La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Par lettre en date du 25 novembre 2010, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 1er décembre 2010, de la mission temporaire sur les métiers et les compétences dans le secteur des énergies marines renouvelables, confiée à Mme Gisèle Gautier, sénatrice de la Loire-Atlantique, auprès de Mme Valérie Létard, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 297 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.
M. le Premier ministre a communiqué au Sénat le rapport sur la mise en application de la loi n° 2009-974 du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales, ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires, établi en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense » (et article 69).
La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.
Monsieur le ministre d’État, pour votre première intervention significative devant le Sénat à l’occasion de la présentation du projet de budget de la défense, permettez-moi de vous féliciter pour cette nomination majeure.
Même si vous avez occupé par le passé des fonctions plus importantes encore au service de notre pays, je connais trop la passion du service de l’État qui vous anime – elle vous a d’ailleurs toujours animé – pour douter que la mission qui vient de vous être confiée avec le ministère de la défense ne vous intéresse infiniment.
M. Robert del Picchia applaudit.
Pour les rapporteurs de la commission des finances de la Haute Assemblée, qui sont tout autant attachés à leur fonction, il s’agit là d’une réelle satisfaction et d’un encouragement majeur au moment où, une fois de plus, ils s’interrogent sur le fait de savoir si les programmes militaires, tels qu’ils ont été élaborés avec tant de soin avec la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, pourront être respectés.
Nous comptons beaucoup sur votre investissement et sur votre motivation, comme vous pouvez compter, monsieur le ministre d’État, sur notre vigilance et notre soutien, que nous appartenions à la majorité ou à l’opposition, …
… car ici, au Sénat – vous le savez parfaitement –, devant les nécessités et les exigences de la défense nationale, les préoccupations partisanes passent au second plan : seuls comptent les intérêts majeurs de l’État.
En revanche, nous avons des sujets d’inquiétude et nous allons, les uns et les autres, vous les exposer.
Le rapport écrit que Jean-Pierre Masseret, Charles Guéné et moi-même avons rédigé est suffisamment complet pour que je n’aie pas à reprendre ici, alors que le temps nous est mesuré de manière insupportable, les données de la mission et de ses chapitres.
Si je me permets de dire que le temps nous est mesuré de manière insupportable, c’est en songeant aux 182 heures que nous avons consacrées ici même à débattre de la réforme des retraites alors que, aujourd'hui, nous ne disposons chacun que de dix minutes pour analyser le troisième budget de l’État et ses 37 milliards d’euros.
M. Jean-Louis Carrère s’exclame
Monsieur le ministre d’État, je limiterai mon propos à quelques considérations, questions ou réflexions que je souhaite vous adresser.
Je commencerai par évoquer quelques-uns des sujets de satisfaction. Ils ne sont pas mineurs.
J’aborderai tout d’abord la tenue de nos forces en Afghanistan, où elles affrontent depuis déjà longtemps un ennemi redoutable sur un terrain extraordinairement difficile. Le sang versé rend compte de la dureté des combats et force le respect.
N’en déplaise aux partisans du départ de la France de ce théâtre d’opérations, c’est au prix de tels sacrifices que notre pays peut encore conserver sa place au Conseil de sécurité des Nations unies, au moment où son poids économique relatif diminue proportionnellement face à celui de pays émergents de la taille de la Chine, de l’Inde et du Brésil, et où sa capacité à contribuer efficacement à la paix mondiale reste essentielle.
Face aux difficultés rencontrées sur ce terrain, je remercie votre prédécesseur d’avoir amélioré de manière significative les moyens de nos soldats, et pas simplement ceux de leur sécurité.
Ensuite, monsieur le ministre d’État, je vous félicite des efforts déployés par votre ministère et vos états-majors en faveur de tous les domaines concernés par la vaste réorganisation des armées. Aucune opération aussi gigantesque n’a jamais été imposée à un grand corps de l’État.
Cette réorganisation prévoit une réduction drastique des effectifs sans que soient affaiblies – c’est l’objectif – les capacités opérationnelles ; la réalisation de bases de défense, seule méthode qui permette une mutualisation sensible des moyens et de la logistique ; le maintien des objectifs et des moyens d’un recrutement dont la qualité garantit celle des unités et des écoles ; une programmation ambitieuse pour tous les matériels de la défense ; enfin, des économies, partout recherchées, qui doivent en principe être réinvesties dans l’équipement et le maintien en condition opérationnelle.
Que ce soit conformément à la loi relative à la programmation militaire, au Livre blanc fondateur ou à la très civile révision générale des politiques publiques, la RGPP, les armées produisent des efforts dignes d’éloges pour respecter une feuille de route particulièrement difficile.
Enfin, les récents accords franco-britanniques, sur lesquels vous nous donnerez certainement de plus amples détails, monsieur le ministre d’État, sont sources d’une autre satisfaction, qui est de taille. Nous espérons beaucoup de ces accords, mais que pouvons-nous en attendre ? Ils sont en effet un peu inespérés, tant on connaît le peu d’appétence des Anglo-saxons pour une coopération avec les Français.
Les quelques remarques qui vont suivre, monsieur le ministre, constituent en revanche d’importants sujets de préoccupation.
Je m’interroge avec inquiétude – je ne suis d’ailleurs pas le seul – sur les perspectives de ressources de la mission « Défense » d’ici à 2014.
Tout d’abord, je m’interroge sur les fameuses « ressources exceptionnelles ». La vente des fréquences hertziennes est-elle vraiment escomptable en 2011 ? En tout cas, l’est-elle plus qu’en 2010 ?
Les ressources exceptionnelles provenant de ventes immobilières du patrimoine de la défense, même revues à la baisse, vont-elles véritablement alimenter votre budget à la hauteur qui était initialement prévue ?
Face à ces difficultés à vendre – elles ne sont pas étonnantes dans le contexte économique actuel –, que devient le projet Balard d’un Pentagone à la française ? Je sais bien que ce projet ne doit pas être financé par le produit des cessions immobilières précédemment citées, mais est-on sûr que, si le ministère de la défense déménage à Balard en 2014, l’État ne se retrouvera pas pendant plusieurs années avec une partie importante du patrimoine actuel sur les bras ?
La question des ressources exceptionnelles n’est pas essentielle, car de telles ressources, si elles devaient être manquantes, peuvent toujours être compensées, comme on l’a vu en particulier l’an dernier.
L’essentiel, pour la commission des finances, c’est que le taux de croissance sera probablement nettement inférieur aux prévisions du Gouvernement – ce dernier prévoit un taux de 2 % l’année prochaine et de 2, 5 % de 2012 à 2014 –, de sorte que, pour ramener le déficit national à trois points du PIB en 2013, il faudra vraisemblablement prendre des mesures supplémentaires sur les dépenses et les recettes. Dans ces conditions, il est à craindre que la mission « Défense » ne serve de variable d’ajustement. Nous en avons un peu l’habitude !
Par ailleurs, si l’on souhaite se projeter au-delà de 2013, on ne trouve par définition rien, dans la programmation triennale 2011-2013, sur 2014 et sur ce qui servira de point de départ au calcul des ressources de la mission « Défense » cette année-là. Prendra-t-on en compte les ressources totales qui sont actuellement prévues pour 2013 ou les seuls crédits de paiement ?
Mais la question des ressources n’est pas tout. Parviendrons-nous à respecter « physiquement » la loi relative à la programmation militaire ? Disposerons-nous des effectifs et des matériels prévus ?
L’impression qui se dégage est que, du fait d’une sous-estimation initiale de la masse salariale et de la faible inflation en 2009, il existe un risque de « cannibalisation » des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement, potentiellement à hauteur de plusieurs milliards d’euros. Cela constitue un véritable sujet de préoccupation supplémentaire à l’horizon 2014.
À cela s’ajoutent les graves incidents industriels qui affectent certains programmes ou l’entretien de très grosses unités de la marine nationale. Je pense ainsi au récent accident d’entretien du Charles de Gaulle – je ne parle pas de la première hélice –, qui a ridiculement retardé, et peut-être en partie compromis, le succès d’une campagne internationale très prometteuse, dont nous attendions beaucoup.
On peut surtout s’inquiéter des retards de l’A400M et de ceux du NH90 ; mais d’autres évoqueront sûrement ces sujets, qui plus est mieux que moi.
Enfin, je regrette, monsieur le ministre d’État, qu’un récent rapport de la Cour des comptes sur la gestion des hôpitaux militaires ait cloué au pilori la direction centrale du service de santé des armées, la DCSSA, pour sa gestion des établissements, oubliant les contraintes exorbitantes qui pèsent sur ceux-ci et les efforts exceptionnels que la direction déploie jour après jour pour constituer les antennes chirurgicales avancées, les ACA, lesquelles non seulement assurent efficacement la sécurité sanitaire de nos troupes lors des opérations extérieures, mais aussi se déploient au profit des populations locales, comme tout le monde en est le témoin.
Certes, la direction centrale du service de santé des armées doit sûrement faire plus d’efforts de gestion, engager des réformes importantes et développer d’autres formes de coopération et de complémentarité avec le secteur civil ; mais lorsqu’un rapport est injuste avec une institution, il peut y perdre une part importante de son efficacité. Je le regrette.
Monsieur le ministre d’État, sur le papier, le projet de budget de la défense pour 2011 est sincère et équilibré. Si l’on prend en compte les prévisions de ressources exceptionnelles, il est conforme, à l’épaisseur du trait, aux prévisions de la loi relative à la programmation militaire.
Nos inquiétudes concernent plutôt les années suivantes, à l’horizon 2014, je le répète, et plus encore à l’horizon 2020, comme mes collègues ne manqueront pas de le souligner. Certes, la réserve de budgétisation prévue dans la loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2012 est en principe susceptible d’abonder les plafonds de crédits prévus par cette même loi, mais l’ensemble des ressources de la mission « Défense » risquent d’être nettement inférieures à la programmation.
Peut-être pourrez-vous nous apporter des éléments de nature à nous rassurer, monsieur le ministre d’État, en particulier en ce qui concerne la révision de la loi relative à la programmation militaire, qui doit avoir lieu en 2012 ?
En conclusion, Charles Guené et moi-même avons proposé à la commission des finances, en tant que rapporteurs spéciaux, d’approuver les crédits de la défense, ce qu’elle a fait. Nous proposons aujourd'hui au Sénat de faire de même.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, mes collègues rapporteurs spéciaux et moi-même avons décidé cette année de nous écarter de notre logique sectorielle habituelle pour poser clairement la question aujourd’hui essentielle des perspectives budgétaires des crédits de la mission « Défense », dans le contexte de la nécessaire réduction du déficit public.
Notre collègue François Trucy vient de présenter le cadre programmatique du présent projet de loi de finances : la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, dont les perspectives d’exécution suscitent certaines inquiétudes.
Je vais maintenant présenter les grands équilibres du présent projet de loi de finances. Mon collègue Jean-Pierre Masseret s’intéressera ensuite aux perspectives de la mission « Défense » à plus long terme. Cela nous permettra de mettre en évidence le fait que des choix politiques essentiels, qui vont bien au-delà des seuls enjeux de finances publiques, devront être faits ces prochaines années.
Les crédits de paiement de la mission « Défense » proposés pour 2011 s’élèvent, je le rappelle, à plus de 37 milliards d’euros. Je n’entrerai pas dans les détails des différents programmes, car nos collègues rapporteurs pour avis le feront avec talent tout à l’heure.
Pour ma part, je m’efforcerai de répondre à trois questions.
Tout d’abord, le montant global des ressources prévues pour 2011 est-il conforme à la loi relative à la programmation militaire ?
Ensuite, dans quelle mesure ces crédits permettront-t-ils d’exécuter « physiquement » ladite loi ?
Enfin – cette question est essentielle –, dans quelle mesure les objectifs opérationnels seront-ils atteints ?
En ce qui concerne le montant global des ressources prévues pour 2011, les ressources pour la mission « Défense » sont, à l’épaisseur du trait près, conformes à ce que prévoit la loi de programmation militaire.
Selon le Gouvernement, les ressources seraient inférieures de seulement 50 millions d’euros au montant fixé par la loi de programmation militaire. En effet, les crédits de paiement seraient de 500 millions d’euros de moins, mais, en contrepartie, les ressources exceptionnelles qui auraient dû être perçues en 2009 et en 2010 le seraient de manière décalée, d’où 450 millions d’euros de ressources supplémentaires.
Ce serait seulement ensuite, en 2012 et surtout en 2013, que, si l’on ajoute les ressources exceptionnelles aux crédits de paiement fixés par le projet de loi de programmation des finances publiques 2011-2014, les ressources totales de la mission « Défense » seraient nettement inférieures à ce que prévoit la loi de programmation militaire.
Cette affirmation selon laquelle les ressources globales seraient en 2011 inférieures de seulement 50 millions d’euros à ce que prévoit la loi de programmation militaire doit cependant être nuancée.
Tout d’abord, comme cela a été expliqué dans le rapport, il nous semble que le Gouvernement minore d’une trentaine de millions d’euros le montant des ressources qui découleraient en 2011 de l’application stricte de la loi de programmation militaire. Le manque de ressources globales serait donc non de 50 millions d’euros, mais de 80 millions d’euros. On peut bien entendu discuter ce chiffre, mais ce qu’il montre, c’est que l’on se situe bien dans l’épaisseur du trait, 80 millions d’euros représentant 0, 2 % de la mission « Défense ». Il ne s’agit donc pas d’un montant significatif.
Le montant attendu des ressources exceptionnelles constitue un sujet plus important. Il s’élève à plus d’un milliard d’euros en 2011, dont 850 millions d’euros de ressources hertziennes. L’enjeu n’est peut-être pas si essentiel que cela en lui-même. En effet, si le Gouvernement veut garantir à la mission « Défense » les ressources prévues, il peut toujours compenser les ressources exceptionnelles manquantes, comme il l’a fait en 2009.
Ce qui nous préoccupe, c’est plutôt que d’éventuels manques à gagner en 2011, voire au cours des années suivantes, ne soient pas compensés, alors que nous sommes sortis de la logique du plan de relance pour entrer dans celle d’une réduction forte du déficit public.
Par ailleurs, pour atteindre l’objectif de déficit public de 6 points de PIB en 2011, l’effort discrétionnaire de réduction du déficit risque de devoir être plus important que celui qui est actuellement prévu, ce qui pourrait impliquer une contrainte plus forte sur la mission « Défense ».
Monsieur le ministre d’État, dans quelle mesure les montants prévus pour 2011 permettront-ils d’exécuter « physiquement » la loi de programmation militaire ?
Les ressources de la mission « Défense » devraient donc être, en 2011, globalement en ligne avec ce que prévoit la loi de programmation militaire, si l’on excepte les aléas des ressources exceptionnelles et d’un éventuel effort supplémentaire qui pourrait être demandé à la mission « Défense ».
Une deuxième question est de savoir dans quelle mesure ces ressources permettront l’exécution « physique » de la loi de programmation militaire. En effet, ce n’est pas tout d’avoir l’argent, encore faut-il qu’il permette de disposer des effectifs et des équipements prévus !
De ce point de vue, la situation paraît préoccupante du fait de la « cannibalisation » des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement. Ainsi, en 2011, selon la programmation révisée du Gouvernement, les dépenses d’équipement seraient réduites de 500 millions d’euros par rapport à la loi de programmation militaire pour permettre le financement du « dérapage » des dépenses de fonctionnement.
Comme mes collègues rapporteurs spéciaux et moi-même l’avions déjà souligné lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, cette situation s’explique notamment par le fait que, contrairement aux lois de programmation militaire précédentes, la loi actuelle programme en euros constants non seulement les dépenses d’équipement, fortement dépendantes de l’inflation, mais aussi l’ensemble des dépenses. Celles de personnel sont ainsi concernées alors qu’à court terme elles ne dépendent pas de l’inflation.
L’inflation ayant été quasiment nulle en 2009, le pouvoir d’achat de la mission « Défense » se trouve réduit de plusieurs centaines de millions d’euros par an. À cela s’ajoute le fait que certaines dépenses de personnel dérapent en euros courants. Ainsi, un projet de décret d’avance récemment transmis à la commission des finances tend à accroître les dépenses de personnel de la mission « Défense » de 200 millions d’euros en 2010, hors opérations extérieures, ou OPEX.
Non seulement les dépenses de personnel sont supérieures à ce que prévoit la loi de programmation militaire, mais, de plus, elles ne permettent pas d’avoir le niveau d’effectifs prévu. En effet, la loi de programmation militaire définit deux objectifs en la matière : un en niveau et un en évolution par rapport à l’année précédente.
L’objectif d’évolution par rapport à l’année précédente est à peu près respecté, mais les effectifs ayant été plus faibles que prévu en 2008, on observe dès lors un écart significatif en 2009 et en 2010 en équivalents temps plein travaillé, ou ETPT.
En outre, certaines dépenses d’équipement viendront se substituer à d’autres, jugées sinon plus utiles, du moins plus urgentes. Ainsi, en conséquence de l’absence de contrat à l’exportation du Rafale, la mission « Défense » va devoir acquérir onze de ces avions en plus sur la période 2010-2012, dont quatre en 2011.
Pour terminer, j’en viens aux perspectives relatives aux objectifs opérationnels.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la loi de programmation militaire fixe non seulement des objectifs de moyens, mais aussi – c’est évidemment l’essentiel – des objectifs de capacités opérationnelles. Ces derniers sont repris par les contrats opérationnels des différentes armées ainsi que par les projets annuels de performance annexés aux projets de lois de finances.
L’indicateur du projet annuel de performance le plus important aux yeux de mes collègues rapporteurs spéciaux et de moi-même est celui qui est intitulé : « Capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France ». Depuis l’année dernière, il est d’ailleurs l’un des quatre indicateurs principaux de la mission « Défense ».
Cet indicateur concerne notamment les capacités de projection de l’armée de terre qui, je vous le rappelle, mes chers collègues, doit notamment pouvoir projeter 30 000 combattants à 8 000 kilomètres dans un délai de six mois. Pour la première fois, le présent projet de loi de finances prévoit que cet objectif de l’armée de terre ne sera pas parfaitement atteint en 2011, puisqu’il ne le serait qu’à 95 %, et à 90 % en 2013. Les auteurs du projet de loi de finances expliquent cette évolution défavorable par une précision laconique : « Les prévisions tiennent compte des contraintes budgétaires de la période ».
Il serait donc illusoire de s’imaginer que les contraintes budgétaires n’auront pas de conséquence sur les capacités opérationnelles. On commence déjà à le voir pour 2011. En l’absence d’une volonté politique forte de préserver les capacités opérationnelles, cette tendance pourrait être encore plus nette en 2014, voire en 2020. Ce sont donc des choix importants qui devront être faits ces prochaines années, comme notre collègue Jean-Pierre Masseret va maintenant l’expliquer.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je rapporte le programme 146, qui concerne l’équipement des forces. Chacun ici sait ce que cela signifie : il s’agit de garantir à nos armées du matériel moderne et performant pour respecter les contrats opérationnels que lui fixe l’autorité politique.
Ce sont des crédits importants – « des sous », comme on dirait en province ! –, puisqu’ils s’élèvent à 13 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à presque 12 milliards d’euros en crédits de paiement. Ces crédits, répartis sur nos cinq systèmes de force, doivent permettre la mise en application des engagements tant du Livre blanc sur la défense que de la loi de programmation militaire.
Par conséquent, les seules questions que nous nous posons sont les suivantes : ces crédits sont-ils et seront-ils respectés ? Quelles sont les perspectives en matière d’équipement eu égard aux contraintes budgétaires qui, manifestement, perdureront ?
Au final, quelles questions devons-nous les uns et les autres, que nous soyons de droite ou de gauche, traiter sans complaisance, ne serait-ce que pour préparer le rendez-vous de 2012 fixé par la loi de programmation militaire ?
Tout d’abord, je souhaiterais dresser un premier constat que mes collègues ont déjà évoqué et que je n’approfondirai donc pas. La loi de programmation militaire ne démarre pas sous les meilleurs auspices puisque, comme nous venons de le voir à l’instant, les dépenses de fonctionnement ont été sous-estimées – c’est d’ailleurs souvent le cas – et resteront durablement supérieures aux prévisions. Elles empiéteront donc demain sur les dépenses d’équipement. Mon collègue a évoqué la commande de treize Rafale supplémentaires pour permettre à l’industriel de compenser l’absence de contrat à l’export. Or c’est une mesure qui devra être financée !
