Une telle structure aurait eu pour rôle de cantonner les prêts à risques et d’en permettre une sortie progressive limitant le coût pour le contribuable. Ce dispositif a semble-t-il été privilégié dans certains pays, comme en Allemagne, même si seule la France a été confrontée à un problème d’une telle ampleur.
Concernant la méthode, je tiens à saluer la concertation exemplaire menée en 2013 entre l’État, les élus locaux et les parlementaires. Nous y avons participé au titre du groupe socialiste du Sénat, même si nous n’avons pu, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, débattre de l’accord intervenu à l’automne dernier. Je me permets de le rappeler dans les grandes lignes.
Tout d’abord, cet accord a créé un fonds de soutien aux collectivités locales ayant souscrit des emprunts considérés comme toxiques : ce fonds de 1, 5 milliard d’euros sera étalé sur quinze ans et devrait faciliter, pour les collectivités concernées, la gestion de la sortie des emprunts à risques.
Ensuite, cet accord a institué un dispositif de validation rétroactif, qui constitue le pendant de ce fonds de soutien et dont nous discutons aujourd’hui du fait d’une première censure du Conseil constitutionnel survenue à la fin du mois de décembre dernier. §
S’y ajoutent trois aspects sur lesquels je tiens à insister, car ils sont, à mon sens, les marques d’un mécanisme global équilibré pour l’ensemble des acteurs du dossier, à commencer par les collectivités locales.
En premier lieu, le présent projet de loi n’empêchera pas les collectivités qui le souhaitent de poursuivre ou d’entamer des contentieux, notamment au titre du défaut d’intervention ou de conseil.
De nombreuses collectivités ont d’ailleurs attaqué leur banque en justice sur ce motif. Le jugement rendu le 28 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Paris, dans une affaire opposant la communauté urbaine de Lille Métropole et la Royal Bank of Scotland, a rendu raison à la première. Ladite banque a été sanctionnée pour manquement à son obligation d’information sur trois contrats de prêts et à son obligation de conseil sur un contrat.
Je note au surplus que ce projet de loi de validation concerne un champ bien délimité de contentieux, et vise le fait que des moyens tirés de l’absence ou de l’erreur de TEG puissent être soulevés devant les tribunaux.
En deuxième lieu, je rappellerai deux annonces récentes du Gouvernement, qui vont à mes yeux dans le bon sens.
Un dispositif d’aides aux hôpitaux concernés par les emprunts toxiques va être mis en place, sur un modèle proche du fonds de soutien aux collectivités locales. Ces aides, qui porteront sur un total de 100 millions d’euros, étaient réclamées depuis plusieurs mois par les hôpitaux et les établissements publics de santé, lesquels sont également concernés par ce dossier.
Le financement du fonds de soutien aux collectivités locales, de 1, 5 milliard d’euros sur quinze ans, soit 100 millions d’euros par an, va par ailleurs être rééquilibré. La contribution des banques sera étendue. La loi de finances pour 2014 prévoyait un financement égal de l’État et de ces dernières, lesquelles, finalement, en alimenteront les deux tiers, un tiers restant à la charge de l’État.
En troisième et dernier lieu, il ne suffisait pas de s’attaquer à la seule sortie des emprunts toxiques : il fallait se prémunir contre un retour de ces difficultés. Plusieurs mesures ont été prises ces deux dernières années pour renforcer le cadre réglementaire des relations entre banques et collectivités et sécuriser au mieux leurs rapports. Elles vont dans trois directions.
Les formules d’emprunt seront limitées : des formules purement spéculatives comme celles sur lesquelles étaient bâtis les contrats de prêts toxiques ne seront plus possibles à l’avenir. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013 renforce en effet le dispositif prudentiel, en interdisant les emprunts dans certaines devises et en limitant certains indices ou formules d’indexation, qui devront « répondre à des critères de simplicité ou de prévisibilité des charges financières ».
Le provisionnement des contrats complexes sera désormais obligatoire. Il a été précisé par la loi « métropoles » du 27 janvier 2014.
Enfin, la communication de la stratégie d’endettement aux assemblées délibérantes sera améliorée : un débat annuel sur la stratégie financière et le pilotage pluriannuel de l’endettement des collectivités locales, à l’occasion du débat d’orientation budgétaire, sera notamment rendu obligatoire.
Ce panel de mesures n’empiète en rien sur l’autonomie fiscale et financière des collectivités locales. Nous savons combien ces dernières sont attachées à ce principe, elles ne manquent jamais une occasion de nous le dire ! Parallèlement, ce dispositif permettra, nous en sommes convaincus, d’éviter le risque d’un nouveau problème d’emprunts toxiques.
En conclusion, nous, membres du groupe socialiste, considérons que la méthode suivie, les solutions préconisées et le diagnostic établi sont équilibrés. Je reprends, à cet égard, les propos de notre excellent rapporteur Jean Germain.