Intervention de Thierry Braillard

Réunion du 14 mai 2014 à 15h00
Moniteurs de ski — Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Thierry Braillard , secrétaire d'État :

... pour assurer l’attractivité et le dynamisme économique des territoires de montagne, auxquels, je le sais, nombre d’élus sont sensibles dans cet hémicycle.

Cette réussite, nous la devons aussi, et surtout, à la qualité de la formation française et de l’encadrement des pratiques. Les 17 000 moniteurs de ski disposent ainsi en France d’une place tout à fait singulière, tant cette profession a su construire des dispositifs spécifiques de formation et de solidarité, qui ont permis l’excellence de l’encadrement et la sécurisation des pratiques, autant que le développement du sport de montagne de haut niveau.

Il s'agit d’un juste équilibre entre la promotion du sport pour tous et l’accroissement des performances de nos athlètes, auquel je suis, tout comme vous, particulièrement sensible ; les derniers jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver l’ont démontré.

Le métier de moniteur de ski est organisé en France autour d’un système de formation imaginé dans les années trente, qui a abouti en 1937 à la création de la première école française du ski. La profession fut ensuite consacrée et structurée au travers de la création d’une obligation de diplôme, démarche qui, comme vous le savez, inspira l’organisation de l’ensemble de l’encadrement sportif français.

Aujourd’hui, quelque 90 % des professionnels exercent en tant que travailleurs indépendants au sein d’organisations collectives, représentées par les écoles de ski. Le fameux pacte intergénérationnel, dont nous débattons aujourd’hui, est le fruit d’un long cheminement et d’une réflexion engagés en 1963 par le Syndicat national des moniteurs du ski français.

Conscients des aléas auxquels est soumise leur profession – climat, saisonnalité, risques physiques –, les moniteurs des écoles de ski français ont souhaité mettre en place des dispositifs de solidarité. Ils ont ainsi créé un système de retraite par répartition. Il s’agissait surtout d’instituer une assurance vieillesse obligatoire adossée à un dispositif de réduction progressive de l’activité visant à assurer l’insertion des nouveaux diplômés. En fait, c’était, bien avant l’heure, la mise en place du contrat de génération !

Différentes évolutions législatives ont modifié l’âge de départ à la retraite, puis permis l’intégration des moniteurs de ski dans le droit commun de l’assurance vieillesse. Jamais pourtant n’avait été remise en cause cette construction solidaire et intergénérationnelle de la profession de moniteur de ski.

Au mois de décembre 2012, une procédure judiciaire a été engagée par quelques moniteurs demandant l’annulation du pacte intergénérationnel au motif d’une discrimination par l’âge. Dans son arrêt du 30 septembre 2013, la cour d’appel de Grenoble a jugé le pacte licite, estimant, notamment, que la différence de traitement retenue par le pacte répondait à une exigence professionnelle essentielle et déterminante.

Néanmoins, il est apparu indispensable de stabiliser aujourd’hui par voie législative la situation juridique des moniteurs, pour ne pas laisser la profession dans l’incertitude et consolider le système existant, en s’appuyant notamment sur la décision de justice que je viens de citer.

Je me réjouis donc que plusieurs textes émanant de différents groupes politiques parlementaires, de la majorité comme de l’opposition, aient été déposés en ce sens. Ils traduisent l’intérêt que l’ensemble de la représentation nationale accorde au devenir des moniteurs de ski et la légitimité reconnue à la demande de ces professionnels.

Je salue d’ailleurs le vote unanime de l'Assemblée nationale en première lecture sur cette proposition de loi. J’ai la vanité d’espérer, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il en sera de même au Sénat.

Pour sa part, le Gouvernement estime que la proposition de loi que vous discutez aujourd’hui répond pleinement à la nécessité de stabiliser le dispositif existant, en garantissant sa légalité et, au-delà, en permettant de mieux encadrer la mise en œuvre du pacte intergénérationnel.

Ce texte s’inscrit dans le sens de la directive européenne qui autorise les États membres à mettre en place des différences de traitements lorsque celles-ci répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante. C’est également l’avis du Défenseur des droits à propos de la nouvelle version du pacte adoptée au mois de novembre 2012. C’est encore l’avis qu’a retenu la cour d’appel de Grenoble dans l’arrêt que j’ai mentionné.

