finances de l’État, le pacte a prévu la validation législative des contrats de prêts structurés qui seraient contestés au regard de l’absence ou de l’erreur de TEG.
Le fonds de soutien aux collectivités constitue également le vecteur par lequel les banques participent à la résolution d’un problème qu’elles ont en partie créé, puisqu’elles assureront près des deux tiers de son financement.
Cette solution est équilibrée dans la répartition des charges programmées. Elle présente le grand avantage de préserver du temps pour régler ce problème en douceur, aux meilleures conditions à la fois pour l’État et pour les collectivités territoriales.
Au fil des mois, la SFIL renforce son profil financier et peut dégager des marges de manœuvre pour renégocier les prêts structurés qu’elle détient. Bien sûr, ces opérations ne sont pas aussi rapides qu’on peut l’espérer ici ou là. C’est pourquoi le fonds de soutien viendra apporter son aide.
En tout état de cause, lisser une charge de 10 milliards d’euros sur plusieurs années entre l’État, les collectivités territoriales et les banques, à commencer par la SFIL, paraît de bien meilleure politique que de faire supporter uniquement à l’État une charge plus importante – 17 milliards d’euros –, et ce pour une très large part dès cette année.
Il y a bien urgence !
À ce jour, la SFIL n’a pas constitué de provisions comptables parce que ses commissaires aux comptes avaient pris acte de l’engagement du Gouvernement de déposer un projet de loi de validation permettant de faire disparaître le risque juridique et financier et comptaient sur l’adoption et la promulgation de ce dernier.
Si ce projet de loi n’est pas adopté, la sanction interviendra dès l’arrêté des comptes du premier semestre 2014, et la réaction en chaîne que j’ai décrite au début de mon intervention s’enclenchera.
On a prétendu que le dispositif soumis à notre examen priverait les collectivités territoriales de tout moyen de recours contre les banques prêteuses. Cela est faux : les collectivités territoriales pourront toujours contester les contrats, à l’exception, bien sûr, de celles qui choisiront de renoncer au contentieux pour bénéficier du fonds de soutien. Mes chers collègues, j’insiste : l’idée de priver les collectivités territoriales de tout moyen de recours contre les banques n’a jamais été envisagée ; du reste, elle serait inconstitutionnelle.
Je veux aussi rappeler que le TEG a été conçu, à l’origine, comme un instrument de protection des particuliers dans le cadre du crédit à la consommation ou du crédit immobilier. Dans le cas d’un prêt structuré, en revanche, il n’apporte aucune information à l’emprunteur. Le tribunal de grande instance de Nanterre a donc sanctionné le non-respect d’une formalité obligatoire, alors même que l’absence ou l’erreur de TEG n’avait causé aucun préjudice à l’emprunteur.
L’adoption du projet de loi n’empêchera pas que les contentieux en cours se poursuivent. Les moyens tirés du défaut ou de l’erreur de TEG ne seront évidemment plus opérants, mais le juge sera amené à apprécier, sur le fond et au cas par cas, la responsabilité de la banque, pour déterminer s’il y a eu, ou non, un vice de consentement de la part de l’emprunteur.
Je vous rappelle en effet que, lorsqu’une banque n’a pas respecté ses obligations légales d’information, de mise en garde ou de conseil vis-à-vis de son client, celui-ci peut demander au juge d’annuler le contrat. D’ailleurs, une première décision de justice, rendue par le tribunal de grande instance de Paris au début de cette année, a reconnu qu’une banque n’avait pas rempli ses devoirs d’information et de conseil.
Le projet de loi ne prévoit nullement de revenir sur ces principes ; il laisse le juge, si celui-ci est saisi, apprécier chaque cas d’espèce.
J’ai parlé de l’opportunité du projet de loi et de son urgence ; je voudrais, pour finir, aborder la question de sa constitutionnalité.
Vous vous souvenez, mes chers collègues, que la première mouture de cette validation législative, inscrite dans la loi de finances de 2014, a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu’un dispositif de validation visant l’ensemble des prêts conclus par l’ensemble des personnes morales était trop large par rapport à l’objectif recherché.
C’est pourquoi le projet de loi se borne à valider les seuls emprunts structurés conclus par les seules personnes morales de droit public, tout en préservant la possibilité d’action en justice de chacune de ces personnes pour chaque cas d’espèce. Cette restriction permet d’atteindre l’objectif visé : éviter une perte de 17 milliards d’euros et prévenir le risque d’une mise en extinction de la SFIL et d’une perturbation du financement local.
Quant à savoir si un risque équivalent à 0, 8 point de PIB peut être qualifié de « motif impérieux d’intérêt général », le Gouvernement en est convaincu, et moi aussi ; il reviendra au Conseil constitutionnel de trancher la question, ce qu’il n’a pas fait dans sa décision portant sur la loi de finances de 2014.
Mes chers collègues, sous le bénéfice de l’ensemble des observations que je viens de formuler, la commission des finances vous propose d’adopter le présent projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances, applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que le Gouvernement soumet à notre examen procède à la validation des contrats de prêts structurés souscrits par des personnes morales de droit public.
Je tiens à remercier M. le rapporteur, Jean Germain, pour la précision de ses analyses, et M. le secrétaire d’État pour la clarté de son exposé. Parlant après eux, je serai très brève quant au rappel des faits.
À partir de la fin des années 1990, les collectivités territoriales, mais aussi les hôpitaux publics et les sociétés d’HLM, ont souscrit des prêts structurés, proposés par des banques soucieuses de reconstituer leurs marges dans un marché financier où les liquidités étaient alors abondantes. Ces souscripteurs étaient intéressés par les taux réduits affichés, en tout cas pour les premières années, par le report de plusieurs années de la prise de risque – une prise de risque en réalité peu ou mal cernée – et par la longueur des délais de remboursement : vingt, voire trente ans.
Puis survient la crise de 2008 : les décalages de taux de change et de taux d’intérêt, provoquant le déclenchement de seuils, hissent les taux à des niveaux prohibitifs.
Avant que la crise ne commence à produire ses effets, aucun mécanisme d’alerte n’a été opérant : ni les autorités chargées de la comptabilité publique, ni les chambres régionales des comptes, ni le Trésor ni aucun autre organisme de contrôle n’ont décelé le risque qui grandissait. Jean-Pierre Gorges, dans le rapport qu’il a rédigé en 2011 dans le cadre de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux, présidée par Claude Bartolone, l’a parfaitement démontré.
Aujourd’hui, les contentieux entre les collectivités territoriales et les banques se sont développés, fondés sur trois motifs. Deux motifs, invoqués devant le tribunal de Nanterre respectivement par le département de la Seine-Saint-Denis et par la commune de Saint-Maur-des-Fossés, sont liés au TEG : l’absence de mention de ce taux dans les contrats ou l’erreur dans l’explication de ce taux. Le troisième motif, qui est à l’origine, en particulier, du contentieux impliquant Lille Métropole, consiste dans un manquement de la banque à ses obligations d’information et de conseil ; il est plus clairement applicable aux cas de swaps.
Le Gouvernement propose la création d’un fonds de soutien doté de 1, 5 milliard d’euros sur quinze ans ainsi qu’une validation législative en ce qui concerne les risques liés au TEG et la préservation de la SFIL. Selon vous, monsieur le secrétaire d’État, cette solution serait équilibrée.
Le sujet est grave et les ordres de grandeur, considérables. Songez, mes chers collègues, qu’en vertu des règles comptables la SFIL et Dexia devraient constituer 10, 6 milliards d’euros de provisions cumulées. Sans compter la mise en extinction de la SFIL, qui pourrait coûter jusqu’à 7 milliards d’euros.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, de considérer aussi les pertes liées à la structure des emprunts dits « toxiques ». Car leur coût est là : il serait de l’ordre de 10 milliards d’euros. Or, alors que l’essentiel de ces pertes restera à la charge des collectivités territoriales qui ont souscrit les prêts, le fonds proposé par le Gouvernement, qui disposerait de 100 millions d’euros par an, n’en compenserait, en valeur actualisée, qu’une faible part, de l’ordre de 10 %.
La validation législative prive les collectivités territoriales du bénéfice d’une jurisprudence qui leur était favorable et dont elles pouvaient se prévaloir auprès des banques pour renégocier leurs prêts. Certes, monsieur le rapporteur, les collectivités territoriales ne seraient pas privées de toute possibilité de recours ; mais elles perdraient un argument de poids dans leurs négociations avec les banques !
Or, mes chers collègues, quelle sera la situation des collectivités territoriales dans les années à venir ?
Du fait des emprunts toxiques, 10 milliards d’euros environ pèseront sur elles, notamment sur les plus endettées, qui ont été très attirées par les reports d’annuités.
Dans le même temps, nous connaîtrons une baisse sensible des dotations de l’État : elles diminueront de 3, 7 milliards d’euros l’année prochaine, puis de 3, 7 milliards d’euros supplémentaires par an en 2016 et en 2017, la réduction devant s’élever à 11 milliards d’euros en application du pacte de stabilité et des mesures déjà annoncées par le Gouvernement. Comme les dotations de l’État aux collectivités territoriales sont déjà réduites de 1, 5 milliard d’euros cette année par rapport à 2013, elles auront baissé, au total, de 12, 5 milliards d’euros, soit 12 %, d’ici à la fin de la mandature !
Mes chers collègues, quelles conséquences résulteront de cette réduction ?
Les collectivités territoriales, engagées dans des politiques sociales, éducatives et sportives nécessitant des personnels, pourront de moins en moins s’autofinancer. Elles verront donc leur ratio se dégrader, ce qui compliquera leur refinancement.
Les collectivités territoriales chargées de prêts toxiques subiront ainsi une double peine : aux annuités très coûteuses correspondant à ces prêts s’ajoutera l’augmentation de leur spread, c’est-à-dire du coût des nouveaux prêts qu’il leur faudra souscrire. Peut-être même certaines seront-elles au bord du déficit de leur budget de fonctionnement, un déficit qui est, vous le savez, interdit aux collectivités territoriales.
Pour l’ensemble de celles-ci, qu’elles aient ou non souscrit des prêts toxiques, la dégradation de l’autofinancement consécutive à la réduction des dotations provoquera une baisse importante des investissements. Or les administrations publiques locales réalisaient, en 2010, plus de 70 % des investissements publics dans notre pays !
Je trouve, monsieur le secrétaire d’État, qu’un problème aussi grave mériterait que vous lui consacriez, peut-être conjointement avec le ministre de l’intérieur, une étude prospective portant, par exemple, sur cinq ans.
En vérité, un travail conjoint des acteurs de l’État est nécessaire pour examiner les conséquences de ces prêts toxiques sur la situation financière des collectivités territoriales dans un contexte de forte baisse de la dotation globale de fonctionnement, et alors que les dépenses de personnel, notamment celles des communes, ne peuvent qu’augmenter – je le signale sans intention polémique – sous l’effet de la réforme des rythmes scolaires.
Pour toutes ces raisons, notre groupe s’abstiendra sur ce projet de loi. Si nous comprenons le risque immédiat pour Dexia et la SFIL, ses conséquences pour l’État et la volonté du Gouvernement d’en limiter l’incidence à court terme, nous sommes très réservés en ce qui concerne le maintien de ce risque pour les collectivités territoriales, les hôpitaux et les sociétés d’HLM, sans perspective de solution, dans un contexte de baisse drastique et historique des dotations de l’État.
Non, monsieur le secrétaire d’État, ce dispositif n’est pas équilibré !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC . – MM. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ceux qui parmi nous sont des élus locaux – ils sont nombreux – se rappellent sans doute la grande période d’euphorie financière que nos collectivités territoriales ont connue avant 2008.
Après un renforcement continu des compétences locales, suivi, en 2003, de la conquête par les collectivités territoriales de leur autonomie financière, le financement des projets des collectivités est rapidement devenu un marché en plein essor pour de nombreuses institutions financières.
Nous avons tous connu les rendez-vous avec les agents de ces institutions au cours desquels ceux-ci nous promettaient des solutions financières parfois très avantageuses de prime abord, mais rapidement opaques si l’on s’attachait à en observer le fonctionnement réel. Le rapport établi par M. Germain, au nom de la commission des finances, donne un bon aperçu de la complexité de ce type de produits.
Les contrats structurés et les swaps de taux d’intérêt indexés sur des parités monétaires n’ont fait que masquer cette vérité : un important levier de financement suppose de prendre des risques importants. En réalité, la structuration et la désintermédiation des produits n’ont fait que donner l’illusion d’un accès facile et sans risque au financement de l’action publique locale par l’endettement.
Cette période d’euphorie, au cours de laquelle de nombreux élus locaux se sont laissés aller du point de vue gestionnaire en s’engageant dans des projets pharaoniques, a pris fin avec la crise financière.
Dès 2008, les difficultés croissantes de Dexia ont permis de mettre au jour les coulisses de cet âge d’or des finances locales. L’émergence du risque sous-jacent à ces produits structurés a pu conduire à des taux d’intérêts presque usuriers : plus de 14 % pour certains produits de Dexia dont les parités étaient indexées sur le franc suisse !
L’encours total des dettes toxiques détenues par les collectivités territoriales représenterait aujourd’hui plus de 10 milliards d’euros. Sur une dette locale évaluée à 130 milliards d’euros, les emprunts toxiques représenteraient donc environ 8 % de l’encours global.
La volatilité des taux variables qui caractérise ces emprunts fait par conséquent courir un risque important, à la fois aux collectivités, aux banques, mais aussi à l’État et, au final, au contribuable.
Je profite de la discussion du présent projet de loi pour rappeler que les dépenses des collectivités locales représentent 20 % de la dépense publique et que leur dette correspond seulement à 6 % de l’endettement, alors que l’État engage 33 % de la dépense publique et que sa dette constitue 90 % de l’endettement. C’est bien l’État, et non les collectivités locales, qui vit aujourd’hui largement au-dessus de ses moyens. C’est sur lui que devrait se concentrer l’essentiel de l’effort de redressement des finances publiques, monsieur le secrétaire d'État. Nous reviendrons sur ce point à l’occasion d’autres débats.
Sur le plan économique, l’explosion de la charge de la dette locale toxique fait peser de grands risques sur une partie du système bancaire et sur le maintien de l’investissement public local. Nous devons tous nous rappeler l’exemple espagnol. En 2012, la situation du groupe Bankia a failli conduire une nouvelle fois l’Espagne au bord du gouffre, ainsi que ses collectivités.
Dans un contexte où l’argent public se fait rare et où les conditions de financement des collectivités se durcissent, il devient de plus en plus difficile de soutenir l’activité économique à l’échelon local. Dès lors, l’explosion des taux évince la destination naturelle des ressources locales, à savoir le financement du service public, au profit de la rémunération de contrats douteux.
Toujours sur un plan économique, la fragilisation des banques prêteuses par une exposition trop importante au risque de défaut de paiement local a conduit l’État à octroyer sa garantie au groupe Dexia en 2011. Depuis lors, il semble particulièrement difficile d’obtenir des informations précises sur ce que cette garantie a finalement coûté au contribuable français afin de ne pas semer la panique sur le marché bancaire, notamment sur le marché du financement de l’action publique locale.
Sur le plan logique – j’ai presque envie de dire éthique –, nous faisons face à un véritable dilemme. Il n’est pas possible de laisser certaines de nos collectivités dans une telle situation, mais il n’est pas non plus souhaitable que nous signions un chèque un blanc pour éponger les conséquences de leurs erreurs de gestion. Pas question de payer pour les « mauvais gestionnaires » ! Et pourtant, le collectif budgétaire du mois de décembre 2012 et la loi de finances pour 2014 ont d’ores et déjà institué un fonds de soutien aux collectivités visées.
Il n’est pas admissible que la collectivité mutualise les conséquences de prises de risques locales parfois abusives. Par exemple, ce n’est pas au contribuable national de payer pour les fautes de gestion commises en Seine-Saint-Denis par M. Claude Bartolone.
Certes, mais c’est un exemple parmi beaucoup d’autres !
Nous nous réjouissons aujourd’hui que le fonds de soutien ne soit plus, comme en 2012, à la charge de l’ensemble des collectivités locales, y compris de toutes celles qui n’ont jamais souscrit ce type d’emprunts toxiques, …
… mais qu’il soit alimenté pour deux tiers par les établissements financiers et pour un tiers par l’État au titre de la solidarité nationale.
Enfin, la jurisprudence résultant notamment des jugements du tribunal de grande instance de Nanterre et a fortiori de la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi de finances pour 2014 font courir un risque budgétaire important à l’État.
En effet, l’absence de mention du TEG, l’erreur de TEG ou le défaut de conseil de la banque sont désormais sanctionnés par le juge judiciaire, et ce au bénéfice des collectivités concernées.
Or ce fait conduit à faire jouer la garantie de l’État et, par conséquent, à opérer un transfert budgétaire des collectivités vers l’État. Autrement dit, on demande au contribuable national de payer à la place du contribuable local.
En raison de cette jurisprudence, le nombre de contentieux a considérablement augmenté ces derniers mois. Cette augmentation étant décrite dans l’excellent rapport de notre collègue Jean Germain, je n’y reviendrai pas. Toujours est-il que le risque budgétaire maximal, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, a été chiffré à 17 milliards d’euros pour l’État. Si nous maintenions le statu quo, nous devrions prendre en compte une recapitalisation de l’ordre de 7 à 8 milliards d’euros dès cette année, soit une somme assez importante.
Bien sûr, le pire n’est jamais sûr, mais gouverner c’est prévoir et anticiper. Or, en matière financière, il convient d’être prudent et d’anticiper le pire. Dans cette période de forte contrainte sur la gestion de la dépense publique, il n’est pas question de laisser filer le déficit pour couvrir une responsabilité partagée entre les banques, certaines institutions financières, les collectivités, mais aussi l’État en raison de son rôle dans le domaine du contrôle de légalité et du conseil en la matière.
Vous l’avez bien compris, monsieur le secrétaire d'État, la situation est particulièrement épineuse. L’inaction serait budgétairement et économiquement désastreuse ; l’apurement pur et simple serait quant à lui abusif et injuste. Le législateur doit donc trouver un équilibre, afin de parvenir à une solution efficace et satisfaisante.
Depuis 2008, les pouvoirs publics ne sont pas restés inactifs. Une charte de bonne conduite a été établie dès 2009. Éric Gissler, inspecteur des finances, a été mandaté pour mener une mission de médiation entre les banques et les collectivités territoriales. Une commission d’enquête a même été constituée à l’Assemblée nationale en 2012. Enfin, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires a permis de mieux encadrer les conditions d’emprunts des collectivités.
Si le flux d’alimentation de l’encours semble traité, il reste à gérer le problème du stock de la dette toxique déjà constitué. Une première tentative de réponse figurait dans l’article 92 initial du projet de loi de finances pour 2014. Il s’agissait, en plus de la création du fonds de soutien, de procéder à la validation législative des stipulations d’intérêts des prêts contractés, afin de réduire le risque d’exposition de nos finances publiques. Cependant, cela a été souligné, le Conseil constitutionnel a estimé que cette dernière disposition était trop large et pas assez ciblée. C’est sur ce point, notamment, que revient le texte que nous examinons aujourd'hui.
De nombreuses incertitudes règnent encore sur les conditions du financement de l’action publique locale. Les emprunts toxiques ne sont donc que l’aspect le plus manifeste et le plus immédiat d’une problématique plus large.
Ainsi, il y a fort à parier que les conditions de formation des partenariats publics-privés et de nombreuses autres formes de contrats administratifs, dès lors qu’ils conduisent les collectivités à s’acquitter de charges toujours plus importantes, deviendront, dans les années à venir, un nouveau sujet de préoccupation pour les pouvoirs publics et le législateur.
Pour conclure, les membres du groupe UDI-UC sont divisés sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Certains d’entre nous considèrent que la loi est la loi : dès lors que des contrats ont été conclus et que la justice a rendu un jugement, il faut respecter celui-ci. D’autres, dont je fais partie, pensent qu’il faut rechercher, comme vous l’avez fait, monsieur le secrétaire d'État, et comme l’a voulu le Gouvernement, une position plus équilibrée. La solution qui nous est proposée aujourd'hui est-elle complètement équilibrée ? Fabienne Keller à l’instant a répondu par la négative à cette question. Pour ma part, j’estime que nous ne pouvons pas laisser les choses en l’état : il serait irresponsable de faire courir un tel risque financier principalement à l’État et au contribuable national.
