Dans la transaction établie entre la collectivité et l’établissement créancier, c’est l’État qui intervient pour solder la pénalité de remboursement anticipé, sans mettre en question le comportement de la banque.
L’article 92, qui a failli devenir le support d’une forme d’amnistie bancaire avec les dispositions que le Conseil constitutionnel a justement censurées – à cet égard, on peut penser qu’il censurera également les deux premiers articles du présent projet de loi –, justifie, en fait, malgré quelques qualités, les comportements agressifs des banques à l’égard des élus locaux que l’on perçoit aujourd’hui. C’est pourquoi nous aurions attendu du Gouvernement qu’il exigeât du secteur financier un certain nombre d’efforts pour corriger les effets de ses errements.
Comme le recommandait la commission Bartolone, il serait sans doute plus opportun de mettre en place, au plus haut niveau, une structure permanente d’évaluation et de médiation entre collectivités et établissements de crédit pour pallier les désordres constatés.
À notre avis, il est nécessaire d’amener les établissements de crédit à se résoudre à provisionner l’abandon de créances rendu nécessaire par toute résolution acceptable des conflits nés des emprunts structurés.
Le quatrième et dernier choix pour les élus, c’est le contentieux et la jurisprudence, dont on sait bien que l’un et l’autre ont en commun de « renvoyer dans les cordes » les établissements de crédit au terme de la confrontation juridique.
De manière tout à fait précise, l’article 1er du présent projet de loi revient sur les termes de la jurisprudence Saint-Denis contre Dexia, qui, dans les faits, a conduit à la déchéance des intérêts exigés par l’établissement, pourtant défendu par l’excellent avocat Nicolas Baverez…
L’article 2 du texte, quant à lui, revient sur la jurisprudence Saint-Maur-des-Fossés en annulant purement et simplement ses effets sur la déchéance des intérêts de la dette de cette commune du Val-de-Marne.
Les auteurs du projet de loi n’ont pas eu la possibilité d’y inscrire un article de validation de la récente jurisprudence Lille Métropole contre Royal Bank of Scotland, dont les motivations soulignent le « défaut de conseil », c’est-à-dire le fait que l’établissement de crédit n’aurait pas respecté ses obligations déontologiques. M. le rapporteur nous expliquait tout à l’heure que les collectivités pouvaient, dans un tel cas de figure, demander l’annulation du contrat.
Ces obligations déontologiques, le code monétaire et financier en porte la trace au sein de ses articles L. 533-11 et suivants. Et n’oublions pas que le code civil comporte aussi des dispositions relatives au droit des contrats, aux termes desquelles la bonne exécution des contrats est liée à la bonne foi des parties.
À la vérité, le projet de loi dont nous débattons n’a pas souffert d’une grande publicité. Déposé peu après le week-end pascal sur le bureau du Sénat et examiné en urgence trois semaines après ce dépôt, il apparaît un peu comme un effort assez désespéré destiné à empêcher l’inéluctable floraison d’une jurisprudence sans cesse plus défavorable aux banques.
Il montre cependant que l’on ne peut plus « vendre » un prêt aux collectivités locales comme n’importe quelle marchandise.
Cela étant, un service après-vente d’une autre teneur doit être assuré. Or, dans une certaine logique de concurrence exacerbée sur le marché du financement local, certains établissements ont sans doute dépassé la mesure et manqué à leurs obligations de prudence et de précaution.
Dans le cas de Dexia, singulièrement concerné par le présent projet de loi, on va même jusqu’à évoquer la somme de 17 milliards d’euros d’encours toxiques, confondant allègrement, nous semble-t-il, capital emprunté et intérêts dus, plus ou moins virtuellement ou réellement, par les collectivités locales.
L’encours de ce qu’il faudra utiliser comme provision pour abandon de créances sera sans doute beaucoup moins important puisque, pour l’essentiel, rien ne semble remis en question quant au règlement du capital dû.
Au demeurant, si tant est qu’une vaste opération de remboursement anticipé des emprunts eût lieu, son incidence sur les comptes des établissements de crédit ne concernera que les pertes de taux d’intérêt.
La dramatisation de la situation pousse en fait le Parlement à voter le présent texte et à faire oublier la censure du Conseil constitutionnel du mois de décembre dernier.
Pour reprendre une expression qui eut son heure de gloire voilà quelque temps, il s’agit de « mettre la poussière sous le tapis » et de ne rien changer de fondamental aux agissements des banques vis-à-vis des collectivités locales, puisque le projet de loi reporte la résolution du problème au dialogue entre État et collectivités locales.
Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes opposés à l’adoption de ce texte, qui va faire des collectivités locales les victimes d’une amnistie bancaire qui semble montrer, s’il en était besoin, que nous sommes encore assez loin de la solidité absolue du secteur financier promise avec l’union bancaire.