Cette proposition de loi, nourrie du travail de qualité réalisé par l'Assemblée nationale, précise en outre plusieurs points qui me paraissent essentiels.

Tout d’abord, ce pacte intergénérationnel repose sur le volontariat et ne sera pas imposé dans les stations où la démographie des moniteurs de ski, ou l’absence de jeunes moniteurs, ne le justifierait pas. Chaque école de ski désireuse d’appliquer une réduction d’activité aux moniteurs seniors devra en revanche s’inscrire dans le cadre défini par le texte que vous êtes appelé à voter aujourd'hui.

Ensuite, il est clairement indiqué que la réduction d’activité des seniors doit bénéficier directement aux jeunes diplômés, c'est-à-dire aux moniteurs de moins de 30 ans, et non à l’ensemble des moniteurs ayant moins de 62 ans, comme cela pouvait être le cas auparavant.

Enfin, la réduction d’activité sera progressive et garantira un certain niveau d’activité, donc de revenus, aux moniteurs qui ont l’âge de liquider leur retraite, mais qui sont désireux de poursuivre leur activité.

Le volume d’activité octroyé permettra tant aux seniors entre 62 ans et 67 ans qu’aux jeunes moniteurs de valider deux trimestres d’assurance vieillesse par saison. On garantit ainsi aux moniteurs seniors que, même avec une activité réduite, ils continueront d’acquérir des droits à la retraite. C’est là une bonne réponse à l’adresse de ceux qui craignaient que ces dispositions puissent « précariser » la situation des moniteurs les plus âgés.

Par ailleurs, rappelons qu’une grande partie des moniteurs exerce plusieurs professions et que plus de 50 % des moniteurs âgés de 70 ans sont encore en activité. Cette longévité est très largement choisie et défendue par les moniteurs, qui ont consacré toute leur vie à la montagne.

Le pacte intergénérationnel ne saurait donc être interprété comme un recul des droits à la retraite des moniteurs : il est au contraire une juste prise en compte des aspirations des professionnels de la montagne et de l’avenir d’une profession. C’est d’ailleurs cette dernière qui a défini pour elle-même, à plus de 94 %, cette organisation spécifique.

Attaché au dialogue social qu’il a érigé en principe structurel de son action, le Gouvernement ne peut que se réjouir d’une proposition de loi qui vient ainsi pérenniser et encadrer un accord professionnel.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, les questions d’emplois, particulièrement d’emplois des jeunes, sont au cœur des priorités gouvernementales. Je souhaite que le champ du sport puisse être pleinement inscrit dans ces orientations.

L’économie du sport dans toute sa diversité recèle des potentialités économiques et des gisements d’emplois non délocalisables, qu’il nous faut investir avec détermination. Je veux ici souligner que 90 % des diplômés des écoles de ski trouvent rapidement une insertion professionnelle.

Équilibrée et protectrice, cette proposition de loi répond à notre préoccupation de favoriser l’emploi des jeunes et d’organiser le maintien dans l’emploi des plus anciens. Je le soulignais au début de mon propos, elle rejoint les principes du contrat de génération, dans lequel la transmission des compétences tient une place essentielle.

Comme le déclarait le Président de la République, « le contrat de génération, c’est aussi une mesure qui permet au senior de savoir qu’il y aura une suite après, une solidarité entre les âges. [...] C’est une belle idée qui permet de lutter contre la précarité et qui introduit une réelle solidarité. »

Je remercie donc l’ensemble des élus de cette assemblée – ceux de montagne, mais aussi tous les autres –, de leurs travaux et de leur mobilisation, preuve qu’ils ont pris ce texte à cœur. Je rends d’ailleurs un hommage particulier à M. le rapporteur.

Nul doute que l’ensemble des professionnels moniteurs de ski et, au-delà, l’ensemble des amoureux de la montagne seront sensibles à notre attention et à notre sincère sollicitude à leur égard. Ils le seront tout autant à votre vote, mesdames, messieurs les sénateurs. Pour sa part, le Gouvernement est tout à fait favorable à l’adoption de ce texte.

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