Or nous nous trouvons devant une situation héritée de l’histoire, que nous nous devons de gérer, et sur laquelle chacun peut légitimement porter son jugement. Le contribuable d’aujourd’hui devra donc bien faire face aux échéances que cela implique, même si elles résultent, c’est vrai, de décisions d’hier ou d’avant-hier.
Ce débat a également été soulevé, en partie, par Anne-Marie Escoffier, dont je remercie la qualité et la précision du propos, qui d’ailleurs ne m’étonnent pas. Elle a souligné, sous forme de clin d’œil, la configuration symétrique dans laquelle nous nous trouvons : voilà peu de temps, j’étais rapporteur général de la commission des finances à l’Assemblée nationale, quand elle défendait, au nom du gouvernement d’alors, les dispositions relatives au thème dont nous débattons ce jour contenues dans le projet de loi de finances pour 2014.
J’aimerais revenir sur les doutes que nous avons eus ensemble quant à la constitutionnalité du dispositif. Je ne suis pas juriste de formation, mais on m’a bien expliqué l’impérieuse nécessité du motif d’intérêt général en la matière. Si nous avions été conduits à soutenir ce dispositif à l’Assemblée nationale, et même à repousser des amendements qui tendaient à restreindre le champ de la validation juridique en question, en revanche, nombre de députés avaient indiqué que la validation juridique proposée par le projet de loi de finances initiale couvrait de façon inconsidérée les personnes de droit privé, comme les entreprises. Nous avions assuré que le fait de prendre également en compte les entreprises confortait, à notre sens, le motif d’intérêt général, puisqu’un champ plus large que le seul secteur des personnes morales de droit public était ainsi visé.
Tel était notre point de vue. Reconnaissons que le Conseil constitutionnel nous a donné tort. Il n’y a pas là de quoi se flageller pendant des nuits entières !
La position que nous avions adoptée nous paraissait être la bonne. Le Conseil constitutionnel nous a rappelé son interprétation du motif d’intérêt général et nous a invités à concentrer symétriquement les interventions sur les personnes éligibles aux aides versées par le fonds d’un milliard et demi d’euros. Ce sont ces corrections que le présent projet de loi vise à apporter.
Je ne souscris donc pas à votre analyse selon laquelle le Gouvernement se serait placé lui-même dans une mauvaise situation. Il a alors fondé sa décision sur son interprétation du moment, et il y remédie aujourd'hui.
Beaucoup d’orateurs ont commenté le montant, 17 milliards d’euros, du risque financier pour la puissance publique. Mesdames, messieurs les sénateurs, même si nous nous étions trompés, même si nous avions surestimé deux fois, voire trois fois la somme, elle serait encore considérable ! Nous bataillons parfois pour quelques dizaines ou centaines de millions d’euros ; en l’occurrence, il s’agit d’un volume extrêmement important.
Certes, en fondant l’analyse sur le degré de toxicité ou de la mécanique précise de chacun des contrats, nous pourrions effectivement aboutir à une évaluation du risque sans doute un peu moins pessimiste que les conclusions des études qui ont été menées. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir dans quelques instants.
Chère Anne-Marie Escoffier, vous avez évoqué l’éventualité d’une nouvelle commission d’enquête. Nous n’en avons guère le temps. Le calendrier joue contre nous.
L’été dernier, le ministre chargé du dossier avait informé les rapporteurs généraux, fonction que j’exerçais alors à l’Assemblée nationale, d’une communication nécessaire du Gouvernement pour permettre à la SFIL d’accéder dans de bonnes conditions au marché de refinancement dont elle avait impérativement besoin. Aujourd'hui, si la SFIL doit faire appel au marché – c’est souvent le cas –, il y a des conditions de validation juridique à l’engagement. En effet, les analystes financiers ne sont pas plus bêtes que la moyenne. Ils savent très bien les risques créés par une généralisation des procédures juridiques ; cela serait susceptible de faire jurisprudence.
M. Placé a, me semble-t-il, tout à fait raison de nous appeler à la vigilance. Nous devons effectivement veiller à l’utilisation des fonds publics qui seront mis à disposition du mécanisme. Il y a plusieurs outils pour cela.
Je pense évidemment au comité d’orientation dont j’ai parlé. Il sera chargé, en lien avec des parlementaires et des représentants des grandes associations d’élus, de produire la doctrine et, bien entendu, de surveiller la mise en œuvre du dispositif.
Je songe également, et nous aurons l’occasion d’en reparler puisque des amendements ont été déposés sur le sujet, au rapport qui doit être remis chaque année au Parlement sur l’existence, la quantification et le recensement des emprunts toxiques, obligation instituée par l’article 32 de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires. Je le confesse, nos services semblent avoir un peu de retard. Mais le Parlement disposera de ce document avant l’été.
Michèle André a rappelé la pertinence des analyses qui sont faites, en soulignant la nécessité de retrouver – j’y ai fait référence – la capacité de refinancement de la SFIL. En effet, il y a là un risque financier majeur.
L’idée de monter une structure de défaisance – les Anglo-Saxons utilisent l’expression bad bank – n’a pas été retenue, car cela aurait conduit à comptabiliser les risques dans la dette publique. §Du fait de la nécessité de maîtriser la dette publique, là encore pour avoir des capacités d’accès au marché financier, les gouvernements – je parle au pluriel, car le processus de décision a été engagé par d’autres – ont choisi la structure de la SFIL, que les analystes, notamment bruxellois, ne considèrent pas comme une structure de défaisance.
Vous avez également mentionné à juste titre les nouvelles barrières pour les collectivités issues de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, dont je parlais à l’instant, ainsi que la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui a posé un certain nombre de garde-fous afin qu’il ne soit pas possible de faire n’importe quoi.
Enfin, je reprends l’expression de M. Botrel sur l’aspect successoral. Le contribuable est le successeur d’un autre contribuable. L’élu est le successeur d’un autre élu. Vous le savez comme moi, les situations sont diverses ; c’est tantôt la gauche, tantôt la droite, tantôt le centre… Certains élus de gauche ont laissé des situations peu favorables à leurs successeurs de droite. Mais l’inverse existe aussi.