Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que la saison hivernale touche à sa fin et que les dernières stations viennent de fermer leurs portes, il nous revient d’examiner une proposition de loi résultant de plusieurs initiatives parlementaires et soutenue par-delà les massifs et les appartenances partisanes – cela prouve d'ailleurs qu’elle est bonne !
Si la France est redevenue la première destination du tourisme de montagne, elle le doit à la beauté de ses cimes et à la qualité de ses infrastructures, mais aussi à l’excellence de ses moniteurs et monitrices, sans oublier ses pisteurs, guides et accompagnateurs, qui transmettent leur amour de la montagne et de leurs disciplines. Nous le savons, l’économie des régions de montagne repose sur de fragiles équilibres. Le tourisme en est l’une des principales composantes ; il est également une source d’emploi pour les habitants.
Arnaud Bovolenta, Jean-Frédéric Chapuis, Marie Martinod, Bastien Midol : ces médaillés français aux jeux Olympiques de Sotchi sont en formation pour devenir moniteurs de ski. Ils feront partie des 350 diplômés annuels de l’École nationale des sports de montagne, qui sont autant de futurs éducateurs à insérer. À l’autre bout de la chaîne, le taux d’activité des moniteurs est de 56 % à 70 ans ; à 77 ans, ils sont encore près de 30 % à ne pas avoir raccroché les spatules !
Au-delà du constat que la pratique des sports d’hiver et la vie au grand air conservent en bonne santé – témoin le président du Syndicat national des moniteurs du ski français, le SNMSF, Gilles Chabert, dont on a beaucoup parlé tout à l'heure –, la régulation de la profession apparaît comme une nécessité.
Cette profession s’est organisée d’une manière particulière, mais efficace, reconnaissons-le, puisque le chômage y est quasi inexistant. Soumis au régime des indépendants, les moniteurs sont, dans leur écrasante majorité, membres d’une école de ski, qui est en charge de la gestion des plannings et de la répartition des cours.
La nécessité de dispositifs d’accompagnement pour les moniteurs âgés et d’insertion pour les plus jeunes s’est rapidement imposée. Le premier dispositif date de 1963, cela a été rappelé. Il a fait l’objet d’actualisations régulières. Les plus récentes sont intervenues en 2007 et en 2012, année où le principal syndicat des moniteurs de ski, le SNMSF, a adopté un nouveau dispositif, dit « pacte intergénérationnel », approuvé par plus de 94 % de ses membres.
Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, vous avez rappelé le contentieux juridique opposant certains moniteurs seniors – peu nombreux – à leur école de ski. Un constat s’impose à nous : cette situation doit être clarifiée. Comment mieux y parvenir que par la voie législative, en définissant un cadre juridique précis ?
Le texte soumis à notre examen prend en compte les revendications des représentants de la profession, mais aussi les avis de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, et du Défenseur des droits. Il est également compatible avec la directive européenne 2000/78/CE.
En effet, cette directive dispose que « les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ». De ce point de vue, l’équilibre trouvé dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale est tout à fait satisfaisant.
D’une part, si l’on considère le dispositif proposé pour les moniteurs seniors, qui est détaillé à l’article 2, on constate – c’est un point important – que la réduction d’activité se fait par seuils : entre 62 et 65 ans, elle ne peut dépasser 30 % ; entre 65 et 67 ans, elle passe à 50 % ; enfin, après 67 ans, les moniteurs peuvent avoir le statut de simple renfort, en période de vacances scolaires.
Parallèlement, ils conservent leur propre clientèle, constituée tout au long de leur carrière en dehors des écoles de ski ; je rappelle que nous parlons ici d’une profession libérale. Nous sommes donc face non pas à une discrimination liée à l’âge, mais à un accompagnement progressif vers la retraite. Le Défenseur des droits, que vous avez saisi à juste titre, monsieur le rapporteur, a dressé le même constat.
D’autre part, l’article 1er va plus loin que les pactes intergénérationnels, en posant que la « redistribution d’activité résultant de la mise en œuvre de ce dispositif bénéficie exclusivement aux moniteurs âgés de moins de trente ans ». Le texte évite ainsi d’opposer les jeunes moniteurs aux plus âgés. Il concilie les besoins des uns et des autres, dans l’intérêt de la profession. En outre, aux deux extrémités de la pyramide des âges, les moniteurs pourront valider chaque année deux trimestres d’assurance vieillesse au minimum. Cet aspect est primordial dans une profession dont l’activité est saisonnière.
Enfin, notons que la mise en place de ces dispositifs est facultative : elle est laissée à l’appréciation des écoles de ski. En effet, comme cela a été souligné, les problématiques ne se posent pas dans les mêmes termes dans les grandes stations et dans les stations de taille plus modeste.
En résumé, mes chers collègues, ce dispositif est équilibré. Il est aussi frappé au coin du bon sens et constitue une sorte de contrat de génération avant l’heure.
Les sénateurs radicaux et l’ensemble des membres du RDSE ont donc choisi de ne pas déposer d’amendement sur le texte transmis par l’Assemblée nationale. Ils souhaitent que son adoption conforme fasse l’objet d’un large consensus et permette de ramener la sérénité au sein des écoles de ski françaises.