Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 13 mai 2014 à 14h30
Sécurisation des contrats de prêts structurés — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je ne voudrais pas commencer cette intervention sans saluer la prouesse que constitue pour les membres de la commission des finances l’examen de ce projet de loi, déposé voilà à peine trois semaines sur le bureau du Sénat, dans le cadre d’une procédure accélérée.

Chacun en a conscience, le Sénat n’est que modérément friand des procédures accélérées, mais il sait distinguer avec sagesse les urgences réelles de celles qui ne sont que de mauvaise opportunité.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous accorde qu’il s’agit en l’espèce d’une véritable urgence pour sortir le Gouvernement du mauvais pas dans lequel il s’est placé.

Il n’est pas si éloigné de nous deux ce débat à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2014 à l’Assemblée nationale, où nous nous efforcions ensemble de soutenir un dispositif – devenu l’article 92 de la loi de finances pour 2014 – qui apporte une solution pérenne et globale au problème des emprunts toxiques contractés notamment par de nombreuses collectivités locales, ainsi que par leurs groupements, les établissements publics locaux et les services départementaux d’incendie et de secours.

N’étions-nous pas alors conscients de la fragilité des dispositions d’une validation législative rendant impossible la remise en cause des stipulations d’intérêts figurant dans les contrats de prêt au motif que le taux effectif global n’aurait pas été indiqué ? Mais n’étions-nous pas placés, l’un et l’autre, devant un devoir impérieux, inflexible, celui de devoir protéger l’État contre un risque financier direct et indirect « terrible », selon le mot employé par notre rapporteur, pour nos finances publiques ?

Si l’intention était bonne, la forme ne l’était pas et a été justement, comme l’avaient prédit de mauvais augures, sanctionnée par le Conseil constitutionnel, qui, dans sa décision du 29 décembre 2013, a censuré le paragraphe II de l’article 92 pour inadéquation avec l’objectif visé et le paragraphe III en tant que cavalier budgétaire. Seule est donc entrée en vigueur la création d’un fonds de soutien visant à aider les collectivités ayant souscrit des emprunts toxiques à rembourser par anticipation les emprunts les plus sensibles.

Je ne peux que me féliciter de la mise en place de ce fonds, même s’il mériterait – j’y reviendrai tout à l’heure – une volonté affirmée de mise en œuvre.

Cela étant, cette validation législative se doit de répondre à un impérieux motif d’intérêt général, lequel est né de la nécessité de sécuriser juridiquement plusieurs contrats de prêt passés entre des personnes morales de droit public et deux établissements financiers dont l’État est actionnaire – Dexia à hauteur de 44 % et la SFIL à hauteur de 75 % –, et ce à la suite d’une première décision de justice rendue par le tribunal de grande instance de Nanterre le 8 février 2013, suivie d’un second jugement du même tribunal le 7 mars 2014.

Le présent projet de loi soumis à notre examen a pour objet d’écarter tous les risques résultant de ces décisions.

Dans son article 1er, il valide les stipulations d’intérêts des écrits constatant un contrat de prêt ne mentionnant pas le TEG, le taux de la période concernée ou la durée de cette période, mais comportant toutes les autres informations permettant aux emprunteurs de connaître précisément les conditions de leur engagement

Les trois conditions strictement nécessaires sont donc le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts, la périodicité des échéances, tout comme le nombre de ces échéances ou la durée du prêt.

L’article 2 permet d’offrir une validation aux contrats comportant des erreurs de calcul du TEG, du taux de période et/ou de la durée de période sous les mêmes conditions que celles qui sont fixées à l’article 1er.

Par ailleurs, le régime de sanction est modifié en cas d’erreur du taux effectif global si ce taux erroné est inférieur au TEG légal. L’emprunteur a alors droit à un reversement, par le prêteur, de la différence entre les deux taux appliquée au capital restant dû à chaque échéance.

Le nouveau dispositif présente assurément des avantages dès lors qu’il restreint le champ d’application de la validation – c’est pourtant le reproche qui avait été préalablement formulé – aux seuls emprunts structurés, aux seules personnes morales de droit public, écartant ainsi les personnes de droit privé qui auraient élargi considérablement la cible. En outre, a été introduite cette triple condition, afin de laisser ouvertes les autres voies de recours contentieux. Il convient de souligner ce point important.

Au demeurant, un tel dispositif est-il la bonne solution, monsieur le secrétaire d’État ?

Sur le plan juridique – tous les intervenants l’ont rappelé, à l’instar de M. le rapporteur –, des doutes ne manquent pas de subsister, et nous sommes en droit – peut-être en avons-nous même le devoir – de nous interroger sur la constitutionnalité de ce texte, notamment au regard de l’égalité de traitement dont bénéficieront les emprunteurs, dès lors que les règles du jeu auront changé avec son adoption.

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