De 2011 à 2013, il faudra réaliser une économie sur les équipements d’environ 1, 8 milliard d’euros.
Je rappelle ici que l’objectif du Livre blanc concernant les augmentations prévisibles était une progression en volume de 1 % par an. Cet objectif semble hors d’atteinte, et, par conséquent, nous allons nous trouver dans un dispositif d’évolution soit en zéro volume, soit en zéro valeur – voilà le pire ! – avec, comme d’habitude, un écart entre la réalité et la prévision. Je siège au sein de cette assemblée depuis un certain nombre d’années maintenant, et je n’ai jamais vu une loi de programmation militaire tenir parfaitement les prévisions d’origine !
Il y aura donc vraisemblablement des étalements de certains programmes, des réductions des capacités opérationnelles et un danger de ruptures capacitaires, voire des réductions d’effectifs. Or tout cela conduit à des conséquences politiques quant à la situation de la France dans l’organisation du monde et dans le rôle qu’elle entend jouer au sein de l’espace européen.
Monsieur le ministre d’État, voilà pourquoi le rendez-vous de 2012 – il est prévu – prend un sens particulier. Je vais me permettre quelques suggestions et questions. Je prends la précaution oratoire de dire que je n’adopte nullement une posture politicienne. J’ai dépassé l’âge de ce genre de fantaisies ! §Ce sont donc des questions que je pose en tant que responsable politique et qui visent uniquement, à l’évidence, les intérêts de la France.
Il me semble, modestement, que, compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous devrions tout d’abord revoir le Livre blanc tel qu’il a été rédigé, nous interroger sur les conséquences réelles d’un retour en clair-obscur dans l’organisation militaire intégrée de l’OTAN – et je précise que j’y étais favorable, étant probablement un socialiste hérétique par rapport à cette question.
Il nous faut sortir d’un débat incessant, mais toujours conduit en catimini, sur l’Afghanistan. On sait bien qu’il y a un débat permanent sur le sujet, mais il n’est jamais rendu public ni posé devant la représentation nationale ou l’opinion publique.
Ensuite, il est nécessaire de mesurer ce que représente – et c’est un homme de l’Est qui vous le dit – la réforme portant fermeture drastique de régiments et de bases. Il faut aussi examiner – vous le ferez volontiers, j’imagine – le partenariat stratégique à front renversé franco-britannique.
Il faudrait peut-être repositionner, en quelque sorte, la pensée stratégique de notre pays, sujet qui est posé, je le répète, aussi bien à la gauche qu’à la droite.
De nombreuses questions doivent être tranchées. Faut-il un ou deux porte-avions ? La défense doit-elle être anti-missile ou non ? Quel avenir envisager pour la relation franco-allemande ? Où va la politique commune de sécurité et de défense ? Jusqu’où le nombre des avions de chasse va-t-il décroître ? Que reste-t-il de nos ambitions de nation cadre, de notre position autonome et de notre dogme de souveraineté ? Comment, au final, la nouvelle grille de lecture de nos intérêts vitaux se conjugue-t-elle ?
Je répète à cette tribune que nous devons traiter ces questions. Monsieur le ministre d’État, vous les aborderez tout autant que nous, qui sommes dans l’opposition nationale, parce que c’est une responsabilité collective qui nous est posée à tous. Nos concitoyens ont le droit de connaître nos positions, et nous devons y répondre collectivement.
En tant que rapporteur du programme 146, vous imaginez bien que je suis très intéressé par le versant industriel de cette vaste problématique. De nombreuses questions doivent encore être soulevées : que souhaitons-nous conserver de notre autonomie, de nos compétences, de nos bureaux d’étude et de nos savoir-faire dans ce vaste chantier industriel ? Quel rôle doit être attribué à la DGA ? À quoi devons-nous, ou non, renoncer ? Quelle ampleur donner à la mutualisation dans le cadre européen de ces chantiers industriels ? Dans le partenariat franco-britannique récent, quelles seront les conséquences industrielles ?
Les Britanniques sont-ils motivés par autre chose que par le simple constat d’échec patent de leur politique de défense au cours des dix dernières années, et peut-être par le besoin de trouver un allié crédible ?
Nous devons nous poser toutes ces questions, monsieur le ministre d’État, pour préparer le rendez-vous de 2012, sans complaisance ni défiance.
Étant le dernier rapporteur spécial à intervenir, je rappelle à M. le ministre d’État ainsi qu’à l’ensemble de mes collègues que la commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense » pour 2011 et de l’article 69, qui porte sur la responsabilité pécuniaire des militaires.
À titre personnel, comme d’habitude, je m’abstiendrai, comme je me suis abstenu en commission des finances : François Mitterrand disait qu’il ne fallait jamais voter contre les crédits de défense de son pays, et je partage cet avis.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État – mais peut-être devrais-je dire « monsieur le Premier ministre » ? J’avoue ne pas savoir quelle formule doit être employée pour respecter la coutume républicaine ! –, mes chers collègues, en ce qui concerne le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, le projet de budget pour 2011 respecte les objectifs fixés en vue de renforcer les moyens des services de renseignement.
Avec 165 recrutements supplémentaires prévus l’an prochain, la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, devrait avoir augmenté ses effectifs de 10 % sur trois ans, soit les deux tiers de la progression prévue par la loi de programmation. L’effort est d’autant plus significatif qu’il porte sur des personnels de haut niveau, en particulier des ingénieurs spécialisés dans le renseignement technique et recrutés par contrat.
Il faut également saluer les progrès accomplis, ces dernières années, pour améliorer la situation statutaire et indiciaire des fonctionnaires de la DGSE. Une réforme de l’encadrement supérieur est en cours afin de rendre les carrières plus attractives et de favoriser les passerelles avec la fonction publique d’État. La création d’un corps d’administrateurs, en partie recrutés à la sortie de l’ENA, est un signe de la volonté de décloisonner et de revaloriser le renseignement.
Enfin, l’effort sur les moyens techniques et les infrastructures ne se relâche pas. Il devra être poursuivi, en accord avec l’augmentation des effectifs et les besoins croissants de traitement des flux de communication.
L’accentuation des moyens humains et techniques de la DGSE engagée depuis deux ans est donc une réalité dont je me réjouis. Restons conscients, toutefois, qu’elle se chiffre en dizaines de millions d’euros, ce qui reste modeste par rapport à l’ensemble du budget de la défense. Il s’agit surtout, à mon sens, d’un rattrapage nécessaire, car, dans le passé, les moyens de la DGSE n’avaient pas suivi les exigences découlant du nouvel environnement de sécurité et des nouvelles technologies de communication.
À l’inverse de la DGSE, la Direction de la protection et de la sécurité de la défense, la DPSD, qui est en quelque sorte le service de sécurité interne du ministère de la défense, doit perdre 15 % de ses effectifs en six ans, soit environ 200 emplois. La mise en place de procédures numérisées permettra des gains sur des postes de gestion administrative alors que le service augmentera le nombre de ses personnels les plus qualifiés, comme en témoigne le doublement des emplois civils de catégorie A en deux ans. Cette évolution devrait améliorer la capacité du service en matière d’exploitation du renseignement et de contrôle de la sécurité des systèmes d’information du ministère.
En ce qui concerne la recherche de défense, autre grand volet du programme 144, nous constatons depuis trois ans un tassement des crédits d’études amont – autour de 650 millions à 700 millions d’euros par an, en comptabilisant les financements complémentaires issus du plan de relance – et, pour 2011, des ventes de fréquences hertziennes, si celles-ci se réalisent.
Je reconnais que nous faisons mieux qu’au cours de la loi de programmation militaire précédente. Je crains malheureusement que ce plafonnement ne se révèle vite insuffisant pour maintenir nos compétences technologiques. En effet, les dépenses de développement, qui font travailler les bureaux d’études, sont en forte baisse. Par ailleurs, le budget d’études amont sera de plus en plus absorbé par les besoins liés à la dissuasion. Le solde disponible se réduit pour les autres domaines, notamment l’aéronautique ou les missiles conventionnels, sans parler de sujets comme les technologies anti-missiles.
Dans ce contexte difficile, des initiatives positives ont été prises pour encourager la recherche duale, notamment le dispositif Rapid qui a rencontré un certain succès, mais ce type de mesure n’atténuera qu’à la marge les insuffisances dans le domaine de la recherche militaire.
Enfin, je déplore le peu de progrès réalisés dans la coopération européenne en matière de recherche de défense, notamment le rôle limité de l’Agence européenne de défense.
Je dirai un mot pour terminer sur le programme 212 Soutien de la politique de la défense, plus spécifiquement sur la politique immobilière.
Les craintes que nous avons exprimées à plusieurs reprises, depuis deux ans, sur la grande fragilité des hypothèses de ventes immobilières se sont malheureusement révélées pleinement fondées.
Il a fallu renoncer à la cession en bloc des immeubles parisiens du ministère de la défense. Les ventes d’emprises en région rapportent moins que prévu. Le projet de location de l’hôtel de la Marine n’est toujours pas clarifié.
Nous constatons que les recettes immobilières sont désormais reportées, pour l’essentiel, à 2013.
Sur 2009 et 2010, le déficit en ressources, supérieur à un milliard d’euros sur deux ans, n’a pas été intégralement compensé par l’autorisation de consommer des crédits de report. Nous avons de réelles inquiétudes quant aux conséquences de ce déficit sur les opérations d’entretien immobilier, les programmes de mises aux normes environnementales, le cadre de vie et de travail des personnels, voire certaines infrastructures opérationnelles comme les pistes aériennes.
Sous réserve de ces observations, la commission a émis malgré tout un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes Environnement et prospective de la politique de défense et Soutien de la politique de la défense.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l ’ UMP. – M. Jean-Pierre Chevènement applaudit également
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, vous comprendrez le plaisir du sénateur girondin que je suis de présenter le rapport dont j’ai la responsabilité au nouveau ministre de la défense, lui adressant à cette occasion tous mes vœux de réussite.
Parmi les domaines que je dois plus particulièrement suivre au sein du programme 146 Équipement des forces, dont je partage la charge avec mon collègue Daniel Reiner, je mentionnerai tout d’abord la dissuasion nucléaire.
L’année 2010 marque une étape très importante pour la modernisation de notre force de dissuasion avec l’entrée en service des nouveaux missiles dans chacune des deux composantes et le lancement de la version M 51.2 du missile balistique.
Le M 51.2 intégrera la future tête nucléaire océanique, la TNO, dont la fiabilité et la sûreté seront validées par la simulation.
Le respect des échéances constitue une remarquable performance technique qui illustre la compétence des équipes du ministère de la défense, du Commissariat à l’énergie atomique et de l’industrie. C’est aussi le résultat de la constance avec laquelle, année après année, les programmes liés à la dissuasion nucléaire ont bénéficié des financements nécessaires, à la hauteur prévue par les lois de programmation successives.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat tient particulièrement à saluer cet effort, en souhaitant bien entendu qu’il se poursuive.
Dans l’environnement international actuel, la dissuasion nucléaire doit demeurer un volet fondamental de notre stratégie de défense.
Notre pays a eu l’occasion, tout au long de cette année, en particulier à la conférence d’examen du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP, d’exprimer une vision réaliste du désarmement nucléaire fondée sur des actes concrets, mais soucieuse de ne pas affaiblir notre sécurité. Je me félicite que cette approche se retrouve dans le concept stratégique adopté la semaine dernière à Lisbonne par l’Alliance atlantique.
Je voudrais également saluer la coopération engagée avec le Royaume-Uni sur certains aspects du programme de simulation.
Outre son intérêt technique et financier, le traité signé le 2 novembre dernier comporte une dimension politique tout à fait évidente puisque nos deux pays réaffirment leur détermination à maintenir une capacité nucléaire minimale crédible et le rôle de leurs forces nucléaires pour la sécurité de l’Europe dans son ensemble.
S’agissant de l’action Commandement et maîtrise de l’information, qui relève également du périmètre de mon rapport, je constate que les procédures nécessaires à la réalisation des recettes exceptionnelles, qui doivent financer une bonne part de ces actions, sont désormais – « enfin », pourrais-je dire – lancées.
Je souhaiterais tout particulièrement attirer votre attention, monsieur le ministre d’État, sur les programmes liés à l’espace.
La fonction « connaissance et anticipation » constitue la grande priorité du Livre blanc. Le développement des moyens spatiaux au profit du renseignement en est la traduction la plus manifeste, avec le doublement annoncé du budget militaire spatial d’ici à 2020 et un plus large éventail de capacités.
Or nous ne retrouvons pas véritablement les signes de cette ambition dans les budgets présentés depuis trois ans.
Certes, il faut se réjouir que la pérennité de nos capacités d’observation spatiale soit désormais garantie, avec le lancement en national, sans attendre l’accord de tous nos partenaires européens, de la succession d’Helios II.
La commission des affaires étrangères est en revanche assez inquiète des décalages envisagés pour le satellite d’écoute Ceres et pour le satellite d’alerte avancée. Dans ces deux domaines, les démonstrateurs spatiaux qui ont été réalisés ont démontré à la fois l’excellent niveau de nos technologies et la grande utilité des informations recueillies.
C’est vrai pour l’écoute électromagnétique. C’est également vrai pour l’alerte, qui présente un caractère hautement stratégique dans le cadre du débat actuel sur la défense anti-missile balistique, comme l’a souligné dans son rapport Josselin de Rohan.
Monsieur le ministre d’État, il ne faudrait pas perdre le bénéfice des réalisations expérimentales engagées. Nous vous demandons donc de regarder le calendrier de ces deux programmes avec beaucoup d’attention.
Je terminerai en évoquant deux points particuliers.
Le lancement d’une nouvelle étape du système de commandement et de conduite des opérations aériennes, ou SCCOA, est lui aussi retardé. Dans les opérations prévues, certaines me paraissent plus urgentes que d’autres, particulièrement la mise à niveau des radars de surveillance de l’espace aérien.
En ce qui concerne les drones, enfin, nous souhaitons qu’une décision soit rapidement prise pour assurer à nos forces, à proche échéance, les capacités qui répondent à leur besoin et à leur sécurité tout en travaillant à une solution pérenne, en coopération européenne, pour le moyen terme.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur les crédits du programme Équipement des forces, comme d’ailleurs sur ceux de l’ensemble de la mission « Défense ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l’Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, s’agissant de ma partie, qui concerne les équipements conventionnels du programme 146, je ferai deux séries de considérations ayant trait, d’une part, aux données financières et, d’autre part, aux données physiques, c'est-à-dire aux programmes d’équipement proprement dits.
Concernant les données financières, qui représentent ma première partie de considérations, je présenterai quatre remarques simples.
Premièrement, la programmation budgétaire ne sera pas intégralement respectée : les crédits budgétaires – hors ressources exceptionnelles, mais l’histoire récente a montré qu’elles pouvaient être exceptionnelles – seront inférieurs de 3, 63 milliards d’euros aux prévisions de la loi de programmation sur les exercices 2011, 2012 et 2013.
Deuxièmement, la réduction des ressources budgétaires affectera essentiellement les années 2012 et 2013. En effet, pour 2011, les prévisions portant sur les seules ressources budgétaires font apparaître un manque de 500 millions d’euros pour 2011, de 1, 34 milliard d’euros en 2012 et de 1, 79 milliard d’euros en 2013. Les problèmes sont donc reportés sur les exercices futurs, ce qui n’est jamais une bonne méthode.
Troisièmement, au sein de la mission « Défense », les crédits de paiement affectés à l’équipement des forces diminueront de 5, 78 % en 2011. La sanctuarisation des équipements militaires a vécu. Ces derniers vont redevenir la variable d’ajustement budgétaire qu’ils ont toujours été. La parenthèse n’aura duré que trois ans.
Quatrièmement, la réduction des crédits d’équipement va entraîner le report de programmes importants : la rénovation des Mirage 2000D – notre rapport écrit insiste sur ce programme et j’y reviendrai tout à l’heure –, le programme d’avions ravitailleurs multirôle, la quatrième étape du programme de surveillance de l’espace aérien et de commandement des opérations aériennes, certains programmes d’armement terrestre, ainsi que le programme de satellite d’écoute Ceres qui devait entrer en service en 2016. J’observe que l’armée de l’air a été particulièrement mise à contribution, ce qui posera des problèmes redoutables pour notre aviation de combat.
Ma deuxième série de considérations concernera la mise en œuvre des programmes.
Pour ce qui est de ma partie, les équipements conventionnels, je distinguerai ce qui va bien ou mieux de ce qui ne va pas ou inquiète.
Dans la première série, je mentionnerai trois sujets.
Le premier est le sauvetage – le mot n’est pas trop fort ! – du programme d’avions de transport A400M. Votre prédécesseur s’y est impliqué, monsieur le ministre d’État. Comme on le sait, ce programme a suivi le chemin critique de l’Europe de la défense. Après de longs mois de discussion, l’avenant au programme a été signé entre les États contractants et EADS. Je veux espérer que les difficultés soient désormais derrière nous et regrette, naturellement, l’augmentation du coût de ce programme, en dépit du choix initial d’un marché forfaitaire.
Le second est la mise à l’eau, le 4 mai 2010, de la première frégate multi-missions, l’Aquitaine, qui vous est chère, monsieur le ministre d’État ; elle a mis un terme aux tergiversations sur ce programme qui était initialement ciblé sur dix-sept frégates, mais qui bénéficiait de financements innovants – il faut toujours s’en méfier ! – et se trouve désormais réduit à onze unités pour la France.
Enfin, je voudrais dire un mot de la remise sur pied du programme de fabrication du petit missile terrestre, successeur du missile Milan, auquel je me suis particulièrement intéressé, avec notre collègue Jacques Gautier. Certes, rien n’est encore décidé sur le long terme, mais la situation semble évoluer dans la bonne direction et nous pouvons garder l’espoir que le remplacement de ce missile, dans sa trame, restera européen.
Concernant les sujets d’inquiétude, je citerai au tout premier rang le report du programme de rénovation du Mirage 2000D. Le Livre blanc prévoyait que les forces aériennes reposeraient sur deux piliers : le Rafale et le Mirage 2000D, excellent avion qui pourrait, sous réserve de la rénovation de ses systèmes d’armes, rester opérationnel au moins jusqu’en 2025. Évidemment, le report de cette rénovation, dû à l’acquisition anticipée de onze Rafale, s’il était confirmé l’an prochain, pourrait conduire à une obsolescence du Mirage 2000D dès 2014 et réduire ainsi à 150 avions le format de l’aviation de combat française. Comme vient de le dire notre collègue Jean-Pierre Masseret, tout doit être fait pour éviter d’en arriver là, sinon l’armée de l’air ne pourra plus remplir ses contrats opérationnels.
Je citerai également le report du programme de l’avion ravitailleur multi-rôle, ou MRTT, destiné à pourvoir au remplacement de la flotte de ravitailleurs en vol, qui va nous contraindre à trouver des solutions palliatives. Toute rupture capacitaire est en effet inacceptable pour l’aviation de combat, en général, et pour les forces aériennes stratégiques, en particulier.
Ensuite, je mentionnerai l’absence de décision concernant le choix du remplacement du système intérimaire de drones MALE. Je sais bien que la succession du Harfang déployé en Afghanistan devrait se décider dans les semaines qui viennent, et j’observe néanmoins que l’industrie française disposait de toutes les technologies utiles pour être présente sur ce segment et que nous avons collectivement « raté la marche ».
Enfin, j’évoquerai le report du programme Scorpion destiné à assurer la plus grande cohérence du matériel utilisé pour les équipements de l’armée de terre. Ce programme particulièrement intelligent connaît des reports successifs depuis plusieurs années, qui risquent fort d’engendrer des surcoûts et de le rendre finalement moins pertinent.
Pour terminer, je préciserai que la commission unanime a approuvé l’amendement relatif aux marins-pompiers de Marseille, adopté par l’Assemblée nationale : ces militaires seront ainsi traités comme leurs collègues civils. Mme Bernadette Dupont tenait beaucoup à ce que nous le mentionnions, et je l’ai fait pour elle.
