Intervention de Jean Germain

Réunion du 13 mai 2014 à 14h30
Sécurisation des contrats de prêts structurés — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean GermainJean Germain, rapporteur :

… et nous aurions tort de les opposer.

En préférant faire payer le seul contribuable national, nous accroîtrions très sensiblement la facture puisque nous en viendrions à payer 7 milliards d’euros de plus du fait de l’extinction de la SFIL.

C’est pourquoi le pacte de confiance et de responsabilité entre l’État et les collectivités a promu une solution équilibrée, qui permet de partager équitablement le fardeau, et que je soutiens.

D’une part, pour préserver les finances locales, le pacte a prévu la mise en place d’un fonds destiné à aider les collectivités dans la désensibilisation de leurs emprunts. Ce fonds, créé dans le cadre de la loi de finances de 2014, s’est vu doté de 1, 5 milliard d’euros, ce qui n’est pas négligeable… Il permettra de financer jusqu’à 45 % des indemnités dues par les collectivités au titre du remboursement anticipé et impliquera que ces dernières renoncent au contentieux. Le décret d’application est paru.

D’autre part, pour préserver les finances de l’État, le pacte a prévu la validation législative des contrats de prêts structurés qui seraient contestés au regard de l’absence ou de l’erreur de TEG.

Le fonds de soutien aux collectivités constitue également le vecteur par lequel les banques participent à la résolution d’un problème qu’elles ont en partie créé, puisqu’elles assureront près des deux tiers de son financement.

Cette solution est équilibrée dans la répartition des charges programmées. Elle présente le grand avantage de préserver du temps pour régler ce problème en douceur, aux meilleures conditions à la fois pour l’État et pour les collectivités territoriales.

Au fil des mois, la SFIL renforce son profil financier et peut dégager des marges de manœuvre pour renégocier les prêts structurés qu’elle détient. Bien sûr, ces opérations ne sont pas aussi rapides qu’on peut l’espérer ici ou là. C’est pourquoi le fonds de soutien viendra apporter son aide.

En tout état de cause, lisser une charge de 10 milliards d’euros sur plusieurs années entre l’État, les collectivités territoriales et les banques, à commencer par la SFIL, paraît de bien meilleure politique que de faire supporter uniquement à l’État une charge plus importante – 17 milliards d’euros –, et ce pour une très large part dès cette année.

Il y a bien urgence !

À ce jour, la SFIL n’a pas constitué de provisions comptables parce que ses commissaires aux comptes avaient pris acte de l’engagement du Gouvernement de déposer un projet de loi de validation permettant de faire disparaître le risque juridique et financier et comptaient sur l’adoption et la promulgation de ce dernier.

Si ce projet de loi n’est pas adopté, la sanction interviendra dès l’arrêté des comptes du premier semestre 2014, et la réaction en chaîne que j’ai décrite au début de mon intervention s’enclenchera.

On a prétendu que le dispositif soumis à notre examen priverait les collectivités territoriales de tout moyen de recours contre les banques prêteuses. Cela est faux : les collectivités territoriales pourront toujours contester les contrats, à l’exception, bien sûr, de celles qui choisiront de renoncer au contentieux pour bénéficier du fonds de soutien. Mes chers collègues, j’insiste : l’idée de priver les collectivités territoriales de tout moyen de recours contre les banques n’a jamais été envisagée ; du reste, elle serait inconstitutionnelle.

Je veux aussi rappeler que le TEG a été conçu, à l’origine, comme un instrument de protection des particuliers dans le cadre du crédit à la consommation ou du crédit immobilier. Dans le cas d’un prêt structuré, en revanche, il n’apporte aucune information à l’emprunteur. Le tribunal de grande instance de Nanterre a donc sanctionné le non-respect d’une formalité obligatoire, alors même que l’absence ou l’erreur de TEG n’avait causé aucun préjudice à l’emprunteur.

L’adoption du projet de loi n’empêchera pas que les contentieux en cours se poursuivent. Les moyens tirés du défaut ou de l’erreur de TEG ne seront évidemment plus opérants, mais le juge sera amené à apprécier, sur le fond et au cas par cas, la responsabilité de la banque, pour déterminer s’il y a eu, ou non, un vice de consentement de la part de l’emprunteur.

Je vous rappelle en effet que, lorsqu’une banque n’a pas respecté ses obligations légales d’information, de mise en garde ou de conseil vis-à-vis de son client, celui-ci peut demander au juge d’annuler le contrat. D’ailleurs, une première décision de justice, rendue par le tribunal de grande instance de Paris au début de cette année, a reconnu qu’une banque n’avait pas rempli ses devoirs d’information et de conseil.

Le projet de loi ne prévoit nullement de revenir sur ces principes ; il laisse le juge, si celui-ci est saisi, apprécier chaque cas d’espèce.

J’ai parlé de l’opportunité du projet de loi et de son urgence ; je voudrais, pour finir, aborder la question de sa constitutionnalité.

Vous vous souvenez, mes chers collègues, que la première mouture de cette validation législative, inscrite dans la loi de finances de 2014, a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu’un dispositif de validation visant l’ensemble des prêts conclus par l’ensemble des personnes morales était trop large par rapport à l’objectif recherché.

C’est pourquoi le projet de loi se borne à valider les seuls emprunts structurés conclus par les seules personnes morales de droit public, tout en préservant la possibilité d’action en justice de chacune de ces personnes pour chaque cas d’espèce. Cette restriction permet d’atteindre l’objectif visé : éviter une perte de 17 milliards d’euros et prévenir le risque d’une mise en extinction de la SFIL et d’une perturbation du financement local.

Quant à savoir si un risque équivalent à 0, 8 point de PIB peut être qualifié de « motif impérieux d’intérêt général », le Gouvernement en est convaincu, et moi aussi ; il reviendra au Conseil constitutionnel de trancher la question, ce qu’il n’a pas fait dans sa décision portant sur la loi de finances de 2014.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de l’ensemble des observations que je viens de formuler, la commission des finances vous propose d’adopter le présent projet de loi.

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