Cela étant, certains membres du groupe UDI-UC voteront contre le présent texte, d’autres s’abstiendront et d’autres encore voteront en faveur de cette proposition de règlement certes plus ou moins équilibrée, mais qui présente le mérite de ménager les finances de l’État et le déficit public, …
M. Éric Bocquet applaudit.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, parce que le code général des collectivités territoriales prévoit que, au rang des dépenses obligatoires, figurent « les intérêts de la dette et le remboursement de la dette en capital », ces dernières années, certains établissements de crédit se sont permis de proposer aux élus locaux des produits financiers dits « structurés », comportant une part de risque fondé sur les éléments indiciaires servant à calculer leur taux d’intérêt.
Rappelons-nous : c’est en 1987 qu’Édouard Balladur, alors ministre de l’économie, des finances et de la privatisation, ouvrait aux marchés financiers le financement des prêts aux collectivités, et que la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales, la CAECL, était transformée en société anonyme ouvrant la porte à l’alliance-fusion avec le Crédit communal de Belgique aboutissant à la création de Dexia en 1996.
Au fil de ses auditions et des témoignages recueillis, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux a établi que certains établissements, au premier rang desquels la banque Dexia, menaient une politique commerciale particulièrement agressive à l’endroit des élus locaux.
Le « cœur de cible » de Dexia, si je puis dire, ce sont évidemment les communes de petite taille, de 2 000 à 5 000 habitants, dont notre pays est riche. Elles exercent des fonctions administratives, sociales et économiques importantes pour leur environnement immédiat, mais leurs moyens d’expertise financière sont souvent limités...
La situation générale est connue : depuis que Dexia a abandonné la logique du service aux collectivités qui animait la défunte CAECL pour une logique commerciale pure, largement encouragée par la déréglementation bancaire, l’endettement des collectivités locales s’est accru, d’autant que les dotations budgétaires de l’État ont, pour leur part, suivi une pente exactement inverse...
Aujourd'hui, face aux emprunts structurés, à la montée des charges financières induites par les relèvements de taux d’intérêt, des élus locaux se retrouvent dans la plus parfaite incapacité de faire autre chose que d’expédier les affaires courantes.
Après les difficultés majeures au moment de la tourmente financière des années 2008 et 2009 qui ont entraîné Dexia sur la pente de la liquidation et ont abouti à la constitution de la SFIL et de la CAFFIL, la Caisse française de financement local, pour gérer l’actif des emprunts dits « toxiques », les élus sont confrontés à quatre choix.
Le premier, c’est de faire le dos rond et de payer sans discuter.
Le deuxième, c’est de chercher à rester en bons termes avec l’organisme ou les établissements prêteurs, et de tenter de renégocier autant que faire se peut les emprunts structurés en les transformant en de nouveaux emprunts moins « risqués », tout en s’accordant sur le règlement anticipé du capital avec les indemnités de renégociation associées.
Les articles 32 à 35 de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires ont mis l’accent sur cette situation en décrivant, outre la création de nouvelles modalités de financement de l’investissement public local, le cheminement et les effets de ces renégociations.
Mais la route n’est pas encore balisée. Monsieur le secrétaire d'État, les décrets en Conseil d’État qui devaient accompagner la mise en œuvre de cette loi sont encore lettre morte, sans doute perdus dans les sables du débat contradictoire entre les parties.
Il est évident que, à une époque où le taux d’intérêt légal est de 0, 04 %, où la Banque centrale européenne refinance les banques avec un taux directeur de 0, 25 %, où le taux d’intérêt des obligations à dix ans se situe à 2 % et le taux d’usure des prêts immobiliers à taux variable aux particuliers à 4, 64 %, tout taux d’intérêt supérieur est considéré comme posant un problème majeur.
Or, dans le même temps, les collectivités locales se trouvent face à un interlocuteur qui refuse, manifestement, de renoncer à une part importante de son produit net bancaire, ce qui pourrait motiver l’inscription de provisions considérables pour abandon de créances. Des créances au demeurant largement virtuelles. La parité du franc suisse et de l’euro en 2025, fixée comme référence pour nombre de prêts structurés, devient très vite une donnée assez secondaire lorsqu’un prêt est remboursé par anticipation dès 2015...
Le troisième choix pour les élus, c’est de solliciter le fonds de soutien, dont la forme a été établie par le fameux article 92 de la loi de finances pour 2014. Mais une telle sollicitation est exclusive de toute procédure contentieuse. Bien que nous n’ayons pas eu l’occasion de débattre de cet article, pour des raisons sur lesquelles il me semble inutile de revenir, je voudrais formuler quelques remarques sur ce fonds.
Je commencerai par la principale d’entre elles. Appliquer l’article 92, c’est renoncer par principe à ester en justice. Mais c’est aussi, moyennant le remboursement anticipé des emprunts incriminés, une manière comme une autre de légitimer l’action menée par les établissements de crédit.
Dans la transaction établie entre la collectivité et l’établissement créancier, c’est l’État qui intervient pour solder la pénalité de remboursement anticipé, sans mettre en question le comportement de la banque.
L’article 92, qui a failli devenir le support d’une forme d’amnistie bancaire avec les dispositions que le Conseil constitutionnel a justement censurées – à cet égard, on peut penser qu’il censurera également les deux premiers articles du présent projet de loi –, justifie, en fait, malgré quelques qualités, les comportements agressifs des banques à l’égard des élus locaux que l’on perçoit aujourd’hui. C’est pourquoi nous aurions attendu du Gouvernement qu’il exigeât du secteur financier un certain nombre d’efforts pour corriger les effets de ses errements.
Comme le recommandait la commission Bartolone, il serait sans doute plus opportun de mettre en place, au plus haut niveau, une structure permanente d’évaluation et de médiation entre collectivités et établissements de crédit pour pallier les désordres constatés.
À notre avis, il est nécessaire d’amener les établissements de crédit à se résoudre à provisionner l’abandon de créances rendu nécessaire par toute résolution acceptable des conflits nés des emprunts structurés.
Le quatrième et dernier choix pour les élus, c’est le contentieux et la jurisprudence, dont on sait bien que l’un et l’autre ont en commun de « renvoyer dans les cordes » les établissements de crédit au terme de la confrontation juridique.
De manière tout à fait précise, l’article 1er du présent projet de loi revient sur les termes de la jurisprudence Saint-Denis contre Dexia, qui, dans les faits, a conduit à la déchéance des intérêts exigés par l’établissement, pourtant défendu par l’excellent avocat Nicolas Baverez…
L’article 2 du texte, quant à lui, revient sur la jurisprudence Saint-Maur-des-Fossés en annulant purement et simplement ses effets sur la déchéance des intérêts de la dette de cette commune du Val-de-Marne.
Les auteurs du projet de loi n’ont pas eu la possibilité d’y inscrire un article de validation de la récente jurisprudence Lille Métropole contre Royal Bank of Scotland, dont les motivations soulignent le « défaut de conseil », c’est-à-dire le fait que l’établissement de crédit n’aurait pas respecté ses obligations déontologiques. M. le rapporteur nous expliquait tout à l’heure que les collectivités pouvaient, dans un tel cas de figure, demander l’annulation du contrat.
Ces obligations déontologiques, le code monétaire et financier en porte la trace au sein de ses articles L. 533-11 et suivants. Et n’oublions pas que le code civil comporte aussi des dispositions relatives au droit des contrats, aux termes desquelles la bonne exécution des contrats est liée à la bonne foi des parties.
À la vérité, le projet de loi dont nous débattons n’a pas souffert d’une grande publicité. Déposé peu après le week-end pascal sur le bureau du Sénat et examiné en urgence trois semaines après ce dépôt, il apparaît un peu comme un effort assez désespéré destiné à empêcher l’inéluctable floraison d’une jurisprudence sans cesse plus défavorable aux banques.
Il montre cependant que l’on ne peut plus « vendre » un prêt aux collectivités locales comme n’importe quelle marchandise.
Cela étant, un service après-vente d’une autre teneur doit être assuré. Or, dans une certaine logique de concurrence exacerbée sur le marché du financement local, certains établissements ont sans doute dépassé la mesure et manqué à leurs obligations de prudence et de précaution.
Dans le cas de Dexia, singulièrement concerné par le présent projet de loi, on va même jusqu’à évoquer la somme de 17 milliards d’euros d’encours toxiques, confondant allègrement, nous semble-t-il, capital emprunté et intérêts dus, plus ou moins virtuellement ou réellement, par les collectivités locales.
L’encours de ce qu’il faudra utiliser comme provision pour abandon de créances sera sans doute beaucoup moins important puisque, pour l’essentiel, rien ne semble remis en question quant au règlement du capital dû.
Au demeurant, si tant est qu’une vaste opération de remboursement anticipé des emprunts eût lieu, son incidence sur les comptes des établissements de crédit ne concernera que les pertes de taux d’intérêt.
La dramatisation de la situation pousse en fait le Parlement à voter le présent texte et à faire oublier la censure du Conseil constitutionnel du mois de décembre dernier.
Pour reprendre une expression qui eut son heure de gloire voilà quelque temps, il s’agit de « mettre la poussière sous le tapis » et de ne rien changer de fondamental aux agissements des banques vis-à-vis des collectivités locales, puisque le projet de loi reporte la résolution du problème au dialogue entre État et collectivités locales.
Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes opposés à l’adoption de ce texte, qui va faire des collectivités locales les victimes d’une amnistie bancaire qui semble montrer, s’il en était besoin, que nous sommes encore assez loin de la solidité absolue du secteur financier promise avec l’union bancaire.
Où est la solidarité de place entre établissements de crédit quand les deniers publics sont sollicités et que toute jurisprudence défavorable aux banques doit être effacée par le biais de la validation législative ?
Le phénomène des prêts structurés aux collectivités locales n’est pas une spécialité française ; d’autres pays ont connu des situations proches de celle de la sinistre banque Dexia comme des décisions de justice sanctionnant les agissements des établissements de crédit.
L’affaire Bankia, en Espagne, née de l’éclatement de la bulle immobilière qu’a connue ce pays et due en grande partie aux prêts accordés aux collectivités locales espagnoles, tout comme le jugement allemand Deutsche Bank contre Ille ou encore le jugement italien au terme duquel a été prononcée la condamnation de quatre établissements de crédit considérés comme coupables d’avoir « placé » des produits structurés auprès de la ville de Milan en sont des exemples.
Selon nous, l’une des voies devant être explorées est celle de la résolution du problème par la Banque centrale européenne. Celle-ci, avant sans doute que nous ne soyons mis en demeure de laisser Dexia dépérir par réduction progressive de son bilan, serait probablement bien inspirée de proposer une plate-forme de refinancement aux collectivités territoriales de l’Union avec une structure ad hoc.
Une bonne partie des solutions aux problèmes posés réside sans doute également dans un renforcement de la palette de sanctions en matière financière dont disposent les autorités de régulation, aussi bien l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution que l’Autorité des marchés financiers.
Il nous semble même que la peur du gendarme doit désormais accompagner l’activité bancaire menée en direction des collectivités locales et que des règles propres au financement local doivent être mises en œuvre.
J’ai indiqué au début de mon propos que la clientèle des collectivités était légalement solvable parce que le paiement de la dette et des intérêts est une dépense obligatoire. Il ne serait donc aucunement injuste que les pratiques d’emprunt les concernant soient assorties de conditions particulières quant aux différés éventuels d’amortissement, aux taux pratiqués et à leur plafonnement, entre autres. Or nous n’en prenons aucunement le chemin avec le présent texte.
Pour le reste, le fonds de soutien existe et constitue, on le comprendra, un bon compromis pour les plus petites collectivités territoriales confrontées aux emprunts toxiques, certains centres hospitaliers ou, plus marginalement, certains organismes d’HLM, qui n’ont ni les moyens ni le désir de porter l’affaire devant les tribunaux, eu égard aux aléas propres à toute procédure juridique contentieuse.
Il faut renforcer ce fonds, notamment en sollicitant plus nettement la solidarité de place. Le fait que Dexia ait été spécialisé en financement local ne signifie aucunement que les autres établissements n’aient pas proposé également des emprunts structurés à cette clientèle choisie. Un tel renforcement permettrait de préfigurer la mise en place d’une structure permanente associant État, banquiers et élus locaux.
Pour ce qui est des contentieux juridiques, il convient de les laisser aller à leur terme.
Le principe de la séparation des pouvoirs qui guide notre État de droit doit être, en cette matière, parfaitement respecté. Que les décisions prises soulignent un peu plus la responsabilité écrasante des banques dans la situation créée ne peut aucunement justifier la validation législative.
L’intérêt général, dans cette affaire, c’est le respect du droit, c’est la possibilité pour les élus locaux de se libérer du poids de ces emprunts structurés, qui ont fait de maintes collectivités les cobayes plus ou moins consentants de l’ingénierie financière dans notre pays.
Dans l’étude d’impact associée au projet de loi, les effets de la persistance de l’hypothèque des emprunts structurés pour les collectivités locales ne sont pas évoqués. Au moment où l’on annonce aux élus locaux qu’ils vont être privés de 22 milliards à 28 milliards d’euros cumulés de dotations en trois ans, la facture devient particulièrement « salée » pour les collectivités et, au-delà, pour le contribuable local.
Pour nous, l’intérêt général réside justement dans la protection des collectivités locales et dans l’assainissement de leur situation financière. C’est une condition de la croissance et, au-delà, du redressement économique et financier de la nation. Le moment est venu pour les banques, nous semble-t-il, de faire un petit effort pour que les comptes publics des collectivités ne soient pas grevés de charges financières indues.
C’est en rejetant ce texte que nous pourrons mener, avec une efficacité renouvelée, la lutte contre les déficits de nos finances publiques.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je ne voudrais pas commencer cette intervention sans saluer la prouesse que constitue pour les membres de la commission des finances l’examen de ce projet de loi, déposé voilà à peine trois semaines sur le bureau du Sénat, dans le cadre d’une procédure accélérée.
Chacun en a conscience, le Sénat n’est que modérément friand des procédures accélérées, mais il sait distinguer avec sagesse les urgences réelles de celles qui ne sont que de mauvaise opportunité.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous accorde qu’il s’agit en l’espèce d’une véritable urgence pour sortir le Gouvernement du mauvais pas dans lequel il s’est placé.
Il n’est pas si éloigné de nous deux ce débat à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2014 à l’Assemblée nationale, où nous nous efforcions ensemble de soutenir un dispositif – devenu l’article 92 de la loi de finances pour 2014 – qui apporte une solution pérenne et globale au problème des emprunts toxiques contractés notamment par de nombreuses collectivités locales, ainsi que par leurs groupements, les établissements publics locaux et les services départementaux d’incendie et de secours.
N’étions-nous pas alors conscients de la fragilité des dispositions d’une validation législative rendant impossible la remise en cause des stipulations d’intérêts figurant dans les contrats de prêt au motif que le taux effectif global n’aurait pas été indiqué ? Mais n’étions-nous pas placés, l’un et l’autre, devant un devoir impérieux, inflexible, celui de devoir protéger l’État contre un risque financier direct et indirect « terrible », selon le mot employé par notre rapporteur, pour nos finances publiques ?
Si l’intention était bonne, la forme ne l’était pas et a été justement, comme l’avaient prédit de mauvais augures, sanctionnée par le Conseil constitutionnel, qui, dans sa décision du 29 décembre 2013, a censuré le paragraphe II de l’article 92 pour inadéquation avec l’objectif visé et le paragraphe III en tant que cavalier budgétaire. Seule est donc entrée en vigueur la création d’un fonds de soutien visant à aider les collectivités ayant souscrit des emprunts toxiques à rembourser par anticipation les emprunts les plus sensibles.
Je ne peux que me féliciter de la mise en place de ce fonds, même s’il mériterait – j’y reviendrai tout à l’heure – une volonté affirmée de mise en œuvre.
Cela étant, cette validation législative se doit de répondre à un impérieux motif d’intérêt général, lequel est né de la nécessité de sécuriser juridiquement plusieurs contrats de prêt passés entre des personnes morales de droit public et deux établissements financiers dont l’État est actionnaire – Dexia à hauteur de 44 % et la SFIL à hauteur de 75 % –, et ce à la suite d’une première décision de justice rendue par le tribunal de grande instance de Nanterre le 8 février 2013, suivie d’un second jugement du même tribunal le 7 mars 2014.
Le présent projet de loi soumis à notre examen a pour objet d’écarter tous les risques résultant de ces décisions.
Dans son article 1er, il valide les stipulations d’intérêts des écrits constatant un contrat de prêt ne mentionnant pas le TEG, le taux de la période concernée ou la durée de cette période, mais comportant toutes les autres informations permettant aux emprunteurs de connaître précisément les conditions de leur engagement
Les trois conditions strictement nécessaires sont donc le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts, la périodicité des échéances, tout comme le nombre de ces échéances ou la durée du prêt.
L’article 2 permet d’offrir une validation aux contrats comportant des erreurs de calcul du TEG, du taux de période et/ou de la durée de période sous les mêmes conditions que celles qui sont fixées à l’article 1er.
Par ailleurs, le régime de sanction est modifié en cas d’erreur du taux effectif global si ce taux erroné est inférieur au TEG légal. L’emprunteur a alors droit à un reversement, par le prêteur, de la différence entre les deux taux appliquée au capital restant dû à chaque échéance.
Le nouveau dispositif présente assurément des avantages dès lors qu’il restreint le champ d’application de la validation – c’est pourtant le reproche qui avait été préalablement formulé – aux seuls emprunts structurés, aux seules personnes morales de droit public, écartant ainsi les personnes de droit privé qui auraient élargi considérablement la cible. En outre, a été introduite cette triple condition, afin de laisser ouvertes les autres voies de recours contentieux. Il convient de souligner ce point important.
Au demeurant, un tel dispositif est-il la bonne solution, monsieur le secrétaire d’État ?
Sur le plan juridique – tous les intervenants l’ont rappelé, à l’instar de M. le rapporteur –, des doutes ne manquent pas de subsister, et nous sommes en droit – peut-être en avons-nous même le devoir – de nous interroger sur la constitutionnalité de ce texte, notamment au regard de l’égalité de traitement dont bénéficieront les emprunteurs, dès lors que les règles du jeu auront changé avec son adoption.
Toutefois, au-delà de ce problème de constitutionnalité auquel personne ne peut souhaiter que le Gouvernement soit confronté une nouvelle fois, deux questions majeures demeurent.
La première est celle de la sanction infligée aux responsables de cette situation catastrophique. La seconde est celle du sort des collectivités locales, établissements publics, SDIS, qui se sont laissé emporter, sciemment ou non, dans des opérations inconsidérées.
Sur le premier point, il n’est nul besoin de souligner davantage l’incompétence, allant parfois jusqu’à l’arrogance, de certains hauts responsables d’organismes financiers qui ont pu soutenir des interventions inconsidérées. Que sont-ils devenus ? Où se trouvent-ils aujourd’hui, tandis qu’ils ont semé le désordre dans les systèmes de financement du secteur public, un désordre qui perdure et n’est pas prêt de se résorber, si j’en juge par l’incapacité du Gouvernement à chiffrer réellement les risques encourus par Dexia et la SFIL ? Il s’agit de 17 milliards d’euros, que vous avez essayé d’expliquer avec beaucoup de maestria, monsieur le secrétaire d’État. Est-ce pour autant un montant crédible ? Combien d’emprunts structurés sont aujourd’hui négociés directement par les emprunteurs auprès des banques et pour quels montants ? Combien de contentieux ont-ils été ouverts et quelle est leur chance d’aboutir ?
Sur l’ensemble de ces questions, sur les swaps, sur les opérations de défaisance, règne la confusion. Je veux pourtant saluer les efforts tant de M. le rapporteur que de vous-même, monsieur le secrétaire d’État, pour éclairer le plus justement possible la Haute Assemblée.
Dans ces conditions, ne serait-il pas judicieux, voire utile, de demander, comme cela a été fait à l’Assemblée nationale avec la commission d’enquête présidée par Claude Bartolone en 2011, la création d’une nouvelle commission d’enquête, afin que, sur la base des derniers éclairages dont nous disposons, nous soyons en mesure de mieux comprendre les responsabilités engagées et de trouver le véritable moyen d’endiguer des risques qui ne sont pas prêts de s’éteindre si l’on mesure aujourd’hui l’effondrement des pyramides de crédit ?
Sur le second point, qui est relatif aux collectivités locales, à leurs établissements publics, aux SDIS, nombre d’entre nous le savent, nous ne nous serions pas aventurés dans des dispositifs hasardeux. Pourtant, certains élus ont en confiance, par méconnaissance des systèmes bancaires, des systèmes de prêts, conclu des contrats léonins.
Il en est d’autres qui ont joué, consciemment, parfaitement avertis, avec le feu.
Faut-il alors appliquer le même remède ou la même sanction aux uns et aux autres ?
