Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, s’agissant de ma partie, qui concerne les équipements conventionnels du programme 146, je ferai deux séries de considérations ayant trait, d’une part, aux données financières et, d’autre part, aux données physiques, c'est-à-dire aux programmes d’équipement proprement dits.
Concernant les données financières, qui représentent ma première partie de considérations, je présenterai quatre remarques simples.
Premièrement, la programmation budgétaire ne sera pas intégralement respectée : les crédits budgétaires – hors ressources exceptionnelles, mais l’histoire récente a montré qu’elles pouvaient être exceptionnelles – seront inférieurs de 3, 63 milliards d’euros aux prévisions de la loi de programmation sur les exercices 2011, 2012 et 2013.
Deuxièmement, la réduction des ressources budgétaires affectera essentiellement les années 2012 et 2013. En effet, pour 2011, les prévisions portant sur les seules ressources budgétaires font apparaître un manque de 500 millions d’euros pour 2011, de 1, 34 milliard d’euros en 2012 et de 1, 79 milliard d’euros en 2013. Les problèmes sont donc reportés sur les exercices futurs, ce qui n’est jamais une bonne méthode.
Troisièmement, au sein de la mission « Défense », les crédits de paiement affectés à l’équipement des forces diminueront de 5, 78 % en 2011. La sanctuarisation des équipements militaires a vécu. Ces derniers vont redevenir la variable d’ajustement budgétaire qu’ils ont toujours été. La parenthèse n’aura duré que trois ans.
Quatrièmement, la réduction des crédits d’équipement va entraîner le report de programmes importants : la rénovation des Mirage 2000D – notre rapport écrit insiste sur ce programme et j’y reviendrai tout à l’heure –, le programme d’avions ravitailleurs multirôle, la quatrième étape du programme de surveillance de l’espace aérien et de commandement des opérations aériennes, certains programmes d’armement terrestre, ainsi que le programme de satellite d’écoute Ceres qui devait entrer en service en 2016. J’observe que l’armée de l’air a été particulièrement mise à contribution, ce qui posera des problèmes redoutables pour notre aviation de combat.
Ma deuxième série de considérations concernera la mise en œuvre des programmes.
Pour ce qui est de ma partie, les équipements conventionnels, je distinguerai ce qui va bien ou mieux de ce qui ne va pas ou inquiète.
Dans la première série, je mentionnerai trois sujets.
Le premier est le sauvetage – le mot n’est pas trop fort ! – du programme d’avions de transport A400M. Votre prédécesseur s’y est impliqué, monsieur le ministre d’État. Comme on le sait, ce programme a suivi le chemin critique de l’Europe de la défense. Après de longs mois de discussion, l’avenant au programme a été signé entre les États contractants et EADS. Je veux espérer que les difficultés soient désormais derrière nous et regrette, naturellement, l’augmentation du coût de ce programme, en dépit du choix initial d’un marché forfaitaire.
Le second est la mise à l’eau, le 4 mai 2010, de la première frégate multi-missions, l’Aquitaine, qui vous est chère, monsieur le ministre d’État ; elle a mis un terme aux tergiversations sur ce programme qui était initialement ciblé sur dix-sept frégates, mais qui bénéficiait de financements innovants – il faut toujours s’en méfier ! – et se trouve désormais réduit à onze unités pour la France.
Enfin, je voudrais dire un mot de la remise sur pied du programme de fabrication du petit missile terrestre, successeur du missile Milan, auquel je me suis particulièrement intéressé, avec notre collègue Jacques Gautier. Certes, rien n’est encore décidé sur le long terme, mais la situation semble évoluer dans la bonne direction et nous pouvons garder l’espoir que le remplacement de ce missile, dans sa trame, restera européen.
Concernant les sujets d’inquiétude, je citerai au tout premier rang le report du programme de rénovation du Mirage 2000D. Le Livre blanc prévoyait que les forces aériennes reposeraient sur deux piliers : le Rafale et le Mirage 2000D, excellent avion qui pourrait, sous réserve de la rénovation de ses systèmes d’armes, rester opérationnel au moins jusqu’en 2025. Évidemment, le report de cette rénovation, dû à l’acquisition anticipée de onze Rafale, s’il était confirmé l’an prochain, pourrait conduire à une obsolescence du Mirage 2000D dès 2014 et réduire ainsi à 150 avions le format de l’aviation de combat française. Comme vient de le dire notre collègue Jean-Pierre Masseret, tout doit être fait pour éviter d’en arriver là, sinon l’armée de l’air ne pourra plus remplir ses contrats opérationnels.
Je citerai également le report du programme de l’avion ravitailleur multi-rôle, ou MRTT, destiné à pourvoir au remplacement de la flotte de ravitailleurs en vol, qui va nous contraindre à trouver des solutions palliatives. Toute rupture capacitaire est en effet inacceptable pour l’aviation de combat, en général, et pour les forces aériennes stratégiques, en particulier.
Ensuite, je mentionnerai l’absence de décision concernant le choix du remplacement du système intérimaire de drones MALE. Je sais bien que la succession du Harfang déployé en Afghanistan devrait se décider dans les semaines qui viennent, et j’observe néanmoins que l’industrie française disposait de toutes les technologies utiles pour être présente sur ce segment et que nous avons collectivement « raté la marche ».
Enfin, j’évoquerai le report du programme Scorpion destiné à assurer la plus grande cohérence du matériel utilisé pour les équipements de l’armée de terre. Ce programme particulièrement intelligent connaît des reports successifs depuis plusieurs années, qui risquent fort d’engendrer des surcoûts et de le rendre finalement moins pertinent.
Pour terminer, je préciserai que la commission unanime a approuvé l’amendement relatif aux marins-pompiers de Marseille, adopté par l’Assemblée nationale : ces militaires seront ainsi traités comme leurs collègues civils. Mme Bernadette Dupont tenait beaucoup à ce que nous le mentionnions, et je l’ai fait pour elle.
Sous le bénéfice de ces réserves et de ces observations, la commission des affaires étrangères, dans sa majorité, a suggéré d’adopter les crédits de la mission « Défense ».