Sous le bénéfice de ces réserves et de ces observations, la commission des affaires étrangères, dans sa majorité, a suggéré d’adopter les crédits de la mission « Défense ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et au banc des commissions.
Monsieur le ministre d’État, je me joins aux collègues qui m’ont précédé pour exprimer mon plaisir personnel de vous retrouver à cette place !
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je souhaite pour ma part évoquer rapidement, sans citer les chiffres compte tenu de la modestie du temps de parole qui m’est imparti, les chances et les risques qui s’attachent à la réforme de notre outil de défense en matière de ressources humaines.
Le projet de budget pour 2011 s’inscrit dans le cadre fixé par la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 qui prévoit, à terme, la suppression de 54 000 postes. Cette diminution du format, qui devra s’appliquer progressivement d’ici à 2014, est sans précédent. Mais, plus encore que la déflation des effectifs, la réorganisation des méthodes constitue l’enjeu majeur de cette réforme.
La mutualisation et la rationalisation du soutien commun, les restructurations territoriales, le redéploiement des bases de défenses, la poursuite des expérimentations d’externalisation, toutes ces mutations menées de front constituent autant de défis pour nos armées.
Les perspectives d’avenir offertes par cette réforme sont réelles : une organisation rationalisée et mutualisée est une condition de la fiabilité de notre outil opérationnel, mais l’effort demandé en termes de transformations est considérable.
Les économies de personnels doivent provenir des réorganisations et des mutualisations : tel est l’enjeu de la réforme. Si l’on diminue les effectifs sans réformer l’organisation en profondeur, l’outil militaire dans sa globalité sera fragilisé.
La difficulté tient à ce que les deux opérations sont menées de front : des objectifs de baisse d’effectifs ont été définis ; il faut qu’ils soient en phase avec le calendrier des restructurations.
En 2010, le pilotage de la déflation a été satisfaisant. Pour l’instant, le seul volet de la réforme qui rencontre des difficultés est le reclassement des militaires vers la fonction publique. Il fallait s’y attendre : seulement la moitié de l’objectif a été atteint ; les administrations réduisant leurs effectifs dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, elles n’accueillent donc pas nos militaires à bras ouverts.
J’en viens aux crédits du programme 178 pour 2011. Le présent projet de loi de finances a amélioré la situation du titre 2, et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’en félicite, même si elle doute que cette augmentation soit suffisante, puisque ce titre n’est abondé qu’à hauteur de 113 millions d’euros par rapport à une perte en ligne évaluée à 200 millions d’euros.
L’une des difficultés de la « manœuvre » tient manifestement au respect de la concordance entre le cadrage financier retenu pour l’évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d’effectifs.
Par rapport aux prévisions de la loi relative à la programmation militaire, plusieurs évolutions ont conduit à une augmentation de la masse salariale, alors même que les effectifs diminuent.
Certaines dépenses ont été souhaitées, comme l’intégration dans l’OTAN : la participation pleine et entière à l’OTAN se traduit par un surcoût de près de 26 millions d’euros pour 2010 et, à terme, de 56 millions d’euros en année pleine. De même, le doublement des effectifs à Abou Dabi induit une augmentation de la masse salariale, qui passe de 6, 7 millions d’euros en 2009 à 19, 4 millions d’euros en 2011.
En revanche, d’autres dépenses ont été subies, comme l’augmentation du coût de l’indemnisation du chômage des militaires, qui s’élève à plus de 100 millions d’euros depuis 2009 : ce montant atteint des records et montre l’impérieuse nécessité de réussir la reconversion des militaires lorsque cesse leur contrat.
L’autre difficulté est de parvenir à faire coïncider, dans le temps et selon les types d’emplois, les départs naturels et les besoins en réduction de postes. De ce point de vue, trois points me préoccupent.
Le premier concerne la fidélisation des militaires du rang. L’âge moyen de départ des militaires du rang de l’armée de terre ne cesse de baisser. Plus que jamais, la fidélisation devient un enjeu de la qualité de notre outil de défense. Sans doute les restructurations en cours exercent-elles une influence sur ce phénomène, mais il faudra aussi prendre en compte des causes plus structurelles liées à l’évolution de notre société.
Le second point concerne les conséquences de la réforme des retraites, laquelle se traduira globalement par un décalage de deux ans des limites d’âge, une augmentation du taux de cotisation et le passage de quinze ans à dix-neuf ans et demi du bénéfice du minimum garanti. Cette dernière mesure est un sujet de préoccupation, car elle risque de dissuader les contractuels, qui font des carrières courtes, de renouveler leur contrat après dix ans. À ce sujet, j’aimerais donc savoir, monsieur le ministre d’État, quelle initiative vous comptez prendre pour gérer la spécificité de leur situation.
Le troisième point qui nous inquiète est l’incidence de la réforme des retraites sur la déflation des effectifs. Naturellement, le prolongement des carrières va à l’encontre de la réduction du format des forces, qui repose en partie sur les départs naturels. Pourriez-vous nous indiquer précisément, monsieur le ministre d’État, l’effet de cette réforme sur le rythme de la déflation ?
Ces préoccupations ne se cumulent pas avec les difficultés attendues sur les opérations extérieures, ou OPEX. Je voudrais ici me féliciter au contraire de la progression de leur budgétisation : ces opérations appartiennent désormais au fonctionnement ordinaire de nos armées. Elles ne sont plus ni imprévisibles ni ponctuelles ; il faut cependant espérer qu’elles ne deviennent pas toutes permanentes !
J’ajouterai un dernier mot, pour évoquer le budget des réserves militaires : il reste très en deçà des montants qui permettraient aux armées d’atteindre les objectifs fixés en matière de recrutement et d’activité. Lors des auditions organisées par la commission, les militaires indiquent régulièrement que ces réserves sont indispensables pour répondre aux besoins des armées.
En conclusion, je souhaite souligner l’ampleur des réformes en cours : peu d’organisations publiques ou privées de cette taille se sont lancées dans une modification aussi profonde de leur mode de fonctionnement, de leurs implantations géographiques et de leurs effectifs. Je tiens donc à saluer la nomination de M. le ministre d’État et à lui adresser tous nos vœux de réussite dans l’exercice d’une fonction difficile.
Monsieur Boulaud, nous ne doutons pas de la volonté de M. le ministre d’État !
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées recommande l’adoption des crédits de la mission « Défense ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste et au banc des commissions.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, sur le plan politique, je n’ai rien à souhaiter à M. le ministre d’État !
Sourires.
En revanche, sur le plan personnel, c’est un peu différent ! Votre retour parmi nous, monsieur le ministre d’État, évoque pour moi, vous pouvez l’imaginer, certains paysages parmi lesquels nous avons évolué il y a de nombreuses années. Et je dis cela sans nostalgie, car il s’agit de moments agréables de notre vie !
Après la situation des personnels que vient d’exposer notre collègue André Dulait, je vais vous présenter les crédits de fonctionnement du titre 3 du programme 178, titre récapitulant les dépenses de fonctionnement courant des armées, c’est-à-dire celles qui sont affectées principalement au maintien en condition opérationnelle des matériels et à l’entraînement des personnels.
Le projet de loi de finances pour 2011 attribue 5, 8 milliards d’euros de crédits de paiement à ce titre 3, soit une hausse de 5, 7 % par rapport à 2010.
Parmi les quatre actions regroupées dans le titre 3, seule l’action n° 1, Emploi des forces, augmente de 22 %, permettant l’amélioration de l’insertion de la France dans des dispositifs militaires multinationaux, comme la force de réaction rapide de l’Union européenne et la capacité de réaction rapide de l’OTAN.
Les crédits des trois autres actions consacrées à chacune des trois armées décroissent, ce qui correspond au transfert de la majorité des crédits de soutien vers les bases de défense, qui constituent « le principal levier de la mutualisation de l’administration générale et du soutien commun », selon les termes du ministère.
Leur déploiement suppose une harmonisation des procédures, aujourd’hui différentes selon les armées, en matière de systèmes d’information, et de gestion du personnel et des soldes, qui devrait être achevée vers 2012 ou 2013.
Je crains que ce processus de mise en place des bases de défense n’ait été trop hâtif et trop bousculé. Je comprends, cependant, qu’il convenait de réduire le plus possible la période de transition entre l’ancien et le nouveau système. Nous jugerons sur les résultats et observerons si cette mutualisation des procédures, qui suppose celle des soutiens, aboutira bien à l’objectif visé, c’est-à-dire la réduction des effectifs des personnels qui leur sont dévolus – cela me fait toujours mal d’en parler, même si j’en comprends la nécessité ! – et in fine des économies budgétaires.
J’en viens aux difficultés financières et d’organisation suscitées par le maintien en condition opérationnelle de matériels de plus en plus vecteurs de technologies.
La maintenance et son coût ne sont devenus des sujets de préoccupation qu’à partir des années quatre-vingt-dix, du fait de la complexité croissante des matériels utilisés. Les armées se sont progressivement organisées, à partir de l’année 2000, pour mieux structurer leurs services de maintenance.
Ainsi furent successivement créés le service de soutien de la flotte, le SSF, en 2000, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense, le SIMMAD, en 2002, le service industriel de l’aéronautique, le SIAé, en 2007, alors que la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres, le SIMMT, le sera en 2011.
Mais, malgré ces réorganisations, les coûts ne cessent de croître. L’actuelle loi de programmation militaire prévoit que les coûts des matières premières et des prestations industrielles continueront à augmenter mais que l’effectif des personnels civils ou militaires relevant du ministère de la défense et affectés à la maintenance décroîtra, ce qui pourrait conduire à une stabilité des coûts globaux.
Il est en effet prévu qu’une part importante des activités de maintenance sera transférée à des structures de type industriel, qu’elles soient privées ou étatiques, auxquelles sera assuré un calendrier prévisionnel de travaux, leur permettant de mieux organiser ces derniers et d’en réduire, de ce fait, les coûts.
Je terminerai mon propos en évoquant le sujet de l’entraînement des forces, lequel, comme vous le savez, monsieur le ministre d’État, est essentiel pour maintenir la capacité opérationnelle de notre armée.
Les temps d’entraînement réalisés, armée par armée, ont été, nous dit-on, stables en 2009 par rapport à 2008. Il est tout de même prévu que, pour l’armée de terre, l’objectif de 120 jours d’entraînement par homme et par an soit ramené à 105 jours d’ici à 2013. Cette évolution est significative.
Le chef d’état-major de l’armée de terre estime que cette réduction n’affecterait pas la capacité opérationnelle de son armée, notamment du fait de sa participation accrue à des opérations extérieures. Or je crois pour ma part que les militaires prenant part à celles-ci devraient pouvoir bénéficier, auparavant, d’un entraînement particulièrement intensif. Nous ne parlons pas ici d’une partie de rugby ou d’un match de basket-ball !
Les quotas d’heures d’entraînement de la marine, comme ceux de l’armée de l’air, resteront inchangés, sauf pour l’aviation de transport, du fait du vieillissement du parc.
Bien que nous ne disposions pas de critères de comparaison satisfaisants, ces éléments permettent d’estimer que nos forces bénéficient d’un entraînement qualitativement comparable à celui des autres principales armées occidentales.
En résumé, monsieur le ministre d’État, je récapitulerai ainsi les grands enjeux du titre 3 : le regroupement des soutiens au sein des bases de défense produira-t-il les économies espérées en termes de personnels ? Le ministère de la défense parviendra-t-il à mieux impliquer les industriels français dans la « bataille » des coûts de maintien en condition opérationnelle ? Les réductions budgétaires permettront-elles le maintien d’un niveau d’entraînement suffisant de nos troupes ?
Sous le bénéfice de ces observations, la majorité de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dont je ne fais pas partie, a donné un avis favorable à l’adoption de ce projet de budget.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
La parole est à M. Didier Boulaud.
Le projet de budget que vous nous présentez ce matin, monsieur le ministre d’État, en relais de votre prédécesseur, s’inscrit dans un contexte stratégique en plein mouvement. Son examen intervient juste après le sommet de Lisbonne, dont nous aurons l’occasion de reparler le 9 décembre prochain.
La crise financière mondiale est loin d’être terminée. Elle connaît même, depuis quelques semaines, des soubresauts inquiétants, d’aucuns prédisant le pire pour les temps à venir.
La défense européenne est paralysée, comme le révèlent à l’évidence, de notre point de vue, les récents accords franco-britanniques.
L’Union européenne ne va pas très bien. L’un de vos prédécesseurs à Matignon, avec lequel vous avez cosigné une tribune sur le désarmement nucléaire, a même récemment déclaré que « l’Europe politique est morte ».
Enfin, le centre de gravité du monde s’est déplacé vers l’Asie et le Pacifique, et ce pour très longtemps.
Mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui devant une situation anachronique : le ministre qui défend le projet de budget de la défense pour 2011 devant la Haute Assemblée n’est pas celui qui l’a présenté, voilà quelques jours, devant l’Assemblée nationale. En outre, il ne l’a pas préparé et il ne saurait être tenu pour responsable de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014, qui, comme toutes ses devancières, est déjà très largement à la dérive. Mieux, il n’était pas aux responsabilités au moment de la rédaction du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale qui sous-tendait cette loi de programmation militaire et aurait dû sous-tendre la suivante, puisqu’il était alors chargé d’élaborer, et nous nous en étions d’ailleurs réjouis, le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France. Je serais tenté de dire : tant mieux pour vous, monsieur le ministre d’État ! En effet, chacun s’accorde aujourd’hui à estimer que, hormis quelques rares éléments, ce fameux Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale aurait déjà dû être remis sur le métier.
Je ne doute pas que vos conseillers vous aient informé de cette situation et que, par conséquent, ce soit en toute connaissance de cause que vous vous présentez aujourd’hui devant nous, car il va vous falloir, comme le veut la tradition républicaine, « assumer l’héritage ». Et quel héritage ! Vos souvenirs de ministre du budget vous seront d’un précieux secours…
Pourtant, tout n’avait pas si mal commencé ! Dès son arrivée, le nouveau Président de la République, partageant –pour une fois ! – notre diagnostic, cent fois répété dans cette enceinte, sur la très mauvaise situation financière de la défense, liée au calamiteux héritage laissé par le tandem formé de M. Chirac et de Mme Alliot-Marie, avait décidé une remise à plat totale des dépenses militaires.
C’était, ni plus ni moins, à une impasse financière de l’ordre de 50 milliards d’euros qu’il fallait faire face, sans compter – et personne ne s’en faisait l’oracle – que la crise économique allait passer par là.
Mes chers collègues, mon propos ne saurait se concentrer sur le seul projet de budget pour 2011, tant celui-ci est étroitement lié à ce qui en découlera jusqu’en 2013, et même au-delà. D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement pour une annuité budgétaire qui n’est, somme toute, que de transition, d’aucuns qualifiant son contenu de tour d’écrou et d’escamotage ?
Mes collègues reviendront plus en détail sur différentes mesures de ce projet de budget. Par ailleurs, les différents rapporteurs, parfois en termes élégants, ont déjà exprimé de réelles inquiétudes.
Surtout, ne nous trompons pas sur le vote émis par la commission, qui ne reflète que les dispositions de la majorité à se montrer une fois de plus – j’allais dire une fois de trop – particulièrement bienveillante, soit dit en ces termes pour ne pas être désagréable. Car c’est la même majorité qui s’esbaudit toujours, cinq ans après son adoption, devant la funeste loi de programmation militaire précédente, persuadée qu’elle est que celle-ci a été la seule de l’histoire à avoir été irréprochable. Et pourtant… Mais plus c’est gros, plus ça passe, selon un vieil adage !
En effet, j’y insiste, la loi de programmation militaire en cours d’exécution est, elle aussi, à jeter aux oubliettes. Le Livre blanc, quant à lui, est obsolète, car il manquerait d’ores et déjà quelque 25 milliards d’euros à l’échéance de 2020 pour qu’il puisse être appliqué.
Pour autant, il ne faudrait pas que la seule logique financière prenne le pas sur les choix stratégiques, au risque de voir des programmes non encore engagés, peut-être les plus utiles, être abandonnés, et tous les programmes de production annihiler, pour longtemps et de manière sans doute rédhibitoire, tous les programmes de recherche.
Monsieur le ministre d’État, le budget de 2011 sera le dernier en année pleine du quinquennat ; il est à l’image d’une politique qui n’aura tenu ni les engagements ni les promesses qui la sous-tendaient.
Tout d’abord, la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, votée tardivement à l’été 2009 alors qu’une de ses annuités était déjà largement engagée, reposait sur des perspectives de financement irréalistes. Elle tablait sur l’obtention de recettes exceptionnelles – 1, 8 milliard d’euros – et un montant total d’économies de 3, 5 milliards d’euros sur les seuls exercices 2009 à 2011, que l’on savait hors d’atteinte. La vente d’actifs industriels et immobiliers, ainsi que les marges d’action dégagées par la baisse des effectifs et l’externalisation de certaines tâches confiées au secteur civil, n’ont pour l’heure pas même produit 20 % du montant d’économies officiellement escompté.
Enfin, de nombreux coûts ont été délibérément ignorés ou sous-estimés.
Ainsi, premièrement, le coût du retour au sein des structures militaires intégrées de l’OTAN, de l’ordre de 600 millions à 800 millions d’euros, a été passé sous silence, de même que les frais d’installation de la base d’Abu Dhabi.
Deuxièmement, la charge des opérations extérieures –environ 850 millions d’euros par an, dont 470 millions d’euros pour l’Afghanistan –, certes mieux prise en compte désormais, reste cependant notablement sous-budgétée.
Troisièmement, le bilan coûts/avantages du resserrement du dispositif territorial des armées a été mal pondéré. Non seulement la constitution du réseau des bases de défense, qui est passé, on ignore par quel miracle, de plus de quatre-vingt-dix bases au départ à une cinquantaine, est plus lente que prévu, mais elle est surtout dispendieuse. Et ne parlons pas du projet de Pentagone à la française, le fameux « Balardgone », qui ne s’imposait pas vraiment en période de restrictions budgétaires !
Certes, le plan de relance a eu un effet apparemment positif pour le ministère de la défense, qui a ainsi pu bénéficier d’une manne inattendue de quelques centaines de millions d’euros. Mais cet argent, destiné à une consommation rapide, a été affecté moins au financement de programmes prioritaires qu’à des achats ou à des contrats immédiatement négociables.
Quant aux mesures budgétaires de restriction pour 2010, puis de réduction pour la période allant de 2011 à 2013, elles ont achevé de désorganiser les finances de la défense, les coupes dans les crédits militaires ne s’étant pas accompagnées d’une révision de la programmation.
C’est pourtant une telle révision qu’ont entreprise, avec plus d’ampleur, de transparence et de lucidité, Allemands et Britanniques, confrontés eux aussi à de graves difficultés. Mais voilà, le Président de la République, avant l’échéance de 2012, se refuse à un exercice de vérité qui manifesterait, pour solde de tout compte, le naufrage de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014.
L’amputation du budget de la défense à hauteur de 3, 6 milliards d’euros entre 2011 et 2013 nous est curieusement présentée comme étant pratiquement indolore, bien que le décryptage des propos des chefs d’état-major, toujours soucieux de ne fâcher personne, fasse apparaître que nul ne sait où la hache va tomber, ni d’ailleurs à quel rythme. L’affichage dans le projet de loi de finances initiale de cette réduction des crédits sur trois ans ne restitue pas, en outre, la véritable donne budgétaire en exécution. En effet, si l’on s’amuse – que l’on me pardonne d’employer cette expression, étant donné la gravité du sujet – à additionner les annulations, les gels et les reports probables, l’effort budgétaire demandé à la défense sera en réalité plus proche de 6 milliards d’euros que des 3, 6 milliards d’euros annoncés.
Parallèlement, s’agissant des investissements, le déficit de financement, entre crédits de paiement et engagements, s’élèvera à plusieurs milliards d’euros ; ce seront autant de traites tirées sur l’avenir.