C’est tout l’intérêt du fonds de soutien, doté de 100 millions d’euros pendant quinze ans, alimenté pour moitié, cela a été dit, par un relèvement de la taxe de risque systémique acquittée par les banques, et pour moitié par l’État, de telle sorte que les collectivités locales ne soient pas impliquées.
Ce fonds de soutien ne doit pas privilégier les emprunts les plus importants au détriment de ceux qui sont plus modestes, mais il doit s’attacher, au cas par cas, à analyser la capacité des emprunteurs à rembourser capital et intérêts dans des conditions qui ne les mettent pas en danger.
Pourraient donc bénéficier de ce fonds dans les meilleurs délais possible les petites collectivités qui auraient l’opportunité de recevoir en un seul versement l’aide sollicitée.
Il est grand temps, me semble-t-il, monsieur le secrétaire d’État, que ce dispositif, le seul qui soit véritablement opérationnel, soit connu – il ne l’était pas – et utilisé – il ne l’a pas été – à bon escient. Je ne doute pas que la publication, le 2 mai dernier, du décret d’application relatif à ce fonds de soutien éclairera les collectivités les plus fragiles.
Le Gouvernement a d’ailleurs bien mesuré l’intérêt de ce mécanisme ; il l’a élargi aux hôpitaux, jusqu’à présent écartés de la possibilité de bénéficier d’un fonds équivalent, comme aux offices publics d’HLM.
Monsieur le secrétaire d’État, au terme de cette intervention, je veux vous remercier, ainsi que vos collaborateurs, de votre détermination à vouloir régler le problème auquel sont exposés tant les collectivités locales que l’État.
Néanmoins, je ne saurais reconnaître, avec l’ensemble des membres du groupe auquel j’ai l’honneur d’appartenir, que la solution proposée répond à un impérieux motif d’intérêt général ni qu’elle apporte une pleine sécurité juridique.
Nous ne saurions pas davantage admettre qu’elle mettra à terme Dexia et la SFIL à l’abri de la déflagration financière de plus en plus menaçante à laquelle ces organismes sont confrontés.
Pour toutes ces raisons, et comme mes collègues et moi-même n’entendons pas pénaliser les collectivités locales dont on sait les difficultés financières auxquelles elles vont être confrontées à très court terme, nous avons choisi de nous abstenir sur ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du RDSE . – M. René Vandierendonck applaudit également . – Murmures sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi était très attendu, car la situation est grave. De nombreuses collectivités ayant souscrit des contrats de prêts structurés se retrouvent dans une situation financière très délicate. Après avoir profité des taux alléchants pratiqués à court terme, elles sont désormais entrées dans la seconde période de ces prêts structurés. Les taux d’intérêt évolutifs de ces derniers reposant sur des produits dérivés ne leur permettent pas de mesurer l’ampleur globale des sommes devant être remboursées. Il faut également composer avec les niveaux d’endettement déjà très problématiques pour certaines collectivités.
Nous en sommes tous d’accord, il faut agir pour mettre fin à cette situation dangereuse dans laquelle l’endettement guette les collectivités, tout en gardant en tête qu’elles ont bien sûr leur part de responsabilité ; j’y reviendrai.
Par ailleurs, au travers de ses deux jugements, le tribunal de grande instance de Nanterre a ouvert une brèche. D’une part, il reconnaît que les établissements de crédit n’ont pas suffisamment alerté les collectivités sur la toxicité des emprunts proposés. D’autre part, en permettant une avalanche de recours juridiques au détriment de ces établissements, il fait courir un grand risque aux finances publiques.
En effet, si les recours juridiques allant dans ce sens se multipliaient, l’État, actionnaire de Dexia et de la SFIL, serait dans l’obligation de participer à la recapitalisation des établissements de crédit, et d’assumer le coût de la mise en extinction hautement probable de la SFIL. Dans l’étude d’impact accompagnant le présent projet de loi, le coût pour les finances publiques est estimé à pas moins de 17 milliards d’euros ! Ce n’est tout de même pas rien !
C’est sans compter le risque de contagion immédiate au reste de l’économie, ou encore les difficultés de financement auxquelles devrait faire face le secteur public local.
Le constat n’est donc pas réjouissant, vous en conviendrez. Oui, je le répète, il faut agir, et nous en sommes d’accord.
Cela étant, s’il y a bien un point qui me semble évident, c’est que les collectivités et les établissements de crédit ont tous leur part de responsabilité dans cette situation. Les collectivités qui ont souscrit de tels emprunts structurés auraient pu et auraient dû se montrer plus précautionneuses. Quant aux banques, à l’évidence, elles n’ont pas suffisamment alerté les collectivités des risques encourus à long terme.
En partant de ce constat d’une responsabilité partagée, le Gouvernement nous propose un compromis entre tous les acteurs impliqués et responsables, à savoir l’État, les collectivités et les établissements de crédit.
Ce compromis, je me permets de vous le rappeler, est le suivant : en échange de la création d’un fonds de soutien destiné aux collectivités ayant souscrit des emprunts structurés à risque, celles-ci renoncent à la possibilité d’un recours juridique contre les établissements de crédit, à l’image de celui qui a été jugé par le tribunal de grande instance de Nanterre que je viens d’évoquer.
Ce fonds sera doté de 100 millions d’euros par an pour une durée maximale de quinze ans. A priori, il sera alimenté au tiers par l’État et aux deux tiers par les banques. Ce cofinancement est, d’une certaine façon, la traduction de l’acceptation d’une responsabilité partagée et proportionnée.
Ce compromis offre en outre une porte de sortie aux collectivités ayant souscrit les prêts les plus sensibles : il leur permet de renégocier les coûts de sortie et un retour à des prêts à taux fixes.
Cette solution nous satisfait sur la forme, puisqu’elle repose sur un compromis entre tous les acteurs impliqués, ainsi que sur le fond via le partage de la responsabilité et le financement du fonds prioritairement par les établissements de crédit.
En acceptant un tel compromis, les collectivités témoignent de leur confiance en l’État et en sa promesse de les soutenir pour sortir de cette impasse. Il ne faut pas oublier qu’en renonçant à leur capacité d’engager un recours juridique contre les établissements de crédit, elles renoncent à toute marge de manœuvre dans la négociation. Il est donc de notre devoir, en tant que parlementaires, de veiller à ce qu’elles bénéficient réellement du fonds de soutien, que nous espérons le plus large possible.
C’est pourquoi il nous paraît essentiel de garder à l’esprit le fait que la dimension et les modalités de financement sont désormais fixées. Si le présent texte est adopté, nous ne pourrons pas y revenir. D’ailleurs, ce ne serait pas souhaitable. Nous devrons donc porter notre vigilance sur la répartition du fonds, les conditions d’éligibilité des collectivités au fonds et prendre garde à ce que les établissements de crédit n’en profitent pas pour gonfler volontairement les coûts de sortie des prêts afin de récupérer la plus grande partie possible du fonds. C’est l’un des effets pervers de la procédure.
Nous le savons bien, le Gouvernement a les intérêts des collectivités à cœur et souhaite également que les banques prennent leurs responsabilités. Toutefois, nous comprenons aussi que, en tant qu’actionnaire des établissements de crédit, il cherche avant tout à ne pas contraindre des finances publiques déjà tendues. C’est d’ailleurs le constat de cette menace sur les finances publiques qui a été l’élément déclencheur de la décision du Gouvernement. Il faudra donc veiller à ce que cette préoccupation ne l’emporte pas sur l’intérêt des collectivités.
Je le répète, nous déplorons évidemment la situation dans laquelle les collectivités sont aujourd’hui placées, et dans laquelle elles se sont en partie mises elles-mêmes. La voie choisie par le Gouvernement est bien sûr critiquable et contestable – j’ai entendu les propos de l’oratrice qui m’a précédé. Toutefois, ce projet de loi, en préservant les finances publiques et en faisant peser la responsabilité sur les acteurs impliqués, correspond à nos yeux à une solution de sortie.
Si ce texte est adopté, nous en appelons à la vigilance de chacun lors de sa mise en œuvre, afin que l’on ne perde pas de vue la finalité première du fonds de soutien : venir en aide aux collectivités locales. Ces dernières doivent faire confiance à l’État en renonçant à leur droit de recours.
Soyons dignes de ce renoncement. Empruntons, les uns et les autres, cette porte de sortie ! Gardons toutes ces données en tête. Malgré les nuances que l’on peut donner au soutien apporté au Gouvernement, il me semble que la responsabilité de la Haute Assemblée, aujourd’hui, c’est de soutenir ce projet de loi. Voilà pourquoi les membres du groupe écologiste voteront en sa faveur.
Pour conclure, je salue de nouveau le travail de notre rapporteur, Jean Germain, et celui du Gouvernement, représenté dans cet hémicycle par Christian Eckert !
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons nous oblige à un exercice d’une grande complexité.
Tout d’abord, ce texte nous contraint à un saut en arrière dans le temps, étant donné qu’il nous faut considérer plus de quinze ans de relations entre les banques et les collectivités territoriales. La diffusion des emprunts toxiques dans le secteur public local date en effet de la fin des années quatre-vingt-dix.
Ensuite, ce texte nous confronte à l’une des pages les plus sombres de l’histoire de la décentralisation. Tout a été dit sur les origines et les causes de la diffusion des emprunts toxiques, et le meilleur panorama de cette question a sans conteste été dressé en 2011, par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Le rapport Bartolone-Gorges, remis au terme de ces travaux, portait précisément sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux.
Les conclusions et analyses de cette commission d’enquête ont fait l’unanimité. Elles ont été rendues publiques au terme de plusieurs mois d’un travail approfondi, voire exhaustif, au titre duquel tous les acteurs et parties prenantes ont pu être entendus. Elles aboutissent à une « responsabilité partagée ».
Premièrement, il s’agit d’une responsabilité des banques. Les uns et les autres ont souligné la « politique commerciale agressive » menée par ces dernières auprès des collectivités locales et de nombreux établissements publics, dans un contexte de concurrence accrue pour le secteur du crédit et de sophistication croissante des produits financiers élaborés par les établissements de crédit.
Deuxièmement, il s’agit d’une responsabilité des collectivités territoriales. Celles-ci ont parfois pu manquer de vigilance, notamment lorsqu’elles avaient les moyens d’expertiser de tels produits.
Troisièmement et enfin, il s’agit d’une responsabilité de l’État. Entre la fin des années quatre-vingt-dix et les alertes issues des audits municipaux réalisés en 2008, les services en charge du contrôle de légalité ont été bien longs à lancer l’alerte.
Il serait vain de chercher les responsabilités ailleurs. Convenons néanmoins qu’elles concernent bien des acteurs !
L’ampleur du problème, c’est encore la commission d’enquête Bartolone-Gorges de 2011 qui en a donné le meilleur aperçu, en estimant à plus de 32 milliards d’euros l’encours total des emprunts structurés. Elle seule a pu, à ce jour, évaluer réellement cet encours, le secret bancaire ne lui étant pas opposable.
Aujourd’hui, le total des emprunts jugés toxiques, toujours difficile à évaluer, serait d’environ 10 milliards d’euros. Plus de 7 milliards d’euros relèvent de la SFIL, structure créée en 2013 et dont l’État – telle est bien là la difficulté – est l’actionnaire majoritaire. L’enchevêtrement des responsabilités et l’origine ancienne du problème rendent la résolution de ce dernier particulièrement délicate.
Chacun s’en souvient, la garantie financière de l’État a été accordée au mois d’octobre 2011 au groupe Dexia, alors confronté aux difficultés que l’on sait. Le problème de l’« héritage » de Dexia, l’un des principaux établissements bancaires à l’origine de la commercialisation des produits structurés auprès des collectivités territoriales, est donc, qu’on le veuille ou non, d’ordre collectif.
Le Gouvernement a estimé le risque financier global pour les finances publiques, en cas d’absence ou de rejet du présent projet de loi de validation, à près de 17 milliards d’euros. Une dizaine de milliards d’euros se matérialiserait pour la quasi-totalité dès 2014, du fait des pertes qui seraient alors subies par Dexia et la SFIL, et qui nécessiteraient une recapitalisation par l’État ; près de 7 milliards d’euros s’y ajouteraient, en raison de la mise en extinction de la SFIL que provoquerait inévitablement une telle situation.
Au reste, si la SFIL n’a pas encore dû être recapitalisée, c’est uniquement parce que les comptes présentés partent du principe que le futur dispositif de validation entrera en vigueur, ce qui entraîne quelques complexités…
Voilà quelques jours, nous avons consacré un débat en séance publique au programme de stabilité de la France pour les années 2015 à 2017. Nous avons tous en tête la difficulté de tracer une trajectoire des finances publiques responsable, qui permette à la croissance de poursuivre sa reprise et à l’emploi de revenir, tout en amorçant un désendettement progressif du pays. Les 50 milliards d’euros d’économies constituent en tant que tels un défi considérable. Si l’on devait y ajouter 17 milliards d’euros de pertes dues à la non-résolution du dossier « SFIL », il est évident que notre trajectoire des finances publiques pour 2017 serait mort-née...
Au-delà du choc pour les finances publiques, une conséquence indirecte pour notre économie serait le retour de tensions en matière de financement des collectivités locales.
Depuis deux ans, l’accès au crédit s’est assoupli, grâce à la conjugaison de plusieurs mesures comme l’enveloppe de 20 milliards d’euros de la Caisse des dépôts et consignations, les initiatives de la Banque postale et la création de la SFIL. Celle-ci regroupe aujourd’hui 20 % des crédits accordés aux collectivités et sa mise en extinction susciterait mécaniquement de violentes tensions pour le secteur public local, qui va déjà devoir subir la baisse durable des dotations versées par l’État.
Au stade où nous en sommes désormais, le dispositif proposé par le Gouvernement via ce projet de loi paraît la moins mauvaise des solutions... Certes, il est imparfait. Nous pouvons comprendre que certains le discutent. Mais, à nos yeux, il est trop tard pour prendre un autre chemin, sauf à accepter le risque d’une perte de 17 milliards d’euros pour les finances publiques.
Mme Cécile Cukierman manifeste son exaspération.
Même si nous ne sommes pas là pour refaire l’histoire, peut-être M. le secrétaire d’État pourra-t-il nous indiquer les raisons qui ont motivé le rejet d’une solution avancée par certains experts et par plusieurs parlementaires, à savoir la création d’un fonds de défaisance géré par des professionnels ?
Une telle structure aurait eu pour rôle de cantonner les prêts à risques et d’en permettre une sortie progressive limitant le coût pour le contribuable. Ce dispositif a semble-t-il été privilégié dans certains pays, comme en Allemagne, même si seule la France a été confrontée à un problème d’une telle ampleur.
Concernant la méthode, je tiens à saluer la concertation exemplaire menée en 2013 entre l’État, les élus locaux et les parlementaires. Nous y avons participé au titre du groupe socialiste du Sénat, même si nous n’avons pu, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, débattre de l’accord intervenu à l’automne dernier. Je me permets de le rappeler dans les grandes lignes.
Tout d’abord, cet accord a créé un fonds de soutien aux collectivités locales ayant souscrit des emprunts considérés comme toxiques : ce fonds de 1, 5 milliard d’euros sera étalé sur quinze ans et devrait faciliter, pour les collectivités concernées, la gestion de la sortie des emprunts à risques.
Ensuite, cet accord a institué un dispositif de validation rétroactif, qui constitue le pendant de ce fonds de soutien et dont nous discutons aujourd’hui du fait d’une première censure du Conseil constitutionnel survenue à la fin du mois de décembre dernier. §
S’y ajoutent trois aspects sur lesquels je tiens à insister, car ils sont, à mon sens, les marques d’un mécanisme global équilibré pour l’ensemble des acteurs du dossier, à commencer par les collectivités locales.
En premier lieu, le présent projet de loi n’empêchera pas les collectivités qui le souhaitent de poursuivre ou d’entamer des contentieux, notamment au titre du défaut d’intervention ou de conseil.
De nombreuses collectivités ont d’ailleurs attaqué leur banque en justice sur ce motif. Le jugement rendu le 28 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Paris, dans une affaire opposant la communauté urbaine de Lille Métropole et la Royal Bank of Scotland, a rendu raison à la première. Ladite banque a été sanctionnée pour manquement à son obligation d’information sur trois contrats de prêts et à son obligation de conseil sur un contrat.
Je note au surplus que ce projet de loi de validation concerne un champ bien délimité de contentieux, et vise le fait que des moyens tirés de l’absence ou de l’erreur de TEG puissent être soulevés devant les tribunaux.
En deuxième lieu, je rappellerai deux annonces récentes du Gouvernement, qui vont à mes yeux dans le bon sens.
Un dispositif d’aides aux hôpitaux concernés par les emprunts toxiques va être mis en place, sur un modèle proche du fonds de soutien aux collectivités locales. Ces aides, qui porteront sur un total de 100 millions d’euros, étaient réclamées depuis plusieurs mois par les hôpitaux et les établissements publics de santé, lesquels sont également concernés par ce dossier.
Le financement du fonds de soutien aux collectivités locales, de 1, 5 milliard d’euros sur quinze ans, soit 100 millions d’euros par an, va par ailleurs être rééquilibré. La contribution des banques sera étendue. La loi de finances pour 2014 prévoyait un financement égal de l’État et de ces dernières, lesquelles, finalement, en alimenteront les deux tiers, un tiers restant à la charge de l’État.
En troisième et dernier lieu, il ne suffisait pas de s’attaquer à la seule sortie des emprunts toxiques : il fallait se prémunir contre un retour de ces difficultés. Plusieurs mesures ont été prises ces deux dernières années pour renforcer le cadre réglementaire des relations entre banques et collectivités et sécuriser au mieux leurs rapports. Elles vont dans trois directions.
Les formules d’emprunt seront limitées : des formules purement spéculatives comme celles sur lesquelles étaient bâtis les contrats de prêts toxiques ne seront plus possibles à l’avenir. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013 renforce en effet le dispositif prudentiel, en interdisant les emprunts dans certaines devises et en limitant certains indices ou formules d’indexation, qui devront « répondre à des critères de simplicité ou de prévisibilité des charges financières ».
Le provisionnement des contrats complexes sera désormais obligatoire. Il a été précisé par la loi « métropoles » du 27 janvier 2014.
Enfin, la communication de la stratégie d’endettement aux assemblées délibérantes sera améliorée : un débat annuel sur la stratégie financière et le pilotage pluriannuel de l’endettement des collectivités locales, à l’occasion du débat d’orientation budgétaire, sera notamment rendu obligatoire.
Ce panel de mesures n’empiète en rien sur l’autonomie fiscale et financière des collectivités locales. Nous savons combien ces dernières sont attachées à ce principe, elles ne manquent jamais une occasion de nous le dire ! Parallèlement, ce dispositif permettra, nous en sommes convaincus, d’éviter le risque d’un nouveau problème d’emprunts toxiques.
En conclusion, nous, membres du groupe socialiste, considérons que la méthode suivie, les solutions préconisées et le diagnostic établi sont équilibrés. Je reprends, à cet égard, les propos de notre excellent rapporteur Jean Germain.
Ces dispositions sont équilibrées au regard de l’enjeu, la résolution rapide et définitive de la question des emprunts toxiques, et des responsabilités partagées entre l’ensemble des acteurs.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons le projet de loi déposé par le Gouvernement, et nous voterons en sa faveur !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés pourrait être qualifié sans grands risques de « successoral ». Il s’inscrit en effet dans l’ordre des événements survenus depuis 2008 et dans la logique de ce qui s’est déroulé bien avant cette date, lorsque les banques ont mis sur le marché des produits structurés à destination des collectivités territoriales, c’est-à-dire dès le milieu des années quatre-vingt-dix.
Sur le sujet qui nous concerne aujourd’hui, ou peut parler sans exagération ni outrance, pour l’actuel gouvernement, d’héritage à assumer.
En octobre 2011, notre collègue Jean Arthuis évoquait d’ailleurs devant la commission des finances du Sénat le risque potentiel pour l’État français que représentaient les 10 milliards d’euros de prêts structurés accordés par la banque Dexia, alors en grande difficulté.
Cette banque est au cœur des problèmes rencontrés aujourd’hui comme hier. Il faut en revenir à son développement tous azimuts entre 1996 et 2008, par le biais de l’acquisition d’établissements bancaires à travers le monde, de son positionnement sur le marché américain des subprimes et de la sophistication croissante des produits mis sur le marché sur son initiative, pour mesurer les risques pris par Dexia à cette époque. Ces derniers se sont révélés mortifères lorsque s’est déclenchée la crise bancaire de 2008.
