Intervention de Vincent Delahaye

Réunion du 13 mai 2014 à 14h30
Sécurisation des contrats de prêts structurés — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Vincent DelahayeVincent Delahaye :

Enfin, la jurisprudence résultant notamment des jugements du tribunal de grande instance de Nanterre et a fortiori de la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi de finances pour 2014 font courir un risque budgétaire important à l’État.

En effet, l’absence de mention du TEG, l’erreur de TEG ou le défaut de conseil de la banque sont désormais sanctionnés par le juge judiciaire, et ce au bénéfice des collectivités concernées.

Or ce fait conduit à faire jouer la garantie de l’État et, par conséquent, à opérer un transfert budgétaire des collectivités vers l’État. Autrement dit, on demande au contribuable national de payer à la place du contribuable local.

En raison de cette jurisprudence, le nombre de contentieux a considérablement augmenté ces derniers mois. Cette augmentation étant décrite dans l’excellent rapport de notre collègue Jean Germain, je n’y reviendrai pas. Toujours est-il que le risque budgétaire maximal, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, a été chiffré à 17 milliards d’euros pour l’État. Si nous maintenions le statu quo, nous devrions prendre en compte une recapitalisation de l’ordre de 7 à 8 milliards d’euros dès cette année, soit une somme assez importante.

Bien sûr, le pire n’est jamais sûr, mais gouverner c’est prévoir et anticiper. Or, en matière financière, il convient d’être prudent et d’anticiper le pire. Dans cette période de forte contrainte sur la gestion de la dépense publique, il n’est pas question de laisser filer le déficit pour couvrir une responsabilité partagée entre les banques, certaines institutions financières, les collectivités, mais aussi l’État en raison de son rôle dans le domaine du contrôle de légalité et du conseil en la matière.

Vous l’avez bien compris, monsieur le secrétaire d'État, la situation est particulièrement épineuse. L’inaction serait budgétairement et économiquement désastreuse ; l’apurement pur et simple serait quant à lui abusif et injuste. Le législateur doit donc trouver un équilibre, afin de parvenir à une solution efficace et satisfaisante.

Depuis 2008, les pouvoirs publics ne sont pas restés inactifs. Une charte de bonne conduite a été établie dès 2009. Éric Gissler, inspecteur des finances, a été mandaté pour mener une mission de médiation entre les banques et les collectivités territoriales. Une commission d’enquête a même été constituée à l’Assemblée nationale en 2012. Enfin, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires a permis de mieux encadrer les conditions d’emprunts des collectivités.

Si le flux d’alimentation de l’encours semble traité, il reste à gérer le problème du stock de la dette toxique déjà constitué. Une première tentative de réponse figurait dans l’article 92 initial du projet de loi de finances pour 2014. Il s’agissait, en plus de la création du fonds de soutien, de procéder à la validation législative des stipulations d’intérêts des prêts contractés, afin de réduire le risque d’exposition de nos finances publiques. Cependant, cela a été souligné, le Conseil constitutionnel a estimé que cette dernière disposition était trop large et pas assez ciblée. C’est sur ce point, notamment, que revient le texte que nous examinons aujourd'hui.

De nombreuses incertitudes règnent encore sur les conditions du financement de l’action publique locale. Les emprunts toxiques ne sont donc que l’aspect le plus manifeste et le plus immédiat d’une problématique plus large.

Ainsi, il y a fort à parier que les conditions de formation des partenariats publics-privés et de nombreuses autres formes de contrats administratifs, dès lors qu’ils conduisent les collectivités à s’acquitter de charges toujours plus importantes, deviendront, dans les années à venir, un nouveau sujet de préoccupation pour les pouvoirs publics et le législateur.

Pour conclure, les membres du groupe UDI-UC sont divisés sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Certains d’entre nous considèrent que la loi est la loi : dès lors que des contrats ont été conclus et que la justice a rendu un jugement, il faut respecter celui-ci. D’autres, dont je fais partie, pensent qu’il faut rechercher, comme vous l’avez fait, monsieur le secrétaire d'État, et comme l’a voulu le Gouvernement, une position plus équilibrée. La solution qui nous est proposée aujourd'hui est-elle complètement équilibrée ? Fabienne Keller à l’instant a répondu par la négative à cette question. Pour ma part, j’estime que nous ne pouvons pas laisser les choses en l’état : il serait irresponsable de faire courir un tel risque financier principalement à l’État et au contribuable national.

Cela étant, certains membres du groupe UDI-UC voteront contre le présent texte, d’autres s’abstiendront et d’autres encore voteront en faveur de cette proposition de règlement certes plus ou moins équilibrée, mais qui présente le mérite de ménager les finances de l’État et le déficit public, …

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