Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 13 mai 2014 à 14h30
Sécurisation des contrats de prêts structurés — Article 1er

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

L’article 1er présente toutes les caractéristiques d’un simple article de validation législative, avec les défauts inhérents à l’exercice.

Il serait sans doute trop long de rappeler la jurisprudence du juge constitutionnel en la matière, les articles de validation s’attirant assez souvent les foudres de celui-ci, quel que soit le texte concerné.

Il convient tout de même de revenir quelques instants sur les considérants de la décision qui avait censuré l’article 92 du projet de loi de finances pour 2014. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, je considère que les éléments ayant justifié la censure de cet article justifient également la censure du présent texte.

Mes chers collègues, permettez-moi de vous donner lecture des considérants 76 et 77 de la décision.

« Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ; que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie. »

« Considérant que l’article L. 313–2 du code de la consommation dispose que le taux effectif global déterminé comme il est dit à l’article L. 313–1, doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par ce même article ; que la mention du taux effectif global dans le contrat de prêt constitue un élément essentiel de l’information de l’emprunteur ; qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que l’exigence d’un écrit mentionnant le taux effectif global est une condition de la validité de la stipulation d’intérêts et qu’en l’absence de stipulation conventionnelle d’intérêts, il convient de faire application du taux légal à compter du prêt. »

Ces considérants avaient suffi au Conseil constitutionnel pour censurer les paragraphes II et III de l’article 92. Ils gardent pleine valeur aujourd'hui !

Nous sommes en présence d’un article qui tente d’empêcher l’éventuelle généralisation d’un cas d’espèce – la première décision rendue, dans l’affaire opposant la Seine-Saint-Denis à Dexia.

Où est l’intérêt général ? On peut se le demander ! D’ailleurs, cette question a été soulevée dans le rapport présenté par Jean Germain.

L’intérêt général deviendrait-il incompatible avec celui des habitants de la Seine-Saint-Denis, mais aussi de l’ensemble des communes et départements concernés, dont les impôts locaux pourraient ainsi croître du poids des remboursements de la dette structurée ? Devrait-il s’opposer à l’intérêt des autres localités confrontées aux mêmes difficultés financières ? Se résumerait-il à assurer l’équilibre des finances de l’État et le respect de ses engagements, et à assurer l’extinction en bon ordre de Dexia ? Ne devrait-il pas se préoccuper aussi de l’intérêt des collectivités territoriales, qui assument quand même une responsabilité vis-à-vis de la population de notre pays ?

Pour notre part, nous avons une autre conception de l’intérêt général. C’est pourquoi nous ne pouvons pas adopter l’article 1er du projet de loi et vous en proposons la suppression.

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