Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de traiter de l’objet spécifique du projet de loi, ce que je ferai en défendant mes amendements, je veux rappeler que, si nous en sommes encore à coller des rustines sur Dexia, la fatalité n’y est pour rien. C’est uniquement la conséquence d’une politique menée opiniâtrement par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis une trentaine d’années, politique dont l’objectif était de rendre les marchés libres de l’allocation de la ressource financière, et donc maîtres de l’économie.
Appliquée au système de financement des collectivités territoriales et du secteur public, cette « modernisation » s’est résumée à remplacer un système public et parapublic assis sur l’épargne et sur des circuits spécialisés et organisé autour de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, par un système assis sur l’appel généralisé aux marchés financiers et totalement privé. Tel a été le sens de la mutation du « système CDC », qui a abouti à CAECL, puis à Dexia, le tout au nom de l’optimisation de l’allocation des ressources, du moindre coût et de l’efficacité. L’ascension de la maison Dexia, pilotée par l’État et la CDC, puis sa chute sont le produit de ce processus.
Or il ne semble pas que l’on ait tiré les leçons de cette chute, puisque, crise – financière, sociale, et maintenant politique – ou pas, nous en sommes toujours au même point : face au risque d’une crise systémique. Contrairement à ce que l’on a pu nous dire, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires n’apportera pas de solution au problème.
Le temps qu’il a fallu pour réagir à cette situation de fragilisation globale est tout à fait frappant. En effet, tous ces produits exotiques ont été créés dans les années quatre-vingt-dix. Ils ont apparemment très bien marché pendant un certain nombre d’années, mais, dès 2005, on a commencé à réaliser qu’il y avait « le feu au lac », comme on le dit en Suisse.
En 2007, dans un article devenu célèbre, Michel Klopfer évoquait déjà des « bombes à retardement » ; mon collègue Éric Bocquet l’a indiqué tout à l'heure. Cependant, tout cela a continué.
En 2008, les États français, belge et luxembourgeois sont intervenus massivement pour sauver Dexia de la faillite. On a alors pu découvrir quelle était l’étendue des dégâts.
Pour autant, que s’est-il passé ? Pas grand-chose. On a nommé un « médiateur », en la personne d’Éric Gissler, auquel on doit la mise en place d’une Charte de bonne conduite entre les établissements bancaires et les collectivités locales. Cependant, on ne s’est doté d’aucune norme contraignante. Le problème était censé se régler tout seul.
Il aura fallu attendre la conclusion judiciaire des conflits en cours pour que l’État commence à bouger, d’abord à pas comptés et, maintenant, en recourant à la procédure accélérée. En bref, il a mis en place un fonds, initialement doté de 50 millions d’euros par an, qui a été porté, dans la loi de finances pour 2014, à 100 millions d’euros. Le Conseil constitutionnel ayant censuré les II et III de l’article 92, il a déposé un projet de loi tendant à revenir sur les décisions de justice qui ont été rendues.
Résultat : le nouveau système est aussi exposé que l’ancien au risque de crise systémique. En effet, et je veux insister sur ce point, quand on a mis en place, sur les ruines de Dexia, un nouveau système de financement des collectivités territoriales, on n’a rien trouvé de mieux que d’installer au cœur du système les emprunts toxiques, ces bombes à retardement héritées de Dexia. Cependant, on a construit un système de financement des collectivités territoriales qui est aussi vulnérable à la crise que l’ancien ! Cette manière de procéder ne me paraît pas du tout extraordinaire.
On attendait que les banques négocient. Elles ont refusé de le faire à des conditions acceptables. Dès lors, il a été fait appel au juge, lequel a rendu des décisions qui, apparemment, ne conviennent pas au Gouvernement.
En somme, on en est là parce qu’on a trop tardé à agir. Or je crains que l'on ne continue à tergiverser, alors même que le risque de faillite du dispositif n’a pas disparu !