L’impossibilité de laisser s’effondrer cette banque, en raison des risques systémiques encourus, a conduit le gouvernement de François Fillon à intervenir. Il l’a fait en particulier en accordant la garantie de l’État à Dexia.
Cette garantie a été apportée une première fois au mois de septembre 2008, par le Parlement et à hauteur de 55 milliards d’euros. Il s’agissait de permettre à Dexia d’emprunter sur les marchés et d’engager son redressement.
Cette garantie a été apportée une seconde fois lors du collectif budgétaire d’octobre 2011 – également appelé « collectif Dexia » –, afin de permettre à la banque de se procurer les moyens de son refinancement.
L’État est intervenu une troisième fois, sous le gouvernement Ayrault, en mettant en place la société de financement local – il en est beaucoup question cet après-midi –, dont les activités dans la reprise partielle de Dexia ont débuté au mois de février 2013. À cette occasion, les acteurs publics ont été mobilisés dans le capital du nouvel établissement : l’État à hauteur de 75 %, la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 20 %, et la Banque postale, enfin, pour 5 %.
On peut donc, sans être démenti, souligner et affirmer le rôle constant des gouvernements successifs depuis 2008 dans la gestion du dossier Dexia, ainsi que dans la mise en place des outils de substitution à son activité première, afin de permettre, en particulier, l’accès des collectivités aux financements de leurs investissements, dans le contexte d’une pénurie en la matière.
Il n’en demeure pas moins que ces décisions successives, dictées par l’urgence et l’ampleur des risques, n’ont pas traité, au fond, mais ce n’était pas leur objet, un aspect essentiel : les prêts structurés accordés par Dexia aux communes, départements et hôpitaux, notamment.
Les conséquences financières et budgétaires encourues par ces structures sont, nous le savons, considérables, en raison d’une part, du montant prohibitif des intérêts, et, d’autre part, de la durée très longue – jusqu’à quarante ans quelquefois – de certains prêts accordés. On peut mesurer les risques encourus par les collectivités qui empruntent sur d’aussi longues périodes.
Nous avons tous présents à l’esprit quelques cas, au sein de nos régions respectives, illustrant bien les conséquences, parfois catastrophiques, la plupart du temps difficiles, engendrées par cette situation, même si chacun des acteurs – ce fait a été rappelé à plusieurs reprises – porte sa part de responsabilité.
Cela a été souligné par presque tous les orateurs précédents, il en a résulté, bien évidemment, une série de contentieux, dont quelques-uns ont été tranchés par les tribunaux dans des circonstances déjà évoquées. Il en a résulté, surtout, un risque potentiel pour les finances publiques de l’État. Ceci explique que le Gouvernement ait pris l’initiative de présenter le présent projet de loi.
Deux points méritent d’être soulignés à cet égard.
Le premier, dont nous mesurons toute l’importance, porte sur les conséquences encourues par le budget de l’État, c’est-à-dire, in fine, par le contribuable national.
Dès cette année, l’incidence serait, le cas échéant, de l’ordre d’une dizaine de milliards d’euros, autrement dit d’un demi-point de produit intérieur brut. À moyen terme, le montant serait alourdi de 7 milliards d’euros supplémentaires par la mise en extinction de la SFIL, soit un total de 17 milliards d’euros. Cette somme varie, d’ailleurs, suivant les sources d’information, ce qui ne peut que nous amener à nous interroger : connaissons-nous précisément la hauteur du risque ? En 2011, la commission des finances de l’Assemblée nationale a évalué à 32 milliards d’euros l’encours des prêts structurés ; qu’en est-il aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État ?
Je souhaite mentionner un second élément, positif celui-là. Je veux parler de la concertation que vous avez entreprise avec les collectivités et les associations chargées de les représenter. La mise en place du fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des emprunts structurés doit être considérée de manière positive, bien entendu. Établi sur la base de 100 millions d’euros par an sur quinze ans, soit un total de 1, 5 milliard d’euros, dont 915 millions d’euros à la charge des banques, ce fonds sera-t-il suffisant, cependant, pour remédier à la situation des collectivités les plus fragilisées ? À la demande de la Fédération hospitalière de France, vous avez entériné un dispositif d’accompagnement national des établissements hospitaliers, à hauteur cette fois de 100 millions d’euros, ce qui, toutefois, semble bien peu au regard du montant total des emprunts toxiques souscrits, qui s’élève, selon nos informations, à 2, 5 milliards d’euros.
Nous avons bien compris, monsieur le secrétaire d’État, la nature du risque immédiat pesant sur les finances de l’État, c’est-à-dire sur l’impôt des contribuables. Dans le contexte difficile que nous connaissons depuis plusieurs années, nul n’a aujourd’hui intérêt à mettre en danger les finances publiques, surtout à un moment particulièrement crucial.
Je l’ai rappelé il y a un instant, vous avez ouvert le débat avec les collectivités territoriales, et apporté un certain nombre de réponses particulièrement attendues. Sans aller jusqu’à affirmer que ce résultat les satisfait tout à fait, les membres du groupe socialiste entendent faire montre de responsabilité, …
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Comme toujours !
Sourires
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toutes choses, je voudrais remercier l’ensemble des orateurs, indépendamment de leur courtoisie, qui semble de mise en ces lieux, de la qualité du débat. Je voudrais également saluer le travail important réalisé par M. le rapporteur, dont j’ai mesuré la qualité du rapport comme du propos. Il a fait montre d’une grande sagesse, et s’est livré à l’exploration systématique de l’ensemble des hypothèses imaginables, exploration qui l’a conduit – c’est un point de vue que nous partageons – à la conclusion selon laquelle la moins mauvaise solution – certains ont utilisé cette expression – était d’adopter le présent texte.
J’aimerais répondre, maintenant, aux différents orateurs, et en premier lieu à Fabienne Keller, même si, dans son propos, elle a un peu mélangé les sujets. La question des emprunts toxiques ne doit pas être confondue avec celle de la baisse envisagée des dotations aux collectivités territoriales. Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’interférence possible, j’indique seulement qu’il s’agit de deux actes politiques différents, qui méritent des appréciations nuancées.
Dans votre intervention, madame la sénatrice, vous avez pointé le défaut d’alerte, dont seraient responsables les comptables publics, la Cour des comptes ou même le Trésor. C’est un constat, en effet, qui a conduit beaucoup d’entre nous à considérer que la responsabilité en la matière était partagée. Néanmoins, j’ai en mémoire le cas d’une collectivité territoriale, qui souhaitait pratiquer un swap sur un prêt particulièrement favorable afin de profiter immédiatement de sa qualité, pour ne pas dire capitaliser sur lui. Dans un premier temps, cette démarche a été refusée par le comptable public, alors même que, à l’évidence – une analyse plus détaillée l’a démontré –, la collectivité aurait pu faire une bonne opération. La question se pose donc également de la libre administration des collectivités territoriales, principe auquel je sais votre assemblée particulièrement attachée, mesdames, messieurs les sénateurs.
Pour vous rassurer, je voudrais également vous signaler, comme l’ont fait d’autres orateurs, que la loi de séparation et de régulation des activités bancaires a mis en place des garde-fous beaucoup plus précis et beaucoup plus importants, visant à empêcher – ou à tout le moins à freiner au maximum – la reconduction de pratiques dangereuses, telles que celles qui nous ont mis devant cette situation.
Vous évoquez également le cas des offices publics d’HLM et des sociétés anonymes d’HLM, dont nous reparlerons au moment de l’examen de l’un des amendements déposés sur ce texte. J’indique seulement que la situation des deux types d’organisme n’est pas la même : il s’agit d’une part, de personnes morales de droit public, et, d’autre part, de personnes morales de droit privé. Je reviendrai ultérieurement sur la question de la constitutionnalité des mesures en cause, qui est aussi celle du champ d’application du fonds de soutien et de l’éligibilité à ce dernier, c’est-à-dire, en somme, du périmètre exact de la validation législative.
Monsieur Delahaye, vous avez affirmé, à raison, qu’il ne s’agissait pas de signer un chèque en blanc ; d’ailleurs, ce n’est pas l’intention du Gouvernement. La meilleure preuve en est que le comité d’orientation prévu regroupe des parlementaires et des représentants d’associations d’élus, et qu’il participe à l’élaboration de la doctrine, aux choix des critères, ainsi qu’à la priorisation des interventions possibles de l’État. Il me semble donc que les parlementaires, mais aussi les représentants des grandes associations d’élus, auront l’occasion d’intervenir et de peser sur les choix. Ce point avait d’ailleurs fait l’objet de discussions lors de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2014.
Il faut veiller à ne pas mutualiser les coûts, avez-vous dit. Certes, mais, monsieur le sénateur, ne rien faire conduirait de fait à imputer la charge sur le contribuable national, et par conséquent à mutualiser les coûts. Encore une fois, donc, l’équilibre recherché me semble avoir été atteint.
Mme Beaufils, quant à elle, nous a donné l’occasion de refaire l’histoire.
Il est également important de porter un jugement sur l’histoire. Mais il nous appartient aujourd’hui de la continuer.
Monsieur Botrel, vous avez parlé de projet de loi « successoral ». Je veux bien partager cette démarche, mais, mesdames, messieurs les sénateurs, de quelle succession parlons-nous ? Pour les collectivités territoriales, il pourrait s’agir de prendre en considération la succession de certaines équipes dirigeantes. Certains élus, en effet, ont été confrontés à la gestion de décisions prises par leurs prédécesseurs. Les pauvres habitants de ces collectivités territoriales n’ont pas eu d’autre choix que de laisser gérer par les uns ce qu’avaient décidé les autres.
La continuité des collectivités territoriales, la continuité de l’État sont des principes inscrits dans la Constitution. Certains orateurs ont, comme vous, madame Beaufils, remonté le fil de l’histoire, jusqu’à mentionner la CAECL.
La mutation opérée par cette caisse a été évoquée, tout comme l’évolution de la garantie apportée une première fois par l’État en 2008, et une seconde fois, dans la resucée – pardonnez-moi l’expression – de 2011. Les dates ont leur importance, mesdames, messieurs les sénateurs. Mais la continuité de l’histoire, c’est aussi la continuité de l’État.
Or nous nous trouvons devant une situation héritée de l’histoire, que nous nous devons de gérer, et sur laquelle chacun peut légitimement porter son jugement. Le contribuable d’aujourd’hui devra donc bien faire face aux échéances que cela implique, même si elles résultent, c’est vrai, de décisions d’hier ou d’avant-hier.
Ce débat a également été soulevé, en partie, par Anne-Marie Escoffier, dont je remercie la qualité et la précision du propos, qui d’ailleurs ne m’étonnent pas. Elle a souligné, sous forme de clin d’œil, la configuration symétrique dans laquelle nous nous trouvons : voilà peu de temps, j’étais rapporteur général de la commission des finances à l’Assemblée nationale, quand elle défendait, au nom du gouvernement d’alors, les dispositions relatives au thème dont nous débattons ce jour contenues dans le projet de loi de finances pour 2014.
J’aimerais revenir sur les doutes que nous avons eus ensemble quant à la constitutionnalité du dispositif. Je ne suis pas juriste de formation, mais on m’a bien expliqué l’impérieuse nécessité du motif d’intérêt général en la matière. Si nous avions été conduits à soutenir ce dispositif à l’Assemblée nationale, et même à repousser des amendements qui tendaient à restreindre le champ de la validation juridique en question, en revanche, nombre de députés avaient indiqué que la validation juridique proposée par le projet de loi de finances initiale couvrait de façon inconsidérée les personnes de droit privé, comme les entreprises. Nous avions assuré que le fait de prendre également en compte les entreprises confortait, à notre sens, le motif d’intérêt général, puisqu’un champ plus large que le seul secteur des personnes morales de droit public était ainsi visé.
Tel était notre point de vue. Reconnaissons que le Conseil constitutionnel nous a donné tort. Il n’y a pas là de quoi se flageller pendant des nuits entières !
La position que nous avions adoptée nous paraissait être la bonne. Le Conseil constitutionnel nous a rappelé son interprétation du motif d’intérêt général et nous a invités à concentrer symétriquement les interventions sur les personnes éligibles aux aides versées par le fonds d’un milliard et demi d’euros. Ce sont ces corrections que le présent projet de loi vise à apporter.
Je ne souscris donc pas à votre analyse selon laquelle le Gouvernement se serait placé lui-même dans une mauvaise situation. Il a alors fondé sa décision sur son interprétation du moment, et il y remédie aujourd'hui.
Beaucoup d’orateurs ont commenté le montant, 17 milliards d’euros, du risque financier pour la puissance publique. Mesdames, messieurs les sénateurs, même si nous nous étions trompés, même si nous avions surestimé deux fois, voire trois fois la somme, elle serait encore considérable ! Nous bataillons parfois pour quelques dizaines ou centaines de millions d’euros ; en l’occurrence, il s’agit d’un volume extrêmement important.
Certes, en fondant l’analyse sur le degré de toxicité ou de la mécanique précise de chacun des contrats, nous pourrions effectivement aboutir à une évaluation du risque sans doute un peu moins pessimiste que les conclusions des études qui ont été menées. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir dans quelques instants.
Chère Anne-Marie Escoffier, vous avez évoqué l’éventualité d’une nouvelle commission d’enquête. Nous n’en avons guère le temps. Le calendrier joue contre nous.
L’été dernier, le ministre chargé du dossier avait informé les rapporteurs généraux, fonction que j’exerçais alors à l’Assemblée nationale, d’une communication nécessaire du Gouvernement pour permettre à la SFIL d’accéder dans de bonnes conditions au marché de refinancement dont elle avait impérativement besoin. Aujourd'hui, si la SFIL doit faire appel au marché – c’est souvent le cas –, il y a des conditions de validation juridique à l’engagement. En effet, les analystes financiers ne sont pas plus bêtes que la moyenne. Ils savent très bien les risques créés par une généralisation des procédures juridiques ; cela serait susceptible de faire jurisprudence.
M. Placé a, me semble-t-il, tout à fait raison de nous appeler à la vigilance. Nous devons effectivement veiller à l’utilisation des fonds publics qui seront mis à disposition du mécanisme. Il y a plusieurs outils pour cela.
Je pense évidemment au comité d’orientation dont j’ai parlé. Il sera chargé, en lien avec des parlementaires et des représentants des grandes associations d’élus, de produire la doctrine et, bien entendu, de surveiller la mise en œuvre du dispositif.
Je songe également, et nous aurons l’occasion d’en reparler puisque des amendements ont été déposés sur le sujet, au rapport qui doit être remis chaque année au Parlement sur l’existence, la quantification et le recensement des emprunts toxiques, obligation instituée par l’article 32 de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires. Je le confesse, nos services semblent avoir un peu de retard. Mais le Parlement disposera de ce document avant l’été.
Michèle André a rappelé la pertinence des analyses qui sont faites, en soulignant la nécessité de retrouver – j’y ai fait référence – la capacité de refinancement de la SFIL. En effet, il y a là un risque financier majeur.
L’idée de monter une structure de défaisance – les Anglo-Saxons utilisent l’expression bad bank – n’a pas été retenue, car cela aurait conduit à comptabiliser les risques dans la dette publique. §Du fait de la nécessité de maîtriser la dette publique, là encore pour avoir des capacités d’accès au marché financier, les gouvernements – je parle au pluriel, car le processus de décision a été engagé par d’autres – ont choisi la structure de la SFIL, que les analystes, notamment bruxellois, ne considèrent pas comme une structure de défaisance.
Vous avez également mentionné à juste titre les nouvelles barrières pour les collectivités issues de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, dont je parlais à l’instant, ainsi que la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui a posé un certain nombre de garde-fous afin qu’il ne soit pas possible de faire n’importe quoi.
Enfin, je reprends l’expression de M. Botrel sur l’aspect successoral. Le contribuable est le successeur d’un autre contribuable. L’élu est le successeur d’un autre élu. Vous le savez comme moi, les situations sont diverses ; c’est tantôt la gauche, tantôt la droite, tantôt le centre… Certains élus de gauche ont laissé des situations peu favorables à leurs successeurs de droite. Mais l’inverse existe aussi.
Je le répète, un rapport indiquant l’encours des montants des prêts structurés sera remis au Parlement avant l’été prochain.
La part du risque dépendant par essence de la nature de chacun des emprunts, je vous laisserai calculer sur un beau tableau Excel ce que cela peut représenter, monsieur Botrel. §Les services du Gouvernement sont en train de procéder à l’exercice, et les résultats vous en seront communiqués prochainement.
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.
La séance est reprise.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
L'amendement n° 7, présenté par Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant la discussion de la plus proche loi de finances, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité d'interdire l'émission de produits structurés ou dérivés avec multiplicateur.
La parole est à M. Éric Bocquet.
Au cours de sa séance du 6 décembre 2011, la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée nationale appelée commission Bartolone-Gorges, à laquelle nous avons déjà fait référence, a adopté à l’unanimité un rapport fort instructif sur la réalité des emprunts structurés souscrits par les collectivités territoriales et les autres acteurs du secteur public local, notamment le service départemental d’incendie et de secours – SDIS – ou les organismes d’HLM, comportant un certain nombre d’observations et de propositions.
Parmi les recommandations et propositions de ce rapport figuraient en particulier deux mesures essentielles, que je me permets de rappeler.
La première visait à interdire le recours à l’emprunt pour les communes de moins de 10 000 habitants et les établissements publics de moins de 20 000 habitants, s’agissant d’autres produits que les produits à taux fixe ou ceux dont le taux variable est établi sur la base d’un indice identifiable de la zone euro.
Nous en avons tous ici une certaine expérience, singulièrement avec la dette HLM, qui est très largement assise sur les variations du taux de rémunération du Livret A, référence aisément identifiable par n’importe quel débiteur.
La seconde proposition formulée par la commission d’enquête tendait à interdire purement et simplement l’offre de prêts structurés ou dérivés avec multiplicateur à toutes les collectivités locales.
Les auteurs du rapport soulignaient à ce propos que l’« engagement des finances locales ne peut se faire qu’en poursuivant un intérêt général présentant un caractère local ». Par voie de conséquence, « les produits à effet de levier, classés parmi les produits les plus risqués, présentent donc un caractère spéculatif qui n’apparaît pas compatible avec une utilisation des deniers publics à des fins d’intérêt général. »
Pour résumer, on ne peut donc engager impunément les ressources publiques pour mener des opérations à caractère spéculatif, lesquelles, au demeurant, ne risquent fort de servir que les établissements de crédit qui les auront « pilotées », promues et in fine vendues.
Il convient donc que les évolutions de la législation permettent, dans les mois qui viennent, de définir un nouveau cadre juridique, opératoire et efficace, pour le financement des collectivités locales. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires, dont nous reparlerons, a posé quelques jalons en la matière, mais il convient, selon nous, de prévoir également d’autres règles.
Cet amendement vise à mettre à l’étude la proposition formulée, non sans un certain bon sens, par les membres de la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée nationale, comprenant entre autres membres éminents Mme Fourneyron, M. Garot ou le président de l’Association des maires de France, M. Pélissard.
Nous le savons bien, l’article 32 de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, et son décret d’application fort attendu, pourrait faire le compte. Toutefois, autant se demander s’il ne conviendrait pas, en tout état de cause, de poser le principe de l’interdiction de produits structurés, dont l’usage peut s’apparenter à celui d’une « bombe à retardement ».
Changer le paysage financier local – cela constitue aujourd’hui et pour quelque temps encore la raison d’être de nos débats – est une nécessité économique, autant d’ailleurs pour le secteur bancaire et financier lui-même que pour l’économie en général.
Car le secteur public local porte, depuis plusieurs années, plus de 70 % de l’investissement public. Il est donc générateur d’emplois, d’activité, de croissance et de sortie de crise.
Alléger la contrainte financière pesant sur les collectivités locales, c’est se donner les moyens de dépenser mieux en engendrant emplois et croissance plutôt qu’aventurisme financier.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable. Elle considère en effet que ces dispositions sont satisfaites par l’article 32 de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires.
Si vous ne retirez pas cet amendement, monsieur le sénateur, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Cela a été dit, les articles 32 et 34 de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires répondent déjà très largement à votre préoccupation, que nous partageons.
Le projet de décret d’application de l’article 32, auquel vous avez fait allusion, est actuellement examiné par le Conseil d’État. Il a déjà été vu par le Comité des finances locales, lequel, à l’unanimité, s’est prononcé favorablement. Vous devriez donc être totalement rassuré.