Celui ou celle qui vous succédera en 2012 peut d’ores et déjà se préparer à affronter une situation particulièrement détériorée, monsieur le ministre d’État ! En réalité, l’opacité du projet de budget pour 2011 que vous nous présentez ne vise qu’à masquer le désordre. C’est la raison pour laquelle mon groupe ne le votera pas.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense est évidemment remise en cause par la crise des finances publiques et les engagements, pris à Bruxelles par le Gouvernement, de ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013.
La mission « Défense » voit ses crédits réduits de 3, 6 milliards d’euros, réduction partiellement compensée par la croissance aléatoire de recettes exceptionnelles. Les trois rapporteurs spéciaux de la commission des finances évaluent la perte de ressources potentielle à ce titre à 5 milliards d’euros pour la période 2009-2014. Ils évoquent également un risque de « cannibalisation » des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement, un tel dérapage, à hauteur de 1, 2 milliard d’euros, ayant été observé en 2009. Ce n’est pas une petite encoche !
À cela s’ajoute le surcoût lié aux opérations extérieures, qui n’est pris en compte que partiellement par la réserve de précaution interministérielle. Au total, selon les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, il pourrait manquer entre 10 milliards et 35 milliards d’euros sur l’ensemble de l’enveloppe prévue par la loi de programmation militaire.
Enfin, le risque n’est pas mince de voir les crédits du ministère de la défense servir de gisement d’économies, si les prévisions de croissance du Gouvernement – 2 % du PIB pour l’an prochain – devaient s’avérer trop optimistes, comme l’annonce l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, qui table sur une progression du PIB de 1, 6 % seulement. Vous devrez donc vous battre, monsieur le ministre d’État, défendre bec et ongles vos crédits ! Dans une enveloppe de plus en plus contrainte, vous êtes en effet affronté à des choix de plus en plus difficiles.
Vous recevez un héritage et vous allez exercer, du moins je l’espère, votre droit d’inventaire. Cependant, j’observe que l’argument industriel est passé avant l’argument militaire dans un certain nombre d’arbitrages. C’est ainsi que le « bourrage » de votre budget par l’acquisition de treize Rafale supplémentaires se fait au détriment des soixante-dix-sept Mirage 2000-D que le chef d’état-major de l’armée de l’air qualifiait, le 7 octobre 2009, d’« élément central de notre stratégie de modernisation de l’aviation de combat ».
La dégradation de notre capacité en matière d’aviation de transport militaire, consécutive au retard de l’Airbus A400M et à l’obsolescence des Transall, va se traduire par une baisse de notre capacité de projection. Alors qu’il est prévu que celle-ci soit forte de 30 000 hommes, cet objectif ne serait plus atteint qu’à hauteur de 95 % en 2011 et de 90 % en 2013.
J’observe que les effectifs, en exécution budgétaire, sont inférieurs de 4 000 équivalents temps plein travaillé aux prévisions. La modification brutale et injuste du régime de retraite des personnels non officiers est très mal ressentie. S’il est un arbitrage que vous auriez pu corriger, c’est bien celui-là ! Il est nécessaire de trouver une solution pour maintenir le minimum garanti, d’environ 600 euros par mois, après quinze ans de services. Un contrat de confiance a été passé avec nos soldats !
Il y a ainsi dans l’héritage que vous avez reçu, monsieur le ministre d’État, quelques mesures que votre autorité pourrait permettre de revoir. Elle en sortirait, croyez-le, renforcée.
Le diable se niche, dit-on, dans les détails. Le lance-roquettes unitaire, le LRU, devait remplacer le lance-roquettes multiples, le LRM, depuis l’interdiction des armes à sous-munitions, respectée par la France mais non par la Russie, les États-Unis, la Chine, le Pakistan, Israël ou l’Inde. Notons que, sur deux régiments LRM, l’un, celui d’Haguenau, a été supprimé, tandis que l’autre, celui de Belfort, devait être converti en régiment LRU, afin de permettre à l’armée de terre de conserver une capacité de frappe tout temps vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce que ne peut faire l’arme aérienne, beaucoup plus coûteuse.
Le chef d’état-major de l’armée de terre soulignait, en octobre 2009, la valeur dissuasive de ce système d’armes, dont sont dotés Américains et Britanniques, qui permet d’emporter une charge de soixante-dix kilogrammes à soixante-dix kilomètres, avec un écart décamétrique. Or la mise en place du LRU est décalée. Jusqu’à quand ? Peut-être nous le direz-vous, monsieur le ministre d’État. Les crédits de paiement, qui étaient de 25 millions d’euros en 2010, sont ramenés à 7, 8 millions d’euros pour 2011. Cela signifie que nous n’avons quasiment plus d’artillerie.
En effet, la loi de programmation militaire prévoyait par ailleurs la livraison, pendant la période 2009-2014, de soixante-neuf automoteurs à roues Caesar dotés d’un système d’artillerie de 155 millimètres. Quatre seulement seront livrés en 2011, contre vingt-cinq en 2010, tandis que les autorisations d’engagement tombent de 30 millions d’euros en 2010 à 1, 97 million d’euros en 2011. Est-ce bien sérieux ?
Les arbitrages financiers peuvent-ils se substituer à l’appréciation politico-militaire que nous vous demandons de porter, monsieur le ministre d’État ? Je souhaite que vous puissiez vous pencher sur ce dossier du LRU. Là aussi, votre autorité serait bien nécessaire.
Bien entendu, une loi de programmation militaire vaut aussi par la perspective politico-stratégique dans laquelle elle s’inscrit. En 2009, nous avons réintégré la structure militaire de l’OTAN, au prétexte de faire avancer la défense européenne. Il n’en est évidemment rien résulté de tel, bien au contraire ; jamais l’effort de défense des pays européens, en dehors de la Grande-Bretagne et de la France, n’a été aussi faible, puisqu’il a à peine atteint 1 % de leur PIB.
Vous ferez valoir, en sens inverse, les accords franco-britanniques. Mais chacun sait qu’ils s’inscrivent dans une logique strictement bilatérale et répondent à des considérations essentiellement budgétaires.
La France a accepté, par le traité de Lisbonne de 2008, que l’OTAN soit, pour les pays qui en sont membres, l’instance d’élaboration et de mise en œuvre de leur politique de défense. La réintégration du commandement militaire de l’OTAN par la France qui s’est ensuivie a un coût, en personnels et en crédits. Nous aimerions que vous l’évaluiez. Rappelons que l’OTAN accuse cette année un déficit de 650 millions de dollars, qui pourrait atteindre 1, 4 milliard de dollars en 2011.
Mais l’OTAN, ce n’est pas seulement une organisation, c’est aussi une politique. D’abord, c’est notre participation à la force internationale d’assistance à la sécurité, la FIAS, en Afghanistan. Celle-ci représente plus de 50 % du surcoût des opérations extérieures. Le sommet de l’OTAN de Lisbonne a semblé fixer le cap vers un retrait, sans préciser de calendrier, alors qu’il eût fallu réviser à la baisse les objectifs trop ambitieux arrêtés au sommet de Bucarest : nous n’exporterons pas la démocratie à l’occidentale en Afghanistan.
En refusant de nous fixer le seul objectif réaliste, à savoir dissocier les Pachtounes du terrorisme international d’Al-Qaïda, nous nous mettons dans un engrenage dont nous ne pourrons pas sortir honorablement.
À cet égard, la déclaration finale du sommet de Lisbonne ne signifie rien d’autre qu’un alignement sur les positions américaines à venir, quelles qu’elles soient. Nous n’avons d’autre moyen de peser sur les décisions, qui seront prises le moment venu par le président américain, que l’influence que peut-être vous pourrez exercer sur les responsables militaires et politiques américains. La politique de contre-insurrection, on le sait bien, ne peut réussir que si elle est menée par une force autochtone. Aucune autre n’a jamais réussi.
La décision la plus grave prise au sommet de Lisbonne est évidemment le ralliement de la France, sans tambours ni trompettes, à une défense antimissile à l’égard de laquelle nous avions toujours marqué les plus extrêmes réserves. La déclaration finale précise que cette défense antimissile sera partie intégrante de notre posture générale de défense. Nous n’avons pas obtenu qu’il soit précisé que cette défense antimissile ne saurait être qu’un complément à la dissuasion, et non un substitut. Bien au contraire, l’OTAN endosse la posture de défense américaine, qui repose sur une triade : nouvelles armes conventionnelles, défense antimissile et armes nucléaires, dont le rôle est appelé à se réduire. La déclaration de Lisbonne est claire à cet égard : elle vise « à réduire notre dépendance dans la stratégie de l’OTAN à l’égard des armes nucléaires ».
Cette orientation est néfaste, monsieur le ministre d’État. Elle contribuera à saper la crédibilité et la légitimité de notre dissuasion. Or celle-ci reste nécessaire. La France n’est pas menacée que par le terrorisme. L’évolution rapide de la géographie des puissances en Asie et au Moyen-Orient comporte des risques bien supérieurs, comme en témoignent les récents événements de Corée. Que seront demain les relations entre la Russie et les États-Unis ? Ne soyons pas naïfs, un monde sans armes nucléaires n’est pas pour demain. Les États-Unis et la Russie détiennent respectivement 9 000 et 13 000 têtes nucléaires, soit plus de 90 % du total mondial.
Pour les stratèges du Pentagone, les arsenaux russe et chinois sont « dimensionnants ». Si nous avons calibré notre dissuasion en fonction du principe de stricte suffisance, nous voyons qu’en Asie les arsenaux nucléaires se développent, que ce soit en Chine, en Inde, au Pakistan ou en Corée du Nord. Le Pakistan refuse l’ouverture d’une négociation sur un traité d’interdiction de production de matières fissiles à usage militaire. La Chine refuse un moratoire. Aux États-Unis, le président Obama ne trouve pas les soixante-sept sénateurs qui lui seraient nécessaires pour ratifier le traité d’interdiction des essais nucléaires signé en 1992.
De toute façon, pour des raisons industrielles, le démantèlement des arsenaux existants, à supposer qu’il soit décidé, prendrait trente ans. Nous n’avons pas, comme les États-Unis, les moyens de mener des guerres conventionnelles à longue distance, qu’un monde sans armes nucléaires rendrait aussi possibles.
Je termine, monsieur le président.
Il n’y a que très peu de temps que la France a fait évoluer sa position sur la défense antimissile. Dans son discours de Cherbourg, en janvier 2008, le Président de la République a admis que la défense antimissile pouvait être un « complément » de la dissuasion nucléaire. L’argument est connu : la possession d’un glaive ne dispense pas de se donner la protection d’un bouclier. Cependant, il n’y a pas d’exemple, monsieur le ministre d’État, que, dans la lutte entre le glaive et le bouclier, le glaive ne l’ait, en définitive, emporté. Je pourrais évoquer à cet instant le limes romain, la grande muraille de Chine, la ligne Maginot, le mur de l’Atlantique : tous ont été percés ou contournés, et nous savons, par des renseignements puisés à la meilleure source, que le bouclier antimissile n’est efficace qu’à 80 %.
Le coût de 200 millions d’euros avancé à Lisbonne par le secrétaire général de l’OTAN pour l’accès à un système de commandement et de contrôle, dit C2, est manifestement sous-évalué. Celui de la seule défense de théâtre atteindrait 833 millions d’euros, selon le directeur des affaires stratégiques du ministère de la défense.
Loin d’être complémentaire de la dissuasion, la défense antimissile se révélera contradictoire, pour des raisons de coût, par le sentiment de fausse sécurité qu’elle ne manquera pas d’engendrer dans l’opinion, en créant un syndrome « ligne Maginot », profondément démobilisateur pour l’esprit de défense, en France et en Europe. Il n’est que de regarder autour de nous pour constater que ceux qui s’en déclarent partisans sont ceux qui font le moins pour leur défense. Nous aurons sans doute l’occasion de reparler de cette question.
Cet acquiescement à la défense antimissile est une conséquence fâcheuse de la décision de réintégrer l’organisation militaire de l’OTAN. On ne peut pas ne pas approuver ce que tous nos alliés approuvent, me direz-vous peut-être, monsieur le ministre d’État. Mais « on ne peut pas ne pas », c’est le leitmotiv des suivistes, or je ne vous range pas dans cette catégorie. Alors, éclairez-nous donc sur la portée que vous donnez à la déclaration à laquelle la France a souscrit à Lisbonne !
Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.
Monsieur le ministre d’État, ce projet de budget, transmis par votre prédécesseur, correspond à une politique de défense avec laquelle nous sommes en profond désaccord. De surcroît, il ne répond plus que partiellement aux grandes orientations du Livre blanc et aux engagements pris par le Gouvernement au travers de la loi de programmation militaire.
Que reste-t-il en effet de la loi de programmation militaire quand les crédits que vous nous proposez d’adopter conduiront à une réduction des effectifs, des frais de fonctionnement, des commandes ?
Cependant, mes critiques porteront essentiellement sur les priorités au nom desquelles des économies sont réalisées, le choix des secteurs touchés et le bénéfice incertain qu’apporteront ces économies et les recettes exceptionnelles.
Le montant des économies que vous envisagez de réaliser au cours des trois prochaines années s’élève à 3, 6 milliards d’euros, avec une diminution des crédits de 5 milliards d'euros. Comme l’avait très justement fait remarquer le délégué général pour l’armement, avec un certain sens de l’euphémisme, ce projet de budget « marque une inflexion par rapport à la trajectoire de ressources prévue au titre de la loi de programmation militaire ». En clair, il manquera 2 milliards d’euros pour les équipements et les études en amont.
En revanche, les recettes exceptionnelles provenant des cessions immobilières et de la vente de fréquences hertziennes, par lesquelles vous comptez compenser la suppression de certains crédits, ne sont pas acquises, et nous en ignorons toujours le rythme et le montant réel.
Monsieur le ministre d’État, vous prenez ce ministère en main au moment le plus fort de la réforme engagée par votre prédécesseur, à l’heure des plus durs efforts demandés à nos armées.
La réforme que vous voulez poursuivre a un prix humain et matériel très lourd. Elle se met en place avec la disparition de 8 000 emplois par an, la suppression de nombreuses unités, la fermeture ou le déménagement de plusieurs établissements. Toutes ces dispositions ont de graves conséquences économiques et sociales pour les régions et les populations concernées.
Les économies imputées à la création des soixante bases de défense destinées à rationaliser le soutien aux armées n’ont pas été évaluées et les crédits de fonctionnement de ces bases seront amputés de 130 millions d’euros sur trois ans.
Les mesures d’économie qui pèsent sur le fonctionnement de l’ensemble de nos armées auront également des conséquences négatives dans de nombreux domaines. Cela a d’ailleurs été souligné par les différents chefs d’état-major lors de leurs auditions par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Certains redoutent ainsi la perte de savoir-faire essentiels, comme le vol sous jumelles de vision nocturne, le ravitaillement en vol, alertent sur les difficultés que nous rencontrerons en matière de surveillance maritime, par manque de moyens, ou sur les risques de baisse de la qualité de la préparation opérationnelle.
Les économies envisagées seront aussi réalisées au prix de réductions capacitaires. Plusieurs programmes d’équipement, pourtant nécessaires au maintien de nos capacités opérationnelles à un certain niveau, seront retardés : le programme FELIN du fantassin du futur, les ravitailleurs MRTT ou la rénovation des Mirage 2000-D.
Nos armées porteront aussi le poids des surcoûts ou des besoins non programmés lors de l’élaboration de la loi de programmation militaire. Je pense notamment à la création de la nouvelle base d’Abu Dhabi, à la commande de onze Rafale pour soutenir la construction aéronautique, en situation d’échec à l’exportation, aux travaux de dépollution des sites cédés, ou encore aux achats « en urgence opérationnelle » dus à l’insuffisance de certains équipements de nos troupes en Afghanistan.
Je déplore une nouvelle fois le niveau trop élevé des crédits affectés à notre force de frappe, considérant que celle-ci n’est plus adaptée aux nouvelles menaces auxquelles nous devons faire face.
Si l’on prend en compte les études, les opérations d’armement, l’entretien programmé du matériel et les infrastructures liées à la dissuasion, ce sont 3, 4 milliards d’euros par an, soit près de 10 millions d’euros par jour, qui seront consacrés à l’arme nucléaire. À elles seules, nos forces nucléaires consomment 21 % des crédits d’équipement.
J’estime en outre que le renouvellement des deux composantes nucléaires, avec la mise en service d’un nouveau missile air-sol de moyenne portée et celle du M 51 pour la force océanique stratégique, participe plus de la modernisation et du renforcement de notre arsenal nucléaire que du maintien de sa crédibilité.
En cela, notre pays ne respecte pas non plus l’un des engagements fondamentaux du traité de non-prolifération nucléaire, que nous avons signé : ne pas procéder à des recherches sur de nouveaux systèmes d’armes nucléaires.
Mais, au-delà de ces considérations sur l’affectation des crédits dont vous disposerez, mes critiques portent sur les orientations de la politique de défense que vous mettrez en œuvre.
Certaines d’entre elles nous coûtent très cher. Elles sont la traduction d’une politique d’alignement atlantiste que je condamne.
C’est, par exemple, le cas de la guerre que nous menons en Afghanistan. Avec 1, 3 million d’euros chaque jour, elle représente, à elle seule, un peu plus de la moitié des surcoûts de nos opérations extérieures.
Alors que tout démontre qu’il n’y a pas de solution militaire pour régler les problèmes de ce pays et qu’il faudrait rapidement engager le retrait progressif de nos troupes hors de ce que vous appeliez il n’y a pas si longtemps, monsieur le ministre d’État, le « piège afghan », vous nous demandez une rallonge de 218 millions d’euros pour prolonger notre intervention dans ce pays.
La réintégration au sein du commandement militaire de l’OTAN nous coûte aussi fort cher, environ 85 millions d’euros par an avec la mise en place de personnels français dans la structure de commandement, somme bien supérieure à celle qui avait été budgétée.
Pourtant – nous avions dénoncé ce fait à l’époque – cette réintégration, qui à mes yeux remet en cause notre autonomie stratégique, a été décidée sans que le Président de la République ait obtenu des garanties sur les deux exigences qu’il avait formulées : un accroissement significatif du poids de notre pays dans les structures de décision militaires et un renforcement de l’Europe de la défense. Je me souviens, monsieur le ministre d’État, que vous aviez d’ailleurs manifesté un certain scepticisme lorsque le Président de la République avait pris cette décision.
Le dernier sommet de l’OTAN est, à bien des points de vue, révélateur de notre perte d’autonomie stratégique, du recul de l’Europe de la défense et de l’existence de coûts financiers difficilement maîtrisables.
En avalisant le nouveau concept stratégique, le Président de la République et vous-même avez accepté de mettre notre pays au service d’une alliance politico-militaire strictement offensive. L’objectif est d’intervenir partout dans le monde, non pour établir un système de sécurité collective, mais, plus prosaïquement, pour défendre les intérêts des sociétés occidentales et de l’économie de marché.
Pour ma part, je suis convaincue que notre pays, au nom de son histoire, de ses valeurs et de ce qu’il représente dans le monde, devrait avoir une tout autre ambition que celle de jouer un rôle de gendarme dans des pays moins développés économiquement.
En outre, le principe du bouclier antimissile a également été entériné à Lisbonne. Les États-Unis ont ainsi fait accepter et payer par leurs alliés une décision qui implique la mise en place d’un système de défense extrêmement coûteux, à la fiabilité et à la doctrine d’emploi incertaines, et dont les règles d’engagement les laissent seuls maîtres des tirs. Tout cela au bénéfice quasiment exclusif de leur industrie d’armement !
Ce projet nous coûtera très cher, puisque nous devrions supporter environ 12 % des dépenses totales, dont le montant est estimé entre 80 millions et 150 millions d’euros. Participer à son développement accentuera encore la dépendance des pays européens à l’égard des États-Unis, en les plaçant à nouveau sous la protection du parapluie nucléaire américain. Ce système de défense antimissile contribuera inéluctablement, en suscitant la réaction d’agresseurs potentiels, à alimenter la course aux armements dans le monde.
Dans ce domaine aussi, monsieur le ministre d’État, vous avez opéré un très net revirement par rapport à l’époque où vous signiez dans Le Monde une tribune prônant le désarmement nucléaire mondial et soutenant les propositions faites à cet égard par le Président Obama.
