Où est la solidarité de place entre établissements de crédit quand les deniers publics sont sollicités et que toute jurisprudence défavorable aux banques doit être effacée par le biais de la validation législative ?
Le phénomène des prêts structurés aux collectivités locales n’est pas une spécialité française ; d’autres pays ont connu des situations proches de celle de la sinistre banque Dexia comme des décisions de justice sanctionnant les agissements des établissements de crédit.
L’affaire Bankia, en Espagne, née de l’éclatement de la bulle immobilière qu’a connue ce pays et due en grande partie aux prêts accordés aux collectivités locales espagnoles, tout comme le jugement allemand Deutsche Bank contre Ille ou encore le jugement italien au terme duquel a été prononcée la condamnation de quatre établissements de crédit considérés comme coupables d’avoir « placé » des produits structurés auprès de la ville de Milan en sont des exemples.
Selon nous, l’une des voies devant être explorées est celle de la résolution du problème par la Banque centrale européenne. Celle-ci, avant sans doute que nous ne soyons mis en demeure de laisser Dexia dépérir par réduction progressive de son bilan, serait probablement bien inspirée de proposer une plate-forme de refinancement aux collectivités territoriales de l’Union avec une structure ad hoc.
Une bonne partie des solutions aux problèmes posés réside sans doute également dans un renforcement de la palette de sanctions en matière financière dont disposent les autorités de régulation, aussi bien l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution que l’Autorité des marchés financiers.
Il nous semble même que la peur du gendarme doit désormais accompagner l’activité bancaire menée en direction des collectivités locales et que des règles propres au financement local doivent être mises en œuvre.
J’ai indiqué au début de mon propos que la clientèle des collectivités était légalement solvable parce que le paiement de la dette et des intérêts est une dépense obligatoire. Il ne serait donc aucunement injuste que les pratiques d’emprunt les concernant soient assorties de conditions particulières quant aux différés éventuels d’amortissement, aux taux pratiqués et à leur plafonnement, entre autres. Or nous n’en prenons aucunement le chemin avec le présent texte.
Pour le reste, le fonds de soutien existe et constitue, on le comprendra, un bon compromis pour les plus petites collectivités territoriales confrontées aux emprunts toxiques, certains centres hospitaliers ou, plus marginalement, certains organismes d’HLM, qui n’ont ni les moyens ni le désir de porter l’affaire devant les tribunaux, eu égard aux aléas propres à toute procédure juridique contentieuse.
Il faut renforcer ce fonds, notamment en sollicitant plus nettement la solidarité de place. Le fait que Dexia ait été spécialisé en financement local ne signifie aucunement que les autres établissements n’aient pas proposé également des emprunts structurés à cette clientèle choisie. Un tel renforcement permettrait de préfigurer la mise en place d’une structure permanente associant État, banquiers et élus locaux.
Pour ce qui est des contentieux juridiques, il convient de les laisser aller à leur terme.
Le principe de la séparation des pouvoirs qui guide notre État de droit doit être, en cette matière, parfaitement respecté. Que les décisions prises soulignent un peu plus la responsabilité écrasante des banques dans la situation créée ne peut aucunement justifier la validation législative.
L’intérêt général, dans cette affaire, c’est le respect du droit, c’est la possibilité pour les élus locaux de se libérer du poids de ces emprunts structurés, qui ont fait de maintes collectivités les cobayes plus ou moins consentants de l’ingénierie financière dans notre pays.
Dans l’étude d’impact associée au projet de loi, les effets de la persistance de l’hypothèque des emprunts structurés pour les collectivités locales ne sont pas évoqués. Au moment où l’on annonce aux élus locaux qu’ils vont être privés de 22 milliards à 28 milliards d’euros cumulés de dotations en trois ans, la facture devient particulièrement « salée » pour les collectivités et, au-delà, pour le contribuable local.
Pour nous, l’intérêt général réside justement dans la protection des collectivités locales et dans l’assainissement de leur situation financière. C’est une condition de la croissance et, au-delà, du redressement économique et financier de la nation. Le moment est venu pour les banques, nous semble-t-il, de faire un petit effort pour que les comptes publics des collectivités ne soient pas grevés de charges financières indues.
C’est en rejetant ce texte que nous pourrons mener, avec une efficacité renouvelée, la lutte contre les déficits de nos finances publiques.