Par ailleurs, s’il fallait encore vous convaincre, je rappellerais que la loi précitée donne à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution le pouvoir de suspendre ou d’interdire les activités qu’elle pourrait estimer dangereuses ou la commercialisation de produits menaçants la stabilité financière, dont il est aujourd'hui question.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 8, présenté par Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Inséré un article additionnel ainsi rédigé :
Avant la discussion de la plus proche loi de finances, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la résolution des contrats portant sur des emprunts structurés souscrits par des personnes morales de droit privé.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
On pourrait bien évidemment, dans le cadre de l’examen de ce texte, s’étonner de cet amendement.
Il s’agit à nos yeux d’une question qui est loin d’être secondaire. En effet, comme l’indique le projet de loi, ce qui nous semble d’ailleurs assez nettement discutable, le champ du texte ne couvre que les engagements souscrits par les personnes morales de droit public.
Cela exclut, un certain nombre de spécialistes du droit l’ont souligné, les personnes morales de droit privé exerçant des activités parfois proches de celles qui sont menées par les personnes morales de droit public.
Je ne prendrai que deux exemples. Sous certaines conditions, le fonds de soutien annoncé récemment pourra intervenir en faveur des hôpitaux aux prises avec leurs emprunts structurés, ce qui n’est pas un mal, puisque ceux-ci souffrent déjà bien souvent de l’encadrement de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie. À l’inverse, les cliniques privées qui auraient souscrit le même type de « services financiers » n’auront que la bienveillance de leurs créanciers ou celle de leurs actionnaires pour faire face au problème.
De la même manière, les organismes d’HLM publics, bien qu’ils aient peu souscrit d’emprunts structurés, se situent dans le champ d’intervention des fonds de soutien, tandis que les entreprises sociales pour l’habitat, notamment les sociétés anonymes d’HLM, se trouvent exclues du champ d’application du texte.
Là encore, d’autres solutions existent pour faire face au problème posé.
Il importe que nous soyons informés, en tant que représentants du peuple français, de la manière dont la question des emprunts structurés peut être résolue.
En effet, alors même qu’un risque d’inconstitutionnalité réside dans la distinction établie par le texte entre personnes morales de droit public et personnes morales de droit privé, nous devons savoir si les établissements de crédit font preuve d’une mansuétude plus ou moins grande à l’endroit de leur clientèle en fonction du statut juridique de celle-ci.
Demandons-nous par exemple si ce qu’une collectivité locale confrontée à une renégociation délicate de ses emprunts structurés n’arrive pas à obtenir peut s’avérer plus « facile » pour une entreprise privée.
Ce sont ces informations, y compris pour légiférer au plus près des besoins réels de financement du secteur public local, dont nous avons besoin et qui devraient figurer dans le rapport demandé au travers de cet amendement.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à l’adopter.
Cet amendement est satisfait par la troisième partie de l’article 32 de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, qui prévoit le dépôt d’un rapport annuel sur les emprunts structurés. Bien évidemment, il n’est pas étendu aux personnes morales de droit privé ; il faudrait bien sûr examiner ce point.
Cela étant dit, dans le cadre des questions soulevées par les amendements n° 8 et 13, j’attire l’attention de M. le secrétaire d’État sur le fait que le rapport que nous attendions n’a pas été déposé.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les raisons qui viennent d’être évoquées par M. le rapporteur.
L’administration n’est pas dotée des pouvoirs d’investigation nécessaires pour apporter une information de précision et de qualité sur les personnes physiques. Tel pourrait être le cas de l’ACPR, que votre commission a tout loisir d’interroger sur ce type de questions.
S’agissant du rapport déjà évoqué à plusieurs reprises, j’ai eu l’occasion de dire tout à l’heure qu’il serait remis – j’y veillerai – avant l’été, confessant un certain retard par rapport aux dates qui auraient correspondu à une bonne pratique.
Je veux souligner que, dans le cadre des travaux effectués pour la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, un rapport a récemment été présenté à la commission des finances, monsieur le secrétaire d’État, sur les textes d’application encore attendus, notamment à la suite de l’adoption du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.
Vous venez d’apporter une réponse concernant un rapport que le Gouvernement aurait l’intention de déposer dans de brefs délais. Mais plusieurs autres dispositions substantielles issues de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires sont retardées dans leur mise en œuvre, compte tenu de la nécessité de publier les textes d’application.
Je le précise au passage, une telle situation vaut pour la délimitation des secteurs d’activités au sein d’un groupe bancaire. Vous vous souvenez certainement fort bien, monsieur le secrétaire d’État, en raison de vos anciennes fonctions de rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qu’il s’agissait du cœur même de ladite loi. La commission des finances du Sénat est bien évidemment très attachée à ce que ce texte, qui avait été examiné dans cet hémicycle dans une ambiance tout à fait constructive et même quasiment consensuelle, puisse être mis en œuvre le plus tôt possible, ce qui est nécessaire pour une bonne visibilité de tous les acteurs de la place financière et bancaire de Paris.
Après avoir entendu les arguments des uns et des autres, je choisis de faire confiance au travail de la commission. Par conséquent, sous réserve d’une audition de l’ACPR par la commission des finances dans un délai raisonnable, mes collègues et moi-même retirons cet amendement.
L’amendement n° 8 est retiré.
L'amendement n° 13, présenté par Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant la plus prochaine loi de finances, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'application des dispositions de l'article 32 de la loi n° 2013–672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Cet amendement porte, spécifiquement, sur l’une des dispositions clés de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, l’une des promesses essentielles du candidat François Hollande lors de la présidentielle de 2012, devenue la loi du 26 juillet 2013.
L’article 32, de même que les articles 33 à 35 de cette loi, a défini les conditions de développement d’une nouvelle offre de prêts bancaires aux collectivités locales, à la suite des décisions et mesures d’extinction progressive de Dexia et de ses actifs, conséquence de la quasi-faillite de l’établissement.
Sur le fond, d’ailleurs, les dispositions concernées ont qualifié et spécifié la nature du financement local, définissant un ensemble de paramètres précis pour les « produits » bancaires mis sur le « marché » en direction des collectivités locales.
D’une certaine manière, si les collectivités locales n’ont pas la qualité de signature de l’État, la loi de séparation a tout de même consacré la spécificité de la constitution de leur dette financière.
Il y a d’ailleurs à cela une raison principale que nous avons rappelée lors de la discussion générale : l’obligation de dépense étant inscrite au budget de la collectivité, tout établissement de crédit sait, lorsqu’il prête de l’argent à une collectivité locale, qu’il recevra en échange le remboursement du capital et des intérêts, fussent-ils assurés par la mobilisation de l’épargne de ladite collectivité ou par l’augmentation des impositions locales.
Un projet de décret, pris en application de l’article 32 de la loi de séparation bancaire, vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, a été récemment soumis au Comité des finances locales.
Entre autres dispositions, ce décret prévoit de mettre en œuvre des modalités de plafonnement des taux d’intérêt associés aux prêts à taux variable, qui figuraient, entre autres propositions, dans le rapport de la commission Bartolone-Gorges.
Sur le fond, d’ailleurs, le projet de décret représente un certain nombre d’avancées, et il revient quelque peu sur la « banalisation » du financement de l’investissement local qui était la marque des années de déréglementation financière et, singulièrement, de privatisation du Crédit local de France.
Seulement, voilà, l’article 32 de la loi de séparation bancaire, dix mois après la promulgation du texte et plus ou moins un an après sa première lecture, n’a pas encore véritablement trouvé application, le projet de décret n’étant toujours qu’un projet.
Vous en avez parlé tout à l'heure, mais on a l’impression que, d’une certaine façon, les difficultés de parution de ce décret sont en lien avec la profession bancaire, qui manifesterait quelque réticence à accepter les termes du décret, au seul motif que les modifications conventionnelles rendues possibles par application de l’article 32 mettraient en question le produit net bancaire des établissements créanciers.
Et il serait de fait regrettable que les intentions du législateur, que nous sommes tous ici, soient mises en cause par un texte réglementaire dont la portée serait limitée et n’apporterait que des modifications cosmétiques aux obligations contractuelles et conventionnelles des parties.
Notre amendement a donc pour objectif principal d’alerter sur la nécessité d’une mise en œuvre effective de la loi du 26 juillet 2013, une loi dont nous ne voudrions pas qu’elle rejoigne avant peu la longue série des textes emplis de bonnes intentions sans lendemain...
Cet amendement traduit une préoccupation légitime. Mais je ne suis pas certain que la publication d’un rapport soit de nature à accélérer la sortie d’un décret d’application. Aussi, la commission demande aux auteurs de cet amendement de le retirer.
Cela étant, si vous pouviez, monsieur M. le secrétaire d’État, réitérer les propos que vous avez précédemment tenus sur le décret d’application à venir, je pense que cela pourrait rassurer nos collègues du groupe CRC, l’ensemble du Sénat, et peut-être conduire au retrait de cet amendement.
Le président Marini m’a interpellé sur les textes qui manqueraient encore pour que soit appliquée la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, qui fit l’objet d’un certain consensus, comme il le rappelait voilà quelques instants.
À ma connaissance, il manque un arrêté et un décret pour que la mise en œuvre de cette loi s’inscrive parfaitement dans les délais qui ont été prescrits. Le décret a été signé par M. Sapin et l’arrêté qui manque sera élaboré avant le 1er juillet prochain ; tel est l’engagement que je peux prendre devant la représentation nationale.
À propos de l’amendement n° 13, madame Beaufils, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur le fait que le texte que vous évoquez a déjà été vu et adopté par le Comité des finances locales, que le Conseil d’État est en train de l’examiner, et je pense qu’il sera, lui aussi, opérationnel à la fin de cet été.
C’est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de votre amendement, faute de quoi je demanderai au Sénat de le rejeter.
M. le secrétaire d’État vient de nous apporter des précisions supplémentaires en nous disant qu’un décret a été signé par M. Sapin, ce qui signifie que nous progressons. Étant donné l’arrivée très récente de M. Sapin à la tête du ministère des finances, cela est tout neuf. Nous avions donc raison de nous interroger sur la mise en œuvre de la loi.
Nous vous donnons acte de cette évolution positive, monsieur le secrétaire d’État, et nous retirons cet amendement.
L’amendement n° 13 est retiré.
L'amendement n° 9, présenté par Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le deuxième alinéa du 1. du I de l’article 92 de la loi n° 2013–1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase, le pourcentage : « 45 % » est remplacé par le pourcentage : « 55 % » ;
2° Après cette même deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Le fonds peut accorder une aide plus importante si les indemnités dues excèdent 5 % des recettes de fonctionnement des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au I. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Cela a d’ailleurs conduit, assez étrangement, à concevoir un
Pour notre part, nous sommes plutôt enclins à penser – comme
Il est évident que, tirant parti de la faible connaissance
Au demeurant, s’il convenait d’en rechercher une preuve,
Notre collègue député Dominique Baert, élu du Nord et désormais vice-président aux finances de Lille Métropole, l’avait d’ailleurs souligné dans sa contribution personnelle au rapport de la commission d’enquête en pointant, entre autres éléments, la stratégie des banques, mobilisées à commercialiser ces produits opaques, leur défaut d’information, d’alerte et de conseil, la vente de produits spéculatifs proscrite par la circulaire de 1992 ; tout cela est manifeste de la part des banques. Celles-ci, précisait-il également, ont présenté des produits de manière tellement opaque que la question se pose de leur responsabilité pour tromperie.
Il soulignait aussi que l’asymétrie de compétences spécialisées sur les finances deà la gestion de produits simples. J’ajouterai pour ma part que ces collectivités manquent d’un véritable accompagnement de la part de l’État, qui pourrait leur apporter des aides, à travers l’administration fiscale ou la préfecture.
Mais on voit bien que, là non plus, les collectivités n’ont pas pu bénéficier de l’accompagnement dont elles auraient besoin pour assumer leurs responsabilités dans des domaines qu’elles ne peuvent maîtriser en interne par la voie de personnels véritablement formés à cet effet.
C’est pourquoi nous avons proposé cet amendement qui permettrait que le fonds de soutien tienne mieux compte de cette réalité, en particulier pour les plus petites communes.
Cet amendement, s’il était adopté, modifierait l’équilibre qui a été trouvé en loi de finances entre, d’une part, la responsabilité des collectivités territoriales et, d’autre part, l’aide qui leur est apportée pour sortir de la difficulté. C’est en ce sens que le taux de 45 % avait été fixé. J’ajoute que si on augmente ce taux pour les uns, cela le diminuera pour les autres.
Donc, l’avis de la commission est défavorable.
Le Gouvernement est du même avis que la commission.
Pour bien comprendre, il faut se souvenir de l’origine de ce plafond de 45 %. Dans le projet de loi initial, il n’y avait pas de plafond. Certains ont fait valoir qu’en l’absence de plafond le fait que des collectivités d’importance pourraient faire appel au fonds empêcherait mécaniquement les plus petites d’entre elles d’en bénéficier, faute de crédits disponibles.
C’est sur une initiative parlementaire que ce plafond de 45 % a été introduit, de façon justement à éviter ce que vous redoutez, madame Beaufils, et à permettre aux plus petites des collectivités de trouver place dans un fonds dont tout le monde a reconnu – on peut le juger de différentes façons – qu’il ne couvrait pas l’intégralité des charges qui vont rester aux collectivités territoriales, loin s’en faut, trop loin s’en faut, diront peut-être certains.
Ce taux de 45 % traduit l’équilibre qui a été retenu. Les critères fixés dans la loi tiennent compte, je vous le rappelle, premièrement, de la capacité de désendettement de la collectivité, mesurée par le rapport entre l’encours de la dette et l’épargne brute, ce qui permet de prendre en considération la difficulté dans laquelle pourrait se trouver la collectivité, et, deuxièmement, du potentiel financier de celle-ci. Une approche différenciée est donc prévue.
Il ne me paraît pas opportun de retenir votre amendement. S’il était maintenu, je demanderais au Sénat de le rejeter.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, étant inscrit dans la discussion générale, je n’ai malheureusement, pour des raisons personnelles, pas pu y participer et je vous prie de m’en excuser.
Je rejoins M. le rapporteur et de M. le secrétaire d’État dans leur avis sur cet amendement, mais je souhaite apporter un élément d’explication complémentaire qui pourrait être utile, me semble-t-il, pour avancer sur ce dossier.
Pour avoir participé, du côté des collectivités territoriales, à la négociation sur le fonds de soutien, je peux témoigner qu’il était acquis, dans l’esprit de tous, que ce fonds venait parachever un pré-accord transactionnel, en quelque sorte, entre la banque qui avait placé les produits et les collectivités.
Dans mon esprit – et je crois dans l’esprit de tous –, cela signifiait que, si le fonds peut intervenir jusqu’à 45 %, il ne reste pas forcément 55 % à la charge des collectivités. En effet, dans l’accord transactionnel, il est logique de prévoir une participation de la banque. C’est une affaire à discuter selon les cas, mais cette participation peut être de 10 %, 20 %, parfois 30 %. Je le sais pour avoir moi-même à l’époque, à Saint-Étienne, obtenu, au cours de certaines négociations, de tels efforts du secteur bancaire. On voit bien qu’on peut parvenir, avec ces chiffres, à un partage des charges qui permet une sortie acceptable pour tous.
Puisque ce schéma a fonctionné sans fonds de soutien, il fonctionnera d’autant mieux avec. Mon inquiétude porte sur l’effort que pourra fournir la SFIL. Elle est en effet l’une des banques les plus impliquées aujourd’hui dans le règlement final de ce dossier. Jusqu’à présent, l’attitude des dirigeants de la SFIL – et donc évidemment de l’État, qui est derrière – a toujours été extrêmement dure, quasiment la plus dure.
C’est pourquoi je forme le vœu – en considérant que ce rapport 45 %–55 % est acceptable, et donc en n’approuvant pas cet amendement – que la SFIL, donc l’État, – et je pense que c’est très important – apporte sa contribution dans les accords transactionnels qui vont pouvoir être discutés. Ils doivent maintenant l’être très rapidement, avec la mise en œuvre du fonds de soutien, qui va aider à sortir de cette affaire.
Je pense qu’au final l’État gagnera à faire un effort en amont, en favorisant un maximum d’accords impliquant la SFIL, plutôt qu’en allant à des contentieux interminables. Tel est mon point de vue.
J’ai bien entendu les propos de M. le secrétaire d’État et les compléments d’information qu’il a apportés s’agissant des conditions dans lesquelles le fonds peut octroyer des aides.
Mais nous avions complété le passage à 55 % d’une protection supplémentaire relative au niveau des indemnités par rapport aux recettes de fonctionnement des collectivités. Pour cela, nous nous sommes fondés sur des exemples locaux dont nous avons constaté qu’ils ne trouvaient pas de résolution.
Les conditions dans lesquelles la SFIL est en train de renégocier les prêts avec un certain nombre de collectivités m’inquiètent. Les indemnités de renégociation me paraissent beaucoup trop élevées par rapport aux capacités de ces collectivités. Je le disais lors de mon intervention liminaire, nous sommes actuellement dans une période où les collectivités doivent faire face à des demandes d’indemnités très lourdes, alors même que leur capacité à répondre aux remboursements très élevés qui leur sont demandés pour sortir de ces emprunts structurés ne cesse de diminuer.
Il importe de regarder comment sont véritablement impactées les collectivités territoriales. En effet, certaines se sont retrouvées, ou vont se retrouver, pour celles d’entre elles qui commencent à négocier, dans des situations proches de la faillite financière. Il faut examiner la situation avec réalisme.
Nous maintenons notre amendement parce qu’il est important, même si nous savons qu’il sera rejeté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 10, présenté par Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 235 ter ZE du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au III, le taux : « 0, 539 % » est remplacé par le taux : « 0, 968 % » ;
2° Le IV est ainsi rédigé :
« La taxe fait l’objet de deux versements le 30 avril et le 30 octobre de l’année civile. » ;
3° Le VI est ainsi rédigé :
« Le montant dû en application du III n’est pas déductible de l’impôt sur les sociétés. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Bocquet.
Cet amendement complète celui que nous venons de défendre sur l’intervention du fonds de soutien et participe, par ailleurs, de notre position de principe sur le sujet.
Dans les faits, nous souhaitons accroître les ressources de ce fonds par une augmentation de la contribution des établissements de crédit. Il y va d’ailleurs, en cette matière, de l’intérêt bien compris des finances publiques.
Accroître la contribution du secteur financier à la résolution des problèmes que les agissements de Dexia et de quelques autres établissements ont créés n’est pas scandaleux. C’est même, à nos yeux, tout à fait logique.
On nous objectera peut-être que cela revient, en portant à 600 millions d’euros l’apport des établissements de crédit au fonds de soutien, à demander aux établissements non fautifs de payer pour les « mauvais élèves de la classe ». Or, mes chers collègues, le principe des mécanismes de solidarité, comme celui qui est défini dans le cadre de l’union bancaire, ne participe-t-il pas de cette même responsabilité collective des secteurs financiers en cas de défaillance de l’un d’entre eux ?
La mutualisation des ressources ainsi mise en œuvre dans le fonds de soutien n’est pas plus scandaleuse que celle qui préside à la constitution progressive du fonds créé dans le cadre de l’union bancaire.
Je ferai une autre observation, qui est parfaitement essentielle et qui procède en particulier de notre interprétation de la crise des subprimes nord-américains.
Qu’on le veuille ou non, les activités de l’ensemble des établissements de crédit sont interagissantes, systémiques. Quand Dexia attend d’une collectivité locale le remboursement d’un emprunt en capital et en intérêts, un autre établissement de crédit, sollicité pour apporter les fonds levés par Dexia, attend, lui aussi, le retour des sommes concernées.
Il n’est d’ailleurs pas interdit de penser qu’un contrat de swap notionnel proposé par Dexia à ses débiteurs ait été, en amont, revendu par les propres créanciers de Dexia, et diffusé encore à d’autres, notamment par le biais d’une opération, devenue assez banale, de titrisation.
Il y a donc une solidarité systémique clairement établie entre Dexia, la plus exposée des banques ayant distribué des emprunts structurés, et les autres établissements de crédit.
Par parallélisme des formes, nous ne pouvons donc que vous proposer l’expression la plus parfaite de cette solidarité « de place », « systémique ».
Toute autre considération, et notamment l’absence de relèvement de la contribution des banques au règlement de la situation créée, reviendrait, comme le texte nous y conduit, de gré ou de force, à ajouter à l’amnistie bancaire le scandale de la déresponsabilisation pure et simple des acteurs !
Évoquons quelques chiffres : on rappellera, pour souligner le poids terrible de l’augmentation que nous préconisons, que 0, 039 % des fonds propres exigés des établissements de crédit suffiraient pour recueillir 50 millions d’euros. Par conséquent, moins d’un demi-point de ces fonds propres exigés suffirait à alimenter le fonds au niveau où nous le souhaitons.