La perspective d’une Europe de la défense s’éloigne, car il est vraisemblable que les sommes considérables consacrées au bouclier antimissile feront défaut au financement de programmes de recherche menés en commun avec certains de nos partenaires européens.
Enfin, les accords de défense, exclusivement bilatéraux, récemment signés à Londres avec notre partenaire britannique, au prétexte de mutualiser certaines de nos capacités, ne permettront pas de futurs programmes de coopération avec d’autres pays européens. En cela, ils empêcheront également la mise en place d’une défense européenne commune.
Monsieur le ministre d’État, telles sont les remarques critiques que je souhaitais formuler, au nom du groupe CRC-SPG, sur le projet de budget que vous nous avez présenté. Je regrette de n’y avoir pas retrouvé la marque de certaines des convictions que vous avez exprimées par le passé.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
MM. Jacques Blanc et André Dulait applaudissent.
Monsieur le ministre d’État, je souhaite tout d’abord saluer, au nom du groupe UMP, votre nomination à la tête du ministère de la défense et des anciens combattants. Ces responsabilités vous sont conférées à un moment crucial pour notre politique de défense et nos forces armées, au plan tant national qu’international.
En effet, parallèlement à la déflation des effectifs liée à la RGPP et au nouveau format découlant de la mise en œuvre des orientations du Livre blanc, les armées ont engagé une lourde restructuration, comportant notamment la mise en place d’une nouvelle carte de stationnement des unités, la rationalisation de la fonction de soutien, la création des centres ministériels de gestion, une mutualisation accélérée, l’externalisation de certains services et, bien sûr, la création des bases de défense.
En regard de ces efforts importants, le Président de la République a tenu à ce que les économies ainsi réalisées par les armées soient sanctuarisées et affectées, d’une part, à la revalorisation de la condition militaire, et, d’autre part, à l’équipement des forces, qui a longtemps servi de variable d’ajustement.
Je veux souligner l’engagement et le sens du service des personnels placés sous votre autorité, qui subissent une réorganisation difficile, permanente, mais indispensable. Je tiens d’ailleurs à rendre un hommage appuyé à tous nos soldats en opérations extérieures et à leurs familles.
M. Jacques Gautier. Il me paraît important de leur faire savoir que la représentation nationale les assure de son profond soutien.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
La loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014, que le groupe UMP avait votée avec enthousiasme, engage un effort sans précédent dans le domaine des équipements, permettant à nos armées de retrouver un niveau opérationnel satisfaisant et adapté à leurs missions, tant sur le territoire national qu’en opérations extérieures. De plus, des crédits satisfaisants sont enfin affectés à l’entretien de base et au maintien en condition opérationnelle, le MCO.
Si 2009 a été une année exceptionnelle, notamment pour le programme 146 cher à mon collègue Daniel Reiner, qui restera certainement sans équivalent en termes d’effort budgétaire, l’exercice 2010 a été lui aussi d’un niveau satisfaisant, bien qu’inférieur à celui de l’année précédente.
Le projet de budget de la défense que vous présentez dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 prévoit un abattement de 3, 6 milliards d’euros des crédits sur trois ans par rapport à la LPM, en partie compensé par une réévaluation des recettes exceptionnelles, dont on doit espérer qu’elles seront, enfin, au rendez-vous.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
Mais il est clair, pour chacun d’entre nous, que l’impact de la crise internationale et la nécessité de résorber les déficits budgétaires obligeront les pays européens, dont la France, à réaliser de nouvelles économies, lesquelles se feront certainement sentir durement en 2012 et en 2013. Je crains que les crédits que vous défendez ne deviennent un TOTB, un « terrible objet de tentation budgétaire », et que vous ne soyez amené, dans la perspective de la clause de revoyure du Livre blanc, à faire des choix difficiles, portant peut-être même sur le format de nos armées.
Nos rapporteurs nous ont présenté avec une grande précision l’ensemble des programmes et des crédits qui s’inscrivent dans cet environnement particulièrement tendu, en formulant des observations pertinentes. Ils ont relevé des sujets de satisfaction, mais aussi exprimé des inquiétudes et des regrets : je pense au report de la mise à niveau du système de commandement et de conduite des opérations aériennes, le SCCOA, ou du concept Scorpion, aux retards dans le domaine satellitaire, y compris en matière d’alerte avancée, ou dans la rénovation des Mirage 2000-D ; je crains même l’abandon pur et simple de cette remise à niveau, avec pour conséquence la limitation à 130 ou à 150 en 2020 du nombre d’appareils de combat multi-missions de notre armée de l’air.
Monsieur le ministre d’État, j’attire votre attention sur le risque dramatique d’un décrochage capacitaire pour notre pays. Il y a des limites à la compression budgétaire, et n’oublions pas que la défense représente 165 000 emplois directs, ainsi que des milliers d’autres dans les PME sous-traitantes.
Je ne détaillerai pas davantage les investissements et programmes retenus ou repoussés, car cela a déjà été fait, mais je voudrais mettre l’accent sur un certain nombre de dossiers qui me tiennent à cœur.
Contrairement à ma collègue Michelle Demessine, je me félicite de la conclusion du double accord franco-britannique de défense, qui garantit aux deux pays la pérennité et la souveraineté de leurs forces de dissuasion, complément et non substitut de la défense antimissile balistique. Cet accord représente aussi la première application, en vraie grandeur, d’une coopération structurée permanente, au sein d’un noyau dur d’États pilotes décidés à consacrer un effort important à leur défense et à travailler ensemble. J’espère que d’autres pays nous rejoindront ; je pense, en particulier, à l’Italie et à l’Espagne.
Le second volet de cet accord va permettre la mutualisation de certains équipements, comme le MRTT, le multi-role transport tanker, de certaines formations et de certaines opérations de MCO : je pense à l’A400M.
Ce rapprochement jette aussi les bases d’une complémentarité et d’une interopérabilité de nos groupes aéronavals, ainsi que de la création d’une brigade franco-britannique qui, en raison des similitudes d’emploi et de règles d’engagement des forces, devrait être opérationnelle et réellement projetable, contrairement à la brigade franco-allemande, dont l’existence demeure avant tout, il faut bien l’avouer, hautement symbolique.
Enfin, ce rapprochement permettra le partage des coûts de recherche et de développement, indispensable pour garantir notre souveraineté ainsi que la pérennité d’une partie importante de l’industrie de défense en France et en Europe. Cela est vrai pour le domaine nucléaire et pour les « briques » technologiques que nous pourrons apporter à la défense anti-missile balistique de l’OTAN, mais aussi pour un certain nombre de programmes majeurs restant à préciser.
Nous soutenons donc, monsieur le ministre d’État, l’engagement d’un effort annuel supplémentaire de 50 millions d’euros pour chacun des deux pays dans le domaine de la recherche et du développement, et ce dès 2011.
Je voudrais évoquer également le présent et l’avenir des drones de moyenne altitude et de longue endurance, les drones MALE. L’accord franco-britannique permet d’envisager sérieusement la mise en œuvre vers 2020-2023 d’un drone MALE de nouvelle génération et à forte capacité, issu certainement du démonstrateur Mantis de BAE Systems.
Toutefois, il est indispensable d’apporter, dès 2013, une réponse pragmatique aux besoins de nos forces sur le terrain dans le domaine des drones MALE. Votre prédécesseur était sur le point d’arrêter son choix, entre le traitement des obsolescences et un achat complémentaire de drones Harfang, l’adaptation du Heron TP d’Israël Aircraft Industries à plus forte capacité ou l’achat de drones de General Atomics ayant fait leurs preuves sur le terrain et à fortes capacités d’emport. S’agissant de cette dernière option, il semblerait que nous ayons obtenu des assurances quant à l’autonomie d’emploi et à l’installation de systèmes français.
Votre choix sera difficile, car il faut prendre en compte non seulement les coûts d’achat et de maintenance, le calendrier et les retombées pour l’industrie française, mais aussi les besoins des militaires sur le terrain et l’émergence de nouvelles menaces, notamment celles d’Al-Qaïda au Maghreb islamique ou des pirates au large de la Somalie.
À Lisbonne, la France a obtenu de nombreuses avancées sur l’évolution du concept stratégique de l’OTAN, ainsi que sur la réduction des effectifs et du nombre des agences de l’Alliance. Nous devons nous féliciter de notre retour au sein du commandement intégré, sans lequel ces résultats n’auraient pu être envisagés, pas plus d’ailleurs que l’accord franco-britannique.
Je crois cependant que ce sommet témoigne d’un certain éloignement des États-Unis par rapport à la vieille Europe, …
… que nos alliés Américains souhaitent voir s’engager plus avant dans sa propre défense, y compris avec la défense antimissile balistique. En effet, la priorité des États-Unis, on le sait bien, est dorénavant l’Asie, où se trouvent des pays partenaires, clients ou concurrents pouvant représenter des risques ou des menaces tangibles pour les États-Unis dans les prochaines décennies.
Au-delà du projet de loi de finances pour 2011, monsieur le ministre d’État, les difficultés budgétaires nous obligeront à aller plus loin dans les mutualisations et les rationalisations. Ce qui a été fait dans nos armées devra être étudié pour nos industries de défense, car on voit bien que l’on ne peut conserver, à l’échelon européen, une multitude d’acteurs mineurs, tributaires de leurs marchés nationaux. Il faut favoriser soit la complémentarité, comme avec « One MBDA », soit les adossements industriels bi- ou multilatéraux, en particulier pour les groupes d’armement terrestre.
À votre arrivée au ministère de la défense, vous auriez déclaré qu’il s’agissait d’une mission passionnante, dans un ministère où il y a énormément de choses à faire, avec des moyens financiers importants. Vous avez déjà pu découvrir, monsieur le ministre d’État, que votre mission est en effet particulièrement exaltante, qu’il y a énormément à faire, mais que, malheureusement, les moyens financiers ne sont pas au rendez-vous…
… face aux défis que nous devons relever ensemble, d’autant que, derrière ces programmes et ces budgets, il y a des hommes et des femmes dévoués, au service des armes de la France, allant parfois jusqu’au sacrifice suprême.
Monsieur le ministre d’État, le groupe UMP vous accorde sa totale confiance pour conduire les réformes nécessaires et vous apportera son entier soutien pour l’adoption des crédits de la mission « Défense ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Défense » pour 2011 ne correspondent pas tout à fait aux annuités prévues dans la loi de programmation militaire adoptée par le Sénat en juillet 2009. La défense contribue à la maîtrise des dépenses de l’État : par rapport aux crédits programmés jusqu’en 2014, ses dotations budgétaires sont réduites de 3, 6 milliards d’euros.
Notre situation budgétaire est une contrainte qui pèse aussi sur la défense, et cela est normal. Le ministère de la défense ne peut pas s’exonérer des efforts engagés pour rétablir l’équilibre des finances publiques. Néanmoins, mes chers collègues, cette contrainte est également une véritable occasion, pourvu que nous ayons la volonté politique de la saisir.
Je concentrerai mon propos sur cette volonté politique, qui sera décisive pour la France et l’Europe dans les années à venir.
La contrainte budgétaire est une occasion de renforcer les deux piliers de la puissance militaire française : l’Union européenne et l’Alliance atlantique. Ces deux piliers sont complémentaires et ils se confortent mutuellement. Sur ce point, la doctrine centriste, qui a été portée notamment par Jean Lecanuet, a été consacrée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Monsieur le ministre d’État, j’espère que vous partagerez cette conviction et que, comme celle de votre prédécesseur, M. Hervé Morin, votre action s’inscrira dans cette voie.
Des progrès historiques ont été accomplis ces dernières années pour construire une véritable Europe de la défense. En moins de dix ans, la politique européenne de sécurité et de défense est devenue une réalité. Depuis 2002, grâce à l’engagement de la France, plus de vingt opérations civiles et militaires se sont déployées dans les Balkans, en Afrique, en Asie, au Proche-Orient, dans le Caucase et jusque dans l’océan Indien. En moins de dix ans, près de 70 000 citoyens civils et militaires de l’Union européenne ont été employés au service de la sécurité internationale.
Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Conseil européen est doté d’une présidence stable. L’action extérieure de l’Union est plus cohérente, grâce à la création d’un haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune.
Plus encore que les améliorations institutionnelles, ce sont les projets concrets qui font avancer la défense européenne. C’est grâce à eux que l’Europe de la défense a été relancée sous la présidence française de l’Union européenne.
La mise en œuvre d’un programme ERASMUS militaire pour les officiers, la constitution d’un groupe aéronaval européen, la création d’une flotte européenne de transport, le déploiement d’un réseau de surveillance maritime des côtes européennes : ce sont ces réalisations qui font avancer les choses. Me trouvant, voilà trois jours, au Centre satellitaire de l’Union européenne, à Torrejón, j’ai été fier de constater que l’Europe était désormais beaucoup plus compétente que les États-Unis en matière d’analyse des images satellitaires, même si celles dont elle dispose sont beaucoup moins claires.
La création, l’été dernier, par la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, d’une flottille commune d’avions de transport tactique reflète une tendance de fond à la coopération. Grâce au sauvetage pour lequel votre prédécesseur s’est battu, monsieur le ministre d’État, cette flottille doit être dotée, à terme, d’Airbus A400M.
Enfin, l’accord historique conclu avec la Grande-Bretagne le 2 novembre dernier marque une avancée considérable. La mise à disposition réciproque de matériels et de troupes par les deux principales puissances militaires de l’Union européenne n’est pas seulement le signe d’un rapprochement bilatéral ; c’est aussi un levier d’action pour renforcer l’intégration européenne.
La France et le Royaume-Uni comptent parmi les rares pays respectant le seuil de dépenses pour la défense fixé par l’OTAN à 2 % du produit national brut. Le fait que ces deux grandes puissances mutualisent certains de leurs moyens est un grand pas vers la création d’une véritable défense européenne intégrée.
Cependant, le travail à accomplir pour parvenir à développer la puissance européenne est immense, et il risque de pâtir de la réduction des moyens. Depuis plusieurs années, la diminution des crédits consacrés à la défense partout en Europe est une vraie menace pour la sécurité et l’indépendance du continent. Entre 2001 et 2009, le budget militaire des États européens membres de l’OTAN est ainsi passé de 228 milliards à 197 milliards d’euros. Cette diminution est aggravée par le manque de coopération.
À cet égard, un article récent du New York Times dressait une rapide comparaison entre l’Europe et les États-Unis : on compte vingt et un chantiers navals en Europe, contre trois aux États-Unis ; les pays de l’Union européenne ont quatre-vingt-neuf programmes d’armement différents, contre seulement vingt-sept pour les États-Unis, dont le budget de la défense est pourtant presque trois fois supérieur à l’ensemble des budgets de la défense européens ; la part de la recherche et du développement dans le budget européen de la défense a chuté de 13 % entre 2001 et 2008, alors que les États-Unis consacrent à ce secteur six fois plus de crédits que l’ensemble de l’Europe, pour un PIB presque équivalent.
La fragmentation des marchés de la défense européens coûte cher. Il est urgent de renforcer la coopération, la mutualisation et l’intégration des moyens. C’est en suivant cette voie que l’Europe de la défense progressera. Cela est nécessaire pour peser dans les affaires internationales et pour défendre nos valeurs dans le monde ; cela est nécessaire pour éviter une perte catastrophique de compétences technologiques et opérationnelles ; cela est nécessaire, enfin, pour entretenir une relation équilibrée avec nos alliés, en tout premier lieu avec les États-Unis.
Cela m’amène à évoquer le second pilier sur lequel doit reposer notre défense, l’Alliance atlantique.
J’aimerais insister sur le point suivant : le fait que la France ait rejoint le commandement intégré de l’OTAN lors du sommet de Strasbourg renforce notre capacité d’influence. La nomination du général Abrial à l’un des deux postes de commandement suprêmes n’est pas qu’un symbole.
Je salue la décision du Président de la République de revenir sur le choix fait par le général de Gaulle en 1966, dans un contexte très différent. C’est une excellente décision pour la France et je voudrais lui rendre hommage pour avoir fait « bouger les lignes ».
À ce propos, monsieur le ministre d’État, une phrase rapportée voilà quelques jours dans la presse a pu donner à penser que j’avais ironisé sur la présence, au sommet de Lisbonne, de trois anciens secrétaires généraux du RPR, porteurs de la doctrine gaulliste. Or il n’en est rien. Au contraire, je me réjouis que le Président de la République, Mme Alliot-Marie et vous-même, monsieur le ministre d’État, ayez pris part à ce sommet.
La décision prise par le Président de la République est également excellente pour l’Europe de la défense. Grâce à ce choix, le projet européen peut avancer sans être en permanence suspecté de fragiliser le lien transatlantique. Notre partenaire britannique y est sensible, et il n’est pas le seul. Les pays d’Europe de l’Est, très attachés à l’Alliance atlantique, le sont aussi. Le fait que la France ait repris toute sa place dans l’OTAN rassure la Pologne et ses voisins. L’Europe de la défense y gagne.
Cela m’amène à évoquer le renforcement nécessaire du partenariat avec la Russie, qui doit être une priorité de l’Alliance atlantique, comme l’a souligné le Président de la République lors du sommet de l’OTAN de Lisbonne, le 20 novembre dernier. La présence de la Russie auprès de l’OTAN a montré que l’épisode ouvert par la crise géorgienne est en train d’évoluer. Maintenant, il faut avancer.
L’Union européenne doit comprendre que ce rapprochement est dans son intérêt. La page de la guerre froide est tournée depuis longtemps. Les menaces ont changé de nature, elles ont aussi changé d’origine. Les chefs d’État français, allemand et russe l’ont compris. Lors de leur récente rencontre, à Deauville, ils ont manifesté leur volonté de renforcer le partenariat stratégique qui doit nous unir. La vente de missiles Mistral à la Russie est également un excellent signe. Cette volonté doit se concrétiser par des projets communs, notamment en matière de défense antimissile.
Aujourd’hui, la Russie concentre ses troupes dans le Caucase, bien sûr, mais surtout à l’est de ses frontières. À ses côtés, l’Europe de la défense doit progresser. Le monde avance vite, la Chine avance vite : cette semaine, au salon aéronautique de Zhuhai, elle a présenté sa nouvelle génération d’avions de combat, qui pourront décoller des porte-avions.
Il est urgent que l’Europe comble son retard, en matière d’exploration spatiale, de recherche avancée, de capacités rapides d’intervention. Pour associer les États membres de l’Union à cet effort, il faut une volonté politique forte.
Monsieur le ministre d’État, je crois que vous partagez cette volonté. J’espère que, sous votre direction, votre ministère continuera à faire progresser à la fois notre influence dans l’OTAN, notre partenariat avec la Russie et l’Europe de la défense : trois objectifs qui se complètent et se renforcent. Dans cet espoir, le groupe Union centriste votera pour l’adoption des crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, j’aurai d’abord, à cet instant, une pensée pour le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Je suis heureux de savoir qu’il va bien.
Je voudrais aborder deux sujets, monsieur le ministre d’État : notre place dans l’OTAN et la situation en Afghanistan.
Le sommet de l’OTAN de Lisbonne n’a pas apporté la clarification et les précisions attendues, tout au moins pour l’observateur que je suis. Une fois encore, le Parlement a été complètement mis à l’écart. On discute à Lisbonne, monsieur le ministre d’État, mais pas à Paris : ici, c’est silence radio ! Pas de débat au Parlement avant les sommets de l’OTAN ! L’Élysée ordonne et dispose. On suit le mouvement, mais en silence.
Je voudrais dire quelques mots de l’ensemble des décisions qui ont été prises et acceptées par le Gouvernement lors de ce sommet.
En ce qui concerne l’Afghanistan, le calendrier de retrait reste flou, dans l’attente des décisions qui seront prises par le Président Obama à la fin du mois de décembre 2010.
En ce qui concerne le bouclier antimissile, il s’agit d’un accord qui nous engage fortement, alors que le projet n’est qu’au stade de l’ébauche, emporte des conséquences graves pour notre autonomie stratégique et risque de placer les industries européennes de défense en position de sous-traitants.
