Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi était très attendu, car la situation est grave. De nombreuses collectivités ayant souscrit des contrats de prêts structurés se retrouvent dans une situation financière très délicate. Après avoir profité des taux alléchants pratiqués à court terme, elles sont désormais entrées dans la seconde période de ces prêts structurés. Les taux d’intérêt évolutifs de ces derniers reposant sur des produits dérivés ne leur permettent pas de mesurer l’ampleur globale des sommes devant être remboursées. Il faut également composer avec les niveaux d’endettement déjà très problématiques pour certaines collectivités.
Nous en sommes tous d’accord, il faut agir pour mettre fin à cette situation dangereuse dans laquelle l’endettement guette les collectivités, tout en gardant en tête qu’elles ont bien sûr leur part de responsabilité ; j’y reviendrai.
Par ailleurs, au travers de ses deux jugements, le tribunal de grande instance de Nanterre a ouvert une brèche. D’une part, il reconnaît que les établissements de crédit n’ont pas suffisamment alerté les collectivités sur la toxicité des emprunts proposés. D’autre part, en permettant une avalanche de recours juridiques au détriment de ces établissements, il fait courir un grand risque aux finances publiques.
En effet, si les recours juridiques allant dans ce sens se multipliaient, l’État, actionnaire de Dexia et de la SFIL, serait dans l’obligation de participer à la recapitalisation des établissements de crédit, et d’assumer le coût de la mise en extinction hautement probable de la SFIL. Dans l’étude d’impact accompagnant le présent projet de loi, le coût pour les finances publiques est estimé à pas moins de 17 milliards d’euros ! Ce n’est tout de même pas rien !
C’est sans compter le risque de contagion immédiate au reste de l’économie, ou encore les difficultés de financement auxquelles devrait faire face le secteur public local.
Le constat n’est donc pas réjouissant, vous en conviendrez. Oui, je le répète, il faut agir, et nous en sommes d’accord.
Cela étant, s’il y a bien un point qui me semble évident, c’est que les collectivités et les établissements de crédit ont tous leur part de responsabilité dans cette situation. Les collectivités qui ont souscrit de tels emprunts structurés auraient pu et auraient dû se montrer plus précautionneuses. Quant aux banques, à l’évidence, elles n’ont pas suffisamment alerté les collectivités des risques encourus à long terme.
En partant de ce constat d’une responsabilité partagée, le Gouvernement nous propose un compromis entre tous les acteurs impliqués et responsables, à savoir l’État, les collectivités et les établissements de crédit.
Ce compromis, je me permets de vous le rappeler, est le suivant : en échange de la création d’un fonds de soutien destiné aux collectivités ayant souscrit des emprunts structurés à risque, celles-ci renoncent à la possibilité d’un recours juridique contre les établissements de crédit, à l’image de celui qui a été jugé par le tribunal de grande instance de Nanterre que je viens d’évoquer.
Ce fonds sera doté de 100 millions d’euros par an pour une durée maximale de quinze ans. A priori, il sera alimenté au tiers par l’État et aux deux tiers par les banques. Ce cofinancement est, d’une certaine façon, la traduction de l’acceptation d’une responsabilité partagée et proportionnée.
Ce compromis offre en outre une porte de sortie aux collectivités ayant souscrit les prêts les plus sensibles : il leur permet de renégocier les coûts de sortie et un retour à des prêts à taux fixes.
Cette solution nous satisfait sur la forme, puisqu’elle repose sur un compromis entre tous les acteurs impliqués, ainsi que sur le fond via le partage de la responsabilité et le financement du fonds prioritairement par les établissements de crédit.
En acceptant un tel compromis, les collectivités témoignent de leur confiance en l’État et en sa promesse de les soutenir pour sortir de cette impasse. Il ne faut pas oublier qu’en renonçant à leur capacité d’engager un recours juridique contre les établissements de crédit, elles renoncent à toute marge de manœuvre dans la négociation. Il est donc de notre devoir, en tant que parlementaires, de veiller à ce qu’elles bénéficient réellement du fonds de soutien, que nous espérons le plus large possible.
C’est pourquoi il nous paraît essentiel de garder à l’esprit le fait que la dimension et les modalités de financement sont désormais fixées. Si le présent texte est adopté, nous ne pourrons pas y revenir. D’ailleurs, ce ne serait pas souhaitable. Nous devrons donc porter notre vigilance sur la répartition du fonds, les conditions d’éligibilité des collectivités au fonds et prendre garde à ce que les établissements de crédit n’en profitent pas pour gonfler volontairement les coûts de sortie des prêts afin de récupérer la plus grande partie possible du fonds. C’est l’un des effets pervers de la procédure.
Nous le savons bien, le Gouvernement a les intérêts des collectivités à cœur et souhaite également que les banques prennent leurs responsabilités. Toutefois, nous comprenons aussi que, en tant qu’actionnaire des établissements de crédit, il cherche avant tout à ne pas contraindre des finances publiques déjà tendues. C’est d’ailleurs le constat de cette menace sur les finances publiques qui a été l’élément déclencheur de la décision du Gouvernement. Il faudra donc veiller à ce que cette préoccupation ne l’emporte pas sur l’intérêt des collectivités.
Je le répète, nous déplorons évidemment la situation dans laquelle les collectivités sont aujourd’hui placées, et dans laquelle elles se sont en partie mises elles-mêmes. La voie choisie par le Gouvernement est bien sûr critiquable et contestable – j’ai entendu les propos de l’oratrice qui m’a précédé. Toutefois, ce projet de loi, en préservant les finances publiques et en faisant peser la responsabilité sur les acteurs impliqués, correspond à nos yeux à une solution de sortie.
Si ce texte est adopté, nous en appelons à la vigilance de chacun lors de sa mise en œuvre, afin que l’on ne perde pas de vue la finalité première du fonds de soutien : venir en aide aux collectivités locales. Ces dernières doivent faire confiance à l’État en renonçant à leur droit de recours.