D’ailleurs, aux dernières nouvelles, la santé économique de nos établissements bancaires peut faire rêver. Un article d’un grand quotidien du soir paru le 5 février dernier indiquait le montant des bénéfices réalisés par les deux premières banques françaises. Pour la première d’entre elles, le montant – impressionnant ! – des bénéfices est de 4, 830 milliards d’euros ; pour la deuxième, il s’établit à 2, 2 milliards d’euros.
Vous le voyez bien, mes chers collègues, nous ne faisons pas preuve de dogmatisme idéologique ; nous soutenons une solution pragmatique et réaliste – pour utiliser un mot très en vogue par les temps qui courent.
Je reprendrai l’un des arguments avancés par M. Bocquet : effectivement, on ne peut pas demander à des banques n’ayant pas délivré de prêts toxiques d’aller au-delà de ce que nous considérons comme une solidarité. Là, nous franchissons un seuil extrêmement important, sur lequel chacun porte sa propre appréciation. La mienne n’est pas la même que celle de notre collègue Bocquet.
Par ailleurs, l’amendement prévoit que la taxe systémique ne serait pas déductible de l’impôt sur les sociétés, ce qui porterait la contribution du secteur bancaire non pas à 600 millions d’euros, mais à 1, 2 milliard d’euros par an ; dans les circonstances actuelles, cela me semble exagéré.
Aussi, l’avis de la commission est défavorable.
Le Gouvernement partage, là encore, l’avis de M. le rapporteur. Il a opportunément rappelé que le fonds est abondé par l’ensemble du secteur bancaire – cela avait d’ailleurs été un point de débat –, par le biais de la taxe systémique, alors même que certaines banques n’avaient pas commercialisé de produits toxiques.
Nous avons considéré que les établissements financiers devaient être solidaires, ne serait-ce que parce que le risque qui pèserait sur l’un d’entre eux pourrait créer un risque systémique sur l’ensemble du dispositif.
J’ajoute que le principe de la parité entre les banques et l’État est respecté par les taux que nous avons prévus, en tout cas pour ce qui concerne la part systémique, le reste relevant de la SFIL et des contributions volontaires.
Donc, il me semble qu’il n’y a pas lieu de modifier ce point, en tout cas pas pour les motifs avancés par les auteurs de l’amendement.
Cet amendement nous conduit à revenir sur le problème des responsabilités, dont nous aurons l’occasion de reparler tout à l’heure.
Qui est responsable ? Ceux qui ont laissé installer ce système, qui se trouve à la merci d’un jugement d’un TGI ! Les gouvernements qui se sont succédé depuis une trentaine d’années dans notre beau pays.
Sont également responsables, peut-être, ceux qui sont chargés du contrôle de légalité. Nous savons tous ici que l’on est suffisamment embêté pour les cinquièmes chiffres après la virgule. On pourrait peut-être regarder les chiffres avant la virgule.
Sont aussi responsables les banques et les collectivités. Certes, mais pas à 50 % !
J’ai lu le rapport de la Cour des comptes de 2011. Elle a épinglé les prédécesseurs de notre collègue qui, entre deux tours d’élections municipales, faisaient notamment du trapèze pour sauver la face. Mais ça, c’est l’arbre qui cache la forêt ! La Cour des comptes dit les choses clairement – je vous citerai tout à l’heure des extraits de son rapport puisque j’aurai l’occasion de revenir sur cette question.
Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’on demande aux établissements financiers de participer ! Je trouve quelque peu surprenant ce discours sur la solidarité : on ferait payer les pauvres malheureux qui n’auraient rien fait. Car, comme l’a dit Éric Bocquet, tout cela fait système ! Si cela ne faisait pas système, il n’y aurait pas de risque systémique, et s’il n’y avait pas de risque systémique, nous ne serions pas là aujourd’hui.
En quoi est-il scandaleux de demander au système bancaire de participer ? Votre raisonnement est le suivant : si l’on ne vote pas le présent projet de loi, nous risquons de faire chuter la SFIL, ce qui reste de Dexia, et donc l’ensemble du système, y compris ceux que vous défendez, qui seraient les pauvres malheureux mis à contribution.
Franchement, je trouve cette argumentation quelque peu légère et c’est pourquoi je voterai cet amendement.
Je voudrais répondre à l’intervention de M. Collombat.
L’argumentation du Gouvernement n’est pas de dire qu’il s’agit de prémunir le système bancaire d’un risque systémique.
Non ! Monsieur le sénateur, si vous le permettez, je peux sans doute parfois un peu mieux que vous transcrire la pensée du Gouvernement.
Ce que veut le Gouvernement, c'est protéger les intérêts de l’État. Or, en cas de défaillance de la SFIL, nous évaluons le risque pesant sur l’État autour de 17 milliards d’euros. Il ne s’agit pas de protéger qui que ce soit. La SFIL, ce n’est pas un OVNI venu d’ailleurs ! Elle est garantie à 75 % par la participation directe de l’État, et pour le reste par un engagement de l’État à couvrir la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale. Donc, le risque est supporté par le budget de l’État.
Cet amendement soulève la question du jugement sur les responsabilités. Même si je n’étais pas présent lors de la discussion générale, on m’en a fait un résumé duquel il ressort qu’un large consensus s’est dégagé pour reconnaître que la responsabilité était partagée entre les banques et les collectivités territoriales. Je crois que cette synthèse qui m’a été faite est fidèle aux propos qui ont été tenus.
À titre personnel, cela n’a jamais été mon point de vue : je reste absolument convaincu de la responsabilité majeure des banques et du système financier, parce qu’ils étaient « les sachants » dans cette affaire.
Pour autant, je suis ennuyé que cet amendement, qui est similaire à un amendement que j’avais déposé il y a quelques mois, conduise à rediscuter du fonds de soutien. Ce dernier a déjà été acté à hauteur de 100 millions d’euros sur quinze ans. Un décret d’application a été pris ; le fonds devrait entrer en vigueur le plus rapidement possible pour être utile aux collectivités territoriales.
Je ne voterai donc pas cet amendement par pragmatisme, mais je partage l’analyse qui le sous-tend. Je persiste à penser que les banques ont une responsabilité primordiale. Peut-être devrons-nous compléter le fonds de soutien dans un an ou deux ; à ce moment-là, il nous faudra aller dans la direction qui nous est proposée dans cet amendement.
Je ne partage pas les propos de M. le secrétaire d’État. Je comprends que la responsabilité de l’État est aujourd’hui engagée en raison des conditions – que nous connaissons bien – dans lesquelles la SFIL a été mise en place. Pour autant, c'est bien le système bancaire et ses modalités de conception – c'est la raison pour laquelle j’ai fait un rappel historique précédemment – qui constituent le véritable problème. C’est le fait que l’on ait obligé les collectivités à se financer sur le marché et la façon dont les banques ont toutes ensemble décidé de répondre à cette demande qui ont conduit à la situation actuelle.
Il me paraît tout à fait légitime de solliciter davantage les banques pour mieux répondre à la crise dans laquelle on a mis les collectivités à cause de ce système. Il s’agit non pas de mettre l’État en plus grande difficulté, mais, bien au contraire, d’apporter une source de financement permettant de mieux répondre aux besoins des collectivités, lesquelles sont en situation de fragilité lors des renégociations, y compris avec la SFIL.
C’est pourquoi notre amendement nous semble pertinent.
L'amendement n'est pas adopté.
(Non modifié)
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, est validée la stipulation d’intérêts prévue par tout écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi entre un établissement de crédit et une personne morale de droit public, en tant que la validité de cette stipulation serait contestée par le moyen tiré du défaut de mention, prescrite en application de l’article L. 313–1 du code de la consommation, du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de période, dès lors que cet écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant indique de façon conjointe :
1° Le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts ;
2° La périodicité de ces échéances ;
3° Le nombre de ces échéances ou la durée du prêt.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de traiter de l’objet spécifique du projet de loi, ce que je ferai en défendant mes amendements, je veux rappeler que, si nous en sommes encore à coller des rustines sur Dexia, la fatalité n’y est pour rien. C’est uniquement la conséquence d’une politique menée opiniâtrement par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis une trentaine d’années, politique dont l’objectif était de rendre les marchés libres de l’allocation de la ressource financière, et donc maîtres de l’économie.
Appliquée au système de financement des collectivités territoriales et du secteur public, cette « modernisation » s’est résumée à remplacer un système public et parapublic assis sur l’épargne et sur des circuits spécialisés et organisé autour de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, par un système assis sur l’appel généralisé aux marchés financiers et totalement privé. Tel a été le sens de la mutation du « système CDC », qui a abouti à CAECL, puis à Dexia, le tout au nom de l’optimisation de l’allocation des ressources, du moindre coût et de l’efficacité. L’ascension de la maison Dexia, pilotée par l’État et la CDC, puis sa chute sont le produit de ce processus.
Or il ne semble pas que l’on ait tiré les leçons de cette chute, puisque, crise – financière, sociale, et maintenant politique – ou pas, nous en sommes toujours au même point : face au risque d’une crise systémique. Contrairement à ce que l’on a pu nous dire, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires n’apportera pas de solution au problème.
Le temps qu’il a fallu pour réagir à cette situation de fragilisation globale est tout à fait frappant. En effet, tous ces produits exotiques ont été créés dans les années quatre-vingt-dix. Ils ont apparemment très bien marché pendant un certain nombre d’années, mais, dès 2005, on a commencé à réaliser qu’il y avait « le feu au lac », comme on le dit en Suisse.
En 2007, dans un article devenu célèbre, Michel Klopfer évoquait déjà des « bombes à retardement » ; mon collègue Éric Bocquet l’a indiqué tout à l'heure. Cependant, tout cela a continué.
En 2008, les États français, belge et luxembourgeois sont intervenus massivement pour sauver Dexia de la faillite. On a alors pu découvrir quelle était l’étendue des dégâts.
Pour autant, que s’est-il passé ? Pas grand-chose. On a nommé un « médiateur », en la personne d’Éric Gissler, auquel on doit la mise en place d’une Charte de bonne conduite entre les établissements bancaires et les collectivités locales. Cependant, on ne s’est doté d’aucune norme contraignante. Le problème était censé se régler tout seul.
Il aura fallu attendre la conclusion judiciaire des conflits en cours pour que l’État commence à bouger, d’abord à pas comptés et, maintenant, en recourant à la procédure accélérée. En bref, il a mis en place un fonds, initialement doté de 50 millions d’euros par an, qui a été porté, dans la loi de finances pour 2014, à 100 millions d’euros. Le Conseil constitutionnel ayant censuré les II et III de l’article 92, il a déposé un projet de loi tendant à revenir sur les décisions de justice qui ont été rendues.
Résultat : le nouveau système est aussi exposé que l’ancien au risque de crise systémique. En effet, et je veux insister sur ce point, quand on a mis en place, sur les ruines de Dexia, un nouveau système de financement des collectivités territoriales, on n’a rien trouvé de mieux que d’installer au cœur du système les emprunts toxiques, ces bombes à retardement héritées de Dexia. Cependant, on a construit un système de financement des collectivités territoriales qui est aussi vulnérable à la crise que l’ancien ! Cette manière de procéder ne me paraît pas du tout extraordinaire.
On attendait que les banques négocient. Elles ont refusé de le faire à des conditions acceptables. Dès lors, il a été fait appel au juge, lequel a rendu des décisions qui, apparemment, ne conviennent pas au Gouvernement.
En somme, on en est là parce qu’on a trop tardé à agir. Or je crains que l'on ne continue à tergiverser, alors même que le risque de faillite du dispositif n’a pas disparu !
Très bien ! sur les travées du groupe CRC.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Collombat.
L'amendement n° 11 est présenté par Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 1.
Selon moi, quatre raisons militent en faveur de la suppression de l’article 1er, comme, d'ailleurs, de l’article 2 et, au-delà, du projet de loi.
Premièrement, cet article vise à modifier la législation à la suite de décisions de justice qui ne conviennent ni au Gouvernement ni aux banques, alors même que des recours ont été formés sur la base de la législation existante et ne sont pas encore passés en force de chose jugée. Les effets de la loi seront donc rétroactifs ! De telles pratiques n’ont pas leur place dans un État tel que la France.
Deuxièmement, cette mauvaise manière envers la justice est aussi un coup bas porté aux collectivités et aux organismes publics, qui se trouvent ainsi privés, en plein contentieux, de leur principal argument face à des banques qui ont tout intérêt à gagner du temps.
D’aucuns ici ont affirmé que les collectivités pourront continuer à ester en justice et à demander réparation. Sauf que, chers collègues, l’un des arguments essentiels qui pourraient permettre de leur donner raison aura disparu ! On ne peut régler les problèmes réels que rencontre l’État sur le dos des collectivités, en les privant d’un argument essentiel dans leur recours devant les tribunaux. Ce point me paraît fondamental.
Au reste, le dispositif de l’article 1er est porteur d’une autre injustice : les collectivités et organismes responsables, qui « se sont mis dans le pétrin » sont considérés de la même façon que ceux qui ont été abusés par la banque, par défaut de conseil ou, parfois, par une présentation biaisée de la situation.
Troisièmement, si le but avoué de ce projet de loi est de pousser à une renégociation et à sortir du conflit, ce n’est pas en désarmant presque totalement l’une des parties que l’on y parviendra.
Quatrièmement, l’un de mes collègues a tout à l'heure fait une remarque tout à fait pertinente, réflexion que l’on retrouve dans le rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale : il semblerait que les autres banques ont été moins dures dans leurs négociations que Dexia ou la SFIL, alors même qu’elles n’ont pas été sauvées par l’État ! Cette attitude de Dexia ou la SFIL me semble tout à fait irrecevable.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l’amendement n° 11.
L’article 1er présente toutes les caractéristiques d’un simple article de validation législative, avec les défauts inhérents à l’exercice.
Il serait sans doute trop long de rappeler la jurisprudence du juge constitutionnel en la matière, les articles de validation s’attirant assez souvent les foudres de celui-ci, quel que soit le texte concerné.
Il convient tout de même de revenir quelques instants sur les considérants de la décision qui avait censuré l’article 92 du projet de loi de finances pour 2014. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, je considère que les éléments ayant justifié la censure de cet article justifient également la censure du présent texte.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous donner lecture des considérants 76 et 77 de la décision.
« Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ; que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie. »
« Considérant que l’article L. 313–2 du code de la consommation dispose que le taux effectif global déterminé comme il est dit à l’article L. 313–1, doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par ce même article ; que la mention du taux effectif global dans le contrat de prêt constitue un élément essentiel de l’information de l’emprunteur ; qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que l’exigence d’un écrit mentionnant le taux effectif global est une condition de la validité de la stipulation d’intérêts et qu’en l’absence de stipulation conventionnelle d’intérêts, il convient de faire application du taux légal à compter du prêt. »
Ces considérants avaient suffi au Conseil constitutionnel pour censurer les paragraphes II et III de l’article 92. Ils gardent pleine valeur aujourd'hui !
Nous sommes en présence d’un article qui tente d’empêcher l’éventuelle généralisation d’un cas d’espèce – la première décision rendue, dans l’affaire opposant la Seine-Saint-Denis à Dexia.
Où est l’intérêt général ? On peut se le demander ! D’ailleurs, cette question a été soulevée dans le rapport présenté par Jean Germain.
L’intérêt général deviendrait-il incompatible avec celui des habitants de la Seine-Saint-Denis, mais aussi de l’ensemble des communes et départements concernés, dont les impôts locaux pourraient ainsi croître du poids des remboursements de la dette structurée ? Devrait-il s’opposer à l’intérêt des autres localités confrontées aux mêmes difficultés financières ? Se résumerait-il à assurer l’équilibre des finances de l’État et le respect de ses engagements, et à assurer l’extinction en bon ordre de Dexia ? Ne devrait-il pas se préoccuper aussi de l’intérêt des collectivités territoriales, qui assument quand même une responsabilité vis-à-vis de la population de notre pays ?
Pour notre part, nous avons une autre conception de l’intérêt général. C’est pourquoi nous ne pouvons pas adopter l’article 1er du projet de loi et vous en proposons la suppression.
Comme je l’ai indiqué tout à l'heure, le vote d’une loi de validation est évidemment un acte grave, puisqu’il met en cause le principe de non-rétroactivité des lois, qui, normalement, ne disposent que pour l’avenir – à l’exception, justement, des lois de validation.
Or, si la loi pénale ne peut être rétroactive que si elle accorde des conditions plus favorables aux personnes concernées, le principe de la rétroactivité en matière civile est accepté, et depuis longtemps. Il n’entame pas le principe de la séparation entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif.
Mais il y a bien sûr des bornes – vous les avez rappelées, madame Beaufils – : le contrôle du juge constitutionnel ainsi que celui de la Cour européenne des droits de l’homme. Et, il y a trois mois, le juge constitutionnel a durci les conditions de cette rétroactivité en exigeant un motif d’intérêt général impérieux, et non plus seulement un juste intérêt général.
Je l’ai dit tout à l’heure, la commission considère que 17 milliards d’euros de risque est un intérêt général impérieux. Je ne suis donc pas d’accord avec la présentation qui vient d'être faite.
Par ailleurs, je pense que les collectivités territoriales conservent, après cette validation législative, la possibilité d’introduire des instances judiciaires pour tout motif, hormis l’absence du TEG ou son irrégularité. On en verra certainement l’illustration.
Vous l’aurez compris, l’avis de la commission sur les amendements n° 1 et 11 est donc défavorable.
L’analyse juridico-constitutionnelle du rapporteur étant éloquente, je serai bref.
Dans ce texte, le Gouvernement a tiré les enseignements de la décision dont vous avez cité deux considérants, madame Beaufils. Les collectivités pourront toujours ester en justice au motif d’un défaut d'information et de conseil ou pour tout motif autre que celui d’une absence de TEG – son origine a été rappelée, il n’est pas forcément en rapport avec les contrats qui nous occupent.
Ce n’est jamais de gaieté de cœur, si j’ose dire, que le Parlement procède à des validations juridiques. Cependant, le risque financier, que nous estimons à 17 milliards d’euros – certains pensent que c'est moins, mais d’autres pensent que c'est plus –, constitue une menace très importante pour l’équilibre budgétaire, sans parler de ce qui a été dit à propos du risque systémique pesant sur l’ensemble du secteur ou des difficultés d’accès au crédit pour les collectivités territoriales.
Concernant ce dernier problème – je n’ai pas répondu, tout à l'heure, à quelques interpellations sur le sujet –, après des années difficiles, je crois que la situation s'est plutôt stabilisée, avec un certain équilibre entre l’offre et la demande pour le financement des collectivités territoriales.
Évidemment, le Gouvernement est défavorable à ces amendements, qui, d’ailleurs, vident le texte de sa substance – j’aurais pu commencer par là et reprendre, pour aller au fond, l’ensemble des arguments défendus depuis le début de notre discussion de cet après-midi.
Je voterai bien sûr ces amendements. Et s'ils n’étaient pas adoptés, de même que l’ensemble de mon groupe, je ne voterai pas l’article 1er, qui est effectivement le cœur de ce projet de loi.
À plusieurs reprises, on a rappelé les considérants du Conseil constitutionnel dans sa décision de fin décembre. On a également évoqué le principe d’antériorité, qui, d’une façon plus générale, pose tout de même un problème délicat – vous en avez parlé tout à l'heure, monsieur le secrétaire d’État, au sujet de l’intervention de Mme Beaufils, qui revenait beaucoup sur l’histoire. S'il est remis en question, cela ne doit pas faire oublier l’histoire, lorsqu’elle peut être intéressante… Quant au motif d’intérêt général, dont on a aussi parlé, il reviendra au Conseil constitutionnel de se prononcer. Un but d’intérêt général – comme vous le soutenez depuis le début, monsieur le secrétaire d’État – justifie-t-il la mesure ?
Vous estimez le risque aux alentours de 17 milliards d’euros – c’est peut-être plus, ou peut-être moins. L’avenir le dira. Mais il est un peu facile, aujourd'hui, de nous annoncer une somme dont nous ne maîtrisons pas complètement le calcul puisque les procédures judiciaires ne sont pas parvenues à leur terme et qu'un certain nombre de collectivités susceptibles de saisir la justice ne l’ont pas encore fait. Nous en restons donc à des spéculations.