Quant au nouveau concept stratégique, qui entérine une extension du domaine d’action de l’OTAN vers une approche globale, civile et militaire, dans la gestion des crises, il laissera clairement l’Union européenne sous la dépendance de l’Alliance atlantique. Ce nouveau concept renforce la maîtrise et la prééminence politique des États-Unis sur les alliés : exit l’Europe de la défense. Que de revirements, que de renoncements ! Et que l’on ne nous accuse pas d’être timorés, que l’on n’essaie pas de nous rassurer en nous affirmant que le temple sera bien gardé !
Sur la situation en Afghanistan, dont vous n’êtes bien évidemment pas le premier responsable, monsieur le ministre d’État, le constat tient en trois mots : échec, confusion, désordre. Tous les six mois, un changement de stratégie est annoncé. Cela revient à dire qu’il n’y a pas de stratégie !
Je rappelle que MM. Kouchner et Morin, exfiltrés depuis du Gouvernement, avaient déclaré que « la nouvelle stratégie concertée de la communauté internationale avait été décidée à Londres, le 28 janvier 2010 ». Et avant Londres, c’était Bucarest, en avril 2008 : il s’agissait alors de gagner les cœurs et les esprits, d’amener le peuple afghan à faire cause commune avec la force internationale et à rejeter les talibans…
Qu’est-ce alors que cette « nouvelle nouvelle » stratégie concoctée à Lisbonne ? Mon sentiment, monsieur le ministre d’État, est qu’il s’agit d’une stratégie de communication, un point c’est tout !
Ces stratèges-là sont aussi perdus aujourd’hui qu’il y a quelques mois : ils s’enfoncent dans le bourbier et ils ne trouvent pas la sortie.
Hier encore, on refusait à grands cris de parler d’un calendrier de retrait, et de grands spécialistes m’expliquaient qu’il ne fallait pas donner de l’espoir et des informations aux talibans, que c’était criminel ! Alors, pourquoi annoncer ce calendrier aujourd’hui ? Qu’est-ce qui a changé sur le terrain ?
Je vais vous le dire : rien n’a changé sur place ! En revanche, à Washington, à Londres et à Berlin, on constate la prise en compte d’une réalité : l’OTAN n’en mène pas large, et les États-Unis conduisent leur barque en fonction de leurs intérêts politiques supérieurs. L’OTAN suivra, et les Européens aussi !
Les États-Unis avaient déjà annoncé qu’ils entameraient leur retrait en 2011. Les Pays-Bas et le Canada annoncent également leur départ cette même année. L’Allemagne reconsidère périodiquement – devant son Parlement, elle – son engagement militaire et fixe le début du retrait à 2012. En Grande-Bretagne, l’échéance semble fixée à la fin de 2014.
Chez nous, votre prédécesseur avait fait la déclaration suivante : « En 2011, nous allons transférer toute une série de districts aux Afghans. À ce moment-là, il pourra y avoir les premiers déplacements ou retraits des forces alliées d’Afghanistan… » Qui faut-il croire ? La confusion est à l’œuvre !
À Lisbonne, il a été question de « transfert de la responsabilité » aux forces afghanes, ce qui ne signifie pas retrait des troupes ! La sécurité sera cogérée, district par district, par les forces coalisées et les forces afghanes. Dans le meilleur des cas, il y aura plus tard transfert intégral de la responsabilité à l’armée afghane : cela, c’est la théorie.
En réalité, l’engagement risque de se prolonger indéfiniment. On voit mal émerger d’ici à trois ans un État afghan doté de structures suffisantes pour assurer sa propre sécurité, s’appuyant sur un pays pacifié et des populations réconciliées. Nous sommes venus, nous avons vu, nous n’avons pas vaincu…
Je m’interroge : si, à partir de 2011, les forces de l’OTAN réorientent leur mission vers la formation des forces afghanes, quelles forces poursuivront les actions militaires les plus dures dans les districts et les régions non sécurisés ? Les forces américaines seules ? Formation des forces afghanes ou pas, nos soldats seront impliqués dans les combats. Faudra-t-il alors renforcer notre présence ? Étant donné le budget de la défense, l’état de nos finances et l’état de nos forces, pourrons-nous, en toute sécurité et avec les moyens adéquats, augmenter encore le nombre de nos soldats sur place ?
Si l’on en croit les annonces ayant suivi le sommet de Lisbonne, il y a maintenant une stratégie, avec une perspective de sortie du conflit. Cette stratégie, nous la réclamions depuis longtemps ; est-elle adaptée à la situation ?
L’OTAN a cherché à donner le change dans le domaine militaire et, surtout, à rassurer les opinions publiques occidentales. Mais nous savons tous que la solution sera politique et diplomatique. Dans ces conditions, quelle elle est la stratégie politique pour sortir du conflit ? Le silence nous assourdit ! Et les négociations avec les talibans pour partager le pouvoir ? On n’en parle pas. Et la guerre sans merci livrée sur la zone frontalière, côté pakistanais ? On n’en parle pas.
Il n’y a aucune avancée en termes d’implication positive des pays riverains. Tout se passe comme si ces derniers regardaient avec attention comment le piège afghan se referme, une fois de plus, sur les troupes étrangères, chacun faisant ses calculs pour le coup d’après !
Les objectifs de l’intervention restent toujours mal définis : lutte contre le terrorisme d’Al-Qaïda ? Victoire militaire sur les talibans ? Construction d’une démocratie et d’un État de droit ? Soutien au pouvoir de M. Karzaï ? Reconstruction de l’économie ? Réconciliation et réintégration des talibans ? Cette confusion n’est ni responsable ni efficace.
Elle n’est pas responsable, parce que nos soldats doivent connaître avec précision le but de leur présence sur le terrain où ils risquent leur vie.
Elle n’est pas efficace, parce que le plein soutien de la nation ne peut se manifester que si les objectifs politiques et militaires de la guerre sont clarifiés, assumés et partagés.
Nous nous sommes éloignés des objectifs établis lors du début de l’intervention française en Afghanistan. Nous en payons aujourd’hui les conséquences.
Après 2007, la dérive s’est accentuée, et le Président de la République a accepté de placer nos troupes à la remorque de l’OTAN, ce qui, à Kaboul comme à Paris, signifie clairement à la remorque des États-Unis.
Monsieur le ministre d’État, la stratégie mise en œuvre a échoué, l’option militaire n’est pas la bonne.
Ailleurs, les parlements discutent sans faux-fuyants de l’engagement en Afghanistan, et ils appellent un chat un chat. La corruption, les trafics de drogue, les hésitations dans la conduite des opérations, la dure réalité des combats sont mis sur la table.
Rassurez-vous, je vais m’arrêter. Je sais que je vous lasse, excusez-moi !
Cela étant, hier soir, c’est vous qui nous avez beaucoup lassés ! Donc, à la sœur, la sœur et demie !
Monsieur le ministre d’État, cette guerre est un piège. Vous-même avez d’ailleurs utilisé cette métaphore. Cependant, il ne s’agit pas ici de jouer avec les mots.
Nous persistons à demander un retrait progressif, calculé et planifié d’Afghanistan, mais avec une perspective de sortie confirmée et débattue.
M. Jean-Louis Carrère. J’espère que vous pourrez répondre à cette demande.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, c’est en vérité un exercice complexe que de tenter d’évaluer la crédibilité et la solidité du présent budget, qui est le troisième de l’État.
Au fond, on ne sait pas quelles sont ses priorités et à quelles demandes il répond : s’agit-il de garantir la sécurité du territoire national et de nos concitoyens ? D’assurer la protection des intérêts de la France ? De consolider l’industrie de la défense, qui, après avoir beaucoup exporté, est aujourd’hui en difficulté ? Que ce soit au nom de l’amitié ou de l’emploi, cette dernière préoccupation existe chez certains.
À dire vrai, on a l’impression d’avoir changé de planète en quelques semaines, et pas seulement de ministre. Le Livre blanc à peine digéré, la loi de programmation militaire à peine votée – loi que ce budget a bien entendu théoriquement vocation à respecter –, des décisions lourdes ont été prises, qui changent totalement la donne.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le débat sur ces questions a été réduit à la portion congrue. Après le changement de pied historique opéré par le Président de la République à propos de l’OTAN, changement qui fut décidé en conclave restreint, bien avant d’être discuté ici pour la beauté de l’argumentation, le ralliement de la France au concept de bouclier antimissile constitue à son tour une remise en cause profonde des notions qui ont fondé jusqu’ici la politique de sécurité et de défense de la France, mettant à mal au passage, une fois de plus, notre relation privilégiée avec l’Allemagne. Quant à l’Europe de la défense, n’en parlons plus !
La décision est déjà prise ; elle l’a été au sommet de Lisbonne. Dans ces conditions, à quoi bon maintenir le débat d’orientation sur la défense antimissile qui doit théoriquement se tenir le 9 décembre au Sénat ?
La décision a donc été prise, disais-je, à l’issue d’un marathon fébrile. Il a en effet fallu convaincre de la pertinence d’une « complémentarité » entre la dissuasion nucléaire et le bouclier antimissile et mettre en échec la stratégie de ces États européens, dont l’Allemagne, qui, prenant au mot le discours de Barack Obama à Prague, ont tenté de traduire en un engagement concret, évidemment graduel et progressif, ce rêve d’une dénucléarisation de l’Europe, vingt ans après la fin de la guerre froide.
Le ralliement français au bouclier antimissile pose évidemment des problèmes majeurs, en termes de souveraineté partagée ou de transfert de souveraineté. Qui décidera demain des équipements nécessaires et qui les fournira ? Les États-Unis, évidemment, qui ont un argument imparable : « je paie, donc je décide ». Ils décideront également de l’emploi du bouclier, terme d’ailleurs ambigu, erroné. On peut imaginer qu’il a été choisi à dessein par les spin doctors américains. Un bouclier est en effet passif, alors que l’on parle ici d’armes destinées à être employées.
Cette décision pose aussi des problèmes de crédibilité pour notre pays, qui, plus que d’autres et avant d’autres, monsieur le ministre, a renoncé à une partie de son arsenal nucléaire, sans toutefois en retirer aucun bénéfice moral ou diplomatique, notamment chez nos partenaires du Sud, tant les actes d’aujourd’hui démentent les engagements d’hier.
J’ai écouté avec l’attention qu’elle mérite l’argumentation du Président de la République. Le bouclier antimissile ? Il vaut mieux pouvoir neutraliser un missile avant qu’il ne fasse des dégâts au sol, a-t-il dit. C’est évident !
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
La menace, c’est l’Iran, ajoute in petto le Président de la République.
Alors là, monsieur le ministre, je ne comprends plus ! En effet, si les dirigeants politiques et religieux de l’Iran, qui sont certes virulents, mais pas complètement irrationnels, en venaient à oser frapper l’un ou l’autre des pays dotés de l’arme nucléaire, cela signerait tout simplement l’acte de décès de la dissuasion nucléaire. À vrai dire, le simple fait que l’on se pose la question est déjà en soi problématique.
Je ne dis pas que l’Iran, dont les dépenses militaires, inférieures à 10 milliards d’euros, sont toutefois cent fois moins élevées que celles des pays de l’OTAN, ne pose pas de problèmes de sécurité au monde, mais je pense que c’est du côté du terrorisme, de la biopiraterie que se situe la menace iranienne, et pas du côté du nucléaire. La dissuasion nucléaire permettra-t-elle d’y répondre ? Bien sûr que non !
On ne sait plus vraiment quelle menace la dissuasion nucléaire vise à conjurer dans un monde multipolaire complexe.
Un monde sans armes nucléaires, ce n’est pas pour demain, me répondrez-vous. Évidemment ! Mais je retiens des conclusions du sommet de Lisbonne, que j’ai épluchées, que les pays de l’OTAN pourraient être les derniers à y renoncer.
Tant qu’un pays tiers disposera de quelques ogives, on pourrait effectivement être tenté de maintenir notre armement à un niveau opérationnel. Alors même que le Président de la République reconnaît finalement à demi-mot, puisqu’il éprouve le besoin de doter la France du bouclier antimissile, que les efforts consentis en matière de dissuasion ne permettent pas d’assurer de façon certaine et définitive la protection du territoire et de la population, nous sommes donc contraints d’inscrire une fois de plus dans le budget des sommes considérables à cette fin.
Si les finances publiques étaient florissantes, si nous n’avions que des problèmes de riches, nous pourrions nous accommoder de la juxtaposition de programmes coûteux, aux objectifs fumeux, et consacrer notre énergie à des débats moraux sur la question de l’acceptabilité du nucléaire.
Monsieur le ministre, le moment n’est-il pas venu de faire des choix ? Nous pourrions consacrer 3, 4 milliards d’euros par an à l’équipement des troupes, à leur formation, à leur maintien en condition opérationnelle, à leur entraînement, à leur acheminement en toute sécurité sur les théâtres d’opérations, à la satisfaction des engagements qui ont été pris envers nos soldats.
Vous avez posé des actes forts par le passé et vous êtes prononcé nettement, par exemple, en faveur d’un processus de désarmement nucléaire. Vous êtes un esprit libre, vous avez été Premier ministre, ministre des affaires étrangères, vous n’avez plus rien à prouver. Faites en sorte que prévale l’idée selon laquelle notre sécurité commune repose davantage sur nos efforts pour préserver la paix, pour accompagner le développement, pour conserver la confiance des pays qui doutent de notre détermination en la matière, que sur le montant des crédits que nous affecterons à une politique dépassée, qui n’a pas fait plus la preuve de son efficacité que la ligne Maginot en son temps.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je souhaiterais vous faire part de deux observations et de deux interrogations.
Ma première observation sera en forme de paradoxe : jamais les outils qui pourraient être mis au service d’une authentique politique européenne de défense et de sécurité n’ont été aussi importants ; pourtant, jamais la perspective de la mise en place d’une telle politique n’a paru aussi éloignée.
L’encre du traité de Lisbonne est à peine sèche, l’outil des coopérations structurées est là, sur la table, mais personne n’envisage de s’en emparer. L’OCCAR, l’organisme conjoint de coopération en matière d’armement, existe et travaille plutôt bien. L’Agence européenne de défense existe, mais elle a si peu de moyens…
Nous allons bientôt transposer les deux directives du paquet « défense ». C’est une autre approche, par la base, de ce qui pourrait être l’amorce d’une restructuration, difficile mais nécessaire, des industries de défense européennes. L’idée est d’accomplir, petit à petit, grâce à quelques règles simples, ce que la volonté des États peine à réaliser. Pourquoi pas ? Après tout, la méthode des petits pas a fait ses preuves en son temps.
Cela peut réussir, à condition toutefois de ne pas faire n’importe quoi lorsque nous transposerons ces deux directives ! Il faudra se garder, en particulier, de livrer le marché de la défense aux industries non européennes, sous couvert de concurrence non faussée.
Quoi qu’il en soit, l’Europe de la défense perd son souffle. Jamais la perspective d’une défense commune n’a paru aussi lointaine. Les partenariats industriels qui existaient sont en train de se déliter. L’Allemagne regarde à nouveau vers l’Est. Ainsi, Siemens est sorti du capital d’Areva pour nouer une alliance avec les Russes : pourquoi ? Avons-nous commis des erreurs ?
Dans l’industrie navale, les dirigeants du groupe allemand Thyssen Krupp Marine Systems semblent préférer s’allier avec le groupe émirati Abu Dhabi Mar plutôt qu’avec l’entreprise française DCNS, une telle alliance étant considérée outre-Rhin comme « autrement plus solide que la perspective d’un groupe naval européen ».
La même DCNS vient de divorcer d’avec Navantia, qui fut son partenaire dans le domaine des sous-marins, au motif que ce dernier lui faisait des infidélités avec les industriels américains, et on voit mal, à vrai dire, ce qui pourrait la conduire à une relation plus poussée avec l’italien Fincantieri, compte tenu, par exemple, de l’échec de la coopération sur les torpilles lourdes. Bref, le spectacle n’est pas beau à voir !
Dans le domaine des blindés, la situation est pire encore ! Chaque État européen ayant encouragé ses propres industriels, aucun groupe n’a pu émerger à l’échelle européenne. Cette situation a favorisé le rachat par des groupes américains d’industriels européens, comme en Suisse ou en Espagne. En France, trois constructeurs, dont une société entièrement détenue par l’État, se partagent un marché étroit et semblent peu enthousiastes – c’est un euphémisme ! – à l’idée d’un regroupement. Moyennant quoi, c’est un groupe italien qui vient de remporter le marché des porteurs polyvalents terrestres…
Dans le domaine aéronautique, l’avion A400M se fera, mais après combien de tergiversations, après quel feuilleton ! Je n’ai pas le souvenir que la construction du Transall par la France et l’Allemagne, voilà bien longtemps, ait suscité tant de tracas ! Quant au remplaçant des avions Rafale, la question n’est plus, à mon avis, de savoir s’il sera français ou même européen ; à ce stade, tout porte à croire qu’il sera – qu’il est déjà –, avec le Joint Strike Fighter, en grande partie américain.
Ma seconde observation portera sur le fait que, face à cette situation – ou peut-être à cause d’elle –, la stratégie française paraît changer de pied depuis trois ans, et d’une façon spectaculaire ces dernières semaines, sans que le Parlement y soit associé par le biais d’un débat, hélas !
Ce changement se manifeste, d’abord, avec la réintégration par la France du commandement militaire intégré de l’OTAN. Vous n’en étiez pas un fervent partisan, monsieur le ministre d’État, ou alors sous certaines conditions, dont vous pourrez peut-être nous préciser si elles sont en voie d’être satisfaites.
Ce changement s’exprime, ensuite, par les récents accords de Londres, qui semblent sonner le glas d’une approche multilatérale de défense, et en particulier de l’Agence européenne de la défense. Cela ne manque pas de sel quand on sait qu’une Française, Mme Claude-France Arnould, vient d’en prendre la direction.
Ce changement se traduit, enfin, par la participation de la France à la mise en place de la défense antimissile de l’OTAN, qui vient d’être décidée au sommet de Lisbonne.
Que dire de ces décisions, sinon qu’elles paraissent surtout s’imposer à nous ? En outre, chacune d’entre elles a sa logique propre, et on peut entendre les arguments qui les sous-tendent.
La France aura plus de poids au sein de l’OTAN que hors de cette instance.
La France, en désaccord avec l’Allemagne pour ce qui concerne la dissuasion nucléaire en particulier, et le nucléaire en général, s’est tournée vers le Royaume-Uni, seul partenaire européen à consentir un effort financier comparable au sien en matière de défense. C’est un PACS de raison, comme le dit notre collègue Jean-Pierre Chevènement.
Enfin, la défense antimissile balistique semble s’imposer à nous, car c’est moins un équipement militaire contre une menace encore bien lointaine qu’un outil diplomatique au service d’une stratégie d’influence, et c’est aussi le moyen de financer une formidable course aux technologies spatiales.
Tout cela annonce-t-il la fin de l’Europe de la défense, l’échec de l’approche multilatérale qui avait prévalu à Saint-Malo ? Souhaitez-vous, au contraire, que l’alliance franco-britannique crée ce noyau dur, cette masse critique dont nous appelons tous de nos vœux l’émergence, et que nos amis Allemands, Italiens, Espagnols et, au-delà, tous nos amis européens, veuillent tôt ou tard nous rejoindre ?
Monsieur le ministre d’État, nous attendons avec intérêt vos réponses à ces quelques interrogations sur l’Europe de la défense et de l’industrie de l’armement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, avant d’évoquer le projet de budget pour 2011 de la mission « Défense », je tiens à rendre un hommage appuyé à tous nos militaires engagés sur différents terrains d’opérations à travers le monde, assurant par leur action pour la paix le respect des engagements internationaux de la France.
Le risque ultime qu’ils courent nous oblige à veiller à garantir, au travers de la définition des moyens mis à leur disposition, l’efficacité de leur action et leur sécurité.
À ce titre, le présent projet de budget est préoccupant. Il conduira, à terme, à une insuffisance des moyens consacrés à la défense, qui sera préjudiciable à la sécurité de notre pays et au respect de nos engagements internationaux.
La question de l’utilité des lois de programmation militaire se pose. En effet, une réduction de 3, 63 milliards d’euros pour la période 2011-2013 est prévue par rapport à la loi de programmation militaire pour 2009-2014. Les crédits budgétaires inscrits dans cette programmation triennale marquent incontestablement un décrochage par rapport à celle-ci.
