Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 13 mai 2014 à 14h30
Sécurisation des contrats de prêts structurés — Article 2

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

À travers cet article de validation législative, il s’agit, dans les faits, d’éviter la prolifération de ce que l’on pourrait appeler « la jurisprudence Saint-Maur-des-Fossés », puisque le motif retenu pour la constituer fut celui du taux effectif global erroné et, par voie de conséquence, la stricte application du taux d’intérêt légal.

Ainsi donc, l’intérêt général serait, dans le cas précis, après avoir tenté de priver les collectivités locales du droit d’ester en justice – c’est le fondement du fonds de soutien, qui ne peut être mobilisé qu’à raison du renoncement à toute poursuite à l’encontre du créancier présumé fautif –, de limiter les cas dans lesquels le bon droit des mêmes collectivités serait respecté.

L’impossibilité de défendre ses intérêts est une violation du principe constitutionnel de libre administration et un exemple éclairant sur la conception que certains se font parfois de l’intérêt général.

Qu’avons-nous d’ailleurs à y gagner ? Le rapport et l’étude d’impact, laquelle vient d’être citée, évoquent, avec une certaine gravité, un impact de 17 milliards d’euros pour l’ensemble des dossiers d’emprunts structurés qui nécessiteraient un provisionnement.

A-t-on simplement remarqué qu’en organisant les conditions d’une forme d’amnistie bancaire – qui semble d'ailleurs poser beaucoup moins d’états d’âme que l’amnistie sociale des militants syndicaux dont il fut question ici voilà quelques mois – on ne fait que déplacer une partie de la charge de ces fameux 17 milliards d’euros du compte de l’État vers celui des collectivités locales ?

En outre, structurellement, au sens de nos engagements européens, c’est exactement la même chose, puisque la dette publique comprend autant celle de l’État que celle des collectivités locales. La seule différence, en dernière instance, c’est que l’un peut laisser relativement courir son déficit budgétaire – et probablement imputer ces 17 milliards d’euros à un déficit de caractère conjoncturel – et que les autres sont tenues de présenter des comptes à l’équilibre tant en fonctionnement qu’en investissement.

La validation législative qui nous est ici proposée est donc un pur transfert de charges faisant de fait et de manière indirecte participer en quelque sorte « à l’insu de leur plein gré », selon l’expression devenue fameuse, les collectivités locales à l’extinction de Dexia.

Le problème, c’est qu’un tel transfert de charges n’a pas grand-chose à voir avec l’intérêt général et a beaucoup plus à voir, si l’on peut dire, avec les commodités d’une situation devenue par ailleurs assez inconfortable pour l’État ; un État dont nous savons pertinemment qu’il est aujourd’hui engagé dans un mouvement de réduction de son déficit budgétaire tant structurel que conjoncturel. À partir de ce postulat, tout fait le compte pour parvenir à l’objectif.

L’intérêt général serait-il donc de sacrifier la situation financière de quelques communes endettées, de plusieurs hôpitaux aujourd’hui dans l’incapacité de répondre aux attentes de leurs patients, de syndicats et d’établissements intercommunaux aux ressources asséchées sur l’autel des critères de convergences du traité budgétaire européen ? Tout cela pour conduire à reconnaître irresponsables les dirigeants d’une banque en faillite, et à laisser les financiers qui ont tiré parti, usé et abusé des éléments de couverture des emprunts structurés apprécier l’importance de leurs plus-values !

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