Je souhaite également revenir sur certains propos. Finalement, ce ne sont pas les collectivités qui ont créé les emprunts toxiques ; elles n’en sont pas responsables. J’entends le souci d’équilibre qui est le vôtre, monsieur le secrétaire d’État : vous êtes responsable du budget de l’État au Gouvernement. Quand vous parlez de réduire la dépense publique, c'est uniquement au niveau du budget de l’État. Mais in fine, les collectivités, les hôpitaux publics, les offices publics d’HLM, c'est aussi de la dépense publique ! Et même si les procédures en cours doivent s'arrêter, si elles sont rendues impossibles en vertu de la rétroactivité de la loi, cette dépense publique sera engagée…
Pour information, dans ma commune d’Unieux – située dans la Loire, elle comprend un peu moins de 9 000 habitants –, le conseil municipal a décidé unilatéralement en 2012 de ne pas payer à Dexia l’augmentation des taux d’intérêt. En effet, cette augmentation représentait le coût de treize emplois municipaux, ou celui du déneigement pour une saison en cas de forte neige, ou encore celui du fonctionnement du périscolaire – et la question des rythmes scolaires n’était pas posée à l’époque…
Je crois donc que des sommes considérables sont en jeu, qui doivent effectivement être prises en compte. Dans beaucoup des collectivités concernées, – cela a été rappelé dans un très bon ouvrage intitulé Dexia, une banque toxique – les agents de Dexia faisaient partie de la vie des élus et avaient leur pleine confiance. Dire aujourd'hui, de façon rétroactive, que ce n’est en définitive pas grave si le TEG n’est pas inscrit, c'est finalement accepter que ces personnes aient eu toute puissance sur les élus et reconnaître qu’elles ont pu faire signer à ces derniers un certain nombre de prêts dont ils ne maîtrisaient pas l’ensemble des tenants et aboutissants. Cela pose problème car quand on ne connaît pas l’ensemble des taux la situation est inégale entre celui qui fait signer et celui qui paiera.
Ainsi, je ne pense pas qu’en ne votant pas ces amendements – comme les interventions de ce début d’après-midi me le font supposer – et en votant cet article 1er, le Sénat, qui entend défendre les collectivités locales et les élus locaux, tienne vraiment son rôle. Aujourd'hui, ces collectivités attendent de nous autre chose que ce projet de loi.
La question du manquement à l’état de droit, l’intrusion du législatif – je devrais dire plutôt de l’exécutif – dans le judiciaire ne semblant pas susciter la passion ni poser de problème, je n’insisterai pas.
Je reviendrai sur deux points qui me paraissent plus que problématiques.
D’abord, le traitement de faveur que le Gouvernement réserve aux organismes bancaires est d’autant plus incompréhensible que, à quelques exceptions près qui ont été évoquées tout à l’heure, ces derniers – Dexia en tête – ont failli à leur devoir de conseil. Je cite quelques courts passages du rapport de la Cour des comptes de 2011 :
« En définitive, le succès des emprunts dits « structurés » auprès des collectivités et établissements publics locaux et des hôpitaux semble avant tout dû à une stratégie commerciale efficace des établissements financiers, centrée sur des produits permettant d’opacifier la concurrence et de reconstituer des marges. »
« Les établissements de crédit qui ont conçu ces produits et les commercialisent ne donnent pas les informations financières nécessaires à la connaissance de leurs coûts. »
« Des informations exagérément optimistes, voire erronées, ont été données aux emprunteurs, leur garantissant une quasi-absence de risque ou bien que l’évolution de l’index leur serait nécessairement favorable. »
La Cour des comptes n’a tout de même pas l’habitude d’écrire ce genre de généralités si cela ne procède pas d’un travail approfondi.
En sanctionnant l’absence de mention de taux effectif global, du taux de période ou de la durée de période, le juge a considéré que ces informations étaient nécessaires à l’appréciation du coût réel final des prêts, qui est le véritable problème.
Comme la Cour des comptes, et à la différence du Gouvernement, le juge a considéré qu’il ne s'agissait pas là d’une étourderie ou d’une faute vénielle – comme l’article 2 le laisse entendre –, mais d’une faute essentielle, c’est-à-dire une absence d’information nécessaire pour prendre le risque.
Le Gouvernement se justifie – on l’a dit – en prédisant rien de moins qu’un risque pour l’économie et le système bancaire. Monsieur le secrétaire d’État, vous me disiez tout à l'heure que cela n’était pas vrai. Pourtant, d’après l’étude d’impact, « l'impact sur l'économie française en cas d'absence de validation serait d'autant plus important que le secteur bancaire dans son ensemble connaîtrait également des pertes significatives. »
Il y aurait donc des problèmes avec notre économie, des problèmes avec le système bancaire et, avec la dégradation de la capacité de la CAFFIL à lever des fonds, des difficultés de financement des collectivités territoriales elles-mêmes – c'est écrit en toutes lettres. Il y aurait même, nous laisse-t-on entendre, un renforcement de l’austérité budgétaire, car il faudrait bien, pour faire plaisir à Bruxelles, dégager des économies ailleurs.
L’autre point sur lequel je voudrais revenir est celui de l’évaluation du risque, estimé à 17 milliards d’euros. Vous me permettrez de ne pas être complètement convaincu par ce chiffrage. Différentes indications nous sont données, sans que l’on sache vraiment à quoi elles peuvent correspondre.
Ce qui me semble le plus important, ce sont les contreparties qu’il faudrait verser aux banques de couverture – là est le fond du problème. Quand on regarde les coûts, c'est à peu près l’équivalent ou les trois quarts du capital restant dû.
Si, dans cette affaire, l’essentiel du coût final dépend de ce que l’on accepte de verser aux banques de couverture, aux banques de compensation, alors il faut négocier avec elles, voire les traîner devant les tribunaux pour leur demander si les swaps qu’elles ont convertis sont licites. La ville de Paris, par exemple, a demandé l’annulation d’un swap de la Royal Bank of Scotland, et elle a gagné. Même si c'est en référé, même si le juge ne s'est pas prononcé sur le fond, le tribunal a décidé que la licéité de la couverture d’un contrat renvoie à la licéité de ce dernier. Peut-on garantir un contrat qui ne serait pas licite ?
Au lieu d’empêcher la poursuite des actions judiciaires, il me semble plus équitable, et moins mauvais sur le plan pratique, d’aller devant les tribunaux. Laissons la justice faire son travail !
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 1 er est adopté.
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, est validée la stipulation d’intérêts prévue par tout écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi entre un établissement de crédit et une personne morale de droit public, en tant que la validité de cette stipulation serait contestée par le moyen tiré de la mention d’un taux effectif global, d’un taux de période ou d’une durée de période qui ne sont pas déterminés conformément à l’article L. 313–1 du code de la consommation, dès lors que cet écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant indique de façon conjointe :
1° Le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts ;
2° La périodicité de ces échéances ;
3° Le nombre de ces échéances ou la durée du prêt.
Lorsqu’un écrit tel que celui mentionné au premier alinéa mentionne un taux effectif global inférieur au taux effectif global déterminé conformément à l’article L. 313–1 du code de la consommation, l’emprunteur a droit au versement par le prêteur de la différence entre ces deux taux appliquée au capital restant dû à chaque échéance.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Collombat.
L'amendement n° 12 est présenté par Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 2.
Cet amendement est la suite logique de l'amendement n° 1. Je serai bref, puisque les arguments qui valaient pour celui-ci valent également pour le présent amendement.
La touche nouvelle, avec l’article 2, indique l’exposé des motifs, c’est de « mieux proportionner les conséquences financières d’une erreur de TEG à l’éventuel préjudice subi par l’emprunteur ».
Présenter comme une « erreur » une stratégie de vente volontaire – ce qui ressort clairement du rapport de la Cour des comptes que j’ai cité – est pour le moins quelque peu rapide. Même si c’est le cas, le rôle du législateur est-il de couvrir les erreurs des banques aux frais de leurs clients ? Je ne le pense pas. Celles-ci ne manquent d'ailleurs pas de collaborateurs qualifiés et généralement fort bien payés.
Je le répète, on se demande ce que le Gouvernement et les experts ont pu faire depuis 2008 pour que le système financier français en général et le système de financement des collectivités territoriales et du secteur public en particulier restent à la merci d’omissions, d’erreurs vénielles, dans la rédaction de documents contractuels habituels ou de jugements de tribunaux.
Encore une fois, la moins mauvaise solution dans cette affaire – pour laquelle il n’y a pas de bonne solution –, me semble-t-il, c’est de laisser la justice décider de ce qui constitue ou non une dissymétrie d’information suffisante pour sanctionner le prêteur ou celui qui a contracté le prêt.
Tel est le sens de cet amendement de suppression.
À travers cet article de validation législative, il s’agit, dans les faits, d’éviter la prolifération de ce que l’on pourrait appeler « la jurisprudence Saint-Maur-des-Fossés », puisque le motif retenu pour la constituer fut celui du taux effectif global erroné et, par voie de conséquence, la stricte application du taux d’intérêt légal.
Ainsi donc, l’intérêt général serait, dans le cas précis, après avoir tenté de priver les collectivités locales du droit d’ester en justice – c’est le fondement du fonds de soutien, qui ne peut être mobilisé qu’à raison du renoncement à toute poursuite à l’encontre du créancier présumé fautif –, de limiter les cas dans lesquels le bon droit des mêmes collectivités serait respecté.
L’impossibilité de défendre ses intérêts est une violation du principe constitutionnel de libre administration et un exemple éclairant sur la conception que certains se font parfois de l’intérêt général.
Qu’avons-nous d’ailleurs à y gagner ? Le rapport et l’étude d’impact, laquelle vient d’être citée, évoquent, avec une certaine gravité, un impact de 17 milliards d’euros pour l’ensemble des dossiers d’emprunts structurés qui nécessiteraient un provisionnement.
A-t-on simplement remarqué qu’en organisant les conditions d’une forme d’amnistie bancaire – qui semble d'ailleurs poser beaucoup moins d’états d’âme que l’amnistie sociale des militants syndicaux dont il fut question ici voilà quelques mois – on ne fait que déplacer une partie de la charge de ces fameux 17 milliards d’euros du compte de l’État vers celui des collectivités locales ?
En outre, structurellement, au sens de nos engagements européens, c’est exactement la même chose, puisque la dette publique comprend autant celle de l’État que celle des collectivités locales. La seule différence, en dernière instance, c’est que l’un peut laisser relativement courir son déficit budgétaire – et probablement imputer ces 17 milliards d’euros à un déficit de caractère conjoncturel – et que les autres sont tenues de présenter des comptes à l’équilibre tant en fonctionnement qu’en investissement.
La validation législative qui nous est ici proposée est donc un pur transfert de charges faisant de fait et de manière indirecte participer en quelque sorte « à l’insu de leur plein gré », selon l’expression devenue fameuse, les collectivités locales à l’extinction de Dexia.
Le problème, c’est qu’un tel transfert de charges n’a pas grand-chose à voir avec l’intérêt général et a beaucoup plus à voir, si l’on peut dire, avec les commodités d’une situation devenue par ailleurs assez inconfortable pour l’État ; un État dont nous savons pertinemment qu’il est aujourd’hui engagé dans un mouvement de réduction de son déficit budgétaire tant structurel que conjoncturel. À partir de ce postulat, tout fait le compte pour parvenir à l’objectif.
L’intérêt général serait-il donc de sacrifier la situation financière de quelques communes endettées, de plusieurs hôpitaux aujourd’hui dans l’incapacité de répondre aux attentes de leurs patients, de syndicats et d’établissements intercommunaux aux ressources asséchées sur l’autel des critères de convergences du traité budgétaire européen ? Tout cela pour conduire à reconnaître irresponsables les dirigeants d’une banque en faillite, et à laisser les financiers qui ont tiré parti, usé et abusé des éléments de couverture des emprunts structurés apprécier l’importance de leurs plus-values !
Ces deux amendements de suppression de l’article 2 sont évidemment le pendant des amendements de suppression de l’article 1er, j’y serai donc défavorable pour les mêmes motifs.
Je voudrais ajouter qu’il n’y a point d’autorité en force de chose jugée en l’occurrence. Sinon, il ne pourrait y avoir de projet de loi de validation. Il n’y a qu’une décision de première instance et l’on ignore quelle sera la décision en appel. Je souligne que les collectivités territoriales pourront continuer à déposer des recours, sauf sur le motif de l’absence de TEG ou de TEG erroné. C’est tout de même un point important qu’il convenait de signaler.
Faute de loi de validation, je l’ai dit tout à l’heure, les commissaires aux comptes demanderaient immédiatement que le risque financier soit provisionné. C’est là que nous connaîtrions vraiment le risque ! En tout cas, plusieurs milliards d’euros devraient être inscrits au bilan de Dexia et de la SFIL. Si l’activité bancaire de la SFIL était insuffisante pour couvrir ce risque, il faudrait que l’État intervienne. Or l’Union européenne nous l’interdirait, parce qu’elle a accepté la SFIL à condition qu’elle exerce des activités bancaires normales. On peut considérer que c’est un oukase intolérable de la part de l’Union européenne, mais il n’empêche que c’est l’état de droit.
C’est la raison pour laquelle je conclurai sans me référer au Tour de France et au dangereux exemple auquel vous avez fait allusion en citant l’expression « à l’insu de mon plein gré », car quel exécutif de collectivité territoriale aurait accepté de se « doper » financièrement ? §crois que c’est impossible.
Je voudrais avancer un certain nombre d’arguments, même si je sens bien qu’ils ne convaincront pas l’intégralité des parlementaires présents.
On invoque les banques… Mais, à tort ou à raison, en 2008, le Gouvernement a demandé au Parlement de financer Dexia. De mémoire, je n’étais député que depuis peu, la commission des finances de l’Assemblée nationale s’était réunie en urgence, à la demande de Mme Lagarde, alors ministre, qui nous avait demandé d’accepter un amendement de dernière minute d’un montant de 1 milliard d’euros afin d’éviter l’apocalypse. Parallèlement, la Caisse des dépôts et consignations investissait quelque 2 milliards d’euros dans Dexia.
En 2011, un autre gouvernement décidait de poursuivre l’aventure et de remettre au pot – on pourra juger l’histoire lorsqu’on en connaîtra la fin… La quasi-totalité des emprunts se trouve ainsi détenue par deux structures, Dexia et la SFIL, où l’État soit est actionnaire, soit garantit les autres actionnaires.
Telle est la situation dont nous héritons. Alors, je ne verse pas de larmes sur les dirigeants qui ont conduit à cette situation – je me suis exprimé, en d’autres temps, sur le sujet. Je ne verse pas non plus de larmes sur les collectivités qui auraient pu s’engager sciemment dans une aventure dont elles paient aujourd’hui les conséquences. Je ne sais toutefois pas faire le tri entre celles qui ont été abusées – il y en a beaucoup ! – et celles qui voulaient profiter d’une aubaine §et s’en trouvent aujourd’hui marries. Pour ces dernières, il convient en outre d’opérer la distinction entre ceux qui ont pris la décision et ceux qui la supportent aujourd'hui, qui ne sont pas forcément les mêmes…
Certains d’entre vous remettent régulièrement en doute le risque évalué à 17 milliards d’euros, mais, comme j’ai tenté de l’expliquer à la tribune, certains organismes considèrent au contraire qu’une partie de cette somme serait sous-estimée. La prudence dans la gestion nous commande de dire à la représentation nationale que nous avons identifié un risque estimé à 17 milliards d’euros, dont une partie à court terme et une autre à plus long terme. Celui-ci se double d’un risque systémique, que certains dénient et que nous, nous mettons un peu moins en avant, pour des raisons de présentation par rapport à l’impérieuse nécessité évoquée tout à l’heure.
Voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous n’amnistions ni ne sauvons les banques ! Nous sommes engagés, pour environ 17 milliards d’euros, dans deux structures. Si cela se passe mal, c’est le budget de l’État qui le supportera. Nous n’avons pas d’autre choix. Nous ne sommes pas en train de sauver tel dirigeant ou tels actionnaires de banque. Nous nous sauvons nous-mêmes, si j’ose dire !
Vous comprendrez, dans ces conditions, que le Gouvernement soit défavorable à ces deux amendements de suppression de l’article 2.
Je voudrais revenir sur trois points.
D’abord, le problème auquel nous sommes confrontés n’est pas né en 2008 ; il est l’aboutissement d’un ensemble de transformations, toujours dans la même direction, d’alternance en alternance, permettant de financer très facilement les collectivités territoriales, apparemment beaucoup mieux qu’avec les systèmes vétustes… De ce point de vue, malheureusement, je pense que les responsabilités sont partagées.
Ensuite, ce qui me frappe, c’est le discours selon lequel nous serions confrontés à une mécanique implacable contre laquelle nous ne pouvons rien ! Nous ne pourrions que nous soumettre parce que les experts financiers, qui sont aussi les concepteurs de ce système, nous disent que nous sommes obligés de provisionner ! Nous devons également respecter nos accords avec Bruxelles.
Enfin, je constate que l’état de droit est parfois un peu de travers. Lorsqu’il s’agit de modifier la loi pour minimiser les pertes d’organismes financiers, en l’occurrence l’un où l’État est majoritaire, on n’a pas tellement d’états d’âme. En revanche, pour ce qui est de résister à cette mécanique implacable, c’est que l’on ne peut pas faire autrement, qu’il n’y a pas d’autre solution ! C’est un petit peu fort. L’impression qui domine c’est effectivement qu’il n’y a pas d’autre solution. La balance penche toujours du même côté. On va essayer de faire en sorte que le système bancaire essuie le moins de pertes possible dans cette affaire ; quant aux collectivités, ma foi, elles n’auront qu’à subir, elles ont l’habitude…
Les questions que nous nous posons aujourd’hui découlent pour beaucoup de la pratique de Dexia. Je rappelle cependant que Dexia n’était pas la seule banque à proposer des emprunts structurés.
Par ailleurs, plusieurs autres pays européens ont été confrontés au même type de problème. Je voudrais revenir sur cet aspect, parce que c’est bien la conception même du système qui nous pose aujourd’hui problème, système qui est également porté par la conception de la construction européenne.
Pourquoi la BCE ne pourrait-elle accompagner les prêts des collectivités territoriales comme elle l’a fait pour ceux du secteur bancaire, à des conditions financières bien plus favorables que celles qui sont proposées aujourd’hui dans le cadre de la renégociation des prêts structurés ? En effet, pour renégocier les prêts qui leur ont été faits, la SFIL, nous dit-on, doit aller se refinancer sur le marché financier dans des conditions très onéreuses, conditions que vous comptabilisez dans ces 17 milliards d’euros.
En partie, j’entends bien, monsieur le secrétaire d’État. Mais c’est tout de même une des causes du problème qui est posé !
Pour quelle raison ne pourrions-nous solliciter la capacité de prêt de la BCE afin d’obtenir de meilleures conditions ? Il s’agit d’un vrai sujet, que j’ai abordé lors de mon intervention en discussion générale et sur lequel on ne m’a, pour le moment, pas répondu, et c’est pourquoi nous ne sommes pas partisans de ce texte, tel qu’il nous est proposé aujourd’hui.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 2 est adopté.
(Non modifié)
Sont exclus du champ de la présente loi les écrits constatant un contrat de prêt ou un avenant comportant un taux d’intérêt fixe ou un taux d’intérêt variable défini comme l’addition d’un indice et d’une marge fixe exprimée en points de pourcentage. –
Adopté.
L'amendement n° 5, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 92 de la loi n° 2013–1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, après le mot : « locaux », sont insérés les mots : «, aux organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 422–2 du code de la construction et de l'habitation ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
Dans un délai de huit mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur la réforme du taux effectif global.
Ce rapport s'attachera à proposer, au regard des jurisprudences récentes, des évolutions permettant de garantir l'information et la protection des emprunteurs professionnels ou personnes morales, en examinant notamment la possibilité d'obliger les prêteurs à indiquer le taux effectif global maximum que l'emprunteur pourrait être amené à payer –
Adopté.
L'amendement n° 3, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Après l'article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 2224 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les actions en matière de contrat de prêts, ce délai est éventuellement augmenté des périodes de renégociations engagées entre les parties. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Il s’agit en quelque sorte d’une annexe à ce projet de loi.
Le délai de prescription en matière civile étant de cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer un recours, il s’agit d’éviter qu’en s’éternisant les négociations entre emprunteurs et organismes financiers n’interdisent tout recours contentieux en cas d’échec.
En effet, tout va dépendre de la capacité à trouver un accord pour sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons.
Je ne suis pas favorable à cet amendement pour deux raisons.
Premièrement, dans le cadre de la législation actuelle, les collectivités locales ont signé des avenants à ces contrats de prêt – 2008, 2009 et 2010 – et la prescription quinquennale est suffisante.