Nous ne sommes pas dupes, monsieur le ministre d’État ! La baisse des crédits budgétaires est en partie masquée par la hausse des recettes exceptionnelles, qui la ramène à 1, 25 milliard d’euros. En fait, cette hausse tient essentiellement à un glissement des recettes non réalisées en 2009 et en 2010, mais pourtant mises à contribution pour rendre présentables ces deux exercices budgétaires.
En ce qui concerne le projet de budget pour 2011, ce sont 1 milliard d’euros de recettes exceptionnelles non prévues qui sont prises en compte, permettant de masquer une réduction des crédits par rapport à 2010 d’un montant équivalent.
Le fait que le financement du budget de la défense repose dans une mesure importante sur des recettes exceptionnelles amène à s’interroger sur la pérennité de celui-ci. Le principe et le régime de ces recettes exceptionnelles, qui avaient pourtant une finalité particulière, à savoir le financement d’un supplément de dépenses d’équipement résultant d’engagements antérieurs, ne risquent-ils pas d’être remis en cause au regard des nouvelles contraintes budgétaires ?
En outre, la réalité de ces recettes exceptionnelles est, en l’espèce, pour le moins sujette à caution. Les exercices 2009 et 2010 prouvent qu’une grande partie des recettes exceptionnelles pourtant inscrites dans le budget n’ont pas été perçues. Je vous rappelle, monsieur le ministre d’État, que les finances publiques reposent sur le principe de sincérité budgétaire. Or, en dépit des annonces, aucune ressource tirée de l’utilisation du spectre hertzien et quasiment aucune ressource immobilière n’ont été perçues en 2009 et en 2010. Un nouveau report de la réalisation de ces recettes exceptionnelles aurait une incidence notable sur le budget de 2011. Nous verrons…
Le débat parlementaire sur les crédits de cette mission a mis en lumière des problématiques qui n’ont pas reçu de réponse satisfaisante.
Ainsi, le projet de partenariat public-privé pour le site de Balard est-il réellement opportun sur le plan financier ? Quelle sera l’incidence financière de la réforme des retraites que vous avez soutenue, monsieur le ministre d’État ? Quelle est l’efficacité financière de la politique d’externalisation conduite ? Le réseau des bases de défense est-il réellement efficient ? Je pourrais multiplier les exemples témoignant que vos orientations manquent de cohérence au regard de la rigueur budgétaire imposée.
Dans leur excellente note de présentation, les rapporteurs spéciaux ont souligné que les moyens financiers seront nettement inférieurs à ceux qui étaient prévus dans le Livre blanc de 2008. En octobre dernier, vous avez même précisé, monsieur le ministre d’État, que l’écart avec les prévisions de la loi de programmation militaire pourrait atteindre 20 milliards d’euros et remettre profondément en cause notre modèle d’armée.
La rareté des ressources financières, même si les impératifs budgétaires ne devraient pas régir les choix stratégiques essentiels, va inéluctablement conduire à des arbitrages sur trois éléments fondamentaux : l’effectif de notre armée, les spécifications des matériels produits et destinés à équiper notre armée pour qu’elle puisse assurer efficacement ses missions, le ciblage de la recherche et du développement sur des technologies adaptées à la nature des conflits futurs.
Il semble acquis que le format prévu pour l’armée française à l’horizon 2020 ne pourra être atteint et que des arbitrages politiques vont être nécessaires, l’ambition étant que la France conserve son statut militaire mondial, condition indispensable pour que nous puissions influer sur les grandes décisions internationales. Les orientations prises par le Gouvernement ne nous éclairent pas sur ses réelles intentions à cet égard.
Avec un Livre blanc et une loi de programmation militaire obsolètes, nous avons vraiment le sentiment de naviguer à vue. Ces deux documents fixaient des objectifs parfois critiquables, mais qui avaient le mérite d’exister. Or, le projet de budget présenté et les suivants en sont déconnectés. Vers quelle défense allons-nous désormais ?
Ce flou est d’autant plus inquiétant que, parallèlement, la construction de l’Europe de la défense est au point mort. Il est incontestable que l’Agence européenne de défense est dans un état végétatif et que la mécanique bureaucratique des coopérations structurées permanentes aboutit, ce qui était prévisible, à une impasse.
Certes, les récents accords bilatéraux franco-anglais vont dans le bon sens, mais ils soulignent en creux la défaillance de la construction européenne.
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre d’État, que, devant autant d’incertitudes et d’incohérence, nous ne puissions voter le projet de budget que vous nous soumettez.
Pour conclure, j’aimerais vivement connaître, monsieur le ministre d’État, votre position sur la réintégration de la France au sein du commandement militaire de l’OTAN, sur la participation de notre pays au projet américain de bouclier antimissile, …
… sur la poursuite de l’engagement militaire français en Afghanistan, …
M. Bernard Piras. … sur le désarmement atomique de la France. Vos réponses seront particulièrement instructives quant au rôle que vous ambitionnez de jouer au sein du nouveau gouvernement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je ne devais pas intervenir ce matin, puisque j’avais prévenu le service de la séance que je renonçais à mon temps de parole. Cependant, mon nom ayant été maintenu sur le dérouleur à la suite d’un malentendu, je ne puis résister au plaisir de dire à M. le ministre d’État Alain Juppé à quel point mes collègues du groupe UMP et moi-même nous réjouissons qu’il prenne la tête du ministère de la défense, si important à nos yeux. Son expérience de Premier ministre, son passage au Quai d’Orsay seront d’une utilité considérable dans le traitement de dossiers essentiels pour notre pays.
Je voudrais évoquer brièvement un sujet qui me tient particulièrement à cœur, parmi tous ceux qui méritent notre attention dans le cadre de cette discussion, celui des réserves.
Avec 22 milliards d’euros, le programme 178 « Préparation et emploi des forces » regroupe près de la moitié des crédits et plus des deux tiers des ressources humaines du ministère. Il concentre toutes les problématiques de la gestion des ressources humaines des armées.
Dans un contexte de restrictions budgétaires sévères, davantage d’attention devrait être portée aux réserves. Elles ont été un peu oubliées dans le Livre blanc. Certes, nous n’avons pas, en France, de tradition comparable à celle des États-Unis et de leur garde nationale. C’est seulement au milieu des années quatre-vingt-dix que la France a commencé à prêter attention à cette question. Encore aujourd’hui, les investissements, dans ce domaine, sont largement insuffisants. Outre les problèmes financiers, des progrès sont à faire dans la définition des missions des réservistes. Je pense notamment à la réserve citoyenne, presque totalement ignorée par le Livre blanc.
La loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense a permis de développer une nouvelle réserve militaire, opérationnelle et citoyenne, complétée par des réserves à caractère civil : les réserves communales de sécurité civile, la réserve sanitaire et la réserve civile de la police nationale. Ces réserves doivent permettre aux pouvoirs publics de prolonger et d’amplifier la capacité de l’État à faire face aux crises, à intervenir et à protéger la population, sur la scène internationale comme sur le territoire national.
Nous avons à l’étranger tout un vivier de compétences et de réseaux qui mériteraient d’être mieux utilisés. Je sais que ce sujet vous est cher, monsieur le ministre d’État ! La réserve citoyenne pourrait permettre aux Françaises et aux Français de l’étranger de mettre bénévolement leur expertise au service de notre rayonnement économique et stratégique, ainsi que d’améliorer notre capacité de réaction en cas de crise.
Un tel développement pourrait aussi s’appuyer sur la refonte des journées d’appel de préparation à la défense. Ces journées citoyennes sont indispensables, mais, malheureusement, dans de très nombreux pays, elles ne sont pas organisées, alors qu’elles constituent pourtant un moyen incontournable de transmettre à des jeunes en grande majorité binationaux, qui souvent n’ont jamais de contact avec la France ou avec l’institution militaire, un certain esprit civique, des messages sur notre pays, sur la nation, sur nos valeurs.
On constate depuis plusieurs années une diminution du budget des réserves, qui entraîne une réduction du nombre d’actions de formation et d’entraînement des réservistes. Les amputations de crédits altèrent la crédibilité de la réserve, devenue variable d’ajustement du ministère.
Dans le cadre des prescriptions du Livre blanc, la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 a fixé comme objectif de disposer de 40 000 réservistes opérationnels en fin de programmation, à raison de vingt-cinq jours d’activité par an. Pour passer de 35 000 réservistes opérationnels à la fin de 2008 à 40 000 en 2015, une stratégie de montée en puissance est nécessaire : il faudrait recruter 1 600 nouveaux réservistes par an. Malgré de nombreux nouveaux recrutements, l’expansion des réserves est mise à mal par un nombre important de cessations d’activité, pour cause de départ ou de non-renouvellement de contrat.
En 2009, le nombre des réservistes a diminué de 1 800 et on a observé une stagnation du nombre de jours d’activité, qui s’est établi à vingt et un. Un problème de motivation, de compréhension et de valorisation des missions, de « sous-emploi » des réservistes se pose.
En ce qui concerne les dépenses salariales de la réserve opérationnelle, les crédits affectés à la réserve militaire au titre des rémunérations et charges sociales, hors pensions et en incluant la réserve de la gendarmerie, ont atteint, en 2008, 123, 16 millions d’euros, soit le même montant qu’en 2007. En excluant la réserve de la gendarmerie, ce montant ne s’élève plus qu’à 77, 01 millions d’euros. Pour 2011, le projet de loi de finances prévoit 88, 5 millions d’euros de crédits à ce titre, hors réserve de la gendarmerie. De 2002 à 2008, les dépenses salariales hors pensions et hors réserve de la gendarmerie sont passées de 47 millions à 88 millions d’euros, ce qui correspond à la croissance d’environ 20 000 à 32 000 de l’effectif des réservistes.
Ces réservistes sont un peu démoralisés. Il serait important, monsieur le ministre d’État, que vous vous consacriez aussi à la mise en lumière de leur valeur ajoutée dans notre dispositif de défense nationale.
En tant qu’ancienne élue des Français de Grande-Bretagne, je ne peux que me réjouir de la signature récente de l’accord franco-britannique, que nous avions tant appelée de nos vœux. Il était essentiel d’arrimer la Grande-Bretagne à notre dispositif européen. Bien évidemment, comme chacun des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, j’ai des inquiétudes quant à l’avenir de l’Europe de la défense. Je crois toutefois que cet accord, par sa très grande valeur symbolique, pourra peut-être inciter les Allemands à s’engager dans une nouvelle dynamique de défense à l’échelle européenne.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le ministre d’État, je me réjouis moi aussi de votre retour au Gouvernement. Je forme des vœux pour la réussite de votre action à la tête de ce très important ministère régalien.
Pardonnez-moi d’en venir maintenant à des considérations bassement budgétaires
Sourires
Le Gouvernement nous a transmis récemment un projet de décret d’avance visant à ouvrir un peu plus de 1 milliard d’euros de crédits, dont 930 millions d’euros destinés au paiement des salaires de décembre des agents de l’État. Huit ministères sont concernés par cet ajustement des frais de personnel, dont le vôtre, à hauteur de 231 millions d’euros.
Un certain nombre d’explications nous ont été données. Ainsi, un ajustement de 29 millions d’euros est dû au fait que le décret d’avance de septembre n’a pas permis de financer l’intégralité des surcoûts des OPEX. Le montant demandé s’explique aussi, à hauteur d’une centaine de millions d’euros, par les dérapages du dispositif d’indemnisation du chômage, de la restructuration de la défense, qui a entraîné le versement d’indemnités plus importantes que prévu, et des dépenses liées au traitement du dossier de l’amiante. Cependant, la destination d’une bonne centaine de millions d’euros demeure inexpliquée.
Monsieur le ministre d’État, tout cela nous amène à nous interroger : les prévisions de dépenses de personnel pour 2011 ne souffrent-elles pas de la même sous-estimation ? Les dépenses d’investissement et d’équipement ne sont-elles pas vampirisées par les dépenses de fonctionnement ? J’espère que vous pourrez apaiser nos craintes à ce sujet.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai été très sensible aux paroles aimables que beaucoup d’entre vous ont eues à mon égard. Je suis heureux de retrouver dans cette enceinte nombre de visages familiers, parfois depuis les bancs de l’école !
Je mesure pleinement la lourdeur de la tâche qui m’a été confiée par le Président de la République et le Premier ministre. Être à la tête d’une communauté d’hommes et de femmes dont nous connaissons tous ici l’engagement généreux et passionné au service de notre pays et des valeurs de la République est pour moi une grande fierté.
Je voudrais d’ailleurs saluer à mon tour l’extraordinaire capacité d’adaptation et de modernisation des personnels de la défense, qui, depuis 1995, mettent en œuvre les réformes avec un fort sentiment de responsabilité. On dit souvent que la France est incapable de se réformer ; nos armées apportent la démonstration du contraire.
Je suis fier de vous présenter ce projet de budget de la défense, que je n’ai pas préparé mais que j’assume bien entendu totalement.
Ce projet de budget se réfère notamment au Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et à la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014. Il s’inscrit en outre dans un monde en plein changement, qui nous oblige à nous adapter en permanence aux nouvelles menaces et à veiller aux intérêts de notre pays sur la scène internationale.
De ce point de vue, le mois de novembre a connu une actualité diplomatique particulièrement intense, avec le sommet de l’OTAN à Lisbonne, les 19 et 20 novembre, et la signature, le 2 novembre, d’un traité de défense et de sécurité entre la France et le Royaume-Uni.
Le sommet de l’Alliance atlantique de Lisbonne a été, à mon sens, important et positif. La France a obtenu satisfaction dans un grand nombre de domaines, par exemple au travers de l’affirmation d’une volonté de réforme interne de l’OTAN très ambitieuse. Le secrétaire général de l’Alliance s’est ainsi engagé à mener à bien, dans les prochaines années, une restructuration qui aboutira à la baisse de 30 % des effectifs des états-majors de l’Alliance, au passage de quatorze à trois du nombre des agences spécialisées et à la réduction de 60 % du nombre des comités. Je ne ferai offense à personne en disant que l’Alliance est quelque peu bureaucratique ; elle s’est véritablement engagée dans un processus de réforme destiné à améliorer son efficacité, comme le voulaient un certain nombre d’États membres, au premier rang desquels figurait la France.
Ce sommet nous a aussi permis de prendre un nouveau départ dans la relation avec la Russie. Que le Président des États-Unis, le Président de la Russie et le Président de la République française marchent d’un même pas sous le sigle de l’OTAN, vingt ans à peine après la chute du mur de Berlin, a constitué un symbole fort.
Au cours du sommet de Lisbonne ont également été évoquées la situation en Afghanistan – j’en reparlerai –, la défense antimissile et la dissuasion nucléaire.
Je voudrais maintenant répondre aux questions que vous avez bien voulu me poser. Je précise que je ne suis pas là pour justifier mes propres positions, mais pour défendre celles du Gouvernement. J’espère néanmoins que les quelques réflexions suivantes permettront d’éclairer le débat.
Tout d’abord, je n’ai jamais été hostile au retour de la France au sein de la structure militaire intégrée de l’OTAN. Cela est d’autant plus vrai que, en 1995, Jacques Chirac et moi-même avions essayé d’engager ce mouvement, en fixant deux conditions : un meilleur partage des responsabilités, au sein de l’Alliance, entre les Américains et les Européens, d’une part, la réalisation de progrès sur la voie de la mise en place d’une défense européenne digne de ce nom, d’autre part. À cette époque, aucune de ces deux conditions n’avait été satisfaite.
Depuis, beaucoup de choses se sont passées. Lors du sommet de Saint-Malo des 3 et 4 décembre 1998, la Grande-Bretagne a accepté, pour la première fois, l’idée qu’une défense européenne capable de se doter des moyens d’agir de manière autonome n’était pas en contradiction avec l’Alliance atlantique. Par ailleurs, des progrès significatifs ont été accomplis en matière de défense européenne, puisque nous avons su mener dans ce cadre une bonne vingtaine d’opérations extérieures, notamment l’actuelle opération Atalante, placée sous commandement britannique.
Ces progrès ont-ils été confirmés ? Je pense que nous pouvons répondre par l’affirmative.
Ainsi, l’un des deux commandements suprêmes stratégiques de l’Alliance atlantique, le SACT – le commandement suprême allié Transformation, affecté à la transformation de l’Alliance –, dont le siège est à Norfolk, a été confié à un général français, le général Abrial.
La France dispose, en outre, d’autres commandements importants au sein de l’Alliance.
En matière de défense européenne, la situation est plus controversée. Le traité franco-britannique revêt, selon moi, une extrême importance. Sa portée ne se réduit pas à la simple recherche de mutualisations budgétaires dans un contexte de rigueur de part et d’autre du Channel.Il traduit véritablement une volonté d’agir ensemble, y compris en créant une force d’intervention commune. J’ai d’ailleurs noté que ce traité avait été salué par tous les participants du sommet de Lisbonne comme un apport positif non seulement à l’Alliance atlantique, mais aussi à l’Union européenne. Permettra-t-il de favoriser, d’accélérer le processus de renforcement de la défense européenne ? Nous le verrons. En tout cas, je prendrai rapidement des initiatives afin que nous puissions aussi avancer avec d’autres partenaires, par exemple l’Allemagne ou la Pologne dans le cadre de ce que l’on appelle parfois le « triangle de Weimar », sur la voie de la coopération en matière de défense. Cela est absolument indispensable.
En ce qui concerne la dissuasion nucléaire, sujet que nous approfondirons le 9 décembre prochain, lors du débat d’orientation au Sénat sur la défense antimissile, je rêve bien sûr comme vous, mesdames Demessine et Voynet, d’un monde sans armes nucléaires.
Cependant, si vous vous référez aux déclarations que j’ai faites ces derniers mois, et notamment à l’entretien que j’ai accordé à la Revue de la défense nationale, vous constaterez que ma position n’est pas que la France doit donner l’exemple avant tous les autres pays ! Il existe, sur notre planète, des arsenaux nucléaires considérables. Tant que des progrès nouveaux n’auront pas été accomplis à l’échelle mondiale dans la voie de leur réduction – à cet égard, on a pu voir que la ratification du traité de désarmement START par les États-Unis n’allait pas vraiment de soi ! –, ainsi que de la maîtrise de la prolifération nucléaire, la France ne devra pas baisser la garde.
Je ne puis partager, sur ce point, l’analyse de M. Chevènement : il n’y a pas eu de renoncement français à Lisbonne. Il est écrit noir sur blanc, dans la déclaration finale, que l’Alliance demeurera une alliance nucléaire tant qu’il y aura des armes nucléaires sur la surface de la Terre, que la défense antimissile a pour objet de soutenir et de renforcer la dissuasion – to bolster deterrence – et que notre force de dissuasion nucléaire reste totalement sous souveraineté française.
J’ai entendu invoquer les mânes du général de Gaulle. C’est un exercice extrêmement répandu par les temps qui courent, …
M. Alain Juppé, ministre d'État. … surtout parmi ceux qui ne furent jamais de ses zélateurs de son vivant !
Sourires sur les travées de l’UMP.
Mon propos n’avait rien d’agressif, monsieur le sénateur.
Que dirait le général de Gaulle aujourd’hui ? Je n’en sais trop rien !
En tout état de cause, la Russie a proposé de participer au dispositif de défense antimissile, ce qui a fait dire au Premier ministre que l’on voit peut-être émerger de nouveau le concept d’une défense européenne de l’Atlantique à l’Oural !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.
À Lisbonne, la France a seulement accepté un financement commun du centre de commandement et de contrôle du bouclier antimissile. La dépense sera certes non négligeable, mais toutefois relativement modérée. Pour le reste, le dispositif sera mis en place sur l’initiative des États membres. Bien entendu, lors du prochain débat sur le bouclier antimissile, je serai à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, pour approfondir ce sujet.
Pour l’heure, je voudrais maintenant concentrer mon propos sur le projet de budget de la défense pour 2011, année charnière pour nos armées, et essayer de répondre aux questions qui m’ont été posées sur ce thème.
Comme vous le savez, le Livre blanc puis la loi de programmation militaire ont défini une trajectoire de ressources reposant sur une progression des dotations de la mission « Défense » indexée sur l’inflation jusqu’en 2012, dite de « 0 volume », puis de 1 % en volume à compter de 2012.