Deuxièmement, pour le motif sur la base duquel les collectivités territoriales pourront engager la responsabilité de l’organisme bancaire, le conseil ou le défaut de conseil, la prescription quinquennale n’existe pas.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 6, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet annuellement au Parlement, avant le 1er octobre de l'année, un rapport qui s'attache à :
- faire état de la situation financière du groupe Dexia ;
- délivrer une information complète sur l'encours connu d'emprunts structurés en France ;
- dresser le bilan d'activité du fonds de soutien aux collectivités surendettées ;
- faire l'état des lieux du contentieux engagé par les collectivités territoriales en rapport avec les dispositions de la présente loi.
La remise de ce rapport peut faire l'objet d'une déclaration en séance publique à l'Assemblée nationale et au Sénat du ministre des finances.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
Cet amendement vise à ce qu’un rapport gouvernemental faisant le point complet sur l’utilisation du fonds de soutien, ainsi que sur la situation des collectivités, de Dexia et des autres prêteurs – qui ont aussi leur part de responsabilité – soit remis chaque année au Parlement. Je sais qu’un certain nombre de rapports sont déjà prévus par les textes, mais cette idée me semble intéressante.
Cela me donne aussi l’occasion de demander à M. le secrétaire d’État des nouvelles du sort des dirigeants de Dexia
M. François Trucy opine.
J’aimerais savoir ce que sont devenus ces hauts fonctionnaires, qui ont sans doute réintégré leurs anciennes administrations, et quel fut le sort de ces primes. Ont-elles été récupérées ou non ? J’avais déjà posé cette question à l’époque.
Il me semblerait intéressant, compte tenu de la difficulté de la question dont nous traitons aujourd’hui, de pouvoir disposer chaque année d’un rapport faisant une analyse complète de la situation.
Mon amendement dispose que « la remise de ce rapport peut faire l’objet d’une déclaration en séance publique » ; je me demande s’il ne faudrait pas écrire que ce rapport « doit » faire l’objet d’un débat sur la situation des collectivités, des prêteurs, de Dexia et de l’engagement de l’État.
La demande de notre collègue est juridiquement satisfaite par l’article 32 de la loi bancaire qui prévoit la remise d’un rapport sur la situation des collectivités territoriales, l’article 4 de la loi de finances rectificative de novembre 2011 qui prévoit de faire un rapport sur la situation financière de Dexia et l’article 92 de la loi de finances pour 2014 qui prévoit la remise d’un rapport sur l’activité du fonds de soutien.
Votre demande étant satisfaite, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Delahaye.
M. le secrétaire d’État pourra sans doute nous dire que si ces rapports n’ont pas été déposés – ce qui est regrettable pour l’information du Parlement –, ce n’est qu’une question de temps…
Le rapport prévu à l’article 32 de la loi bancaire a déjà été évoqué.
Le comité d’orientation et de suivi mis en place par la loi de finances pour 2014 est également chargé de publier « un rapport annuel, remis au Gouvernement et au Parlement, sur les aides versées ».
Enfin, une information détaillée est fournie sur la mise en œuvre de la garantie accordée à Dexia dans le cadre du rapport annuel de performance – RAP – de la mission budgétaire « Engagements financiers de l’État », une section de l’annexe du compte général de l’État étant d’ailleurs consacrée au suivi du plan de soutien à Dexia.
Je pense donc, monsieur le sénateur, que votre souci est parfaitement satisfait sur ce point.
Je vous remercie de vouloir prendre des nouvelles des dirigeants de Dexia
Sourires.
À ma connaissance, les analyses juridiques auxquelles ont procédé mes prédécesseurs – je ne pense pas aux deux derniers, mais à ceux d’avant – ont montré– c’est tout du moins la version qui m’a été fournie à l’époque où j’étais parlementaire – que les conditions des contrats prévoyant ce à quoi vous avez fait allusion étaient difficilement contestables. Il semblerait, mais je pourrai le vérifier à l’occasion, que ces analyses soient confirmées.
Je prends bonne note de ce qui vient d’être dit.
Vous aurez bien compris que je ne m’inquiétais pas trop du sort des dirigeants de Dexia, mais que je souhaitais simplement m’assurer que l’État actionnaire ne renouvelle pas ce genre de contrats. Surtout s’agissant d’une gestion dont on peut penser qu’elle n’a pas été parfaite, loin de là. Alors que nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation qui nous impose de nous livrer à des acrobaties pour éviter des milliards d’euros de pertes, je pense que les dirigeants en question devraient en supporter un minimum de conséquences, ce qui ne me semble pas du tout être le cas.
J’espère donc que les contrats des futurs dirigeants de sociétés dont l’État est actionnaire seront dorénavant regardés d’un peu plus près, c’est en tout cas ce que je souhaite.
Je savais déjà qu’un certain nombre de rapports étaient prévus en l’occurrence. Il serait bon qu’une synthèse en soit élaborée de façon à offrir une vision complète de la situation des collectivités, des institutions financières et de l’État. Cela permettrait aux parlementaires que nous sommes de voir plus clair sur ce dossier assez compliqué.
Comme le demandent M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur, je retire mon amendement.
Je veux simplement préciser que le gouvernement français a demandé et obtenu une baisse de la rémunération des dirigeants actuels de Dexia, suite à la parution d’informations qui avaient choqué – à juste titre – beaucoup de monde.
L'amendement n° 4, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi d’amnistie des organismes de crédits condamnés pour infraction à l’article L. 313–2 du code de la consommation.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Toutefois, j’aime bien que les choses soient dites et c’est bien d’amnistie pour des contractants n’ayant pas satisfait aux règles dont il est question ici. Je pense que c’est plus clair en le disant.
On nous a expliqué qu’il y a des raisons d’intérêt général à cela, nous avons assisté à des plaidoiries brillantes aujourd’hui et je ne me fais pas de souci pour l’issue du vote. Néanmoins, il ne faudra pas non plus trop s’étonner si nos électeurs ont de plus en plus de mal à comprendre.
Dès lors, disons les choses comme elles sont ! Je propose de dire la vérité et d’expliquer pourquoi nous ne pouvons faire autrement – ce dont je ne suis pas persuadé, à l’inverse de ceux qui défendent ce projet de loi – et pourquoi nous nous retrouvons pieds et poings liés. Ce n’est pas la peine de donner aux textes des titres ronflants qui ne correspondent pas du tout à la réalité ni aux intentions.
Nouveaux sourires.
Je vais profiter du fait qu’il s’agisse du dernier amendement pour saluer la qualité des débats sur un sujet dont on a dit qu’il était difficile, complexe.
Nous pensons avoir présenté un texte équilibré. D’autres ont une appréciation différente, ce qui peut être légitime.
S’agissant de l’avis sur cet amendement, je terminerai en disant que le Gouvernement ne cède pas à la provocation. §
Je dirai un mot de commentaire en réaction à cette amicale provocation. Le terme « amnistie » ne peut nous laisser insensibles : il s’agit d’un mot qui chatouille un peu, qui agace peut-être, qui choque parfois.
La Gazette des communes a révélé un rapport confidentiel de l’Inspection générale des finances rédigé en juin 2012 évaluant les risques financiers pesant sur une reprise de la filiale Dexia Municipal Agency, ou DexMa. Ce rapport fixe la politique à tenir pour l’État à partir d’une vision de la réalité que d’aucuns trouveraient très discutable : il « impute sans aucune audition préalable, ni aucune étude de cas argumentée, la responsabilité de la situation aux collectivités concernées et absout aussi bien Dexia que l’ensemble des autorités de tutelle et de contrôle, comme cela a été dit. Il fait litière des rapports antérieurs, de la Cour des comptes comme de la commission d’enquête parlementaire […] Il passe également sous silence les jugements déjà rendus par plusieurs tribunaux en faveur de certaines collectivités. »
Absolution pour les banques, pénitence pour les collectivités pécheresses… Mes chers collègues, le débat montre bien que les collectivités en France n’ont pas échappé aux folles dérives de la finance mondiale. Notre groupe pense que les responsabilités principales, nous l’avons dit, sont à chercher essentiellement du côté des établissements de crédit. Quand un boucher vend de la viande avariée, faut-il rechercher la responsabilité du client intoxiqué ?
Applaudissements sur les travées du groupe CRC . – MM. Roland Courteau, Claude Dilain et Georges Labazée applaudissent également.
Au-delà de la provocation, il me semble que l’amendement résume bien la manière dont ce texte est perçu par un certain nombre d’élus locaux, de tous bords, confrontés aujourd’hui à la question de la gestion, donc du devenir, de leurs collectivités, qui ont contracté des emprunts structurés : quelles que soient les conditions dans lesquelles ces opérations ont été réalisées, il leur appartient aujourd’hui de les assumer.
Par notre amendement n° 10, nous avons avancé des propositions visant à mettre les banques à contribution, mieux et plus, afin qu’elles participent à cet effort de prise en compte des difficultés auxquelles ont aujourd’hui à faire face les collectivités locales, les hôpitaux et les offices publics d’HLM. Cet amendement n’a pas été retenu, et je le regrette.
À l’issue de cette discussion, durant laquelle se sont exprimés différents avis, nous gardons le sentiment que l’on tend à excuser les banques plutôt qu’à les sanctionner.
Il ressort clairement du débat qu’il existe deux catégories de collectivités : celles qui ont sciemment contracté ces emprunts et les autres - comment juger ? Nous le savons toutes et tous ici : la grande majorité des collectivités aujourd’hui concernées n’ont pas choisi sciemment ces produits. Voilà pourquoi la démarche qui consiste à nous proposer ce texte en tirant argument des quelques collectivités qui, elles, ont sciemment contracté ne nous convainc pas.
C’est un tout autre texte qu’il aurait sans doute fallu écrire, pour permettre de juger et de condamner ceux qui, sciemment, ont mis en péril les politiques menées par leur collectivité territoriale pour leurs concitoyens, plutôt que de placer tout le monde dans le même paquet et de faire payer à tous la faute de quelques-uns !
Cela me rappelle les débats que j’ai vécus comme élue étudiante, autour de la gratuité de la sécurité sociale étudiante : elle serait impossible à mettre en place, car certains pourraient usurper le statut pour bénéficier d’avantages indus. Parce que donc quelques-uns pourraient détourner le dispositif à leur profit, on se refuse à en faire bénéficier le plus grand nombre…
Nous connaissons bien notre collègue Pierre-Yves Collombat, et son amendement est certainement provocateur, mais il me paraît également très révélateur de la manière dont ce texte risque in fine d’être ressenti par les élus locaux, les administrateurs des offices publics d’HLM et des hôpitaux.
L'amendement n'est pas adopté.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
Au risque de vous sembler un peu répétitif, mes chers collègues, je vous propose, en conclusion, un petit résumé des arguments que nous avons essayé de développer, sans rencontrer grand écho, j’en conviens volontiers. Mais nous nous reverrons !
M. Pierre-Yves Collombat. Oui, nous nous reverrons, car je ne suis pas persuadé que la méthode consistant, au cas par cas, à écoper la barque qui prend l’eau, soit la bonne. Nous devrons bien un jour nous décider à prendre des mesures un peu plus… radicales, comme il est normal de le proposer pour un membre du groupe du RDSE !
Sourires.
Ne pas voter ce projet de loi, nous dit le Gouvernement, serait exposer le pays en général, et les collectivités territoriales en particulier, à des difficultés de grande ampleur.
La première question est évidemment celle de savoir qui donc est responsable de cette situation.
Ce sont d’abord ceux qui ont laissé s’installer et perdurer un système d’une telle vulnérabilité que quelques jugements de tribunaux de grande instance peuvent le mettre en péril. Je trouve en particulier un peu fort que le système mis en place sur les ruines de Dexia pour le financement des collectivités territoriales soit aussi vulnérable à ce genre d’aléas que le précédent. Quelle idée d’aller loger les actifs toxiques de Dexia, qui sont autant de bombes à retardement, dans ce nouveau système !
Bien entendu, nous nous retrouvons en position de faiblesse, en position d’otages, même, par rapport à la sphère financière. Ce qui me fascine, et me pose question, c’est que, sachant tout ce que l’on sait, on continue à développer les mêmes arguments…
Responsables de la situation, non moins évidemment, ce sont ensuite les organismes financiers, beaucoup plus que les collectivités locales, même si, ici ou là, on peut relever des attitudes un peu bizarres. J’ai cité les prédécesseurs de mon collègue Maurice Vincent, exemple assez célèbre : certains comportements sont tout simplement répréhensibles.
Tout de même, en s’en tenant au rapport de la Cour des comptes et aux jugements prononcés, il y a eu, dans cette affaire, sinon dissimulation volontaire, au moins absence d’information suffisante sur le coût final des prêts merveilleux que Dexia et les autres distribuaient.
Mais, deuxième question, qui, précisément, est le mieux placé pour apprécier le degré de responsabilité des uns et des autres ? J’ai toujours la faiblesse de penser que c’est le juge ; en l’occurrence, il tranchera et fera peser la responsabilité plutôt sur la collectivité ou plutôt sur l’organisme bancaire.
Or le but du projet de loi est clairement de mettre les banques à l’abri de toute responsabilité, contre une participation, somme toute assez modeste, de 50 millions d’euros. Notre collègue Éric Bocquet rappelait, en défendant l’amendement n° 10, les bénéfices sur un an de la plus grande banque française : au regard de ses 2 000 milliards d’euros d’actifs, cela fait assez peu, mais, comparé à ces malheureux 50 millions d’euros, cela représente des sommes colossales.
Ce projet de loi va également à l’encontre de ce qui est habituellement recherché : parvenir à des accords entre les parties. Si l’on désarme l’un des partenaires, il y a peu de chance en effet que l’autre cède, ou se montre accommodant. On a rappelé que, dans cette affaire, Dexia, la SFIL et l’État n’ont pas été parmi les partenaires les plus accommodants…
Ce qui personnellement me gêne le plus dans cette affaire, c’est l’absence de résistance du pouvoir politique au pouvoir financier, sous ce gouvernement comme sous ses prédécesseurs. Comme si, pour reprendre la formule d’une célèbre « sociale-démocrate » : « There is no alternative ! ».
Sourires.
J’aurais pu citer un autre social-démocrate, qui disait vouloir combattre la finance, mais c’était il y a bien longtemps !...
En l’espèce, nous ne nous appuyons pas sur la justice, ce qui serait pourtant un minimum dans un État de droit. Des pays aussi peu soupçonnables de socialisme que les États-Unis le font, eux, et négocient chèrement leur renoncement à poursuivre dans l’affaire des subprimes, imposant 86 milliards de dollars de quasi-pénalités entre 2010 et 2013 pour retirer leur plainte, ou laissant pleuvoir, vous le voyez chaque semaine, des milliards de dollars d’amendes sur ceux qu’ils appellent eux-mêmes les « banksters ».
Ce que je regrette le plus, c’est que nous n’anticipions pas, que nous subissions, en nous abritant derrière Bruxelles, faute de penser que l’on peut faire autrement. Parce que je ne m’y résous pas, je voterai contrece projet de loi !
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons déjà largement débattu de ces sujets.
On aurait pu penser que la décision du Conseil constitutionnel concernant la loi de finances aurait permis d’accélérer la publication du décret relatif aux nouvelles règles de renégociation des emprunts structurés des collectivités territoriales. Le retard pris dans cette publication nous conduit à douter de la bonne volonté du secteur bancaire à faire en sorte que les négociations se déroulent dans de très bonnes conditions.
Pour nous, il n’est pas acceptable de considérer que l’on amnistie - le terme, que notre collègue Pierre-Yves Collombat présentait comme une provocation, me semble tout de même justifié - les pratiques bancaires de ces dernières années. Cette amnistie n’est pas acceptable et ne peut être acceptée. Il faut véritablement que nous, parlementaires, avec l’ensemble du monde politique, rappelions au secteur bancaire le rôle important qu’il joue dans la vie économique de notre pays et la nécessité pour lui de se montrer, vis-à-vis des collectivités territoriales, beaucoup plus responsable qu’il ne l’a été dans cette période.
Ensuite, ce texte pourrait fort bien se traduire, si les renégociations ne se passent pas mieux qu’actuellement, par de nouveaux contentieux qui placeraient l’État, appelé en garantie, ainsi que vous l’avez rappelé, en plus grande difficulté encore.
Cette loi ne résoudra aucun des problèmes d’endettement auxquels sont confrontées nos collectivités territoriales actuellement. J’ai soulevé quelques questions, notamment durant la discussion générale : il me semble qu’il nous faut véritablement traiter autrement les contentieux existants, si nous voulons nous extraire de cette difficulté.
L’État ne peut pas, à mon sens, faire primer, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi, son intérêt général : celui des collectivités ne peut pas être ainsi mis de côté à son profit. C’est ainsi que les choses ont été présentées jusqu’à maintenant, et nous ne pouvons l’approuver. Les deux intérêts doivent être en permanence au cœur de la réflexion autour d’un texte, quel qu’il soit.
Nous souhaitons que l’on réfléchisse autrement et nous vous invitons donc à voter contre ce projet de loi. Je précise que nous avons demandé un scrutin public sur ce texte.
Comme je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire, le groupe socialiste votera ce projet de loi.
Permettez-moi de saluer, à l’œuvre dans les nombreuses collectivités qui émaillent notre territoire, à savoir les 36 000 communes, auxquelles il faut ajouter les départements et les régions, tous les élus, à commencer par ceux qui ont été ou qui sont actuellement confrontés à ces difficultés. Qu’ils soient assurés plutôt de notre soutien et de notre appui, avec la SFIL, que nous avons voulu préserver, malgré tout ce qu’ils ont pu vivre. Je pense tout particulièrement à notre collègue Maurice Vincent, élu de Saint-Etienne, qui, dès sa prise de fonctions, a dû gérer la situation qu’il a trouvée, et ce pendant plusieurs années, ou encore à Claude Bartolone, élu de Seine-Saint-Denis ; ils ont dû faire face, vivre avec, et ont pâti de devoir expliquer à leurs concitoyens combien la situation était difficile.
Mais, en ce début de soirée, je voudrais apporter une note d’optimisme en saluant également tous les élus qui, sollicités par les acteurs bancaires agressifs dont nous avons parlé, ont fait réaliser des analyses et ont su dire non. Nombreux sont ceux qui, dans cette situation – je connais certains présidents de département – ont prudemment renoncé à contracter – un contrat se fait à deux ! –, parce que les conditions proposées ne leur semblaient pas satisfaisantes.
Nous avons sans doute œuvré aujourd’hui à la mise en place de la protection la plus efficace possible. M. le rapporteur a salué le caractère équilibré du texte qui nous est ici proposé. D’ailleurs, dans le cadre de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles ou encore de la réforme bancaire, par exemple, nous avons récemment adopté des dispositifs visant à éviter qu’une telle situation ne puisse se reproduire.
Cela étant, et dans le respect de la libre administration des collectivités, nous ne saurions trop recommander à nos collègues de faire preuve à l’avenir de prudence dans leurs analyses et de savoir dire non quand on leur présente des offres mirifiques. En tout cas, je souhaite qu’il en soit ainsi. J’espère que les élus aujourd'hui confrontés aux difficultés dont nous avons parlé trouveront rapidement une issue positive à leurs problèmes.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 176 :
Nombre de votants342Nombre de suffrages exprimés186Pour l’adoption138Contre 48Le Sénat a adopté le projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence.
La liste des candidats établie par la commission des finances a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Philippe Marini, François Marc et Jacques Chiron, Mmes Frédérique Espagnac et Marie-France Beaufils, MM. Francis Delattre et Vincent Delahaye.
Suppléants : Mme Michèle André, M. Philippe Dallier, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Philippe Dominati, François Fortassin, Jean Germain et Gérard Miquel.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 1er de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, la proposition de contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et l’Agence française de développement pour la période 2014-2016.
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et à la commission des finances.
Je rappelle au Sénat que :
– le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;
– le groupe Union des Démocrates et Indépendants – UC a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ;
– le groupe communiste républicain et citoyen a présenté une candidature pour la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
– Mme Éliane Giraud, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. André Vallini, dont le mandat de sénateur a cessé ;
– M. Jean-Jacques Pignard, membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. Louis-Constant Fleming, démissionnaire de son mandat de sénateur ;
– M. Jean-Pierre Bosino, membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, en remplacement de Mme Laurence Rossignol, dont le mandat de sénateur a cessé.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 14 mai 2014, à quinze heures et le soir :
1. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à mettre en place un dispositif de réduction d’activité des moniteurs de ski ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite, afin de favoriser l’activité des nouveaux moniteurs (n° 299, 2013-2014) ;
Rapport de M. Georges Labazée, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 513, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 514, 2013-2014).
2. Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires (n° 396, 2013-2014) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Godefroy, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 458, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 459, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.