La dégradation de nos comptes publics issue de la crise économique et financière a imposé, au printemps dernier, un effort de redressement, auquel la défense a contribué en réduisant les annuités 2011 à 2013 pour un montant cumulé de 3, 6 milliards d’euros, soit 3, 7 % des 95 milliards d’euros prévus par la loi de programmation militaire.
La défense demeure néanmoins une priorité de l’État. Ses crédits budgétaires augmenteront de 3 % entre 2011 et 2013, alors que l’ensemble des dépenses de l’État sera stable sur cette période et que de nombreux ministères verront leurs crédits baisser.
Nos partenaires étrangers ont vécu les mêmes événements et ont pris des décisions comparables, quoique souvent plus rigoureuses. Ainsi, le Royaume-Uni et l’Allemagne prévoient de baisser leur budget de défense respectivement de 8 % et de 14 % entre 2010 et 2014. Certes, comparaison n’est pas raison, mais tous les pays doivent faire face aux mêmes contraintes.
À ces crédits budgétaires s’ajouteront des recettes exceptionnelles, pour un montant total de 3, 3 milliards d'euros pour les années 2011 à 2013, supérieur d’environ 2, 3 milliards d’euros au montant initialement prévu dans la loi de programmation militaire pour cette même période.
La perte de recette nette cumulée pour ces trois années n’est donc que de 1, 3 milliard d’euros, sur un total programmé de 96 milliards d’euros, soit une « encoche » légèrement supérieure à 1 %.
Si l’on s’attache à la seule année 2011, on constate que nous bénéficierons de 30, 15 milliards d’euros de crédits budgétaires, auxquels s’ajouteront 1 milliard d’euros de recettes exceptionnelles, soit un total très voisin de celui qui est prévu dans la loi de programmation militaire. Comme plusieurs orateurs l’ont relevé, nous sommes donc bien dans l’épaisseur du trait.
Je ne partage pas les craintes formulées par certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, sur l’hypothèse de croissance retenue par le Gouvernement pour 2011, qui semble tout à a fait à la portée de notre économie, sauf catastrophe par définition imprévisible.
Le milliard d’euros de recettes exceptionnelles pour 2011 se décompose en 150 millions d’euros de produits de cessions immobilières et 850 millions d’euros de produits de cessions de fréquences, englobant le produit de la cession d’usufruit des satellites de télécommunication, dont le cahier des charges vient d’être envoyé aux deux candidats retenus, et un premier versement de la cession des bandes RUBIS et FELIN, dont 1’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, a désormais fixé le calendrier, avec une conclusion prévue en juillet 2011.
S’agissant des produits de cessions immobilières, monsieur Boulaud, je vous accorde que le montant prévu est très inférieur à celui de 2010, qui reposait sur un projet de cession groupée de l’immobilier parisien. Votre scepticisme était légitime, puisque ce projet n’a pas été réalisé.
Au total, nous sommes très proches du scénario de la loi de programmation militaire. Cela nous laisse donc un peu de temps pour appliquer les mesures d’économies, essentiellement prévues pour 2012 et 2013.
Le vote des budgets de 2012 et de 2013 interviendra avant les élections, monsieur le sénateur ! En l’occurrence, c’est le calendrier budgétaire qui importe.
La loi de programmation militaire est essentiellement consacrée au développement des équipements. Nous visons toujours un objectif de 17 milliards d’euros par an en moyenne consacrés à l’agrégat « équipement » sur la période 2009-2014, contre 15 milliards d’euros par an pour la précédente LPM.
En 2009, nous avons consommé 18 milliards d’euros à ce titre. Notre objectif pour 2010 est de 17 milliards d’euros, même s’il sera sans doute difficile à tenir à cause des retards de paiement liés à la mise en place du logiciel Chorus et des moins-values de recettes exceptionnelles prévisibles pour cette année. Enfin, nous prévoyons de consacrer à l’agrégat « équipement » 16 milliards d’euros en 2011, 16, 8 milliards d’euros en 2012 et 17, 4 milliards d'euros en 2013.
Je voudrais souligner les progrès considérables réalisés depuis 2008 en matière de financement des OPEX. Celui-ci repose non plus sur des ponctions sur les crédits d’équipement – la « cannibalisation » qu’ont évoquée certains orateurs –, mais sur des crédits budgétaires. En 2011, nous continuerons à augmenter la provision pour OPEX, qui s’élèvera à 630 millions d’euros, contre 570 millions d’euros en 2010. Si les surcoûts liés aux OPEX sont stabilisés, en 2011, à leur niveau de cette année, soit 870 millions d’euros, la dépense sera financée à plus de 70% en loi de finances initiale. Comme en 2009 et en 2010, le solde sera financé sur la réserve de précaution interministérielle. Vous aurez remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, que le projet de loi de finances rectificative pour 2010 procède aux ouvertures de crédits nécessaires, à hauteur de 247 millions d’euros.
Je voudrais maintenant répondre aux questions posées par de nombreux intervenants sur l’évolution du théâtre afghan. Certains ont parlé de « piège », et il est vrai que la situation est extraordinairement difficile.
Il n’est pas dans notre intérêt que l’Afghanistan reste ou devienne chaque jour davantage un foyer de terrorisme intégriste. Par conséquent, nous défendons nos intérêts en intervenant dans ce pays, qui est l’une des bases principales de cette forme de terrorisme, mais également des valeurs, comme l’égalité entre les hommes et les femmes. Nous sommes présents en Afghanistan à la demande d’un gouvernement qui est issu d’élections démocratiques, même si leur transparence peut être discutée, et qui promeut lui aussi de telles valeurs.
Je ne partage pas le pessimisme de ceux d’entre vous qui estiment que la situation ne cesse de se dégrader. Lors du sommet de Lisbonne, le général Petraeus a affirmé que l’on constate des progrès, notamment en matière de sécurité. Le Président Karzaï a lui-même fait remarquer que Kaboul compte parmi les zones urbaines les plus sûres de la région, …
… même si d’énormes difficultés subsistent dans d’autres territoires afghans.
Des progrès sont également accomplis grâce à l’aide au développement. En Afghanistan, on construit des routes, des écoles, des hôpitaux.
On relève même une progression sur la voie de la réconciliation, nous a confié le Président Karzaï, grâce à la récente mise en place d’un conseil de la paix.
Il est le Président de l’Afghanistan, et nous travaillons avec lui !
En 2011 doit commencer la transition, c’est-à-dire non pas un retrait immédiat et massif de la Force internationale d’assistance à la sécurité, mais un transfert de la responsabilité du maintien de la sécurité aux troupes afghanes, dont la formation a fait l’objet d’un effort considérable. Dans ce domaine, la France est particulièrement performante. Le concours de nos formateurs est très apprécié, comme me l’a confirmé le général Petraeus dimanche dernier.
Dans l’une des zones que la France sécurise, le district de Surobi, nous avons marqué des points, ce qui nous permettra vraisemblablement de redéployer, selon un calendrier à déterminer, notre dispositif militaire sur le reste de la région de la Kapisa, où de nombreux problèmes de sécurité subsistent.
Tel est le processus qui a été engagé. Je ne pense donc pas que l’on puisse dire qu’aucune stratégie n’est suivie en Afghanistan : même si les choses ne sont pas faciles, des objectifs précis ont été définis. L’échéance a été fixée à 2014, cependant il ne s’agit pas de « couper les ponts » à cette date. L’établissement d’un partenariat de longue durée entre l’Afghanistan et l’OTAN sera nécessaire pour stabiliser le pays.
Je voudrais exprimer la reconnaissance de la nation à nos soldats présents en Afghanistan, qui font preuve d’un courage admirable.
Applaudissements.
Avant-hier, je me suis rendu à l’hôpital militaire Percy, au chevet de soldats blessés. Ces jeunes hommes, dont certains ont été très gravement touchés, m’ont impressionné et ému. Ils font honneur à la France.
À ce propos, je remercie M. Trucy d’avoir souligné les efforts déployés par le service de santé des armées sur les différents théâtres d’opérations pour assurer des soins de très grande qualité dans des conditions fort difficiles.
Sur le terrain, et au-delà des seules OPEX, nous percevons aussi très concrètement les effets des livraisons de matériels majeurs. Je ne reprendrai pas l’énumération des matériels commandés et livrés, afin de m’attacher à répondre à vos questions.
MM. Pintat et Gautier, notamment, ont évoqué les drones MALE, sujet qu’ils suivent avec assiduité depuis plusieurs mois. Je convoquerai très prochainement un comité ministériel d’investissement, afin d’instruire une décision entre la prolongation du système actuel Harfang ou l’achat d’un système américain de type Predator.
Monsieur Reiner, il est exact que la rénovation des Mirage 2000-D se trouve retardée par l’accélération des livraisons de Rafale, elle-même provoquée par le report de la signature de certains contrats à l’exportation. Toutefois, cette rénovation n’est en aucun cas annulée. Le format de l’aviation de combat fait l’objet d’un suivi tout particulier. Je rappelle que nous prévoyons la livraison de 203 Rafale à l’horizon 2020, 93 appareils ayant déjà été livrés.
S’agissant du lance-roquettes unitaire, évoqué par M. Chevènement, il est effectivement envisagé de retarder les livraisons, mais j’étudierai ce dossier dans le cadre des travaux préparatoires du prochain conseil de défense et de sécurité nationale.
Nous assumons aussi la préparation de l’avenir à moyen terme, comme le montre le maintien des flux d’études amont à un volume de 700 millions d’euros par an. Je remercie M. Boulaud d’avoir reconnu cet effort, qui sera complété, pour un montant de 2 milliards d'euros, par des crédits du grand emprunt, sujet qui m’est particulièrement cher, au titre de la recherche duale portant sur les lanceurs, l’avion et l’hélicoptère du futur.
Ce souci de préparer l’avenir se manifeste également au travers des programmes spatiaux, avec le lancement de la réalisation du projet MUSIS et la commande de deux satellites optiques, afin d’assurer la continuité au terme de la vie du satellite Hélios 2B, lancé l’année dernière. Le décalage envisagé du lancement du satellite d’écoute électromagnétique CERES ne conduit pas, à proprement parler, à un « trou capacitaire », monsieur Pintat, dans la mesure où nous ne disposons pas actuellement de ce type d’équipement, les démonstrateurs permettant justement de préparer l’acquisition du système définitif.
La modernisation des forces terrestres avec le programme Scorpion, dont le contrat d’architecture vient d’être notifié, nous permettra d’optimiser les choix techniques en vue des livraisons des futurs équipements, notamment des véhicules blindés multirôles, ou VBMR, qui remplaceront les actuels véhicules de l’avant blindé, ou VAB.
Cet effort récent d’équipement sans précédent ne peut se faire que grâce aux économies dégagées sur le reste des dépenses et à la bonne exécution de la réforme du ministère.
Nous poursuivons notre politique de maîtrise de la masse salariale grâce aux réductions d’effectifs. Nous prévoyons ainsi de réduire la masse salariale de l’ordre de 200 millions à 250 millions d’euros par an sur les années 2011 à 2013.
Messieurs Charles Guené et Jean-Pierre Masseret, je vous rassure, il n’y a pas de cannibalisation des dépenses d’équipement au profit du fonctionnement et de la masse salariale. C’est bien le phénomène inverse que nous recherchons.
M. Jean Arthuis a fait part de son questionnement sur les ouvertures de crédits demandées dans le décret d’avances qui est soumis à votre commission des finances, à hauteur de 200 millions d’euros, hors opérations extérieures, ou OPEX.
L’analyse précise de ce dépassement et de ce déficit de masse salariale fait apparaître qu’un certain nombre de facteurs sont difficilement maîtrisables par notre ministère. Je pense, en particulier, à tout ce qui concerne l’augmentation de l’indemnisation du chômage des anciens militaires, soit 44 millions d’euros, et au coût de la réintégration dans l’OTAN, soit une vingtaine de millions d’euros.
Ce n’est pas le chiffre qui a été avancé par beaucoup d’entre vous !
Je pense également à la part du point de la fonction publique non budgété, pour 14 millions d’euros, ainsi qu’à l’accompagnement des restructurations, pour une quarantaine de millions d’euros, qui avait sans doute été sous-estimé.
On m’indique également une augmentation des indemnités opérationnelles et des effets de structure, pour 60 millions d’euros.
Je vous communiquerai, monsieur le président de la commission, l’ensemble de ces chiffres de façon très précise, si vous le souhaitez. En tout cas, on ne saurait parler de dérapage des enveloppes catégorielles de notre ministère.
Monsieur Dulait, vous êtes très sensible à la fidélisation des contractuels de l’armée de terre. Je veux vous préciser que nous avons prévu deux dispositifs pour améliorer cette fidélisation : d’une part, la création de centres de formation initiale des nouveaux personnels recrutés, pour mieux les intégrer dans le dispositif de la défense nationale, et, d’autre part, la création d’une prime d’engagement, prévue dans le projet de loi de finances pour 2011.
M. Jean-Louis Carrère se souciait des capacités d’entraînement. Or, les 105 jours qu’il a évoqués, au lieu des 120 jours initialement prévus, correspondent très exactement à ce qui a été réalisé en 2010. Il n’y a donc pas de régression par rapport au niveau d’entraînement actuel.
Je rappelle, par ailleurs, que l’ampleur de la réforme que nous menons impose un effort considérable d’adaptation de l’ensemble du personnel civil et militaire du ministère, qui bénéficie de la moitié des économies générées par les suppressions d’emplois, conformément à la règle générale applicable à l’ensemble des ministères.
Nous maîtrisons également nos dépenses de fonctionnement à un niveau de 3, 5 milliards d’euros par an, alors que nous subissons des tendances inflationnistes dans ce domaine, ne serait-ce que celles des carburants ou de la politique tarifaire de la SNCF, qui nous coûte cher. Cette stabilisation en valeur passe donc par une réduction de 10 % en trois ans de nos autres dépenses de fonctionnement, comparables à celles des autres ministères, grâce notamment à notre politique d’achats.
Nous allons devoir œuvrer dans un paysage complètement nouveau, avec la généralisation des bases de défense au niveau local et avec la mise en place de la chaîne interarmées du soutien et des centres de services partagés au niveau régional.
Le personnel du ministère est donc soumis à de fortes tensions, mais je sais pouvoir compter sur son professionnalisme et sa réactivité.
Nous faisons le maximum pour l’accompagnement social des restructurations, que ce soit au titre des aides aux départs ou des aides à la mobilité. Le plan d’accompagnement des restructurations, ou PAR, s’élèvera ainsi à 238 millions d’euros pour 2011, dont 58 millions d’euros de mesures nouvelles.
L’année 2011 sera celle de la signature du contrat de partenariat pour le regroupement des états-majors et de l’administration centrale à Balard, sujet sur lequel j’ai fait une communication lors du premier conseil des ministres du nouveau gouvernement, le 17 novembre dernier.
Je veux rassurer ceux qui s’inquiétaient de la bonne fin de ce projet : le dialogue compétitif est en cours et les offres définitives devraient nous être soumises au mois de janvier, pour permettre un choix entre les différents groupements qui sont en concurrence.
Ce projet nous permettra de gagner environ 2 000 postes au titre des rationalisations fonctionnelles et de l’externalisation du soutien. Il nous permettra aussi de bénéficier du produit de cession des emprises actuelles, pour l’essentiel désormais programmé sur l’année 2013, pour un montant compris entre 600 millions et 700 millions d’euros.
Un montant de 900 millions d’euros d’autorisations d’engagement est inscrit à ce titre dans le projet de loi de finances, afin d’autoriser la signature du contrat de réalisation de l’opération Balard au printemps 2011.
Voilà, mesdames et messieurs les sénateurs, quelques éléments de réponse. Je n’ai sans doute pas été exhaustif, mais vous mettrez cela sur le compte de mon apprentissage de ce dossier que je découvre ! §
Aujourd’hui, nous parlons de l’année 2011. Vous serez sans doute frustrés que je n’aie pas parlé de 2012, 2013 et 2014. J’ai parfaitement conscience de la difficulté de ces échéances. Mais à chaque jour suffit sa peine !
Je remercie les différents orateurs de leurs interventions et la majorité sénatoriale de son soutien. Les échéances que j’ai rappelées tout à l’heure seront difficiles. Je compte mettre toute mon énergie pour faire en sorte que la défense de la France puisse disposer des moyens dont elle a besoin pour défendre nos intérêts et nos valeurs.
J’espère pouvoir compter sur la majorité sénatoriale et, pourquoi pas, sur un peu plus que la majorité sénatoriale, pour défendre ces intérêts !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.
en euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Défense
Environnement et prospective de la politique de défense
Dont titre 2
569 087 651
569 087 651
Préparation et emploi des forces
Dont titre 2
15 491 300 987
15 491 300 987
Soutien de la politique de la défense
Dont titre 2
1 031 717 235
1 031 717 235
Équipement des forces
Dont titre 2
1 869 692 673
1 869 692 673
Je mets aux voix les crédits de la mission « Défense ».
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Ces crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion l’article 69 et l’amendement portant article additionnel après l’article 69, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Défense ».
Défense
I. – Au titre II du livre II de la cinquième partie du code de la défense, il est inséré un chapitre unique intitulé : « Responsabilité des trésoriers militaires » et comprenant un article L. 5521-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5221 -1. – I. – Le trésorier et le sous-trésorier militaires sont personnellement et pécuniairement responsables :
« 1° De l’encaissement des recettes qui leur incombent et du décaissement des dépenses dont ils ont la charge ;
« 2° De la garde et de la conservation des fonds et valeurs qui leur sont confiés, du maniement des fonds et des mouvements de compte de disponibilité ;
« 3° De la tenue de la comptabilité des opérations, de la conservation des pièces justificatives ainsi que des documents de comptabilité.
« II. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »
II. – L’article 127 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est abrogé. –
Adopté.
L'amendement n° II-169, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 69, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2011, les dispositions de l'article L. 83 du code des pensions civiles et militaires de retraite bénéficiant aux marins-pompiers de Marseille ayant fait valider leurs droits à la retraite à compter du 13 août 2004 s'appliquent également aux marins-pompiers de Marseille ayant fait valider leurs droits à retraite avant cette même date, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'État.
La parole est à M. le ministre d'État.
En 2004, le Gouvernement a étendu aux marins-pompiers de Marseille le bénéfice du supplément de pension déjà en vigueur pour les sapeurs-pompiers de Paris et les pompiers civils.
Le décret d’application de 2005 limite toutefois cette mesure aux pensions de retraite liquidées à compter du 14 août 2004, date d’entrée en vigueur de la loi. Depuis 2009, la représentation nationale a déposé et adopté des amendements relatifs à la situation des marins-pompiers de Marseille.
Vous souhaitiez mettre fin à l’iniquité de la situation, non seulement entre les sapeurs-pompiers de Paris et ceux de Marseille, mais aussi entre les marins-pompiers de Marseille, selon leur date de départ à la retraite.
L’amendement que le Gouvernement propose vise à mettre fin à cette situation, en étendant le bénéfice du supplément de pension aux marins-pompiers ayant pris leur retraite avant le 14 août 2004. Pour cela, l’amendement que je vous soumets tend à modifier les dispositions de l’article L. 83 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
M. François Trucy, rapporteur spécial. Les nuits portent toujours conseil, et c’est probablement ce qui explique que l’amendement du Gouvernement nous soit parvenu au petit matin.
Sourires.
Cet amendement n’a donc pu être soumis à la commission des finances. C’est pourquoi seul l’avis des rapporteurs sera exprimé, soit un avis favorable.
M. Jean-Noël Guérini, notre collègue des Bouches-du-Rhône, est intervenu pour nous expliquer tout le bien qu’il pensait de cette disposition.
En conséquence, le groupe socialiste s’associera au vote de cet amendement.
Ah ! sur les travées de l ’ UMP.
J’avais le souci, comme l’a dit M. Daniel Reiner, et je l’en remercie, que le traitement des marins-pompiers et celui des marins professionnels civils soient cohérents.
Je me réjouis que le Gouvernement ait présenté cet amendement, que je voterai avec une très grande satisfaction.
L'amendement est adopté à l’unanimité des présents.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 69.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Défense ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures quarante-cinq.